Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 6 novembre 2019, 18-23.913, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 12 septembre 2018), que R... C... est décédé le [...] ; que son épouse, F... S..., avec laquelle il était marié sous le régime de la communauté, sous tutelle depuis 2008, est décédée le [...], laissant pour lui succéder ses deux enfants, K... et P... (les consorts C...) ; que ceux-ci ont assigné l'association La ligue nationale contre le cancer (l'association) en annulation d'une donation consentie par leur père ;

Sur le premier moyen :

Attendu que l'association fait grief à l'arrêt de dire que l'action des consorts C... venant aux droits de leur mère décédée, F... S..., est recevable, et en conséquence, de déclarer la donation de 50 000 euros qui lui a été consentie le 3 novembre 2013 par R... C... nulle et de nul effet, et de la condamner au remboursement de la somme de 50 000 euros assortie des intérêts au taux légal à compter de la donation, avec capitalisation, alors, selon le moyen, qu'en décidant que les consorts C..., ès qualités d'héritiers du donateur et de son conjoint, pourraient agir en lieu et place de F... S..., conjoint auquel l'action en nullité était réservée, la cour d'appel a violé l'article 1427 du code civil par fausse interprétation, ensemble l'article 724 du code civil par fausse application ;

Mais attendu que l'action en nullité relative de l'acte que l'article 1427 du code civil ouvre au conjoint de l'époux qui a outrepassé ses pouvoirs sur les biens communs, est, en raison de son caractère patrimonial, transmise, après son décès, à ses ayants cause universels ; que la cour d'appel en a exactement déduit que les consorts C..., en leur qualité d'héritiers de leur mère, F... S..., avaient qualité à agir, de sorte que leur action était recevable ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen :

Attendu que l'association fait grief à l'arrêt de déclarer la donation de 50 000 euros qui lui a été consentie le 3 novembre 2013 par R... C... nulle et de nul effet et de la condamner au remboursement de la somme de 50 000 euros assortie des intérêts au taux légal à compter de la donation, avec capitalisation, alors, selon le moyen :

1°/ qu'en déclarant nulle et de nul effet cette donation, sans expliquer en quoi R... C... aurait outrepassé ses pouvoirs sur les biens de la communauté au regard du patrimoine des époux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1427 du code civil ;

2°/ qu'en déclarant nulle et de nul effet cette donation, sans s'expliquer sur le droit pour R... C... de disposer librement de ses gains et salaires après avoir régulièrement acquitté sa contribution aux charges du mariage par la voie du versement de la pension alimentaire au profit de son épouse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 223 et 1427 du code civil ;

Mais attendu que, selon l'article 1422 du code civil, les époux ne peuvent, l'un sans l'autre, disposer entre vifs, à titre gratuit, des biens de la communauté ; qu'après avoir justement énoncé qu'en application de l'article 1427 du même code, si l'un des époux a outrepassé ses pouvoirs sur les biens communs, l'autre, à moins qu'il n'ait ratifié l'acte, peut en demander l'annulation, et que la présomption de communauté résultant de l'article 1402 dudit code est opposable aux tiers, l'arrêt constate que R... C... a, le 3 novembre 2013, fait donation à l'association de la somme de 50 000 euros sans l'accord de son épouse représentée par son tuteur, et que l'association ne rapporte pas la preuve que les deniers objet de la donation étaient des biens propres du donateur ; qu'en l'état de ces énonciations et constatations, dont elle a déduit qu'au regard du montant de la libéralité et du régime matrimonial des époux, R... C... avait outrepassé ses pouvoirs sur les biens communs et que la donation devait être annulée, la cour d'appel, qui n'avait pas à s'expliquer sur l'allégation de libre disposition, par R... C..., de ses gains et salaires, qui n'était assortie d'aucune offre de preuve, a légalement justifié sa décision de ce chef ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne l'association La ligue nationale contre le cancer aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à M. C... et Mme C... la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six novembre deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Marc Lévis, avocat aux Conseils, pour l'association La Ligue nationale contre le cancer

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que l'action de Madame K... C... et Monsieur P... C... venant aux droits de leur mère décédée, Madame F... S... veuve C..., est recevable, et d'AVOIR en conséquence déclaré la donation de 50 000 euros consentie le 3 novembre 2013 par Monsieur R... C... à la ligue nationale contre le cancer nulle et de nul effet et condamné la ligue nationale contre le cancer au remboursement de la somme de 50 000 euros assortie des intérêts au taux légal à dater de la donation, avec capitalisation pour les intérêts échus depuis plus d'un an ;

AUX MOTIFS QU'en vertu de l'article 1427 du code civil, si l'un des époux a outrepassé ses pouvoirs sur les biens communs, l'autre, à moins qu'il n'ait ratifié l'acte, peut en demander l'annulation. L'action en nullité est ouverte au conjoint pendant deux années à partir du jour où il a eu connaissance de l'acte, sans pouvoir jamais être intentée plus de deux ans après la dissolution de la communauté. L'action en nullité prévue par l'article 1427 du code civil est réservée au conjoint victime de l'auteur de l'acte, et en cas de décès, aux héritiers, lesquels agissent dans l'intérêt de sa succession. En l'espèce, la donation a été consentie par Monsieur R... C..., du vivant de son épouse, Madame F... S... C..., laquelle était sous tutelle. L'existence de cette donation n'a manifestement été révélée qu'au moment de l'ouverture de la succession du donateur. La communauté des époux C... s'est dissolue en 2014, au moment du décès de l'époux, suivi de peu par celui de l'épouse. Or l'action des ayant-droits date du 9 avril 2015. En conséquence, l'action des appelants, ayant qualité à agir, est recevable et conforme aux conditions de l'article 1427 du code civil.

ALORS QU'en décidant que les consorts C..., ès qualité d'héritiers du donateur et de son conjoint, pourraient agir en lieu et place Madame F... S... veuve C..., conjoint auquel l'action en nullité était réservée la cour d'appel a violé l'article 1427 du code civil par fausse interprétation ensemble l'article 724 du code civil par fausse application;

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré la donation de 50 000 euros consentie le 3 novembre 2013 par Monsieur R... C... à la ligue nationale contre le cancer nulle et de nul effet et d'AVOIR condamné la ligue nationale contre le cancer au remboursement de la somme de 50 000 euros assortie des intérêts au taux légal à dater de la donation, avec capitalisation pour les intérêts échus depuis plus d'un an ;

AUX MOTIFS QUE au regard de la somme concernée par la donation et du régime matrimonial des époux C..., il est établi que Monsieur R... C... a outrepassé ses pouvoirs sur les biens communs :

1°/ ALORS QU'en déclarant nulle et de nul effet la donation consentie par Monsieur R... C... à la ligue contre le cancer le 3 novembre 2013, sans expliquer en quoi Monsieur R... C... aurait outrepassé ses pouvoirs sur les biens de la communauté au regard du patrimoine des époux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1427 du code civil ;

2°/ ALORS QU'en déclarant nulle et de nul effet la donation consentie par Monsieur R... C... à la ligue contre le cancer, sans s'expliquer sur le droit pour Monsieur C... de disposer librement de ses gains et salaires après avoir régulièrement acquitté sa contribution aux charges du mariage par la voie du versement de la pension alimentaire au profit de son épouse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 223 et 1427 du code civil. ECLI:FR:CCASS:2019:C100924
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