Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 26 septembre 2019, 18-16.245, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Donne acte à Mme CV... et à M. V... du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt rendu le 23 février 2018 au profit de la société Groupe moniteur ;

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 23 février 2018), que la société Groupe moniteur (la société), éditeur de presse, a signé, le 14 juin 2012, avec plusieurs organisations syndicales, un accord relatif aux droits d'auteur des journalistes dont le titre IV prévoit que l'éditeur pourra effectuer, sous certaines conditions, toute cession des oeuvres, à titre gracieux ou onéreux, en vue de leur exploitation par un tiers ; qu'estimant que la société s'opposait indûment au versement à leur profit des redevances qu'elle avait perçues du Centre français d'exploitation du droit de copie (le CFC) en contrepartie des autorisations données à des tiers au titre du droit de reprographie et des droits d'utilisation électronique, M. G... et plusieurs autres journalistes, ainsi que le Syndicat national des journalistes (le SNJ) ont assigné la société en paiement ; que le Syndicat national des journalistes-CGT (le SNJ-CGT) est intervenu volontairement à l'instance ;

Attendu que les journalistes, le SNJ et le SNJ-CGT font grief à l'arrêt de rejeter toutes leurs demandes, alors, selon le moyen :

1°/ que les auteurs disposent sur leurs oeuvres d'un droit d'exploitation exclusif et originaire qui comprend le droit de reprographie et le droit de reproduction numérique ; que tout acte de reproduction ou de communication d'une oeuvre par un tiers requiert le consentement préalable de son auteur ; que sous réserve des exceptions et limitations prévues de façon exhaustive à l'article 5 de la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil, toute utilisation d'une oeuvre effectuée par un tiers sans un tel consentement préalable doit être regardée comme portant atteinte aux droits de l'auteur de cette oeuvre ; que, si le consentement de l'auteur peut être donné de façon implicite, l'objectif de protection élevée des auteurs auquel se réfère le considérant 9 de la directive implique que les conditions dans lesquelles un consentement implicite peut être admis doivent être définies strictement afin de ne pas priver de portée le principe même du consentement préalable de l'auteur, ce qui implique en particulier que tout auteur doit être effectivement informé de la future utilisation de son oeuvre par un tiers et des moyens mis à sa disposition en vue de l'interdire s'il le souhaite ; que si certains droits ou certains bénéfices peuvent être octroyés à des tiers, tels que des éditeurs, c'est à la condition que ces droits et bénéfices ne portent pas atteinte aux droits d'exploitation attribués à titre exclusif aux auteurs ; que le consentement d'un auteur à la future exploitation de son oeuvre par des tiers ne saurait donc se déduire d'un accord collectif qui prévoit que les auteurs « acceptent de manière expresse et préalable » que l'éditeur puisse céder à titre gracieux ou onéreux les droits d'exploitation de leurs oeuvres à des tiers, sans prévoir une information préalable effective de l'auteur relative à cette future utilisation et aux moyens mis à sa disposition en vue de l'interdire ; que le contrat qui lie un journaliste professionnel à son employeur n'emporte pas cession à l'employeur des droits d'exploitation des oeuvres du journaliste par des tiers ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que les journalistes n'auraient droit à aucune rémunération complémentaire au titre de l'exploitation de leurs droits de reprographie et de reproduction numérique gérés par le CFC dès lors que l'accord collectif relatif aux droits d'auteurs des journalistes professionnels signé le 14 juin 2012 par la société avec les syndicats représentatifs prévoit, d'une part, une rémunération complémentaire forfaitaire due aux journalistes en contrepartie des exploitations de leurs oeuvres réalisées par des tiers, rémunération dont il n'est pas contesté que le paiement a été effectué et, d'autre part, une rémunération complémentaire sur les sommes versées au titre des réutilisations de leurs oeuvres par d'autres organismes de presse sous forme de panoramas de presse sur support numérique ou non gérées par le CFC mais que la société n'a reçu aucune somme à ce titre du CFC, en sorte que les journalistes et leurs syndicats échouent à justifier du fondement légal pouvant asseoir leurs demandes en paiement de sommes dues au titre des droits de reprographie et de reproduction numérique de leurs oeuvres gérés par le CFC ; qu'en statuant ainsi, quand l'accord collectif du 14 juin 2012 ne pouvait valoir autorisation, même implicite, donnée à la société de céder les droits d'exploitation dont disposent les journalistes sur leurs oeuvres à des tiers, en sorte que cette société n'était pas en droit de conserver à son profit toutes les sommes versées par le CFC à raison de la reprographie ou de la reproduction numérique des oeuvres des journalistes faites par des tiers, la cour d'appel a violé les articles L. 111-1, L. 122-1, L. 122-4, L. 132-36 et L. 132-40 du code de la propriété intellectuelle tels qu'ils doivent s'interpréter à la lumière des articles 2, a), et 3, § 1, de la directive 2001/29/CE du 22 mai 2001 ;

2°/ que l'article L. 122-10 du code de la propriété intellectuelle prévoit que « la publication d'une oeuvre emporte cession du droit de reproduction par reprographie à un organisme de gestion collective » ; que le contrat qui lie un journaliste professionnel à son employeur n'emporte pas cession à l'employeur des droits d'exploitation des oeuvres du journaliste par des tiers et ce, que l'oeuvre soit ou non publiée ; que, dès lors, sauf cession spéciale faite, indépendamment de son contrat de travail, par le journaliste à son employeur de son droit de reprographie avant la publication de son oeuvre, la cession légale du droit de reproduction par reprographie, en ce qui concerne la reprographie réalisée par des tiers, ne s'opère pas entre l'employeur du journaliste et l'organisme de gestion collective, mais entre cet organisme et le journaliste lui-même ; que son employeur ne peut donc bénéficier des rémunérations dues au titre de cette cession ; qu'en retenant, en l'espèce, que les journalistes ne disposaient pas de droits sur les sommes versées par le CFC à la société au titre de l'exploitation du droit de reproduction par reprographie de leurs oeuvres, dès lors que l'accord collectif du 14 juin 2012 ne prévoit pas un tel droit, sans constater que chacun des journalistes demandeurs auraient cédé à la société, avant la publication de ses oeuvres, son droit de reproduction par reprographie de ses oeuvres réalisée par des tiers, la cour d'appel a méconnu le mécanisme de cession légale instauré par l'article L. 122-10 du code de la propriété intellectuelle et, par là même, violé ledit article, ensemble les articles L. 132-36 et L. 132-40 du même code ;

Mais attendu que les journalistes, le SNJ et le SNJ-CGT n'ont pas soutenu, devant la cour d'appel que, faute pour les premiers d'avoir été effectivement informés de l'utilisation future de leurs oeuvres par des tiers et des moyens dont il disposaient pour s'y opposer, le cas échéant, leur consentement ne pouvait se déduire de l'accord litigieux ;

Et attendu que la cour d'appel a constaté, d'une part, que l'accord couvrait les droits de reprographie et prévoyait, en son article IV, que les journalistes acceptaient de manière expresse et préalable que l'éditeur puisse effectuer toute cession des oeuvres, à titre gracieux ou onéreux, en vue de leur exploitation par des tiers, d'autre part, que la rémunération complémentaire forfaitaire qui leur était due de ce chef leur avait été versée ;

D'où il suit que le moyen, irrecevable comme nouveau et mélangé de fait en sa première branche, n'est pas fondé en sa seconde ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne les demandeurs au pourvoi aux dépens, à l'exception de Mme CV... et de M. V... ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six septembre deux mille dix-neuf. MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat aux Conseils, pour les demandeurs à l'exception de Mme CV... et M. V....

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, confirmant le jugement déféré, rejeté toutes les demandes au principal tendant à voir constater que la société Groupe Moniteur a manqué à son obligation de versement des redevances perçues du CFC au titre des droits de reprographie des journalistes au cours des années 2013 à 2015 et à la voir condamner à verser à chaque journaliste demandeur la part lui revenant pour ces années au titre des droits CFC collectés au regard de la reprographie papier et de la reproduction numérique selon une clé de répartition leur étant inconnue, et à la voir condamner à verser au Syndicat national des journalistes (SNJ) ainsi qu'au Syndicat SNJ-CGT la somme de 1 euro à titre de dommages-intérêts ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « sur les droits de reprographie :
Les appelants font valoir que c'est à tort que les premiers juges ont retenu qu'ils n'étaient pas fondés à obtenir le versement d'une quote-part des redevances versées par le CFC à leur employeur au titre de la cession du droit de reprographie sur leurs oeuvres au motif que cette rémunération serait couverte par l'accord d'entreprise du 14 juin 2012 ;
Qu'ils soutiennent que le droit de reprographie suit le même régime que le droit de reproduction « commun », la seule singularité tenant au fait qu'il est cédé de plein droit par l'effet de la première publication de l'oeuvre à un organisme de gestion collective ;
Que la société Groupe Moniteur expose que les droits de reprographie sont compris dans l'accord d'entreprise conclu le 14 juin 2012 et que la loi du 12 juin 2009 dite loi Hadopi n'a pas interdit de tels accords en matière de reprographie ;
Que la loi du 3 janvier 1995 complétant le Code de la propriété intellectuelle et relative à la gestion collective du droit de reproduction par reprographie a introduit un article L. 122-10 qui prévoit que « la cession d'une oeuvre emporte cession du droit de reproduction par reprographie à une société régie par le titre II du livre III et agréée par le ministre chargé de la culture » ;
Que le CFC a été agréé à cette fin par le ministère de la Culture et il n'est pas contesté que la société Le Moniteur a régulièrement procédé à la répartition entre les journalistes qu'elle emploie des sommes reçues de celui-ci ; qu'en 2003, la société du Moniteur a également confié au CFC la
gestion non exclusive de la reproduction sur support numérique de ses publications par contrats d'apport volontaire et avenants ;
Que la loi du 12 juin 2009 dite loi Hadopi a eu pour objet de favoriser la diffusion et la protection de la création sur Internet ;
Que la société du Moniteur qui, depuis 2004, attribuait chaque année aux journalistes un pourcentage de la somme globale reversée par le CFC au titre de la réutilisation des oeuvres, a négocié un nouvel accord avec les syndicats représentatifs sur les droits d'auteurs des journalistes, qui a été signé le 14 juin 2012 ;
Que l'article 1 de cet accord, intitulé « Objet et champ d'application de l'accord », rappelle les termes de l'article L. 132-6 du code de la propriété intellectuelle, qui prévoit que la cession des droits d'exploitation de l'oeuvre du journaliste à son employeur s'effectue sous réserve de l'article L. 121-8 et précise que « le présent accord a pour objet de rappeler les dispositions légales et de préciser les différentes modalités d'exploitation des oeuvres réalisées par les journalistes dans le cadre de ce nouveau dispositif légal [
] » ; que pour autant, ce rappel général de l'évolution législative ne démontre pas que les parties ont négocié cet accord sur les seuls droits découlant de la loi Hadopi ;
Que dans son article IV-3, l'accord de 2012 stipule que :
« L'exploitation dans le cadre d'un titre de presse comprend tout mode de diffusion [
] » dont « la diffusion via un panorama de presse électronique ou reprographie papier » et, dans son article IV-4, il ajoute que : « Conformément aux exigences légales, les bénéficiaires du présent accord acceptent de manière expresse et préalable que l'Editeur puisse effectuer toute cession des oeuvres à titre gracieux ou onéreux en vue de leur exploitation par un tiers dans les conditions définies ci-après » ; qu'il est ainsi visé « toute cession en vue de l'exploitation par un tiers » ; or, l'exploitation par reprographie est réalisée après la cession à un tiers, en l'espèce le CFC ; qu'en conséquence, cet accord comprend entre autres les exploitations par reprographie ;
Que l'article IV-6 vise « la fixation de la forme de la rémunération et des modalités de répartition des rémunérations complémentaires versées au titre de la réutilisation des oeuvres des journalistes gérées par le Centre français d'exploitation du droit de copie », en distinguant « les rémunérations complémentaires versées au titre des réutilisations des oeuvres des journalistes par d'autres organismes de presse sous forme de panoramas de presse sur support numérique ou non gérées par le CFC seront réparties entre les journalistes de la manière suivante :
Le montant sera réparti entre les journalistes permanents et les pigistes à hauteur pour ces derniers de la quote-part de leur masse salariale dans la masse salariale globale des journalistes pour l'année civile précédant l'année de paiement, au prorata de leur temps de présence dans l'année (la proratisation tiendra compte uniquement des mois complets d'activité) ;
Les journalistes pigistes percevront une rémunération complémentaire

Le solde sera réparti à égalité entre les journalistes professionnels CDI et CDD présents au 31 décembre de l'année civile précédant l'année de paie » ;
Que ces dispositions démontrent que les droits de reprographie sont visés dans l'accord puisqu'il est procédé à un aménagement du mode général de rémunération du régime général pour le cas particulier qui est celui de l'exploitation des panoramas de presse par les entreprises de presse ;
Que les journalistes soutiennent que l'accord d'entreprise ne serait pas conforme au régime légal, le droit de reprographie devant suivre le même régime que le droit de reproduction « commun » dont il se différencie seulement par le fait qu'il est cédé de plein droit par l'effet de la première publication de l'oeuvre à un organisme de gestion collective ;
Or, le CFC a fixé un barème de répartition qui précise que « lorsque la publication a été réalisée dans le cadre du contrat de travail, le partage auteur(s)/éditeur peut avoir été fixé par accord individuel ou collectif, ce sont alors les termes de cet accord qui s'appliquent » ; or, comme il a été vu ci-avant, un accord d'entreprise a été signé le 14 juin 2012, comprenant les droits de reprographie ;
Que cet accord a été négocié et n'a pas été remis en cause, de sorte qu'il ne peut pas être soutenu qu'il ne garantit pas un équilibre de répartition ;
Qu'en ce qui concerne les redevances au titre du régime général, les appelants ne contestent pas que la société Groupe Moniteur en a effectué le paiement ; quant aux versements au titre du régime particulier de la reprographie par panoramas de presse des entreprises de presse, la société Groupe Moniteur n'a procédé à aucun versement, n'ayant reçu aucune somme du CFC comme celui-ci l'indique dans un courrier du 29 décembre 2016 ;

Sur les redevances des droits d'utilisation électronique :
Qu'en ce qui concerne ces redevances et comme l'ont retenu les premiers juges, le même raisonnement doit être adopté car la seule différence est que la gestion des droits par le CFC n'est pas obligatoire ;
Or, il n'est pas contesté que la société Groupe Moniteur a adhéré à la gestion collective par le CFC pour les droits de reproduction numérique et il ressort du courrier du CFC du 29 mars 2016 qu'elle n'a rien perçu pour les réutilisations sous forme numérique des panoramas de presse par les entreprises de presse ;
Qu'en conséquence, c'est à bon droit que les premiers juges ont débouté les demandeurs de toutes leurs prétentions envers le Groupe Moniteur en ce qui concerne le paiement de redevances tant au titre des droits de reprographie qu'au titre des droits sur la reproduction numérique » (cf. arrêt p. 14 à 16) ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « l'article L. 122-10 (créé par la loi du 3 juin 1995) du code de propriété intellectuelle dispose :
« La publication d'une oeuvre emporte cession du droit de reproduction par reprographie à une société régie par le titre II du livre III et agréée à cet effet par le ministre chargé de la culture. Les sociétés agréées peuvent seules conclure toute convention avec les utilisateurs aux fins de gestion du droit ainsi cédé, sous réserve, pour les stipulations autorisant les copies aux fins de vente, de location, de publicité ou de promotion, de l'accord de l'auteur ou de ses ayants droit.
A défaut de désignation par l'auteur ou son ayant-droit à la date de la publication de l'oeuvre, une des sociétés agréées est réputée cessionnaire de ce droit.
La reprographie s'entend de la reproduction sous forme de copie sur papier ou support assimilé par une technique photographique ou d'effet équivalent permettant une lecture directe.
Les dispositions du premier alinéa ne font pas obstacle au droit de l'auteur ou de ses ayants droit de réaliser des copies aux fins de vente, de location, de publicité ou de promotion.
Nonobstant toute stipulation contraire, les dispositions du présent article s'appliquent à toutes les oeuvres protégées quelle que soit la date de leur publication » ;
Que la loi n° 95-4 du 3 janvier 1995 est intitulée ainsi « Loi complétant le code de la propriété intellectuelle et relative à la gestion collective du droit de reproduction par reprographie » ; elle avait donc pour objet, comme l'indique son intitulé, d'organiser une gestion collective des droits de la reproduction par reprographie afin, comme le dit à bon droit le défendeur, de faciliter la reprographie en évitant aux utilisateurs de devoir s'adresser à une multitude de titulaires de droits. Ces dispositions légales instaurent à cet effet un système de gestion collective obligatoire ;
Qu'il n'est pas contesté que les droits de la reproduction par reprographie sont effectivement gérés par le CFC pour ce qui concerne les publications du Groupe Moniteur, ce dernier ne viole donc pas l'article L. 122-10 du code de la propriété intellectuelle à cet égard ;
Quant aux règles de répartition des droits entre éditeurs et auteurs concernant les sociétés de presse du secteur P4, c'est-à-dire le secteur de la presse professionnelle auquel appartient le Groupe Le Moniteur, le guide officielle du CFC prévoit qu'en cas d'existence d'un accord individuel ou collectif, les règles de répartition de cet accord s'appliquent (plaquette du CFC intitulée « répartition des droits de reprographie presse » en pièces 3 et 16 en défense, page 14 pour les sociétés de presse P3 à P7) ;
Qu'il convient donc à ce stade de se référer aux dispositions de l'accord d'entreprise conclu au sein du Groupe Moniteur en date du 14 juin 2012 (pièce 5 en demande) ;
Que l'article IV-5 de cet accord prévoit des rémunérations complémentaires forfaitaires et définitives en contrepartie des exploitations réalisées dans le cadre d'un titre de presse au-delà de la période d'actualité (a), des exploitations réalisées dans le cadre de la Famille SO... de presse (b), des exploitations au profit de tiers (c) ; qu'il n'est pas contesté que le Groupe Moniteur a bien versé les rémunérations prévues par l'article IV-5 ; que ces rémunérations relèvent de l'application de la loi Hadopi ;
Que les journalistes en demande font valoir qu'en plus de ces rémunérations complémentaires prévues par l'article IV-5, le Groupe Moniteur leur doit, en leur qualité d'auteurs, la part des redevances CFC versées à l'éditeur pour les années 2014 et 2015 sur les droits de reproduction par reprographie ;
Que pour asseoir leurs droits, ils invoquent l'article L. 122-10 du code de la propriété intellectuelle cependant, il a été dit plus haut, que cet article institue seulement une obligation de gestion collective pour ce type de droits et que le mode de répartition des droits entre auteur et éditeur pouvait, selon les règles mêmes du CFC rappelées dans sa plaquette, faire l'objet d'un accord collectif ;
Or, si la loi Hadopi n'avait pas pour objet de régir les droits de reprographie, l'accord d'entreprise du 14 juin 2012 en vigueur au sein du Groupe Moniteur a, quant à lui, spécifiquement régi, dans son article IV-6 intitulé « Fixation de la forme de la rémunération et des modalités de répartition des rémunérations complémentaires versées au titre de la réutilisation des oeuvres des journalistes gérées par le Centre Français d'Exploitation du droit de copie », les rémunérations complémentaires versées au titre de la réutilisation des oeuvres des journalistes gérées par le CFC ;
Que par cet article, l'accord d'entreprise a entendu limiter le reversement aux journalistes des redevances reçues par le Groupe Moniteur du CFC aux « réutilisations des oeuvres des journalistes par d'autres organismes de presse, sous forme de panorama de presse sur support numérique ou non gérées par le CFC » ;
Qu'ainsi, cet article IV-6 stipule :
« Les rémunérations complémentaires versées au titre des réutilisations des oeuvres des journalistes par d'autres organismes de presse, sous forme de panoramas de presse sur support numérique ou non gérées par le CFC seront réparties de la manière suivante [
] :
- Le montant sera réparti entre les journalistes permanents et les pigistes à hauteur pour ces derniers de la quote-part de leur masse salariale dans la masse salariale globale des journalistes pour l'année civile précédant l'année de paiement, au prorata de leur temps de présence sur l'année.
- Les journalistes pigistes percevront une rémunération complémentaire proportionnelle à la rémunération perçue durant l'année civile précédant l'année de paiement (13ème mois et indemnités de congés payés inclus).
- Le solde sera réparti à égalité entre les journalistes professionnels CDI et CDD présents au 31 décembre de l'année civile précédant l'année de paiement.
- Il est rappelé que les règles de répartition des redevances entre auteurs et éditeurs sont fixées par le Comité du CFC » ;
Que seule la loi instituant la gestion collective (article L. 122-10 du code de la propriété intellectuelle) par le CFC et l'accord d'entreprise du 14 juin 2012 régissant le reversement aux auteurs des sommes perçues au CFC par l'éditeur fondent les droits des journalistes du Groupe Moniteur ;
Que ces derniers ne peuvent à bon droit se prévaloir d'un usage découlant de la nature des redevances qui leur ont été versées après l'entrée en vigueur de l'accord du 14 juin 2012 qu'une seule fois en août 2013 ;
Que les journalistes et leurs syndicats échouent donc à justifier du fondement légal pouvant asseoir leurs demandes en paiement des sommes dues au titre des droits de reprographie, autres que pour les « réutilisations des oeuvres des journalistes par d'autres organismes de presse, sous forme de panoramas de presse sur support numérique ou non gérées par le CFC » ;

Les sommes dues au titre du droit de reproduction numérique :
Que concernant les droits de reproduction sous la forme numérique, le même raisonnement doit être tenu ; en effet, la seule différence est que la gestion de ces droits par le CFC n'est pas obligatoire de par la loi, mais elle suppose une adhésion volontaire de l'éditeur ;
Qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que le Groupe Moniteur a adhéré à la gestion collective par le CFC pour les droits de reproduction numérique ;
Que l'article IV-6 s'applique donc également à la reproduction numérique et limite la rémunération complémentaire due aux journalistes par le Groupe Moniteur aux « réutilisations des oeuvres des journalistes par d'autres organismes de presse, sous forme de panoramas de presse sur support numérique » ;
Or, il ressort de la lettre du CFC du 29 mars 2016 que ce dernier n'a rien perçu pour les publications du Groupe Moniteur sur la période litigieuse pour les « réutilisations des oeuvres des journalistes par d'autres organismes de presse, sous forme de panoramas de presse sur support numérique » (pièce 17 en défense) ;
Que par conséquent, les demandeurs seront déboutés de toutes leurs demandes envers le Groupe Moniteur fondées sur le paiement tant au titre des droits de reprographie qu'au titre des droits sur la reproduction numérique de la part des redevances gérées par le CFC leur revenant »
(cf. jugement p. 12 à 14) ;

1°/ ALORS QUE les auteurs disposent sur leurs oeuvres d'un droit d'exploitation exclusif et originaire qui comprend le droit de reprographie et le droit de reproduction numérique ; que tout acte de reproduction ou de communication d'une oeuvre par un tiers requiert le consentement préalable de son auteur ; que sous réserve des exceptions et limitations prévues de façon exhaustive à l'article 5 de la directive 2001/29/CE, toute utilisation d'une oeuvre effectuée par un tiers sans un tel consentement préalable doit être regardée comme portant atteinte aux droits de l'auteur de cette oeuvre ; que si le consentement de l'auteur peut être donné de façon implicite, l'objectif de protection élevée des auteurs auquel se réfère le Considérant 9 de la directive implique que les conditions dans lesquelles un consentement implicite peut être admis doivent être définies strictement afin de ne pas priver de portée le principe même du consentement préalable de l'auteur, ce qui implique en particulier que tout auteur doit être effectivement informé de la future utilisation de son oeuvre par un tiers et des moyens mis à sa disposition en vue de l'interdire s'il le souhaite ; que si certains droits ou certains bénéfices peuvent être octroyés à des tiers, tels que des éditeurs, c'est à la condition que ces droits et bénéfices ne portent pas atteinte aux droits d'exploitation attribués à titre exclusif aux auteurs ; que le consentement d'un auteur à la future exploitation de son oeuvre par des tiers ne saurait donc se déduire d'un accord collectif qui prévoit que les auteurs « acceptent de manière expresse et préalable » que l'éditeur puisse céder à titre gracieux ou onéreux les droits d'exploitation de leurs oeuvres à des tiers, sans prévoir une information préalable effective de l'auteur relative à cette future utilisation et aux moyens mis à sa disposition en vue de l'interdire ; que le contrat qui lie un journaliste professionnel à son employeur n'emporte pas cession à l'employeur des droits d'exploitation des oeuvres du journaliste par des tiers ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que les journalistes n'auraient droit à aucune rémunération complémentaire au titre de l'exploitation de leurs droits de reprographie et de reproduction numérique gérés par le CFC dès lors que l'accord collectif relatif aux droits d'auteurs des journalistes professionnels signé le 14 juin 2012 par la société Groupe Moniteur avec les syndicats représentatifs prévoit d'une part, une rémunération complémentaire forfaitaire due aux journalistes en contrepartie des exploitations de leurs oeuvres réalisées par des tiers, rémunération dont il n'est pas contesté que le paiement a été effectué et, d'autre part, une rémunération complémentaire sur les sommes versées au titre des réutilisations de leurs oeuvres par d'autres organismes de presse sous forme de panoramas de presse sur support numérique ou non gérées par le CFC mais que la société Groupe Moniteur n'a reçu aucune somme à ce titre du CFC, en sorte que les journalistes et leurs syndicats échouent à justifier du fondement légal pouvant asseoir leurs demandes en paiement de sommes dues au titre des droits de reprographie et de reproduction numérique de leurs oeuvres gérés par le CFC ; qu'en statuant ainsi, quand l'accord collectif du 14 juin 2012 ne pouvait valoir autorisation, même implicite, donnée à la société Groupe Moniteur de céder les droits d'exploitation dont disposent les journalistes sur leurs oeuvres à des tiers, en sorte que cette société n'était pas en droit de conserver à son profit toutes les sommes versées par le CFC à raison de la reprographie ou de la reproduction numérique des oeuvres des journalistes faites par des tiers, la cour d'appel a violé les articles L. 111-1, L. 122-1, L. 122-4, L. 132-36 et L. 132-40 du code de la propriété intellectuelle tels qu'ils doivent s'interpréter à la lumière des articles 2 a) et 3 § 1 de la directive 2001/29 (CE) du 22 mai 2001 ;

2°/ ALORS EN TOUTE HYPOTHESE QUE l'article L. 122-10 du code de la propriété intellectuelle prévoit que « la publication d'une oeuvre emporte cession du droit de reproduction par reprographie à un organisme de gestion collective » ; que le contrat qui lie un journaliste professionnel à son employeur n'emporte pas cession à l'employeur des droits d'exploitation des oeuvres du journaliste par des tiers et ce, que l'oeuvre soit ou non publiée ; que dès lors, sauf cession spéciale faite, indépendamment de son contrat de travail, par le journaliste à son employeur de son droit de reprographie avant la publication de son oeuvre, la cession légale du droit de reproduction par reprographie, en ce qui concerne la reprographie réalisée par des tiers, ne s'opère pas entre l'employeur du journaliste et l'organisme de gestion collective, mais entre cet organisme et le journaliste lui-même ; que son employeur ne peut donc bénéficier des rémunérations dues au titre de cette cession ; qu'en retenant en l'espèce que les journalistes ne disposaient pas de droits sur les sommes versées par le CFC à la société Groupe Moniteur au titre de l'exploitation du droit de reproduction par reprographie de leurs oeuvres, dès lors que l'accord collectif du 14 juin 2012 ne prévoit pas un tel droit, sans constater que chacun des journalistes demandeurs auraient cédé à la société Groupe Moniteur, avant la publication de ses oeuvres, son droit de reproduction par reprographie de ses oeuvres réalisée par des tiers, la cour d'appel a méconnu le mécanisme de cession légale instauré par l'article L. 122-10 du code de la propriété intellectuelle et, par là même, violé ledit article, ensemble les articles L. 132-36 et L. 132-40 du même code.ECLI:FR:CCASS:2019:C100756
Retourner en haut de la page