Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 25 septembre 2019, 18-15.952, Inédit
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 25 septembre 2019, 18-15.952, Inédit
Cour de cassation - Chambre sociale
- N° de pourvoi : 18-15.952
- ECLI:FR:CCASS:2019:SO01317
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
Audience publique du mercredi 25 septembre 2019
Décision attaquée : Cour d'appel de Caen, du 02 mars 2018- Président
- M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. J..., engagé par la Société générale en 1973, a occupé diverses fonctions représentatives à compter de 1981 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale en décembre 2013 aux fins de voir reconnaître l'existence d'une discrimination syndicale dans le déroulement de sa carrière et a demandé en appel la résiliation judiciaire de son contrat de travail ;
Sur les deux moyens du pourvoi incident de l'employeur, qui est préalable :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les moyens annexés, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi du salarié :
Vu les articles 1184 du code civil, L. 2411-3 et L. 2421-3 du code du travail, dans leur version alors applicable ;
Attendu qu'après avoir accueilli la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur, la cour d'appel, pour débouter le salarié de sa demande en paiement d'une indemnité pour violation du statut protecteur énonce que le salarié, né le [...] , indique, lui même dans ses écritures, qu'il est âgé de 61 ans et a une ancienneté de 44 ans et que l'employeur indique, sans être contredit, qu'il est proche de pouvoir faire liquider ses droits à la retraite, ce qui le ferait sortir des effectifs de l'entreprise ; que compte tenu de cette incertitude sur la fin du mandat protecteur qui n'est pas levée à la date du prononcé de la résiliation judiciaire, la cour ignore si le salarié peut prétendre à la protection maximale alléguée ce qui la place dans l'incapacité de calculer l'indemnité réclamée de ce chef qui est plafonnée par la loi en fonction de la fin des mandats protégés selon le type de mandat ;
Attendu cependant que lorsque la résiliation judiciaire du contrat de travail d'un salarié titulaire d'un mandat de représentant du personnel est prononcée aux torts de l'employeur, la rupture produit les effets d'un licenciement nul pour violation du statut protecteur, de sorte que le salarié peut prétendre à une indemnité pour violation du statut protecteur égale aux salaires qu'il aurait dû percevoir jusqu'à la fin de la période de protection en cours dans la limite de 30 mois, quand bien même il aurait été susceptible de partir à la retraite avant l'expiration de cette période ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute le salarié de sa demande en paiement d'une indemnité pour violation du statut protecteur, l'arrêt rendu le 2 mars 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ;
Condamne la Société générale aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. J... et au syndicat CFDT des banques et établissements financiers de Basse Normandie la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq septembre deux mille dix-neuf. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyen produit, au pourvoi principal, par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils pour M. J... et le syndicat CFDT des banques et établissements financiers de Basse Normandie
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. J... de sa demande tendant à obtenir la condamnation de la Société Générale à lui verser la somme de 87.472 euros à titre de dommages et intérêts pour violation du statut protecteur ;
AUX MOTIFS QUE la discrimination syndicale dont a été victime M. I... J... constitue un manquement grave qui empêche la poursuite du contrat de travail et qui justifie de faire droit à sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail qui produira les effets d'un licenciement nul ; qu'en effet, si certains manquements sont anciens, force est de constater qu'ils perduraient au moment de l'audience d'appel, notamment en terme de rattrapage du statut cadre ; que s'agissant des dommages intérêts pour violation de son statut protecteur, M. J... réclame la somme totale de 87.242 euros (28 mois X 3 124 euros) correspondant au salaire qu'il aurait perçu jusqu'à la fin de sa période de protection qu'il fixe à mars 2020 en prenant en compte sa désignation le 1er avril 2016 comme membre du comité d'entreprise pour un mandat de trois ans auquel il ajoute la période d'un an liée à son mandat de délégué syndical qu'il écrit avoir obtenu le 1er avril 2016 ; que M. J... qui avait acquis son statut protecteur au 1er avril 2016 antérieurement à sa demande de résiliation judiciaire formulée par conclusions du 20 novembre 2017 et à laquelle il a été fait droit par le présent arrêt peut prétendre à une indemnité à la rémunération qu'il aurait dû percevoir jusqu'à l'expiration de la période de protection en cours au jour de la demande de résiliation judiciaire ; que la cour constate que le salarié, né le [...] , indique, lui-même dans ses écritures, qu'il est âgé de 61 ans et a une ancienneté de 44 ans et que l'employeur indique, sans être contredit, qu'il est « proche de pouvoir faire liquider ses droits à la retraite » ce qui le ferait sortir des effectifs de l'entreprise ; que compte tenu de cette incertitude sur la fin du mandat protecteur qui n'est pas levée à la date du prononcé de la résiliation judiciaire, la cour ignore si le salarié peut prétendre à la protection maximale alléguée ce qui la place dans l'incapacité de calculer l'indemnité réclamée de ce chef qui est plafonnée par la loi en fonction de la fin des mandats protégés selon le type de mandat ; qu'il y a lieu de débouter le salarié de sa demande de ce chef ;
1°) ALORS QUE le salarié protégé dont la demande de résiliation judiciaire est accueillie a droit, au titre de la violation de son statut protecteur, au paiement d'une indemnité égale à la rémunération qu'il aurait dû percevoir jusqu'à l'expiration de la période de protection en cours au jour de sa demande, laquelle inclut la période instituée par le législateur à l'expiration du mandat ; qu'en estimant que M. J..., du fait de la résiliation judiciaire de son contrat de travail laquelle produisait les effets d'un licenciement nul, pouvait prétendre à une indemnité correspondant à la rémunération qu'il aurait dû percevoir jusqu'à l'expiration de la période de protection en cours au jour de la demande de résiliation judiciaire et en déboutant néanmoins le salarié de cette demande, aux motifs qu'il était âgé de 61 ans avec une ancienneté de 44 ans, que « l'employeur indique sans être contredit qu'il est proche de pouvoir faire liquider ses droits à la retraite » et que « compte tenu de cette incertitude sur la fin du mandat protecteur qui n'est pas levée à la date du prononcé de la résiliation judiciaire, la cour ignore si le salarié peut prétendre à la protection maximale alléguée ce qui la place dans l'incapacité de calculer l'indemnité réclamée de ce chef qui est plafonnée par la loi en fonction de la fin des mandats protégés selon le type de mandat ; qu'il y a lieu de débouter le salarié de sa demande de ce chef », la cour d'appel a violé l'article 1184 du code civil, dans sa rédaction alors applicable et devenu l'article 1217 du code civil, les articles L. 2421-3 et L. 1132-1 du code du travail dans leur rédaction alors applicable et l'article L. 2411-3 du code du travail ;
2°) ALORS QUE commet un déni de justice la cour qui, tout en admettant le bien fondé d'une demande, refuse de prescrire une mesure d'instruction ou de chiffrer elle-même le montant des dommages et intérêts ; qu'en jugeant que M. J..., du fait de la résiliation judiciaire de son contrat de travail laquelle produisait les effets d'un licenciement nul, pouvait prétendre à une indemnité correspondant à la rémunération qu'il aurait dû percevoir jusqu'à l'expiration de la période de protection en cours au jour de la demande de résiliation judiciaire et en déboutant néanmoins le salarié de cette demande aux motifs que le salarié était âgé de 61 ans avec une ancienneté de 44 ans, que « l'employeur indique sans être contredit qu'il est proche de pouvoir faire liquider ses droits à la retraite » et que « compte tenu de cette incertitude sur la fin du mandat protecteur qui n'est pas levée à la date du prononcé de la résiliation judiciaire, la cour ignore si le salarié peut prétendre à la protection maximale alléguée ce qui la place dans l'incapacité de calculer l'indemnité réclamée de ce chef qui est plafonnée par la loi en fonction de la fin des mandats protégés selon le type de mandat ; qu'il y a lieu de débouter le salarié de sa demande de ce chef », la cour d'appel, qui n'a pas procédé à l'évaluation du préjudice, a commis un déni de justice en violation de l'article 4 du code civil ;
3°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE le motif hypothétique équivaut au défaut de motif ; qu'en rejetant la demande de dommages et intérêts pour violation de son statut protecteur formulée par M. J..., motifs pris de ce que « le salarié était âgé de 61 ans avec une ancienneté de 44 ans », que « l'employeur indique sans être contredit qu'il est proche de pouvoir faire liquider ses droits à la retraite » et que « compte tenu de cette incertitude sur la fin du mandat protecteur qui n'est pas levée à la date du prononcé de la résiliation judiciaire, la cour ignore si le salarié peut prétendre à la protection maximale alléguée ce qui la place dans l'incapacité de calculer l'indemnité réclamée de ce chef qui est plafonnée par la loi en fonction de la fin des mandats protégés selon le type de mandat ; qu'il y a lieu de débouter le salarié de sa demande de ce chef », la cour d'appel a statué par des motifs hypothétiques tenant à la date du départ en retraite de M. J... et a violé l'article 455 du code de procédure civile. Moyens produits, au pourvoi incident préalable, par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils pour la Société générale
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR dit que M. J... a été victime de faits de discrimination syndicale, d'AVOIR dit que M. J... peut prétendre à sa requalification professionnelle au niveau cadre, d'AVOIR condamné la Société Générale à payer en deniers ou quittances à M. J... les sommes de 87.530,71 euros à titre de rappel de salaire en raison de sa requalification professionnelle, de 8.144 euros à titre de rappel de salaire sur prime non intégralement payée et de 8.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral, d'AVOIR ordonné la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. J... à la date de l'arrêt, d'AVOIR dit que cette résiliation produira les effets d'un licenciement nul et d'AVOIR condamné la Société Générale à payer à M. J... les sommes de 9.732 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents, 66.728,64 euros à titre d'indemnité de licenciement et 56.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ;
AUX MOTIFS QUE « Sur la discrimination syndicale - Aux termes de l'article L. 1132-1 du code du travail, dans sa rédaction en vigueur à la date de la saisine du conseil de prud'hommes, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison notamment de ses activités syndicales ou mutualistes. L'article L. 2141-5 dispose également que : "Il est interdit à l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d'avancement, de rémunération et d'octroi d'avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail". En application de l'article L. 1134-1, lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance de ces dispositions, il appartient au salarié qui se prétend lésé par une mesure discriminatoire de présenter au juge des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que les mesures prises sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. - Sur le fond. A l'appui des faits invoqués, M. I... J... qui se plaint essentiellement d'avoir été privé par l'employeur d'une progression de carrière et de rémunération en comparaison avec des salariés embauchés dans le même temps que lui et selon des classifications similaires et d'avoir été privé du statut cadre, en raison de son activité syndicale, établit que : - il a bénéficié de multiples mandats, désigné par son syndicat ou élu du personnel, de manière ininterrompue depuis 1981 et il a eu une activité syndicale à plein temps entre 1994 et 2005, étant précisé qu'il ne démontre pas les pressions alléguées de la direction pour mettre fin à son engagement ; - embauché en 1973 et titularisé en 1974, il a bénéficié de 5 promotions en 8 ans, avant son premier mandat et de 2 évolutions entre 1981 et à ce jour : 1983 agent cellule-trésorerie, en 1991 chargé pré-contentieux et janvier 2006 agent de gestion administrative niveau G et en 36 ans de 5 modifications de coefficient, étant précisé qu'il ne démontre pas, aucune pièce n'étant visée, que ces évolutions ont été obtenues sur ses réclamations expresses ; - il n'a connu que 2 augmentations individuelles entre 1982 et 2017 pour des montants limités à 8,05 euros en 2002 et à 7,75 euros en 2006 ce qui le place dans le pourcentage très faible de 0,4% du personnel qui en 2016 n'avait connu aucune augmentation personnelle de salaire dans les 6 dernières années ; - l'employeur avait mis en place en 1984 un accord relatif à l'exercice du droit syndical dont l'article 12 assurait aux agents exerçant des activités syndicales une évolution normale de carrière en fonction des compétences professionnelles manifestées durant le temps consacré à leur travail et qui prévoyait pour les permanents syndicaux de faire référence aux compétences professionnelles acquises au cours de leurs emplois précédents et à l'évolution de carrière des autres agents, en prévoyant annuellement une telle comparaison ; - il n'a pas eu d'entretien annuel pendant plusieurs années, en particulier entre 1995 et sa réintégration en 2006, alors qu'il avait été évalué annuellement entre 1984 et 1995, 1991 excepté, le privant de l'occasion de procéder à cette comparaison et de solliciter un rattrapage ; il n'est justifié que de deux entretiens entre 2006 et 2015, un entretien ayant été fixé en cours de procédure le 16 décembre 2016. La cour indique ici qu'elle traitera ultérieurement les conséquences salariales de la promotion au statut cadre revendiquée par M. I... J..., qui obéit à des règles de preuve spécifiques notamment la démonstration par le salarié qu'il remplit les conditions d'accès à la catégorie professionnelles H. Mais il est d'ores et déjà relevé que le salarié se compare à MM. G... S..., B... T..., Gérard W..., entrés dans l'entreprise, en 1973, 1974 et 1976, avec un profil similaire et qui ont été promus cadres classifiés H. Les éléments de fait établis par M. I... J... et qui sont retenus par la cour suffisent à laisser supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte ; il incombe à l'employeur, qui conteste leur caractère discriminatoire, de prouver que les mesures prises sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Il suffit de constater que la Société Générale n'apporte aucune justification à l'absence d'entretien annuel d'évaluation ou de fixation d'objectifs au salarié, durant près de 10 ans et même après l'engagement de la procédure, en violation de l'accord collectif d'entreprise sur le rattrapage de carrière des salariés exerçant des activités syndicales qui aurait permis de lui accorder des augmentations individuelles ou des élévations de coefficient en se fondant sur les premières bonnes appréciations qui avaient marqué son début de carrière ou de le comparer aux autres agents ayant une ancienneté similaire et de s'assurer de son évolution en lui proposant les formations diplômantes ou des validations d'expérience pour accéder au statut cadre par le biais du latéralat. En effet, il ressort des évaluations produites entre 1984 et 1995, que l'employeur a procédé effectivement à l'appréciation du salarié 1984 et 1990, en louant les qualités d'un agent "consciencieux, travailleur, sérieux, son bon niveau de connaissances techniques en matière administrative pour conclure que la fonction (était) bien assurée" ; la Société Générale a cessé ensuite de renseigner les items. Dès le 31 octobre 2006, l'employeur est en mesure de souligner la bonne intégration du salarié au sein du service de la gestion des moyens et ses qualités personnelles notamment de communication et confirme en 2009, son efficacité, sa polyvalence qui lui valent une notation entre "excellent et satisfaisant" et des appréciations élogieuses. Il est significatif de souligner que l'évaluation et de fixation des objectifs effectuée le 16 décembre 2016 en cours de procédure ne dément pas ces bonnes appréciations sur M. I... J..., dépeint comme disponible, efficace et capable d'affirmer des qualités auprès des chantiers futurs. S'agissant de l'évolution salariale, le conseil de prud'hommes avait tiré les conséquences du défaut de production par l'employeur des bulletins de paie des agents de gestion administrative de niveau H avec 30 ans et plus d'ancienneté. La cour ne peut que constater que ces éléments ne figurent pas au nombre des 4 nouvelles pièces produites en cause d'appel, en sus des 11 déjà fournies par la Société Générale. L'employeur, qui conclut à une évolution de carrière normale, se borne dans ses écritures à faire état d'un panel de salariés ou à commenter des tableaux qui ne sont absolument pas corrélés par des pièces. La cour considère que le non-respect par l'employeur de l'accord conventionnel sur l'évaluation annuelle censé attirer son attention sur l'évolution de carrière des salariés exerçant des mandats syndicaux met à néant ses remarques sur le fait que le salarié bénéficiait d'une rémunération conforme aux minima conventionnels ou aux autres salariés de la catégorie G ou sur son absence de mobilité géographique. La discrimination syndicale est établie. - Sur les conséquences : Le salarié sollicite sa requalification professionnelle : il soutient que le poste d'agent de gestion administrative qu'il occupe au sein de l'établissement de Caen peut parfaitement relever de la classification professionnelle H et donc du statut cadre, en se prévalant : - du tableau des métiers-repère annexé à la convention collective des banques dont il ressort que les emplois de gestionnaire administratif ou de chargé de gestion administrative peuvent relever des niveaux C et H ; - de l'article 33 de la convention collective qui définit l'emploi de technicien niveau H comme comportant ou non l'animation d'une unité et se caractérisant par des responsabilités nécessitant la connaissance de techniques et usages complexes et/ou une compétence professionnelle qui peut s'appliquer à la gestion de toute ou partie d'une activité, d'une unité d'exploitation ou d'administration ou de la réalisation d'études ou de prestations d'assistance, de conseil ou de contrôle ; - de la fiche de poste d'un 'agent de la gestion administrative' affecté à la gestion des moyens qu'il a signée le 19 décembre 2005 avant sa prise de poste dont il déduit qu'il occupe un poste de gestionnaires de moyens ; - de la comparaison qu'il fait avec d'autres salariés, classés au niveau H, tel que M W... de la même ancienneté qui selon lui occupent des fonctions identiques, ou ont suivi un parcours similaire. Dès lors que l'employeur n'a pas évalué le salarié durant plusieurs années, il ne peut lui être fait grief de ne pas faire la démonstration qu'il exerce effectivement des tâches managériales ou d'expertise, en le comparant aux autres salariés comme M. W... passé au niveau H en janvier 2005 ou de manquer des compétences professionnelles exigées par la procédure de latéralat pour accéder au statut cadre. Il est significatif de relever que M. B... X..., entré en 1975 comme employé mécanographe dans une agence parisienne (qui a fait toute sa carrière à Paris intra-muros) et représentant du personnel et du syndicat CFDT, permanent de 2005 à 2008, et passé cadre en 2012, atteste que tout au long de son parcours, sa rémunération et son évolution de carrière étaient revues dans le cadre de l'accord des porteurs de mandats précité. La cour fait droit au calcul détaillé par le salarié dans un tableau sur le rappel de salaire de 87 530,71 euros en deniers ou quittances qui permet d'assurer le rétablissement du salarié discriminé dans ses droits et sur le rappel de prime subséquent de 8 155 euros. La cour observe que l'employeur n'a fait aucune critique argumentée sur ce calcul, à titre subsidiaire. Le salarié démontre avoir subi un préjudice moral causé par cette discrimination syndicale sur plusieurs années qui sera réparé par la somme de 8 000 euros à titre de dommages-intérêts, le préjudice financier lié au défaut de promotion lié à la discrimination syndicale ayant été réparé par le rattrapage salarial » ;
ET AUX MOTIFS REPUTES ADOPTES QUE « Monsieur J... demande au conseil de constater l'absence de déroulement de carrière normal, et de ce fait qu'il peut prétendre à sa requalification professionnelle. La discrimination syndicale dont il a fait l'objet s'est traduite par une évolution de carrière nettement entravée et ralentie par rapport aux autres salariés de l'entreprise, alors que les évaluations réalisées par l'employeur n'ont jamais remis en cause ses performances, la SOCIETE GENERALE étant seule responsable de l'absence d'évaluation annuelle. La SOCIETE GENERALE soutient que c'est Monsieur J... qui est responsable du ralentissement de sa carrière car il n'aurait jamais fait la moindre preuve de mobilité, géographique, ce qui est inexact, notamment au niveau syndical. Par ailleurs d'autres salariés avec le même déroulement de carrière ont eu de la promotion sans aucune mobilité. La SOCIETE GENERALE soutient que Monsieur J... ne remplissait pas les conditions pour occuper un emploi de cadre et que ses compétences étaient limitées. Monsieur J... a assumé un mandat de délégué syndical central, il était l'interlocuteur direct des dirigeants de la SOCIETE GENERALE et les compétences pour assumer ce type de mandat sont tout à fait assimilables à celles d'un personnel d'encadrement. Par ailleurs, Monsieur J... soutient qu'il n'a jamais bénéficié au sein de l'entreprise de formation lui permettant une progression professionnelle en contravention avec les dispositifs de l'article L. 1321-1 du code du travail. Monsieur J... s'appuie sur l'accord relatif à l'exercice du droit syndical conclu entre la direction et les principales organisations syndicales en août 1984, qui stipule que l'exercice d'activité syndicales ne, peut être pris en considération pour arrêter des décisions concernant l'avancement, l'évaluation professionnelle, la rémunération. Dans cet esprit chaque année une comparaison de la situation des représentants du personnel sera établie avec celle de l'ensemble du personnel ce qui n'a pas été fait » ;
1. ALORS QUE les données relatives au déroulement de la carrière et à la rémunération d'un salarié relèvent de sa vie privée, de sorte que leur communication à un tiers constitue une ingérence dans la vie privée du salarié ; qu'en conséquence, si l'employeur peut être tenu, en cas de litige portant sur l'existence d'une discrimination dans le déroulement de la carrière d'un salarié, d'apporter des éléments de preuve sur le déroulement de la carrière et la rémunération des salariés placés dans une situation identique, il peut refuser de communiquer au salarié les données nominatives sur la rémunération d'autres salariés et réserver au juge, seul, la connaissance de ces données nominatives ; qu'en l'espèce, pour contester l'existence d'une discrimination dans l'évolution de la carrière et de la rémunération de M. J..., la Société Générale avait notamment établi des tableaux de comparaison de l'évolution de la rémunération de M. J... par rapport à celle de 189 salariés ayant, au 1er janvier 1996, le même niveau de classification et une ancienneté bancaire comparable et qui étaient toujours inscrits dans les effectifs au 1er janvier 2017, elle avait procédé à l'analyse de la répartition des Techniciens Métiers Banque ayant une ancienneté comparable à celle de M. J... entre les différents niveaux de classification (cadres et non-cadres) et elle avait comparé la rémunération de M. J... avec elle des agents de gestion administrative ayant une ancienneté comparable ; que la Société Générale précisait, dans ses conclusions d'appel (p.24), qu'elle tenait à la disposition de la cour d'appel l'ensemble des données individuelles dont le traitement a été nécessaire pour parvenir aux résultats présentés sous forme d'analyse statistique ; qu'en refusant cependant de tenir compte de ces tableaux de comparaison, au motif que la Société Générale ne produisait pas les bulletins de paie des agents de gestion administrative de niveau H avec 30 ans et plus d'ancienneté, cependant qu'il lui appartenait de solliciter la communication de ces données nominatives tenues à sa disposition et que l'employeur ne pouvait, sans porter atteinte à la vie privée des salariés, communiquer in extenso au demandeur, la cour d'appel a violé les article 9 du code civil, 9 du code de procédure civile et L. 1134-1 du code du travail ;
2. ALORS QUE sauf accord collectif ou stipulation particulière du contrat de travail prévoyant une progression automatique de carrière, l'employeur n'est pas tenu d'assurer cette progression par des changements d'emploi ou de qualification ; que le salarié, fût-il représentant du personnel, qui, bien qu'informé comme les autres salariés des opportunités d'emploi et des dispositifs de formation ou de validation des acquis de l'expérience permettant un passage au niveau de classification supérieure et ayant bénéficié des mêmes formations professionnelles, ne postule à aucun emploi, ni ne sollicite l'application des dispositifs de progression mis en place par l'employeur, ne peut imputer à ce dernier l'absence de progression à un niveau de qualification supérieur ; qu'en l'espèce, la Société Générale faisait valoir que l'accès à la qualification de cadre n'est pas automatique et que M. J..., qui avait bénéficié régulièrement de formations professionnelles et était informé comme l'ensemble du personnel des postes disponibles et des deux dispositifs d'accès au statut de cadre, n'avait jamais postulé sur aucun poste, ni manifesté la volonté d'exercer d'autres fonctions ou fait part d'une mobilité géographique et qu'il n'avait pas davantage demandé à bénéficier du cursus cadre ou du dispositif du « latéralat » pour accéder au statut de cadre ; qu'en retenant néanmoins que le positionnement de M. J... dans un emploi de qualification inférieure à celle de cadre résultait d'une discrimination, dès lors que la Société Générale n'avait pas procédé à l'évaluation de M. J... pendant plusieurs années – essentiellement lorsqu'il était permanent syndical - ni évalué son positionnement par rapport aux autres agents ayant une ancienneté similaire comme le prévoyait l'accord collectif d'entreprise relatif à l'exercice du droit syndical, aux fins de lui proposer le cas échéant des formations diplômantes ou des validations d'expériences pour lui permettre d'accéder au statut de cadre, sans tenir aucun compte du propre comportement du salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1134-1 et L. 2141-5 du code du travail ;
3. ALORS QUE lorsqu'un accord collectif garantit la progression normale de la carrière des salariés investis d'un mandat de représentant du personnel et prévoit notamment, à cet effet, l'organisation d'entretiens annuels d'évaluation ou une comparaison annuelle avec l'évolution de carrière des autres salariés, l'absence de tels entretiens ou comparaisons ne fait pas nécessairement obstacle à la progression normale de la carrière du salarié ; qu'en l'espèce, la Société Générale soulignait que si M. J... n'avait pas bénéficié, certaines années, d'un entretien d'évaluation, sa carrière et sa rémunération avaient cependant progressé de manière régulière, sans présenter aucun retard avec celle d'autres salariés placés dans une situation comparable ; qu'en considérant cependant que le non-respect par l'employeur de l'accord sur l'évaluation annuelle censé attirer son attention sur l'évolution de carrière des représentants du personnel avait privé le salarié d'une possibilité d'évolution professionnelle, sans constater que la carrière de M. J... aurait accusé un retard par rapport à celle de l'ensemble des salariés placés dans une situation comparable ou d'un panel de salariés représentatifs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1134-1 et L. 2141-5 du code du travail ;
4. ALORS QUE l'exercice d'un mandat de représentant du personnel ne donne pas au salarié le droit à accéder automatiquement à la qualification de cadre, ni plus largement le droit à une évolution de carrière indépendante des compétences et qualités professionnelles mises en oeuvre dans son poste ; qu'en retenant, par motifs réputés adoptés, que M. J... était fondé à prétendre à la qualification de cadre, dès lors qu'il a assumé un mandat de délégué syndical central, qu'il était l'interlocuteur direct des dirigeants de la Société Générale et que les compétences pour assumer ce type de mandat sont tout à fait assimilables à celles d'un personnel d'encadrement, la cour d'appel a violé l'article L. 2141-5 du code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION, SUBSIDIAIRE
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR ordonné la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. J... à la date de l'arrêt, d'AVOIR dit que cette résiliation produira les effets d'un licenciement nul et d'AVOIR condamné la Société Générale à payer à M. J... les sommes de 9.732 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents, 66.728,64 euros à titre d'indemnité de licenciement et 56.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ;
AUX MOTIFS QUE « la discrimination syndicale dont a été victime M. I... J... constitue un manquement grave qui empêche la poursuite du contrat de travail et qui justifie de faire droit à sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail qui produira les effets d'un licenciement nul. En effet, si certains manquements sont anciens, force est de constater qu'ils perduraient au moment de l'audience d'appel, notamment en terme de rattrapage du statut cadre. Il sera fait droit, sur la base d'un salaire revalorisé et de son ancienneté, à ses demandes de versement : - d'indemnité compensatrice de préavis de 40 624 euros ; - d'indemnité de licenciement de 66728,64 euros ; - de dommages-intérêts pour licenciement nul pour cause de discrimination de 56 000 euros, en fonction des éléments connus sur son âge, son ancienneté et sa rémunération retenue comme le relève le salarié la cour n'est pas tenue d'appliquer le barème de l'article L.1235-3-1 du code du travail » ;
ALORS QUE le juge ne peut ordonner la résiliation judiciaire du contrat d'un salarié protégé qu'en cas de manquement de l'employeur à ses obligations rendant impossible la poursuite de l'exécution du contrat ; que dès lors que le salarié, qui invoque une discrimination en matière de carrière et de rémunération, a demandé au juge d'ordonner son repositionnement au niveau qu'il aurait dû atteindre en l'absence de discrimination et l'octroi d'une indemnisation qui répare l'intégralité de son préjudice matériel et moral, la discrimination passée ne peut faire obstacle à la poursuite de l'exécution du contrat ; qu'en l'espèce, il est constant que M. J..., qui exerçait des mandats syndicaux et de représentants du personnel depuis 1991, a saisi la juridiction prud'homal en 2013, sans avoir préalablement formé la moindre réclamation sur ce point, pour voir constater une discrimination dans l'évolution de sa carrière et obtenir son repositionnement au coefficient qu'il aurait dû atteindre ainsi que le paiement de dommages et intérêts réparant son préjudice salarial et son préjudice moral ; que, bien que les premiers juges aient fait droit à ces demandes et qu'il fût alors proche de l'âge de la retraite, il a demandé à la cour d'appel, trois jours avant l'audience de cette dernière, de prononcer la résiliation judiciaire de son contrat ; qu'ayant estimé que l'existence d'une discrimination était établie, la cour d'appel a ordonné le repositionnement de M. J... au niveau cadre et condamné la Société Générale à lui verser des dommages et intérêts en réparation de ses préjudices matériel et moral, de sorte que la discrimination passée ne pouvait faire obstacle à la poursuite du contrat ; qu'en retenant néanmoins que la discrimination syndicale dont M. J... a été victime justifiait de faire droit à sa demande de résiliation judiciaire, la cour d'appel a violé l'article 1184 du code civil dans sa version antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble les articles L. 1231-1, L. 1237-2 et L. 1235-1 du code du travail.ECLI:FR:CCASS:2019:SO01317
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. J..., engagé par la Société générale en 1973, a occupé diverses fonctions représentatives à compter de 1981 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale en décembre 2013 aux fins de voir reconnaître l'existence d'une discrimination syndicale dans le déroulement de sa carrière et a demandé en appel la résiliation judiciaire de son contrat de travail ;
Sur les deux moyens du pourvoi incident de l'employeur, qui est préalable :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les moyens annexés, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi du salarié :
Vu les articles 1184 du code civil, L. 2411-3 et L. 2421-3 du code du travail, dans leur version alors applicable ;
Attendu qu'après avoir accueilli la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur, la cour d'appel, pour débouter le salarié de sa demande en paiement d'une indemnité pour violation du statut protecteur énonce que le salarié, né le [...] , indique, lui même dans ses écritures, qu'il est âgé de 61 ans et a une ancienneté de 44 ans et que l'employeur indique, sans être contredit, qu'il est proche de pouvoir faire liquider ses droits à la retraite, ce qui le ferait sortir des effectifs de l'entreprise ; que compte tenu de cette incertitude sur la fin du mandat protecteur qui n'est pas levée à la date du prononcé de la résiliation judiciaire, la cour ignore si le salarié peut prétendre à la protection maximale alléguée ce qui la place dans l'incapacité de calculer l'indemnité réclamée de ce chef qui est plafonnée par la loi en fonction de la fin des mandats protégés selon le type de mandat ;
Attendu cependant que lorsque la résiliation judiciaire du contrat de travail d'un salarié titulaire d'un mandat de représentant du personnel est prononcée aux torts de l'employeur, la rupture produit les effets d'un licenciement nul pour violation du statut protecteur, de sorte que le salarié peut prétendre à une indemnité pour violation du statut protecteur égale aux salaires qu'il aurait dû percevoir jusqu'à la fin de la période de protection en cours dans la limite de 30 mois, quand bien même il aurait été susceptible de partir à la retraite avant l'expiration de cette période ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute le salarié de sa demande en paiement d'une indemnité pour violation du statut protecteur, l'arrêt rendu le 2 mars 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ;
Condamne la Société générale aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. J... et au syndicat CFDT des banques et établissements financiers de Basse Normandie la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq septembre deux mille dix-neuf. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyen produit, au pourvoi principal, par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils pour M. J... et le syndicat CFDT des banques et établissements financiers de Basse Normandie
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. J... de sa demande tendant à obtenir la condamnation de la Société Générale à lui verser la somme de 87.472 euros à titre de dommages et intérêts pour violation du statut protecteur ;
AUX MOTIFS QUE la discrimination syndicale dont a été victime M. I... J... constitue un manquement grave qui empêche la poursuite du contrat de travail et qui justifie de faire droit à sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail qui produira les effets d'un licenciement nul ; qu'en effet, si certains manquements sont anciens, force est de constater qu'ils perduraient au moment de l'audience d'appel, notamment en terme de rattrapage du statut cadre ; que s'agissant des dommages intérêts pour violation de son statut protecteur, M. J... réclame la somme totale de 87.242 euros (28 mois X 3 124 euros) correspondant au salaire qu'il aurait perçu jusqu'à la fin de sa période de protection qu'il fixe à mars 2020 en prenant en compte sa désignation le 1er avril 2016 comme membre du comité d'entreprise pour un mandat de trois ans auquel il ajoute la période d'un an liée à son mandat de délégué syndical qu'il écrit avoir obtenu le 1er avril 2016 ; que M. J... qui avait acquis son statut protecteur au 1er avril 2016 antérieurement à sa demande de résiliation judiciaire formulée par conclusions du 20 novembre 2017 et à laquelle il a été fait droit par le présent arrêt peut prétendre à une indemnité à la rémunération qu'il aurait dû percevoir jusqu'à l'expiration de la période de protection en cours au jour de la demande de résiliation judiciaire ; que la cour constate que le salarié, né le [...] , indique, lui-même dans ses écritures, qu'il est âgé de 61 ans et a une ancienneté de 44 ans et que l'employeur indique, sans être contredit, qu'il est « proche de pouvoir faire liquider ses droits à la retraite » ce qui le ferait sortir des effectifs de l'entreprise ; que compte tenu de cette incertitude sur la fin du mandat protecteur qui n'est pas levée à la date du prononcé de la résiliation judiciaire, la cour ignore si le salarié peut prétendre à la protection maximale alléguée ce qui la place dans l'incapacité de calculer l'indemnité réclamée de ce chef qui est plafonnée par la loi en fonction de la fin des mandats protégés selon le type de mandat ; qu'il y a lieu de débouter le salarié de sa demande de ce chef ;
1°) ALORS QUE le salarié protégé dont la demande de résiliation judiciaire est accueillie a droit, au titre de la violation de son statut protecteur, au paiement d'une indemnité égale à la rémunération qu'il aurait dû percevoir jusqu'à l'expiration de la période de protection en cours au jour de sa demande, laquelle inclut la période instituée par le législateur à l'expiration du mandat ; qu'en estimant que M. J..., du fait de la résiliation judiciaire de son contrat de travail laquelle produisait les effets d'un licenciement nul, pouvait prétendre à une indemnité correspondant à la rémunération qu'il aurait dû percevoir jusqu'à l'expiration de la période de protection en cours au jour de la demande de résiliation judiciaire et en déboutant néanmoins le salarié de cette demande, aux motifs qu'il était âgé de 61 ans avec une ancienneté de 44 ans, que « l'employeur indique sans être contredit qu'il est proche de pouvoir faire liquider ses droits à la retraite » et que « compte tenu de cette incertitude sur la fin du mandat protecteur qui n'est pas levée à la date du prononcé de la résiliation judiciaire, la cour ignore si le salarié peut prétendre à la protection maximale alléguée ce qui la place dans l'incapacité de calculer l'indemnité réclamée de ce chef qui est plafonnée par la loi en fonction de la fin des mandats protégés selon le type de mandat ; qu'il y a lieu de débouter le salarié de sa demande de ce chef », la cour d'appel a violé l'article 1184 du code civil, dans sa rédaction alors applicable et devenu l'article 1217 du code civil, les articles L. 2421-3 et L. 1132-1 du code du travail dans leur rédaction alors applicable et l'article L. 2411-3 du code du travail ;
2°) ALORS QUE commet un déni de justice la cour qui, tout en admettant le bien fondé d'une demande, refuse de prescrire une mesure d'instruction ou de chiffrer elle-même le montant des dommages et intérêts ; qu'en jugeant que M. J..., du fait de la résiliation judiciaire de son contrat de travail laquelle produisait les effets d'un licenciement nul, pouvait prétendre à une indemnité correspondant à la rémunération qu'il aurait dû percevoir jusqu'à l'expiration de la période de protection en cours au jour de la demande de résiliation judiciaire et en déboutant néanmoins le salarié de cette demande aux motifs que le salarié était âgé de 61 ans avec une ancienneté de 44 ans, que « l'employeur indique sans être contredit qu'il est proche de pouvoir faire liquider ses droits à la retraite » et que « compte tenu de cette incertitude sur la fin du mandat protecteur qui n'est pas levée à la date du prononcé de la résiliation judiciaire, la cour ignore si le salarié peut prétendre à la protection maximale alléguée ce qui la place dans l'incapacité de calculer l'indemnité réclamée de ce chef qui est plafonnée par la loi en fonction de la fin des mandats protégés selon le type de mandat ; qu'il y a lieu de débouter le salarié de sa demande de ce chef », la cour d'appel, qui n'a pas procédé à l'évaluation du préjudice, a commis un déni de justice en violation de l'article 4 du code civil ;
3°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE le motif hypothétique équivaut au défaut de motif ; qu'en rejetant la demande de dommages et intérêts pour violation de son statut protecteur formulée par M. J..., motifs pris de ce que « le salarié était âgé de 61 ans avec une ancienneté de 44 ans », que « l'employeur indique sans être contredit qu'il est proche de pouvoir faire liquider ses droits à la retraite » et que « compte tenu de cette incertitude sur la fin du mandat protecteur qui n'est pas levée à la date du prononcé de la résiliation judiciaire, la cour ignore si le salarié peut prétendre à la protection maximale alléguée ce qui la place dans l'incapacité de calculer l'indemnité réclamée de ce chef qui est plafonnée par la loi en fonction de la fin des mandats protégés selon le type de mandat ; qu'il y a lieu de débouter le salarié de sa demande de ce chef », la cour d'appel a statué par des motifs hypothétiques tenant à la date du départ en retraite de M. J... et a violé l'article 455 du code de procédure civile. Moyens produits, au pourvoi incident préalable, par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils pour la Société générale
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR dit que M. J... a été victime de faits de discrimination syndicale, d'AVOIR dit que M. J... peut prétendre à sa requalification professionnelle au niveau cadre, d'AVOIR condamné la Société Générale à payer en deniers ou quittances à M. J... les sommes de 87.530,71 euros à titre de rappel de salaire en raison de sa requalification professionnelle, de 8.144 euros à titre de rappel de salaire sur prime non intégralement payée et de 8.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral, d'AVOIR ordonné la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. J... à la date de l'arrêt, d'AVOIR dit que cette résiliation produira les effets d'un licenciement nul et d'AVOIR condamné la Société Générale à payer à M. J... les sommes de 9.732 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents, 66.728,64 euros à titre d'indemnité de licenciement et 56.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ;
AUX MOTIFS QUE « Sur la discrimination syndicale - Aux termes de l'article L. 1132-1 du code du travail, dans sa rédaction en vigueur à la date de la saisine du conseil de prud'hommes, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison notamment de ses activités syndicales ou mutualistes. L'article L. 2141-5 dispose également que : "Il est interdit à l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d'avancement, de rémunération et d'octroi d'avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail". En application de l'article L. 1134-1, lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance de ces dispositions, il appartient au salarié qui se prétend lésé par une mesure discriminatoire de présenter au juge des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que les mesures prises sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. - Sur le fond. A l'appui des faits invoqués, M. I... J... qui se plaint essentiellement d'avoir été privé par l'employeur d'une progression de carrière et de rémunération en comparaison avec des salariés embauchés dans le même temps que lui et selon des classifications similaires et d'avoir été privé du statut cadre, en raison de son activité syndicale, établit que : - il a bénéficié de multiples mandats, désigné par son syndicat ou élu du personnel, de manière ininterrompue depuis 1981 et il a eu une activité syndicale à plein temps entre 1994 et 2005, étant précisé qu'il ne démontre pas les pressions alléguées de la direction pour mettre fin à son engagement ; - embauché en 1973 et titularisé en 1974, il a bénéficié de 5 promotions en 8 ans, avant son premier mandat et de 2 évolutions entre 1981 et à ce jour : 1983 agent cellule-trésorerie, en 1991 chargé pré-contentieux et janvier 2006 agent de gestion administrative niveau G et en 36 ans de 5 modifications de coefficient, étant précisé qu'il ne démontre pas, aucune pièce n'étant visée, que ces évolutions ont été obtenues sur ses réclamations expresses ; - il n'a connu que 2 augmentations individuelles entre 1982 et 2017 pour des montants limités à 8,05 euros en 2002 et à 7,75 euros en 2006 ce qui le place dans le pourcentage très faible de 0,4% du personnel qui en 2016 n'avait connu aucune augmentation personnelle de salaire dans les 6 dernières années ; - l'employeur avait mis en place en 1984 un accord relatif à l'exercice du droit syndical dont l'article 12 assurait aux agents exerçant des activités syndicales une évolution normale de carrière en fonction des compétences professionnelles manifestées durant le temps consacré à leur travail et qui prévoyait pour les permanents syndicaux de faire référence aux compétences professionnelles acquises au cours de leurs emplois précédents et à l'évolution de carrière des autres agents, en prévoyant annuellement une telle comparaison ; - il n'a pas eu d'entretien annuel pendant plusieurs années, en particulier entre 1995 et sa réintégration en 2006, alors qu'il avait été évalué annuellement entre 1984 et 1995, 1991 excepté, le privant de l'occasion de procéder à cette comparaison et de solliciter un rattrapage ; il n'est justifié que de deux entretiens entre 2006 et 2015, un entretien ayant été fixé en cours de procédure le 16 décembre 2016. La cour indique ici qu'elle traitera ultérieurement les conséquences salariales de la promotion au statut cadre revendiquée par M. I... J..., qui obéit à des règles de preuve spécifiques notamment la démonstration par le salarié qu'il remplit les conditions d'accès à la catégorie professionnelles H. Mais il est d'ores et déjà relevé que le salarié se compare à MM. G... S..., B... T..., Gérard W..., entrés dans l'entreprise, en 1973, 1974 et 1976, avec un profil similaire et qui ont été promus cadres classifiés H. Les éléments de fait établis par M. I... J... et qui sont retenus par la cour suffisent à laisser supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte ; il incombe à l'employeur, qui conteste leur caractère discriminatoire, de prouver que les mesures prises sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Il suffit de constater que la Société Générale n'apporte aucune justification à l'absence d'entretien annuel d'évaluation ou de fixation d'objectifs au salarié, durant près de 10 ans et même après l'engagement de la procédure, en violation de l'accord collectif d'entreprise sur le rattrapage de carrière des salariés exerçant des activités syndicales qui aurait permis de lui accorder des augmentations individuelles ou des élévations de coefficient en se fondant sur les premières bonnes appréciations qui avaient marqué son début de carrière ou de le comparer aux autres agents ayant une ancienneté similaire et de s'assurer de son évolution en lui proposant les formations diplômantes ou des validations d'expérience pour accéder au statut cadre par le biais du latéralat. En effet, il ressort des évaluations produites entre 1984 et 1995, que l'employeur a procédé effectivement à l'appréciation du salarié 1984 et 1990, en louant les qualités d'un agent "consciencieux, travailleur, sérieux, son bon niveau de connaissances techniques en matière administrative pour conclure que la fonction (était) bien assurée" ; la Société Générale a cessé ensuite de renseigner les items. Dès le 31 octobre 2006, l'employeur est en mesure de souligner la bonne intégration du salarié au sein du service de la gestion des moyens et ses qualités personnelles notamment de communication et confirme en 2009, son efficacité, sa polyvalence qui lui valent une notation entre "excellent et satisfaisant" et des appréciations élogieuses. Il est significatif de souligner que l'évaluation et de fixation des objectifs effectuée le 16 décembre 2016 en cours de procédure ne dément pas ces bonnes appréciations sur M. I... J..., dépeint comme disponible, efficace et capable d'affirmer des qualités auprès des chantiers futurs. S'agissant de l'évolution salariale, le conseil de prud'hommes avait tiré les conséquences du défaut de production par l'employeur des bulletins de paie des agents de gestion administrative de niveau H avec 30 ans et plus d'ancienneté. La cour ne peut que constater que ces éléments ne figurent pas au nombre des 4 nouvelles pièces produites en cause d'appel, en sus des 11 déjà fournies par la Société Générale. L'employeur, qui conclut à une évolution de carrière normale, se borne dans ses écritures à faire état d'un panel de salariés ou à commenter des tableaux qui ne sont absolument pas corrélés par des pièces. La cour considère que le non-respect par l'employeur de l'accord conventionnel sur l'évaluation annuelle censé attirer son attention sur l'évolution de carrière des salariés exerçant des mandats syndicaux met à néant ses remarques sur le fait que le salarié bénéficiait d'une rémunération conforme aux minima conventionnels ou aux autres salariés de la catégorie G ou sur son absence de mobilité géographique. La discrimination syndicale est établie. - Sur les conséquences : Le salarié sollicite sa requalification professionnelle : il soutient que le poste d'agent de gestion administrative qu'il occupe au sein de l'établissement de Caen peut parfaitement relever de la classification professionnelle H et donc du statut cadre, en se prévalant : - du tableau des métiers-repère annexé à la convention collective des banques dont il ressort que les emplois de gestionnaire administratif ou de chargé de gestion administrative peuvent relever des niveaux C et H ; - de l'article 33 de la convention collective qui définit l'emploi de technicien niveau H comme comportant ou non l'animation d'une unité et se caractérisant par des responsabilités nécessitant la connaissance de techniques et usages complexes et/ou une compétence professionnelle qui peut s'appliquer à la gestion de toute ou partie d'une activité, d'une unité d'exploitation ou d'administration ou de la réalisation d'études ou de prestations d'assistance, de conseil ou de contrôle ; - de la fiche de poste d'un 'agent de la gestion administrative' affecté à la gestion des moyens qu'il a signée le 19 décembre 2005 avant sa prise de poste dont il déduit qu'il occupe un poste de gestionnaires de moyens ; - de la comparaison qu'il fait avec d'autres salariés, classés au niveau H, tel que M W... de la même ancienneté qui selon lui occupent des fonctions identiques, ou ont suivi un parcours similaire. Dès lors que l'employeur n'a pas évalué le salarié durant plusieurs années, il ne peut lui être fait grief de ne pas faire la démonstration qu'il exerce effectivement des tâches managériales ou d'expertise, en le comparant aux autres salariés comme M. W... passé au niveau H en janvier 2005 ou de manquer des compétences professionnelles exigées par la procédure de latéralat pour accéder au statut cadre. Il est significatif de relever que M. B... X..., entré en 1975 comme employé mécanographe dans une agence parisienne (qui a fait toute sa carrière à Paris intra-muros) et représentant du personnel et du syndicat CFDT, permanent de 2005 à 2008, et passé cadre en 2012, atteste que tout au long de son parcours, sa rémunération et son évolution de carrière étaient revues dans le cadre de l'accord des porteurs de mandats précité. La cour fait droit au calcul détaillé par le salarié dans un tableau sur le rappel de salaire de 87 530,71 euros en deniers ou quittances qui permet d'assurer le rétablissement du salarié discriminé dans ses droits et sur le rappel de prime subséquent de 8 155 euros. La cour observe que l'employeur n'a fait aucune critique argumentée sur ce calcul, à titre subsidiaire. Le salarié démontre avoir subi un préjudice moral causé par cette discrimination syndicale sur plusieurs années qui sera réparé par la somme de 8 000 euros à titre de dommages-intérêts, le préjudice financier lié au défaut de promotion lié à la discrimination syndicale ayant été réparé par le rattrapage salarial » ;
ET AUX MOTIFS REPUTES ADOPTES QUE « Monsieur J... demande au conseil de constater l'absence de déroulement de carrière normal, et de ce fait qu'il peut prétendre à sa requalification professionnelle. La discrimination syndicale dont il a fait l'objet s'est traduite par une évolution de carrière nettement entravée et ralentie par rapport aux autres salariés de l'entreprise, alors que les évaluations réalisées par l'employeur n'ont jamais remis en cause ses performances, la SOCIETE GENERALE étant seule responsable de l'absence d'évaluation annuelle. La SOCIETE GENERALE soutient que c'est Monsieur J... qui est responsable du ralentissement de sa carrière car il n'aurait jamais fait la moindre preuve de mobilité, géographique, ce qui est inexact, notamment au niveau syndical. Par ailleurs d'autres salariés avec le même déroulement de carrière ont eu de la promotion sans aucune mobilité. La SOCIETE GENERALE soutient que Monsieur J... ne remplissait pas les conditions pour occuper un emploi de cadre et que ses compétences étaient limitées. Monsieur J... a assumé un mandat de délégué syndical central, il était l'interlocuteur direct des dirigeants de la SOCIETE GENERALE et les compétences pour assumer ce type de mandat sont tout à fait assimilables à celles d'un personnel d'encadrement. Par ailleurs, Monsieur J... soutient qu'il n'a jamais bénéficié au sein de l'entreprise de formation lui permettant une progression professionnelle en contravention avec les dispositifs de l'article L. 1321-1 du code du travail. Monsieur J... s'appuie sur l'accord relatif à l'exercice du droit syndical conclu entre la direction et les principales organisations syndicales en août 1984, qui stipule que l'exercice d'activité syndicales ne, peut être pris en considération pour arrêter des décisions concernant l'avancement, l'évaluation professionnelle, la rémunération. Dans cet esprit chaque année une comparaison de la situation des représentants du personnel sera établie avec celle de l'ensemble du personnel ce qui n'a pas été fait » ;
1. ALORS QUE les données relatives au déroulement de la carrière et à la rémunération d'un salarié relèvent de sa vie privée, de sorte que leur communication à un tiers constitue une ingérence dans la vie privée du salarié ; qu'en conséquence, si l'employeur peut être tenu, en cas de litige portant sur l'existence d'une discrimination dans le déroulement de la carrière d'un salarié, d'apporter des éléments de preuve sur le déroulement de la carrière et la rémunération des salariés placés dans une situation identique, il peut refuser de communiquer au salarié les données nominatives sur la rémunération d'autres salariés et réserver au juge, seul, la connaissance de ces données nominatives ; qu'en l'espèce, pour contester l'existence d'une discrimination dans l'évolution de la carrière et de la rémunération de M. J..., la Société Générale avait notamment établi des tableaux de comparaison de l'évolution de la rémunération de M. J... par rapport à celle de 189 salariés ayant, au 1er janvier 1996, le même niveau de classification et une ancienneté bancaire comparable et qui étaient toujours inscrits dans les effectifs au 1er janvier 2017, elle avait procédé à l'analyse de la répartition des Techniciens Métiers Banque ayant une ancienneté comparable à celle de M. J... entre les différents niveaux de classification (cadres et non-cadres) et elle avait comparé la rémunération de M. J... avec elle des agents de gestion administrative ayant une ancienneté comparable ; que la Société Générale précisait, dans ses conclusions d'appel (p.24), qu'elle tenait à la disposition de la cour d'appel l'ensemble des données individuelles dont le traitement a été nécessaire pour parvenir aux résultats présentés sous forme d'analyse statistique ; qu'en refusant cependant de tenir compte de ces tableaux de comparaison, au motif que la Société Générale ne produisait pas les bulletins de paie des agents de gestion administrative de niveau H avec 30 ans et plus d'ancienneté, cependant qu'il lui appartenait de solliciter la communication de ces données nominatives tenues à sa disposition et que l'employeur ne pouvait, sans porter atteinte à la vie privée des salariés, communiquer in extenso au demandeur, la cour d'appel a violé les article 9 du code civil, 9 du code de procédure civile et L. 1134-1 du code du travail ;
2. ALORS QUE sauf accord collectif ou stipulation particulière du contrat de travail prévoyant une progression automatique de carrière, l'employeur n'est pas tenu d'assurer cette progression par des changements d'emploi ou de qualification ; que le salarié, fût-il représentant du personnel, qui, bien qu'informé comme les autres salariés des opportunités d'emploi et des dispositifs de formation ou de validation des acquis de l'expérience permettant un passage au niveau de classification supérieure et ayant bénéficié des mêmes formations professionnelles, ne postule à aucun emploi, ni ne sollicite l'application des dispositifs de progression mis en place par l'employeur, ne peut imputer à ce dernier l'absence de progression à un niveau de qualification supérieur ; qu'en l'espèce, la Société Générale faisait valoir que l'accès à la qualification de cadre n'est pas automatique et que M. J..., qui avait bénéficié régulièrement de formations professionnelles et était informé comme l'ensemble du personnel des postes disponibles et des deux dispositifs d'accès au statut de cadre, n'avait jamais postulé sur aucun poste, ni manifesté la volonté d'exercer d'autres fonctions ou fait part d'une mobilité géographique et qu'il n'avait pas davantage demandé à bénéficier du cursus cadre ou du dispositif du « latéralat » pour accéder au statut de cadre ; qu'en retenant néanmoins que le positionnement de M. J... dans un emploi de qualification inférieure à celle de cadre résultait d'une discrimination, dès lors que la Société Générale n'avait pas procédé à l'évaluation de M. J... pendant plusieurs années – essentiellement lorsqu'il était permanent syndical - ni évalué son positionnement par rapport aux autres agents ayant une ancienneté similaire comme le prévoyait l'accord collectif d'entreprise relatif à l'exercice du droit syndical, aux fins de lui proposer le cas échéant des formations diplômantes ou des validations d'expériences pour lui permettre d'accéder au statut de cadre, sans tenir aucun compte du propre comportement du salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1134-1 et L. 2141-5 du code du travail ;
3. ALORS QUE lorsqu'un accord collectif garantit la progression normale de la carrière des salariés investis d'un mandat de représentant du personnel et prévoit notamment, à cet effet, l'organisation d'entretiens annuels d'évaluation ou une comparaison annuelle avec l'évolution de carrière des autres salariés, l'absence de tels entretiens ou comparaisons ne fait pas nécessairement obstacle à la progression normale de la carrière du salarié ; qu'en l'espèce, la Société Générale soulignait que si M. J... n'avait pas bénéficié, certaines années, d'un entretien d'évaluation, sa carrière et sa rémunération avaient cependant progressé de manière régulière, sans présenter aucun retard avec celle d'autres salariés placés dans une situation comparable ; qu'en considérant cependant que le non-respect par l'employeur de l'accord sur l'évaluation annuelle censé attirer son attention sur l'évolution de carrière des représentants du personnel avait privé le salarié d'une possibilité d'évolution professionnelle, sans constater que la carrière de M. J... aurait accusé un retard par rapport à celle de l'ensemble des salariés placés dans une situation comparable ou d'un panel de salariés représentatifs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1134-1 et L. 2141-5 du code du travail ;
4. ALORS QUE l'exercice d'un mandat de représentant du personnel ne donne pas au salarié le droit à accéder automatiquement à la qualification de cadre, ni plus largement le droit à une évolution de carrière indépendante des compétences et qualités professionnelles mises en oeuvre dans son poste ; qu'en retenant, par motifs réputés adoptés, que M. J... était fondé à prétendre à la qualification de cadre, dès lors qu'il a assumé un mandat de délégué syndical central, qu'il était l'interlocuteur direct des dirigeants de la Société Générale et que les compétences pour assumer ce type de mandat sont tout à fait assimilables à celles d'un personnel d'encadrement, la cour d'appel a violé l'article L. 2141-5 du code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION, SUBSIDIAIRE
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR ordonné la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. J... à la date de l'arrêt, d'AVOIR dit que cette résiliation produira les effets d'un licenciement nul et d'AVOIR condamné la Société Générale à payer à M. J... les sommes de 9.732 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents, 66.728,64 euros à titre d'indemnité de licenciement et 56.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ;
AUX MOTIFS QUE « la discrimination syndicale dont a été victime M. I... J... constitue un manquement grave qui empêche la poursuite du contrat de travail et qui justifie de faire droit à sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail qui produira les effets d'un licenciement nul. En effet, si certains manquements sont anciens, force est de constater qu'ils perduraient au moment de l'audience d'appel, notamment en terme de rattrapage du statut cadre. Il sera fait droit, sur la base d'un salaire revalorisé et de son ancienneté, à ses demandes de versement : - d'indemnité compensatrice de préavis de 40 624 euros ; - d'indemnité de licenciement de 66728,64 euros ; - de dommages-intérêts pour licenciement nul pour cause de discrimination de 56 000 euros, en fonction des éléments connus sur son âge, son ancienneté et sa rémunération retenue comme le relève le salarié la cour n'est pas tenue d'appliquer le barème de l'article L.1235-3-1 du code du travail » ;
ALORS QUE le juge ne peut ordonner la résiliation judiciaire du contrat d'un salarié protégé qu'en cas de manquement de l'employeur à ses obligations rendant impossible la poursuite de l'exécution du contrat ; que dès lors que le salarié, qui invoque une discrimination en matière de carrière et de rémunération, a demandé au juge d'ordonner son repositionnement au niveau qu'il aurait dû atteindre en l'absence de discrimination et l'octroi d'une indemnisation qui répare l'intégralité de son préjudice matériel et moral, la discrimination passée ne peut faire obstacle à la poursuite de l'exécution du contrat ; qu'en l'espèce, il est constant que M. J..., qui exerçait des mandats syndicaux et de représentants du personnel depuis 1991, a saisi la juridiction prud'homal en 2013, sans avoir préalablement formé la moindre réclamation sur ce point, pour voir constater une discrimination dans l'évolution de sa carrière et obtenir son repositionnement au coefficient qu'il aurait dû atteindre ainsi que le paiement de dommages et intérêts réparant son préjudice salarial et son préjudice moral ; que, bien que les premiers juges aient fait droit à ces demandes et qu'il fût alors proche de l'âge de la retraite, il a demandé à la cour d'appel, trois jours avant l'audience de cette dernière, de prononcer la résiliation judiciaire de son contrat ; qu'ayant estimé que l'existence d'une discrimination était établie, la cour d'appel a ordonné le repositionnement de M. J... au niveau cadre et condamné la Société Générale à lui verser des dommages et intérêts en réparation de ses préjudices matériel et moral, de sorte que la discrimination passée ne pouvait faire obstacle à la poursuite du contrat ; qu'en retenant néanmoins que la discrimination syndicale dont M. J... a été victime justifiait de faire droit à sa demande de résiliation judiciaire, la cour d'appel a violé l'article 1184 du code civil dans sa version antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble les articles L. 1231-1, L. 1237-2 et L. 1235-1 du code du travail.