Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 16 octobre 2019, 18-15.418, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Dextre primo intérim (la société Dextre) exploite une agence d'intérim ; que, reprochant à la société MC Intérim 3 (la société MC) d'avoir embauché un de ses anciens salariés, dont le contrat de travail comportait une clause de non-concurrence, pour exercer la même activité dans l'agence qu'elle venait de créer dans le même secteur, la société Dextre l'a assignée en paiement de dommages-intérêts pour concurrence déloyale ;

Attendu que pour rejeter la demande de la société Dextre, l'arrêt, après avoir constaté que la société MC avait recruté l'ancien salarié de la société Dextre en connaissance de l'existence et des termes de la clause de non-concurrence le liant à son ancien employeur, retient que, si le débauchage de celui-ci est avéré, il doit, pour être déclaré fautif, être assorti de manoeuvres frauduleuses destinées à connaître les méthodes commerciales de la société Dextre, de manière illégitime, dans le but de la désorganiser, lesquelles ne sont pas démontrées ;

Qu'en statuant ainsi, alors que commet une faute délictuelle celui qui, sciemment, recrute un salarié en pleine connaissance de l'obligation de non-concurrence souscrite par ce dernier au bénéfice de son ancien employeur, sans qu'il soit nécessaire d'établir à son encontre l'existence des manoeuvres déloyales, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 février 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;

Condamne la société MC Intérim 3 aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société Dextre primo intérim la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du seize octobre deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par Me Balat, avocat aux Conseils, pour la société Dextre primo intérim


Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté la société Dextre Primo Intérim de sa demande de dommages et intérêts dirigée contre la société MC Intérim 3 pour concurrence déloyale, ainsi que de l'ensemble de ses demandes subséquentes ;

AUX MOTIFS QUE, s'il est constant que le présent litige n'a pas pour objet de statuer sur la validité de la clause constituant l'article 16 du contrat de travail ayant lié la société Dextre Primo Intérim à M. U..., les juridictions prud'homales disposant en effet d'une compétence exclusive pour apprécier la validité d'une clause de non-concurrence, et une telle nullité, relative, ne pouvant en outre être soulevée que par le salarié concerné, il s'avère cependant nécessaire, préalablement à l'examen de l'action en responsabilité délictuelle exercée par la société Dextre Primo Intérim à l'encontre de la société MC Intérim 3, de rappeler le contenu de cette clause, le débauchage illégitime de M. U... étant en effet l'élément constitutif majeur de la concurrence déloyale dont se plaint la société Dextre Primo Intérim, le débauchage de clientèle n'étant ainsi développé par cette dernière qu'à titre de corollaire de ce débauchage de salarié ; que l'article 16 du contrat de travail, intitulé « clause de non-concurrence », est rédigé comme suit : « Compte tenu de la nature commerciale des fonctions de M. L... U... et des informations confidentielles dont il dispose, M. L... U... s'engage, en cas de rupture du contrat de travail : - à ne pas entrer au service d'une société concurrente ; - à ne pas s'intéresser directement ou indirectement à tout commerce ou autres activités pouvant concurrencer l'activité de la Société Dextre Primo Intérim. Cette interdiction de concurrence est applicable pour une durée de un an à compter de la cessation du contrat de travail conformément à la convention collective. Elle s'applique à compter du jour de départ de M. L... U... de la Société Dextre Primo. Elle est limitée au département Meurthe et Moselle, Moselle, Vosges. En contrepartie de cette obligation de non-concurrence, M. L... U... percevra, après son départ effectif de la société Dextre-Primo une indemnité spéciale forfaitaire dans les conditions prévues à l'article 7.4 de la convention collective, à savoir un montant mensuel de 20 % calculé sur la moyenne de la rémunération des trois derniers mois de présence. Cette contrepartie financière n'est pas due en cas de démission. Cette indemnité n'est susceptible d'aucune révision quant à son montant. (
) » ; que si, ainsi qu'exposé ci-avant, la question de la validité ou non d'une telle clause ne constitue pas l'objet du présent litige, il n'est toutefois pas indifférent de relever que la société MC Intérim 3 a bien eu connaissance de son existence, la société Dextre Primo Intérim versant ainsi aux débats la preuve d'un courriel en reproduisant les termes, qui a été adressé par M. U... à son futur employeur dès le 6 mai 2014, soit près de cinq mois avant son recrutement ; que, par ailleurs, s'il n'est pas douteux que par principe, les salariés peuvent décider librement de changer d'emploi et de quitter leur ancien employeur, même pour exercer un emploi similaire chez un concurrent, il est également admis que lorsque l'exercice de cette liberté est susceptible de se heurter aux intérêts légitimes de l'employeur, notamment, ce qui est le cas en l'espèce, quand l'accès d'un salarié à certaines informations économiques et commerciales, représentent des risques pour l'ancien employeur, celui-ci puisse porter atteinte à la liberté du travail par l'inclusion, dans le contrat de travail du salarié concerné, d'une clause de non-concurrence ; que ces deux préalables ayant été rappelés, il convient donc de constater qu'en dépit de la clause de non-concurrence susceptible d'être opposée par l'ancien employeur à M. U..., la société MC Intérim 3 a accepté néanmoins de recruter ce salarié, la société Dextre Primo Intérim établissant ainsi que M. U... lui a présenté sa démission à effet du 6 juillet 2014, pour être embauché le 1er octobre 2014 en qualité de responsable de l'agence MC Intérim sise à [...], l'intéressé ayant au préalable été employé à effet du 15 juillet 2014 par la société ICS Travail Temporaire, entité juridique située dans les mêmes locaux que ceux occupés par le siège social de la société MC Intérim 3, soit à [...] ; que le débauchage de salarié déploré par la société intimée est en conséquence avéré, mais qu'il ne peut pour autant être déclaré fautif que s'il est accompagné de manoeuvres frauduleuses ayant pour but de connaître, de manière illégitime et dans le but de désorganiser l'entreprise cible, les méthodes commerciales de la société concurrente Dextre Primo Intérim ; qu'en l'espèce, certes la société Dextre Primo Intérim rapporte la preuve de nombreux appels téléphoniques et de cinq utilisations du service de messagerie multimédia (MMS) émis à l'initiative de M. U..., entre le 22 avril et le 7 juillet 2014, soit avant la démission du salarié, à destination de M. E... G..., gérant de la société MC Intérim 3 ; que, toutefois, ces éléments ne suffisent pas à démontrer d'éventuelles manoeuvres commises par le nouvel employeur pour débaucher de manière illicite M. U..., le fait pour un salarié de rechercher un autre emploi, alors même que le contrat de travail le liant à son ancien employeur est toujours en cours, ne pouvant en effet, en soi, caractériser de telles manoeuvres de la part du nouvel employeur ; que, s'agissant par ailleurs du détournement de documents imputé à M. U... et dont il est prétendu par l'intimée qu'il aurait été effectué pour le compte de son nouvel employeur, la lecture tant du constat rédigé le 20 octobre 2014 à [...] par Maître B..., huissier de justice, que du constat rédigé à la même date à [...] par son confrère Maître X..., ne permet nullement de constater la présence, à cette date, dans les locaux de la société MC Intérim 3, de documents ayant appartenu à la société Dextre Primo Intérim, la cour observant sur ce point, d'une part, que les ordonnances présidentielles autorisant ces procès-verbaux de constat donnaient pour seule mission à ces auxiliaires de justice de vérifier si les ordinateurs utilisés par la partie requise comportaient, à compter du 1er mai 2014 : - des mels échangés entre M. U... et/ou les entreprises clientes et/ou les intérimaires de Dextre Primo Intérim, dont les noms sont récapitulés sur les pièces n° 11 & 12 ci-annexées, - des dossiers, courriers, contrats, fichiers, factures... impliquant les mêmes entreprises clientes et intérimaires de Dextre Primo Intérim, d'autre part, que, contrairement à ce qui est affirmé en nota bene au bas de la page 9 des conclusions de la société Dextre Primo Intérim, aucun modèle de proposition commerciale détourné par M. U... et retrouvé lors du constat de Maître X... n'est annexé audit constat (pièce n° 16 de l'intimée), les seuls documents figurant en annexe et mentionnés, en tant que tels, à l'antépénultième paragraphe situé page 17 dudit constat, étant en effet limités à quinze copies de déclarations d'embauche sur le site de l'Urssaf ; que, de la même manière, la lecture de la sommation interpellative adressée le 26 mai 2015 par Maître O... N..., huissier de justice, à Mme Z... D..., salariée de la société Dextre Primo Intérim jusqu'au 14 novembre 2014, en qualité d'assistante de M. U... pour l'agence de [...], n'emporte pas la conviction de la cour sur la réalité de documents appartenant à la société Dextre Primo Intérim, détournés illicitement par le susnommé ; qu'en effet, si Mme D... a déclaré : « M. U... avait la liste de tous les intérimaires de Dextre Primo Intérim. Il avait des modèles de formulaires à en-tête de Dextre Primo Intérim. Il s'en servait pour contacter ses intérimaires qu'il embauchait au nom de MC Intérim 3 », et précisé sur interpellation de l'huissier : « j'ai travaillé sur l'ensemble des formulaires de Dextre Primo Intérim pour les adapter à l'en-tête de MC Intérim 3, et j'utilisais les listes d'intérimaires de Dextre Primo Intérim pour les joindre », force est de constater qu'en dépit de la réponse de l'intéressée à la question n° 5, déclaration selon laquelle « tous les documents : listing de noms et formulaires sont en ma possession à mon domicile », l'huissier n'a cependant pas cru devoir réclamer à Mme D... les documents dont s'agit, de sorte que les déclarations de cette dernière resteront au stade de l'allégation ; que, au surplus, à supposer établie l'utilisation par M. U... de modèles de documents ayant appartenu à son ancien employeur, et ce dans le but d'établir ses propres documents, aucun acte de parasitisme ne peut valablement être reproché à la société MC Intérim 3 en l'absence de démonstration par la société Dextre Primo Intérim de l'originalité de tels documents, de leur spécificité et d'un savoir-faire qui lui est propre, la cour relevant à cet égard, d'une part, que les documents commerciaux utilisés par les agences d'intérim sont en tout état de cause soumis à des mentions légales obligatoires, d'autre part, qu'il ne peut pas raisonnablement être fait grief à M. U... d'avoir utilisé les compétences acquises au sein de son ancienne entreprise pour élaborer ses propres documents tels que des offres commerciales, étant observé de surcroît que la présentation desdits document n'engendre à l'évidence aucun risque de confusion auprès de la clientèle ; qu'en outre, la société Dextre Primo Intérim ne saurait davantage se prévaloir de la clause figurant à l'article 14 du contrat de travail l'ayant liée à M. U..., pour reprocher à ce dernier, et par ricochet au nouvel employeur, le détournement de documents ayant appartenu à son ancien employeur ; qu'en effet, l'article 14 du contrat, intitulé « Confidentialité-secret professionnel » stipule que « le salarié s'engage formellement à ne divulguer à qui que ce soit, tant pendant l'exécution du présent contrat qu'après sa fin pour quelque cause que ce soit, aucune indication notamment sur l'organisation, les méthodes de travail, les projets la politique commerciale de la Société, de la clientèle et des intérimaires, qu'il pourrait recueillir à l'occasion de ses fonctions, au sein de l'entreprise et auprès de la clientèle » ; qu'outre le fait que la clause dite de confidentialité a normalement pour vocation l'interdiction de divulguer des informations confidentielles, qu'elle ne concerne qu'un programme bien spécifique et ne doit enfin pas être confondue avec l'obligation générale de loyauté à laquelle le salarié est également soumis, pendant l'exécution de son contrat de travail, les dispositions de l'article précité font manifestement partiellement double emploi avec l'article 16 relatif à la clause de non concurrence en ce que, si elles mettent légitimement à la charge du salarié une telle obligation de confidentialité pendant l'exécution du contrat de travail, elles entendent également maintenir ladite obligation « après sa fin pour quelque cause que ce soit » ; qu'en considération de sa trop grande généralité, l'article 14 du contrat de travail ne peut donc pas être mis en oeuvre à l'encontre de M. U..., ni, a fortiori, à l'encontre de son nouvel employeur ; que, s'agissant du grief pris de la captation de la clientèle de l'ancien employeur, certes les constats d'huissiers évoqués précédemment établissent que sur l'agence de [...], la société MC Intérim 3 a employé vingt-quatre intérimaires de la société Dextre Primo Intérim entre le 29 juillet et le 30 septembre 2014 et a contracté avec quinze entreprises clientes de cette dernière en septembre 2014, la majeure partie des clients de l'agence de [...] de la société MC Intérim 3 étant en outre des clients de l'ancien employeur de M. U... ; que, toutefois, en l'absence de preuve tangible apportée par l'intimée d'une quelconque déloyauté commise par la société MC Intérim 3 dans l'exercice de son activité commerciale, ou d'une volonté de cette dernière de désorganiser la société Dextre Primo, ni le simple démarchage de la clientèle d'un concurrent, ni même le dessein de la société MC Intérim 3 de créer, ex nihilo, une agence d'intérim à [...], ne peuvent être considérés comme illicites, la cour rappelant à cet égard que la liberté du commerce et de l'industrie constitue un principe fondamental de notre droit français, consacré par le décret d'Allarde des 2 et 17 mars 1791 ; qu'il résulte en définitive de l'ensemble des développements qui précèdent que la société Dextre Primo Intérim ne rapporte aucunement la preuve d'une faute commise par la société concurrente MC Intérim 3, susceptible de constituer le fait générateur de la responsabilité civile délictuelle ; que le jugement doit en conséquence être infirmé en ce qu'après avoir jugé que le débauchage par la société MC Intérim 3 de M. U... et la captation ultérieure d'une partie de la clientèle de la société Dextre Primo Intérim, constituent des actes de concurrence déloyale, il a fait droit à l'ensemble des demandes formées par la société Dextre Primo Intérim ;

ALORS, EN PREMIER LIEU, QUE toute personne qui emploie sciemment un salarié en violation d'une clause de non-concurrence, dont la licéité n'est pas contestée, commet une faute délictuelle à l'égard de la victime de l'infraction, sans qu'il soit besoin d'établir à son encontre l'existence de manoeuvres dolosives ; que, pour débouter la société Dextre Primo Intérim de ses demandes, la cour d'appel a retenu que le débauchage avéré de M. U... par la société MC Intérim 3 ne pourrait être déclaré fautif que s'il s'était accompagné de manoeuvres frauduleuses visant à connaître les méthodes commerciales de la société Dextre Primo Intérim, de manière illégitime et dans le but de la désorganiser ; qu'en se déterminant ainsi, tout en relevant que la société MC Intérim 3 avait employé M. U... en connaissance de l'existence et du libellé de la clause de non-concurrence qui liait ce dernier à son ancien employeur, en sorte que sa faute délictuelle était constituée à l'égard de la société Dextre Primo Intérim indépendamment de toute manoeuvre dolosive établie à son encontre, elle a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;

ALORS, EN DEUXIEME LIEU, QU'en tout état de cause, constitue un acte de concurrence déloyale le débauchage du personnel d'une société entraînant la désorganisation de celle-ci ; que, pour débouter la société Dextre Primo Intérim de ses demandes, la cour d'appel a retenu que le débauchage de M. U... par la société MC Intérim 3 ne pourrait être déclaré fautif que s'il était accompagné de manoeuvres frauduleuses visant à connaître les méthodes commerciales de la société Dextre Primo Intérim, de manière illégitime et dans le but de la désorganiser, ce qu'aucun élément versé aux débats n'établirait d'une manière tangible ; qu'en se déterminant par ces seuls motifs, sans rechercher, comme elle y était invitée (conclusions récapitulatives d'appel de l'exposante, pp. 5 et 8), si l'embauche non contestée de M. U... par la société MC Intérim 3 n'avait pas eu pour effet de désorganiser la société Dextre Primo Intérim, elle a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;

ALORS, EN TROISIEME LIEU, QU' au demeurant, constitue un acte de concurrence déloyale le débauchage du personnel d'une société entraînant la désorganisation de celle-ci ; que, pour débouter la société Dextre Primo Intérim de ses demandes, la cour d'appel a retenu qu'il n'était établi, ni que le débauchage non contesté de M. U... par la société MC Intérim 3 s'était accompagné de manoeuvres frauduleuses, ni que le déplacement avéré de la clientèle de la société Dextre Primo Intérim vers la société MC Intérim 3 avait pour origine un comportement fautif de M. U... et de son nouvel employeur ; qu'en statuant ainsi, après avoir relevé que la société MC Intérim 3, exerçant la même activité que la société Dextre Primo Intérim, avait créé ex nihilo une nouvelle agence d'intérim dans une commune située au coeur du secteur d'activité de sa concurrente, dont elle avait confié la responsabilité à un ancien commercial de celle-ci, et que la majeure partie des intérimaires et des clients de l'agence de la société MC Intérim 3 étaient anciennement ceux de la société Dextre Primo Intérim, toutes circonstances dont s'induisait nécessairement une désorganisation de celle-ci, elle a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;

ALORS, EN QUATRIEME LIEU, QUE constitue un acte de concurrence déloyale le débauchage du personnel d'une société entraînant la désorganisation de celle-ci ; que, pour débouter la société Dextre Primo Intérim de ses demandes, la cour d'appel a retenu qu'aucune preuve tangible n'était apportée par celle-ci d'une volonté de la société MC Intérim 3 de la désorganiser ; qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à exclure l'existence d'une faute de concurrence déloyale, laquelle n'exige pas la constatation d'un comportement intentionnel, elle n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;

ALORS, EN CINQUIEME LIEU, QU'en toute hypothèse, constitue un acte de concurrence déloyale le débauchage de salarié qui s'accompagne de manoeuvres dolosives ; que, pour débouter la société Dextre Primo Intérim de ses demandes, la cour d'appel a retenu que le procès-verbal de constat rédigé le 20 octobre 2014 dans les locaux de la société MC Intérim 3 à [...] par Maître X..., huissier de justice, n'avait pas révélé la présence à cette date, dans ces locaux, de documents ayant appartenu à la société Dextre Primo Intérim et, en particulier, que « contrairement à ce qui est affirmé en nota bene au bas de la page 9 des conclusions de la société Dextre Primo Intérim, aucun modèle de proposition commerciale détourné par M. U... et retrouvé lors du constat de Me X... n'est annexé audit constat (pièce n° 16 de l'intimée), les seuls documents figurant en annexe et mentionnés, en tant que tels, à l'antépénultième paragraphe situé page 17 dudit constat, étant en effet limités à 15 copies de déclarations d'embauche sur le site de l'URSSAF » (arrêt attaqué, p. 8 in limine) ; qu'en se déterminant ainsi, cependant que, outre la « liste de 15 copies de déclarations d'embauche sur le site de l'URSSAF, toutes relatives à des intérimaires Dextre Intérim » qu'il indiquait joindre à son constat (procès-verbal, p. 17), Maître X... annonçait également en plusieurs occurrences annexer à celui-ci un CD-Rom contenant les copies des documents consultés sur les postes informatiques de M. U... et Mme D... (procès-verbal, pp. 5, 6 et 17), dont notamment un modèle de proposition commerciale de la société Dextre Primo Intérim, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du procès-verbal de constat sur lequel elle se fondait, en méconnaissance de l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer les documents de la cause et des dispositions de l'article 1192 du code civil ;

ALORS, EN SIXIEME LIEU, QUE constitue un acte de concurrence déloyale le débauchage de salarié qui s'accompagne de manoeuvres dolosives ; que, pour débouter la société Dextre Primo Intérim de ses demandes, la cour d'appel a retenu qu'il ne résultait pas des éléments versés aux débats la preuve tangible d'un détournement, par M. U..., de documents ayant appartenu à la société Dextre Primo Intérim pour le compte de son nouvel employeur ; qu'en statuant ainsi, sans répondre au moyen des conclusions d'appel de la société Dextre Primo Intérim (conclusions récapitulatives, p. 10), qui démontrait que M. U... avait versé aux débats devant la juridiction prud'homale dans le cadre d'une instance qui l'opposait à son ancien employeur, « les états de marge de tous les commerciaux de la société Dextre Primo Intérim », documents que son obligation de loyauté contractuelle lui imposait de restituer à son employeur à son départ et qu'il avait pourtant conservés dès lors qu'ils lui permettaient « de connaître très précisément les données comptables et financières afférentes à chaque client de la société Dextre Primo Intérim : chiffre d'affaire, nombres d'heures, marge, prix de vente, prix de revient, coefficient (cf. pièces 32/1 & 32/2) », elle n'a pas satisfait les exigences de l'article 455 du code de procédure civile, qu'elle a violé ;

ALORS, EN SEPTIEME LIEU, QUE, de surcroît, le démarchage de la clientèle d'autrui, fût-ce par un ancien salarié de celui-ci, est libre, sauf s'il s'accompagne d'un acte déloyal ; que, pour débouter la société Dextre Primo Intérim de ses demandes, la cour d'appel a retenu qu'il n'était pas démontré que des documents appartenant à la société Dextre Primo Intérim, notamment les listes de ses clients et intérimaires, auraient été détournés illicitement par M. U... ; qu'en statuant ainsi, après avoir relevé que, sur l'agence de [...], la société MC Intérim 3 avait employé vingt-quatre intérimaires de la société Dextre Primo Intérim entre le 29 juillet et le 30 septembre 2014 et qu'elle avait contracté avec quinze entreprises clientes de celle-ci sur le seul mois de septembre 2014, en outre que la majeure partie des clients de l'agence de [...] de la société MC Intérim 3 étaient également des clients de la société Dextre Primo Intérim, ce dont il s'inférait nécessairement que le déplacement de clientèle au profit de la société MC Intérim 3 résultait d'un démarchage systématique et ciblé des clients et des intérimaires de sa concurrente, la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;

ET ALORS, EN HUITIEME ET DERNIER LIEU, QUE le démarchage de la clientèle d'autrui, fût-ce par un ancien salarié de celui-ci, est libre, sauf s'il s'accompagne d'un acte déloyal ; que, pour débouter la société Dextre Primo Intérim de ses demandes, la cour d'appel a retenu qu'il n'existait pas de preuve tangible d'une déloyauté commise par la société MC Intérim 3 dans l'exercice de son activité commerciale et que, ni le démarchage de la clientèle d'un concurrent, ni le dessein de cette société de créer ex nihilo une agence d'intérim à [...] ne pouvaient être considérés comme illicites ; qu'en statuant ainsi, après avoir relevé que la preuve était administrée des nombreux échanges téléphoniques entre le gérant de la société MC Intérim 3 et M. U... entre le 22 avril et le 7 juillet 2014, et avoir constaté que, sur l'agence de [...], la société MC Intérim 3 avait employé vingt-quatre intérimaires de la société Dextre Primo Intérim entre le 29 juillet et le 30 septembre 2014 et qu'elle avait contracté avec quinze entreprises clientes de celle-ci dès le mois de septembre 2014, en outre que la majeure partie des clients de l'agence de [...] de la société MC Intérim 3 était également dès cette date des clients de la société Dextre Primo Intérim, ce dont il s'inférait nécessairement que M. U... avait commencé à démarcher la clientèle et les intérimaires de la société Dextre Primo Intérim pour le compte de la société MC Intérim 3 avant même sa démission à effet du 7 juillet 2014, la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil.ECLI:FR:CCASS:2019:CO00763
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