Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 9 octobre 2019, 18-11.694, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Donne acte à la société X..., K..., W..., prise en la personne de M. X..., de ce qu'elle reprend l'instance en qualité de liquidateur de la société Sparimo ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel (CRCAM) du Nord-Est (la Caisse) a consenti divers concours bancaires à la société Sparimo, M. et Mme A... se rendant, en tout ou partie, cautions de ces engagements ; qu'après avoir dénoncé ces concours par une lettre du 10 novembre 2011, la Caisse a assigné la société Sparimo en paiement ; que cette dénonciation ayant été annulée par un arrêt, devenu irrévocable, la Caisse a procédé, par lettre du 23 février 2015, à une nouvelle dénonciation puis a, de nouveau, assigné en paiement la société et les cautions ;

Sur le premier moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le second moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article 1154 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Attendu que pour ordonner la capitalisation à compter du 10 novembre 2011 des intérêts échus dus par M. et Mme A..., l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que la Caisse en a formé la demande devant le tribunal et que le point de départ de la capitalisation doit être fixé à la date de la mise en demeure résultant de la lettre du 10 novembre 2011;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'à défaut de convention spéciale, les intérêts échus des capitaux ne peuvent eux-mêmes produire d'intérêts que moyennant une demande en justice et à compter de la date de celle-ci, et non de celle d'une mise en demeure, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement, il fixe au 10 novembre 2011 le point de départ de la capitalisation des intérêts dus sur chacune des condamnations, l'arrêt rendu le 21 novembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;

Condamne la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel du Nord-Est aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf octobre deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour M. et Mme A... et la société X..., K..., W..., liquidateur judiciaire de la société Sparimo.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la société Sparimo et M. et Mme A... de leur demande de prescription et de les AVOIR, en conséquence, condamnés solidairement, en leur qualité respective d'emprunteur et de cautions, à régler diverses sommes à la CRCAM ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE, sur la recevabilité des demandes en paiement de la banque, aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée ; qu'aux termes de l'article 2233 du code civil, la prescription ne court pas : 1- A l'égard d'une créance qui dépend d'une condition, jusqu'à ce que la condition arrive ; 2- A l'égard d'une action en garantie, jusqu'à ce que l'éviction ait lieu ; 3- A l'égard d'une créance à terme, jusqu'à ce que le terme soit arrivé ; qu'aux termes de l'article 2241 du code civil, la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion ; qu'il en est de même lorsqu'elle est portée devant une juridiction incompétente ou lorsque l'acte de saisine de la juridiction est annulé par l'effet d'un vice de procédure ; que par jugement du 5 mars 2013, le tribunal de commerce de Reims a : - jugé que les conditions de crédit consenties par la CRCA à la SARL SPARIMO s'analysent en une convention de trésorerie à durée déterminée, sous forme de découvert autorisé à laquelle la banque ne pouvait mettre un terme sans avoir trouvé avec la société débitrice un délai de convenance, - et prononcé la nullité de la notification de la CRCA du 11 novembre 2011 ; que cette décision a été confirmée en toutes ses dispositions par l'arrêt rendu le 2 décembre 2014 par la cour d'appel de Reims ; qu'en application de l'article 2241 précité, l'assignation et les décisions rendues ont interrompu le délai de prescription ; qu'il résulte de l'article 2233 précité que le point de départ d'un délai à l'expiration duquel ne peut plus s'exercer une action se situe nécessairement à la date d'exigibilité de l'obligation qui lui a donné naissance ; qu'au cas présent, la prescription n'a commencé à courir qu'à compter de la déchéance du terme, c'est à dire la date d'exigibilité des contrats ; qu'il résulte de l'arrêt du 2 décembre 2014 que la banque a été déboutée de ses demandes en paiement non pas au motif de l'absence de dette, mais en raison de l'absence d'exigibilité de la créance ; qu'aussi, conformément à l'analyse de la cour, la banque par un courrier en recommandé du 23 février 2016 avec accusé de réception signé le 5 mars 2015, a dénoncé à la SARL SPARIMO l'ensemble des conventions de trésorerie lui laissant un délai de 60 jours, conformément aux dispositions de l'article L 313-12 du code monétaire et financier et a informé les cautions de cette dénonciation à la même date ; que les créances de la CRCA ne sont ainsi devenues exigibles qu'à compter du 23 février 2015, de sorte que le délai quinquennal de prescription n'a commencé à courir qu'à compter de cette même date également ; que dans ces conditions, les assignations en paiement ayant été délivrées à l'encontre de la SARL SPARIMO et de chacun des époux A..., les 13 et 21 octobre 2015, aucune prescription n'est encourue ; que par conséquent, il convient de déclarer la CRCA recevable en ses demandes en paiement et de confirmer le jugement déféré de ce chef ;

1) ALORS QUE le point de départ du délai à l'expiration duquel ne peut plus s'exercer l'action en paiement d'une créance à terme se situe nécessairement à la survenance du terme convenu qui rend cette créance exigible ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que, par un jugement du tribunal de commerce de Reims du 5 mars 2013, confirmé par un arrêt de la cour d'appel de Reims du 2 décembre 2014, il a été jugé que « les conventions de crédit consenties par la CRCA[M] à la société Sparimo s'analys[aient] en une convention de trésorerie à durée déterminée, sous forme de découvert autorisé » (cf. arrêt, p. 5-6) ; que, dans leurs conclusions (cf. p. 7-9), la société Sparimo et les époux A... faisaient eux- valoir que les conventions de trésorerie litigieuses étaient chacune affectées d'un terme contractuellement convenu, de sorte que la date d'exigibilité de chacune des créances résultant desdites conventions de trésorerie se situait à la survenance respective du terme ainsi fixé, soit le 14 novembre 2009, 1er mars et 27 septembre 2010 ; qu'en affirmant néanmoins que les créances détenues par la CRCAM à l'endroit de la société Sparimo et des époux A..., en leur qualité respective d'emprunteur et de cautions, ne sont devenues exigibles qu'à compter du 23 février 2015, date à laquelle la CRCAM a dénoncé à la société Sparimo l'ensemble des conventions de trésorerie litigieuses et a informé les cautions de cette dénonciation, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si lesdites conventions de trésorerie n'étaient pas chacune affectées d'un terme, de sorte, qu'à la survenance de celui-ci, les sommes dues au titre de ces conventions sont devenues exigibles faisant ainsi courir le délai de prescription de l'action en paiement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 2224 et 2233 du code civil ;

2) ALORS QUE le point de départ du délai à l'expiration duquel ne peut plus s'exercer l'action en paiement d'une créance à terme se situe nécessairement à la survenance du terme convenu qui rend cette créance exigible ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que, par un jugement du tribunal de commerce de Reims du 5 mars 2013, confirmé par un arrêt de la cour d'appel de Reims du 2 décembre 2014, il a été jugé que « les conventions de crédit consenties par la CRCA[M] à la société Sparimo s'analys[aient] en une convention de trésorerie à durée déterminée, sous forme de découvert autorisé » (cf. arrêt, p. 5-6) ; que, dans leurs conclusions (cf. p. 7-8), la société Sparimo et les époux A... faisaient valoir que les conventions de trésorerie litigieuses étaient chacune affectées d'un terme contractuellement convenu, lequel était respectivement fixé aux 14 novembre 2009, 1er mars et 27 septembre 2010 ; qu'en affirmant que le point de départ du délai de prescription de l'action en paiement des créances à terme engagée par la CRCAM à l'encontre de la société Sparimo et des époux A..., respectivement en leur qualité d'emprunteur et de cautions, se situait au 23 février 2015, au motif en réalité inopérant qu'à cette date la CRCAM avait dénoncé l'ensemble des conventions de trésorerie litigieuses et notifié à la société Sparimo la déchéance du terme, quand le terme de chacune des créances résultant desdites conventions de trésorerie était déjà échu à cette date, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 2224 et 2233 du code civil ;

3) ALORS QUE si la demande en justice interrompt le délai de prescription jusqu'à l'extinction de l'instance, l'interruption est non avenue lorsque la demande en justice est définitivement rejetée ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que, par jugement du tribunal de commerce de Reims du 5 mars 2013, confirmé par un arrêt de la cour d'appel de Reims du 2 décembre 2014, la CRCAM a été définitivement déboutée de ses demandes en paiement formées, par assignation du 10 janvier 2012, à l'encontre de la société Sparimo et des époux A... ; qu'en affirmant que l'assignation et les décisions susvisées ont interrompu le délai de prescription de l'action en paiement initiée par la CRCAM, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 2241, 2242 et 2243 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR ordonné la capitalisation par années entières, des intérêts dus sur chacune des condamnations, à compter de la mise en demeure en date du 10 novembre 2011 ;

AUX MOTIFS PROPRES QU'il convient également d'ordonner la capitalisation des intérêts échus dus au moins pour une année entière conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE l'article 1154 du code civil prévoit que la capitalisation des intérêts échus est d'ordre public, que la demande en est faite devant le tribunal, il sera fait application de la loi à condition qu'il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière ; qu'il échet d'ordonner la capitalisation des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 10 novembre 2011 ;

1) ALORS QUE les intérêts échus des capitaux ne peuvent produire des intérêts qu'à dater de la demande qui en est faite ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que, par un jugement du tribunal de commerce de Reims du 5 mars 2013, confirmé par un arrêt de la cour d'appel de Reims du 2 décembre 2014, la lettre recommandée du 10 novembre 2011, par laquelle la CRCAM a notifié à la société Sparimo la déchéance du terme des conventions de prêts litigieuses, à défaut de règlement de la somme de 1.829.280,71 € sous huitaine, a été annulée ; qu'en ordonnant la capitalisation des intérêts dus sur chacune des condamnations prononcées au profit de la CRCAM, à compter de la lettre recommandée que cette dernière a adressée le 10 novembre 2011 à la société Sparimo, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1154, devenu 1343-2, du code civil ;

2) ALORS, en toute hypothèse, QUE les intérêts échus des capitaux ne peuvent produire des intérêts qu'à dater de la demande qui en est faite ; qu'en l'espèce, en ordonnant, par motifs adoptés, la capitalisation des intérêts dus sur chacune des condamnations prononcées au profit de la CRCAM, à compter de la mise en demeure que cette dernière a adressée le 10 novembre 2011 à la société Sparimo, sans rechercher si ladite lettre de mise en demeure contenait, en ses termes, une demande de la CRCAM tendant à la capitalisation des intérêts dus sur le solde des sommes impayées au titre des conventions de crédits et du compte de dépôt à vue litigieux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1154, devenu 1343-2, du code civil ;

3) ALORS QUE l'autorité de chose jugée, qui s'attache à ce qui a fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif, s'impose au juge lorsque la décision est devenue irrévocable ; qu'en l'espèce, dans son arrêt irrévocable du 2 décembre 2014 régulièrement produit aux débats, la cour d'appel de Reims a définitivement prononcé la nullité de la notification adressée par la CRCAM à la société Sparimo, par lettre recommandée du 10 novembre 2011 ; qu'en ordonnant la capitalisation des intérêts dus sur chacune des condamnations prononcées au profit de la CRCAM, à compter de la mise en demeure du 10 novembre 2011, la cour d'appel, qui a méconnu l'autorité de chose jugée attachée à son précédent arrêt du 2 décembre 2014, a violé l'article 480 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2019:CO00729
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