Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 25 septembre 2019, 18-84.649, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. K... D...,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 2e section, en date du 5 juillet 2018, qui, dans la procédure suivie contre lui des chefs de travail dissimulé, escroquerie, exercice illégal de la profession d'expert-comptable, et blanchiment, a confirmé l'ordonnance de saisie pénale rendue par le juge des libertés et de la détention ;







La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 26 juin 2019 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : Mme de la Lance, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Ascensi, conseiller rapporteur, Mme Planchon, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Guichard ;

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire ASCENSI, les observations de la société civile professionnelle NICOLAŸ, DE LANOUVELLE et HANNOTIN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général SALOMON ;

Vu le mémoire et les observations complémentaires produits ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué, de l'ordonnance qu'il confirme et des pièces de la procédure que, dans le cadre d'une enquête préliminaire diligentée des chefs susvisés, le juge des libertés et de la détention a autorisé par ordonnance du 8 novembre 2016 la saisie d'un plan d'épargne en actions et d'un compte titre dont est titulaire M. D... pour un montant total de 71 699,90 euros ; que l'intéressé a relevé appel de la décision ;

En cet état ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles préliminaire, 591, 593, 706-141, 706-141-1, 706-153 du code de procédure pénale, ensemble les articles 131-21 du code pénal, 6 de la convention européenne des droits de l'homme, 1er du 11e protocole additionnel à la convention européenne des droits de l'homme, les principes de respect du contradictoire, de l'égalité des armes et du droit à un recours effectif contre les violations du droit au procès équitable, les droits de la défense, manque de base légale et défaut de motifs ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré l'appel mal fondé, confirmé l'ordonnance entreprise, confirmé ainsi la saisie pénale des sommes figurant au crédit du compte-titre PEA n° [...], dont est titulaire M. K... D... auprès du LCL DSBA Banque privée Clichy, et des sommes figurant au crédit du compte-titre CRCAM n° [...], dont est titulaire M. D... auprès du Crédit agricole Centre-Loire, et ordonné que ledit arrêt attaqué soit exécuté à la diligence du procureur général ;

"1°) alors que, dans le cadre de l'appel formé contre une ordonnance de saisie pénale, l'appelant peut prétendre à la mise à disposition des pièces de la procédure se rapportant à la saisie qu'il conteste, et plus particulièrement de toute pièce expressément visée dans l'ordonnance de saisie par le juge de la liberté et de la détention qui, par un tel visa, a exprimé l'importance de cette pièce dans la formation de sa conviction relative à la saisie ; qu'au cas présent, pour refuser de déclarer irrégulière la saisie des soldes de deux comptes-titres de l'exposant, qui n'avait pas eu accès au rapport de police établi le 6 octobre 2016 et visé par l'ordonnance de saisie entreprise, l'arrêt attaqué a affirmé « qu'il importe peu, à ce stade de la procédure, que ne figure pas dans le dossier mis à la disposition [
] de l'avocat de l'appelant le procès-verbal en date du 6 octobre 2016 mentionné dans l'ordonnance querellée [
] ; qu'aucune disposition légale n'impose que la totalité des actes d'enquête mentionnés dans l'ordonnance [de saisie] soit mis à la disposition de l'appelante » ; qu'en prononçant ainsi, sans s'assurer que l'exposant avait eu accès au rapport de police du 6 octobre 2016, non simplement mentionné mais expressément visé par l'ordonnance de saisie, la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, qui a confirmé la décision du juge de la liberté et de la détention prise au regard d'une pièce relative à la saisie et non communiquée à l'exposant, a violé les textes et principes susvisés, notamment le principe de respect du contradictoire ;

"2°) alors que, dans le cadre de l'appel formé contre une ordonnance de saisie pénale, l'appelant peut prétendre à la mise à disposition des pièces de la procédure se rapportant à la saisie qu'il conteste, et plus particulièrement de toute pièce expressément visée par l'ordonnance de saisie et à laquelle le ministère public a eu accès pour préparer ses réquisitions ; qu'au cas présent, pour refuser de déclarer irrégulière la saisie des soldes de deux comptes-titres de l'exposant, qui n'avait pas eu accès au rapport de police établi le 6 octobre 2016 et visé par l'ordonnance de saisie entreprise, l'arrêt attaqué a affirmé « qu'il importe peu, à ce stade de la procédure, que ne figure pas dans le dossier mis à la disposition [
] de l'avocat de l'appelant le procès-verbal en date du 6 octobre 2016 mentionné dans l'ordonnance querellée [
] ; qu'aucune disposition légale n'impose que la totalité des actes d'enquête mentionnés dans l'ordonnance [de saisie] soit mis à la disposition de l'appelante » ; qu'en prononçant ainsi, sans s'assurer que l'exposant avait eu accès au rapport de police du 6 octobre 2016, non simplement mentionné mais expressément visé par l'ordonnance de saisie, et dont le ministère public avait, par définition, pu prendre connaissance, la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, qui a placé l'exposant dans une position de net désavantage par rapport au ministère public, a violé les textes et principes susvisés, notamment les droits de la défense et le principe d'égalité des armes ;

"3°) alors que, dans le cadre de l'appel formé contre une ordonnance de saisie pénale, l'appelant peut prétendre à la mise à disposition des pièces de la procédure se rapportant à la saisie qu'il conteste, et plus particulièrement de toute pièce expressément visée dans l'ordonnance de saisie par le juge de la liberté et de la détention qui, par un tel visa, a exprimé l'importance de cette pièce dans la formation de sa conviction relative à la saisie ; qu'au cas présent, pour refuser de déclarer irrégulière la saisie des soldes de deux comptes-titres de l'exposant, qui n'avait pas eu accès au rapport de police établi le 6 octobre 2016 et visé par l'ordonnance de saisie entreprise, l'arrêt attaqué a affirmé « qu'il importe peu, à ce stade de la procédure, que ne figure pas dans le dossier mis à la disposition [
] de l'avocat de l'appelant le procès-verbal en date du 6 octobre 2016 mentionné dans l'ordonnance querellée [
] ; qu'aucune disposition légale n'impose que la totalité des actes d'enquête mentionnés dans l'ordonnance [de saisie] soit mis à la disposition de l'appelante » ; qu'en prononçant ainsi, sans s'assurer que l'exposant avait eu accès au rapport de police du 6 octobre 2016, non simplement mentionné mais expressément visé par l'ordonnance de saisie, la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, qui n'a pas permis à l'exposant de valablement assurer sa défense en rendant ineffectif le recours légal, prévu par l'article 706-153 du code de procédure pénale, contre les atteintes au contradictoire en matière de saisies spéciales, a violé les textes et principes susvisés, notamment les droits de la défense et le droit à un recours effectif contre les violations au droit à un procès équitable" ;

Attendu que le demandeur ne saurait se faire un grief de ce que n'a pas été mis à sa disposition le rapport de police établi le 6 octobre 2016 et visé par l'ordonnance du juge des libertés et de la détention, dès lors que, d'une part, constituent les seules pièces de la procédure se rapportant à la saisie, au sens du second alinéa de l'article 706-153 du code de procédure pénale, la requête du ministère public, l'ordonnance attaquée et la décision de saisie précisant les éléments sur lesquels se fonde la mesure de saisie de biens ou droits mobiliers incorporels, d'autre part, le demandeur ne justifie pas que la chambre de l'instruction se serait fondée, dans ses motifs décisoires, sur des pièces précisément identifiées de la procédure qui ne lui auraient pas été communiquées ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles préliminaire, 591, 593, 706-141, 706-141-1, 706-153 du code de procédure pénale, ensemble les articles 131-21 du code pénal, 6 de la convention européenne des droits de l'homme, 1er du 11e protocole additionnel à la convention européenne des droits de l'homme, les principes de respect du contradictoire, de l'égalité des armes et du droit à un recours effectif contre les violations du droit au procès équitable, les droits de la défense, manque de base légale et défaut de motifs ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré l'appel mal fondé, confirmé l'ordonnance entreprise, confirmé ainsi la saisie pénale des sommes figurant au crédit du compte-titre PEA n° [...], dont est titulaire M. D... auprès du LCL DSBA Banque privée Clichy, et des sommes figurant au crédit du compte-titre CRCAM n° [...], dont est titulaire M. D... auprès du Crédit agricole Centre-Loire, et ordonné que ledit arrêt attaqué soit exécuté à la diligence du procureur général ;

"1°) alors que toute saisie spéciale aux fins de garantie d'une peine de confiscation ultérieure éventuelle doit être motivée par les juges du fond ; qu'en particulier, lorsque l'autorisation d'une telle saisie est sollicitée par le ministère public dans le cadre d'une enquête préliminaire, les juges du fond doivent contrôler l'existence de raisons plausibles de soupçonner que le suspect saisi a commis l'infraction qui fait l'objet de cette enquête et pour laquelle une peine de confiscation est encourue, pour vérifier que la saisie n'emporte pas une atteinte disproportionnée à la présomption d'innocence et au droit de propriété du mis en cause ou des tiers éventuels ; qu'au cas présent, pour autoriser la saisie des sommes figurant au crédit de deux comptes-titres de l'exposant, tout en refusant de procéder au contrôle de l'existence de raisons plausibles de soupçonner que l'exposant aurait commis les infractions faisant l'objet de l'enquête préliminaire qui lui sont imputées par l'ordonnance entreprise, l'arrêt attaqué a affirmé « qu'aucune disposition légale ne conditionne la régularité de l'ordonnance de maintien de saisie à la démonstration de raisons plausibles permettant de soupçonner que le titulaire des valeurs ait pu commettre une infraction » (arrêt attaqué, p. 8, § 3) ; qu'en prononçant ainsi, en refusant d'opérer le contrôle de la vraisemblance minimale des accusations portées contre l'exposant, dont elle était légalement tenue, la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, qui ne s'est pas assurée que la saisie ordonnée ne portait pas une atteinte disproportionnée à la présomption d'innocence et au droit de propriété de l'exposant, a commis un excès de pouvoir négatif au regard des textes et principes susvisés ;

"2°) alors, en tout état de cause, que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; qu'au cas présent, pour confirmer l'ordonnance entreprise, l'arrêt attaqué s'est borné à affirmer « qu'il résulte du procès-verbal du 24 octobre 2016 comme de la requête du ministère public aux fins d'autorisation de saisie susvisés que M. D..., notamment au travers de la société Adrien rénov, serait susceptible d'avoir mis en place ou participé à un système frauduleux et lucratif, organisé autour de plusieurs entités juridiques à caractère éphémère, sans véritable activité économique et domiciliées auprès de sociétés de domiciliation parisienne identique, notamment gérées par un certain M. F... I..., système ayant causé à l'AGS, l'URSSAF et l'administration fiscale un préjudice évalué a minima à environ 1 million d'euros » (arrêt attaqué, p. 8, in fine), motifs repris quasi in extenso des motifs, adoptés, du premier juge qui avait affirmé « qu'il résulte de la procédure que M. D..., notamment au travers de la société Adrien rénov appartenant au groupe GSM, serait susceptible d'avoir mis en place un système frauduleux et lucratif, organisé autour de plusieurs entités juridiques à caractère éphémère, sans véritable activité économique et domiciliées auprès de sociétés de domiciliation parisienne identique, notamment gérées par un certain M. I..., système ayant causé à l'AGS, l'URSSAF et l'administration fiscale un préjudice évalué a minima de près d'un million d'euros » (ordonnance entreprise, § 8) ; qu'en se déterminant ainsi, en considération d'un prétendu résultat d'infraction induit par assimilation à un prétendu préjudice approximativement évalué, et sans jamais préciser l'identité, la dénomination et le nombre des « entités juridiques à caractère éphémère » et « sociétés de domiciliation parisienne » évoquées, ni jamais préciser la date des faits reprochés, la chambre de l'instruction, qui ne s'est pas suffisamment assurée du caractère non arbitraire de l'atteinte au droit de propriété qu'emportait la saisie, a privé sa décision de motifs ;

"3°) alors, en tout état de cause, que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; qu'au cas présent, pour confirmer l'ordonnance entreprise, l'arrêt attaqué a cru pouvoir affirmer « qu'il résulte du procès-verbal du 24 octobre 2016 comme de la requête du ministère public aux fins d'autorisation de saisie susvisés que M. D..., notamment au travers de la société Adrien rénov, serait susceptible d'avoir mis en place ou participé à un système frauduleux et lucratif, organisé autour de plusieurs entités juridiques à caractère éphémère, sans véritable activité économique et domiciliées auprès de sociétés de domiciliation parisienne identique, notamment gérées par un certain M. I..., système ayant causé à l'AGS, l'URSSAF et l'administration fiscale un préjudice évalué a minima à environ 1 million d'euros » (arrêt attaqué, p. 8, in fine), motifs repris quasi in extenso des motifs, adoptés, du premier juge qui avait affirmé « qu'il résulte de la procédure que M. D..., notamment au travers de la société Adrien rénov appartenant au groupe GSM, serait susceptible d'avoir mis en place un système frauduleux et lucratif, organisé autour de plusieurs entités juridiques à caractère éphémère, sans véritable activité économique et domiciliées auprès de sociétés de domiciliation parisienne identique, notamment gérées par un certain M. I..., système ayant causé à l'AGS, l'URSSAF et l'administration fiscale un préjudice évalué a minima de près d'un million d'euros » (ordonnance entreprise, § 8) ; qu'en prononçant ainsi, alors même que, ainsi que le faisait observer M. D... dans ses écritures en cause d'appel, non seulement la société Adrien rénov n'appartenait à aucune des sociétés qu'il dirige, mais encore qu'il ne dirigeait ni ne possédait aucune société intitulée « Groupe GSM », ni aucune société domiciliée à l'adresse des sociétés du dénommé M. F... I..., la chambre de l'instruction, qui n'a pas répondu aux chefs péremptoires des conclusions de l'exposant (mémoire devant la chambre de l'instruction, p. 7-8), a privé sa décision de motifs ;

"4°) alors, en tout état de cause, que, dans le cadre d'une enquête préliminaire, toute autorisation de saisie spéciale aux fins de garantie d'une peine de confiscation ultérieure éventuelle doit être motivée par le juge des libertés et de la détention ; que, pour garantir le justiciable contre le caractère arbitraire de la saisie, une telle motivation doit établir que le juge des libertés et de la détention a contrôlé, effectivement et in concreto, les motifs de saisie invoqués par le ministère public dans ses réquisitions et ne s'est pas borné à les reproduire in extenso en se comportant comme une simple chambre d'enregistrement des desiderata du parquet ; qu'au cas présent, pour confirmer l'ordonnance entreprise, l'arrêt attaqué a cru pouvoir affirmer « qu'il résulte du procès-verbal du 24 octobre 2016 comme de la requête du ministère public aux fins d'autorisation de saisie susvisés que M. D..., notamment au travers de la société Adrien rénov, serait susceptible d'avoir mis en place ou participé à un système frauduleux et lucratif, organisé autour de plusieurs entités juridiques à caractère éphémère, sans véritable activité économique et domiciliées auprès de sociétés de domiciliation parisienne identique, notamment gérées par un certain M. I..., système ayant causé à l'AGS, l'URSSAF et l'administration fiscale un préjudice évalué a minima à environ 1 million d'euros » (arrêt attaqué, p. 8, in fine), motifs repris quasi in extenso des motifs, adoptés, du premier juge qui avait affirmé « qu'il résulte de la procédure que M. D..., notamment au travers de la société Adrien rénov appartenant au groupe GSM, serait susceptible d'avoir mis en place un système frauduleux et lucratif, organisé autour de plusieurs entités juridiques à caractère éphémère, sans véritable activité économique et domiciliées auprès de sociétés de domiciliation parisienne identique, notamment gérées par un certain M. I..., système ayant causé à l'AGS, l'URSSAF et l'administration fiscale un préjudice évalué a minima de près d'un million d'euros » (ordonnance entreprise, p. 8), et qui étaient eux-mêmes, erreurs incluses, repris in extenso des réquisitions du parquet (requête aux fins d'autorisation de saisie pénale d'instruments financiers, p. 2, § 1) ; qu'en se déterminant ainsi, sans jamais vérifier la véracité ou la vraisemblance des affirmations péremptoires et vagues du ministère public ni leur suffisance à fonder, in concreto, la saisie aux fins de confiscation ultérieure éventuelle des sommes figurant au solde de deux comptes-titres dont l'exposant est titulaire, la chambre de l'instruction, qui, en se bornant à reprendre les motifs du premier juge reproduisant eux-mêmes in extenso les réquisitions du ministère public, sans avancer de motifs témoignant d'un véritable contrôle de sa part, s'est comportée en simple chambre d'enregistrement, a privé sa décision de motifs ;

"5°) alors, en tout état de cause, que, dans le cadre d'une enquête préliminaire, pour procéder à la saisie, même en valeur, d'un bien aux fins de garantie d'une éventuelle peine ultérieure de confiscation spéciale du produit de l'infraction, les juges du fond sont tenus d'établir que le produit supposé de l'infraction objet de l'enquête est susceptible de se trouver dans le patrimoine du saisi ; qu'en particulier, les juges du fond doivent prendre en considération la date de commission de l'infraction pour vérifier que le bien saisi n'est entré dans le patrimoine du saisi que postérieurement à cette date ; qu'au cas présent, pour confirmer la saisie ordonnée, l'arrêt attaqué s'est borné à affirmer que le prétendu préjudice de l'AGS, de l'URSSAF et de l'administration fiscale serait « évalué a minima à environ un million d'euros ; que dès lors, la valeur des biens saisis est proportionnée au produit provisoirement évalué des infractions » (arrêt attaqué, p. 8 in fine et p. 9, § 1) ; qu'en se déterminant ainsi, sans jamais évoquer la date de commission des infractions en vertu desquelles la saisie a été ordonnée, la chambre de l'instruction, qui n'a pas vérifié, comme elle y était légalement tenue, que l'entrée des biens saisis dans le patrimoine de l'exposant était postérieure à cette date, et n'a donc pas établi que le produit supposé de l'infraction était susceptible de se trouver dans le patrimoine de l'exposant, a privé sa décision de base légale au regard des textes et principes susvisés ;

"6°) alors, en tout état de cause, que, dans le cadre d'une enquête préliminaire, pour autoriser la saisie spéciale en valeur du produit supposé de l'infraction objet de l'enquête, le juge des libertés et de la détention doit établir la nécessité d'une telle saisie au regard du risque de dissipation, par le suspect, des biens susceptibles de servir d'assiette à une éventuelle peine de confiscation ultérieure ; qu'à cet égard, le juge ne saurait présumer mais doit au contraire établir de façon motivée, d'une part, qu'un tel risque de dissipation des valeurs existe et, d'autre part, que la saisie est le seul moyen de sauvegarder la perspective d'une éventuelle peine complémentaire de confiscation ; qu'au cas présent, pour confirmer la saisie ordonnée, l'arrêt attaqué s'est borné à affirmer que « la mainlevée de la saisie aurait pour conséquence de faire encourir la dissipation des valeurs et de priver la juridiction de jugement de toute perspective de peine complémentaire de confiscation » (arrêt attaqué, p. 9, § 2), tout comme le premier juge s'était borné à affirmer « qu'en l'absence de saisie pénale, une dissipation de cette créance aurait pour effet de priver la juridiction de jugement de toute perspective de confiscation » (ordonnance entreprise, § 10) ; qu'en se déterminant ainsi, en présumant sans la démontrer l'existence d'un risque de dissipation, par l'exposant, de ses valeurs patrimoniales, et, à supposer même que ce risque existe, sans établir que la saisie des sommes figurant au solde des deux comptes-titres dont est titulaire M. D... était le seul moyen de sauvegarder la perspective d'une éventuelle peine de confiscation ultérieure en valeur du prétendu produit de l'infraction, la chambre de l'instruction, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a privé sa décision de base légale au regard des textes et principes susvisés" ;

Sur le moyen pris en ses quatrième et sixième branches :

Vu l'article 567-1-1 du code de procédure pénale ;

Attendu que les griefs ne sont pas de nature à être admis ;

Sur le moyen pris en ses première, deuxième, troisième et cinquième branches :

Attendu que pour confirmer l'ordonnance attaquée, après avoir énoncé qu'aucune disposition légale ne conditionne la régularité de l'ordonnance de maintien de saisie à la démonstration de raisons plausibles permettant de soupçonner que le titulaire des valeurs ait pu commettre une infraction, l'arrêt relève que l'enquête préliminaire est diligentée pour des faits de travail dissimulé par dissimulation de salariés et d'activité, d'escroquerie aggravée au préjudice d'un organisme de protection sociale, d'exercice illégal de la profession d'expert comptable et de blanchiment de fraude fiscale, et que la peine complémentaire de confiscation de l'objet ou du produit de l'infraction est encourue en répression des délits d'escroquerie et de blanchiment, cette peine pouvant être ordonnée en valeur en application de l'article 131-21, alinéa 9, du code pénal ; que les juges retiennent en particulier que l'analyse des comptes bancaires de M. D... révèle que l'intéressé a porté à leur crédit, entre 2012 et 2015, une somme totale de 817 089,36 euros provenant des différentes sociétés qu'il dirige ; que les juges ajoutent qu'il résulte du procès-verbal du 24 octobre 2016, comme de la requête du ministère public aux fins d'autorisation de saisie, que M. D..., notamment au travers de la société Adrien Renov, est susceptible d'avoir mis en place ou participé à un système frauduleux et lucratif, organisé autour de plusieurs entités juridiques à caractère éphémère, sans véritable activité économique et domiciliées auprès de sociétés de domiciliation parisiennes identiques, notamment gérées par M. F... I..., système ayant causé à l'AGS, l'URSSAF et l'administration fiscale un préjudice évalué à environ 1 millions d'euros ; qu'ils en déduisent que la valeur des biens saisis est proportionnée au produit provisoirement évalué des infractions et que la saisie doit être confirmée ;

Attendu que si c'est à tort que la chambre de l'instruction énonce qu'aucune disposition légale ne conditionne la régularité de l'ordonnance de saisie à la démonstration de raisons plausibles de soupçonner la commission des infractions poursuivies, l'arrêt n'encourt pas la censure, dès lors que la Cour de cassation est en mesure de s'assurer, à partir des constatations souveraines des juges qui ont fait état de raisons plausibles de suspecter le demandeur d'avoir commis des faits de blanchiment de fraude fiscale et de recel d'abus de biens sociaux, que la valeur des biens saisis, qui n'ont pas à entretenir de liens quelconques avec l'infraction, n'excède pas le montant estimé de l'objet du second de ces délits, souverainement évalué à la somme de 817 089,36 euros ;

D'où il suit que le moyen, inopérant en ses première et deuxième branches, doit être rejeté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-cinq septembre deux mille dix-neuf ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.ECLI:FR:CCASS:2019:CR01665
Retourner en haut de la page