Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 18 septembre 2019, 18-11.114, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué (Pau, 23 novembre 2017), que M. O... a été engagé par la société Total (la société) le 5 janvier 1982, en qualité de technicien supérieur et promu ingénieur géosciences en 1988 ; qu'après avoir effectué plusieurs missions en Angola, au Cameroun et au Gabon, et été pressenti pour occuper un poste au Nigéria, ce poste lui a été finalement refusé ; qu'invoquant une discrimination en raison de son état de santé et de son orientation sexuelle, le salarié a saisi, le 14 mai 2013, la juridiction prud'homale ;

Sur le premier moyen :

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes de dommages-intérêts pour discrimination en raison de son état de santé alors, selon le moyen :

1°/ qu'aucun salarié ne peut faire l'objet de mesure discriminatoire directe ou indirecte en matière d'affectation et de mutation en raison de son état de santé ; que seules les différences de traitement fondées sur l'inaptitude constatée par le médecin du travail ne constituent pas une discrimination lorsqu'elles sont objectives, nécessaires et appropriées ; que, pour rejeter la demande fondée sur l'existence d'une discrimination à raison de l'état de santé, la cour d'appel, tout en relevant que l'affectation du salarié à un poste au Nigeria avait été refusée par la société pour un motif lié à sa santé tenant aux difficultés d'approvisionnement de son traitement médical sur place, a considéré que ce motif était étranger à toute discrimination ; qu'en statuant ainsi, sans constater qu'un avis d'inaptitude avait été régulièrement émis par un médecin du travail, ce dont il résultait que le salarié avait fait l'objet d'une mesure discriminatoire, la cour d'appel a violé les articles L. 1132-1, L. 1133-3 et L. 1226-2 du code du travail ;

2°/ que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, le salarié faisait valoir dans ses conclusions d'appel que la chronologie des échanges de courriels démontrait que le médecin de zone, le docteur Q..., s'était opposé à son départ sans avoir connaissance du changement de traitement médical effectué pour celui disponible au Nigeria puisque le courriel adressé par le docteur Q... au docteur U..., médecin chef de la société Total, dans lequel il refusait l'expatriation du salarié en raison de l'indisponibilité de son traitement médical sur place était daté du 14 juillet 2006, alors que ce n'est que le 20 juillet 2006 que le médecin traitant du salarié, le docteur I..., avait confirmé le changement de traitement pour celui disponible au Nigéria, afin de lui permettre de partir en expatriation en toute sécurité ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ qu'en l'espèce, les pièces n° 45 et 48 faisaient état de la disponibilité au Nigeria des médicaments antirétroviraux produits par la société Abbott et utilisés par le salarié ; qu'en énonçant, que les aléas d'approvisionnement des médicaments nécessaires au traitement de la pathologie du salarié étaient accrédités par les pièces n° 45 et 48 produites par le salarié lui-même, la cour d'appel a dénaturé ces documents, en violation des articles L. 1132-1 et L. 1133-3 du code du travail, ensemble du principe selon lequel les juges du fond ne doivent pas dénaturer les documents de la cause ;

4°/ qu'en l'espèce, l'ordonnance de non-lieu faisait état de ce que le docteur P..., médecin du travail auquel était rattaché le salarié avant son projet d'expatriation au Nigéria, « estimait la décision des médecins de refus d'expatriation au Nigéria justifiée en ce qu'au-delà du problème médical, il existait un véritable risque politique, l'homosexualité étant punie de la peine de mort » ; qu'en s'appuyant sur cet élément pour considérer que le docteur P... avait également fait état des risques pour la santé du salarié quand celui-ci avait uniquement évoqué des risques politiques, la cour d'appel a dénaturé l'ordonnance de non-lieu, violant ainsi les articles L. 1132-1 et L. 1133-3 du code du travail, ensemble le principe selon lequel les juges du fond ne doivent pas dénaturer les documents de la cause ;

Mais attendu qu'ayant retenu, par une appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, que la décision de l'employeur était motivée, non par une inaptitude du salarié au poste envisagé, mais par l'existence de contraintes administratives et matérielles rendant aléatoire l'approvisionnement en médicaments, ne permettant pas de garantir la continuité du traitement médical que le salarié devait suivre, et que celles-ci constituaient un élément objectif étranger à toute discrimination, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;


Sur le deuxième moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes de dommages et intérêts au titre de la violation de l'obligation de sécurité alors, selon le moyen :

1°/ que la cassation à intervenir sur les premier et/ou deuxième moyens de cassation, relatifs à la discrimination subie par le salarié en raison de son état de santé et de son orientation sexuelle, entraînera, par voie de conséquence nécessaire, la censure de l'arrêt en ce qu'il a jugé que l'employeur n'a pas manqué à son obligation de sécurité et débouté le salarié de sa demande de ce chef, et ce en application de l'article 624 du code de procédure civile ;

2°/ que l'employeur est tenu d'une obligation de sécurité et de protection de la santé physique et mentale du salarié ; que viole cette obligation l'employeur qui n'a pas pris toutes les mesures pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, en particulier l'obligation de recourir à la médecine du travail pour décider de l'aptitude du salarié à un poste ; que la cour d'appel a constaté que la société n'avait pas eu recours, pour décider de l'aptitude du salarié à son nouveau poste au Nigeria, à la médecine du travail, ce dont il se déduisait que l'employeur avait manqué à son obligation de sécurité ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et, partant, a violé l'article L. 4121-1 du code du travail ;

3°/ que les juges du fond, tenus de motiver leur décision, doivent examiner les éléments de preuve versés aux débats, que la cour d'appel a affirmé que la souffrance psychologique du salarié n'est apparue que six ans après son refus d'expatriation sans viser ni examiner d'une part le certificat médical du docteur X... dont se prévalait le salarié et dont il ressortait que ses premiers troubles en lien direct avec ses difficultés professionnelles étaient constatés le 15 janvier 2007, soit six mois à peine après le refus d'expatriation qui lui a été opposé, et d'autre part le rapport du Comité d'éthique du Groupe Total saisi par le salarié en 2007 dans lequel il avait alerté sur les conséquences qu'avaient eu pour lui les « faux départs », en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu, d'abord, que le rejet des deux premiers moyens rend sans portée la première branche du moyen ;

Attendu, ensuite, que la cour d'appel, qui a constaté que le refus d'affectation au Nigéria n'était pas motivé par l'inaptitude du salarié à son nouveau poste, mais par l'existence de circonstances extérieures, rendant aléatoire l'approvisionnement en médicaments et ne permettant pas de garantir la continuité du traitement médical que le salarié devait suivre, ce dont il résultait que l'employeur n'avait pas manqué à son obligation de sécurité, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. O... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit septembre deux mille dix-neuf. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. O...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le moyen fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté le salarié de ses demandes de dommages et intérêts pour discrimination en raison de son état de santé.

AUX MOTIFS propres QUE s'agissant tout d'abord de l'accès à un médecin du travail, il est acquis aux débats et reconnu que la société Total orientait systématiquement les cadres qu'elle décidait d'affecter hors Europe et Amérique du Nord vers un CMETE, centre médical créé dans le cadre d'une association constituée par des entreprises adhérentes, qui disposait d'une équipe médicale spécialement formée en matière de prévention de maladies tropicales et d'un plateau technique approprié ; les salariés qui, comme Monsieur O... devaient travailler dans des pays autres que situés en Europe et Amérique du Nord ne bénéficiaient donc pas des services de la médecine du travail mais de ceux du CMETE pendant toute la durée de leur affectation y compris au cours des phases préalables et ultérieures ; c'est cette organisation que critique le salarié qu'il juge contraire aux règles du code du travail et dont il affirme que l'obligation qu'il a eu de la subir constitue un élément susceptible de caractériser une discrimination liée à sa pathologie (Monsieur O... étant séropositif) ; cependant, qu'elle qu'ait pu être l'irrégularité d'une organisation du contrôle médical ayant pour effet de priver les salariés du recours à la médecine du travail, il importe de relever que cette dérogation ne concernait pas uniquement Monsieur B... O..., mais s'appliquait à l'ensemble des salariés de la société Total, dès lors qu'ils étaient expatriés hors d'Europe et d'Amérique du Nord et ce, qu'ils aient ou non été atteints de pathologies, qu'au demeurant, cette organisation n'a pas eu pour effet de soumettre l'intéressé à un régime distinct et/ou défavorable en raison de son état de santé ; Monsieur B... O... est en effet mal fondé à alléguer de ce qu'il décrit comme un dysfonctionnement préjudiciable alors qu'il ne disconvient pas avoir été pris en charge, comme ses collègues, par ce service médical « privé » et ne justifie d'aucune décision, acte ou manquement imputable à l'un des membres de cette équipe médicale qui lui aurait causé un quelconque grief ; à cet égard, il sera souligné que le CMETE avait donné un avis favorable à l'affectation de Monsieur B... O... au Nigéria ce qui correspondait exactement au souhait du salarié et que ce n'est pas ce service qui s'est opposé à l'une quelconque de ses demandes d'affectation à l'étranger ; il en découle que ce grief ne constitue pas un élément propre à établir la discrimination alléguée ; s'agissant ensuite et plus précisément de l'affectation de l'appelant au Nigéria, il résulte des pièces produites que la direction de la société Total avait donné une suite favorable à la candidature de Monsieur B... O... sur le poste manager géosciences du développement AKPO (Pièce n°14 de l'appelant) ; non seulement le salarié avait effectué plusieurs séjours sur place dans le but de préparer son affectation définitive sur ce poste (pièce n°1 de Monsieur B... O...), mais l'avancement du projet était tel que la date de son départ, actée par l'employeur, avait été définitivement arrêtée au 13 août 2006 ; c'est seulement à la suite de l'avis délivré par le Docteur Q..., médecin chef basé à Port Harcourt, sur l'indisponibilité du traitement ou plus précisément sur les aléas d'approvisionnement des médicaments nécessaires au traitement du salarié que la direction de la société Total est revenue sur sa décision de l'affecter à ce poste ; c'est ainsi que le 14 juillet 2006, le Docteur Q... écrivait au Docteur U..., responsable médical sur la zone Afrique : « Je te confirme que la disponibilité et la délivrance du traitement de Monsieur B... O... ne pourront être assurées à Port-Harcourt. Le contexte spécifique du Nigéria, avec les accords obligatoires d'importation de la Nafdac (très regardante en ce moment), les modalités de conservation de son traitement entre 2 et 8 degrés, traitement non commercialisé au Nigeria, les aléas des pannes de générateurs ou des moyens de communication, les mouvements sociaux itératifs m'incitent à déconseiller formellement une expatriation au Nigéria (
) » ; il importe d'observer que Monsieur B... O... avait luimême attiré l'attention de son employeur sur cette difficulté puisqu'il écrivait le 11 juillet 2006 : « Mon état de santé relatif à mon état sérologique ne devrait pas poser plus de problèmes que pendant les années passées au Gabon quant à mes aptitudes physiques à l'expatriation. Par contre, vu le contexte spécifique du Nigéria, j'aimerai m'assurer que la délivrance/disponibilité de mon nouveau traitement (toujours les mêmes nucléosides Epivir et Zeritt, nouvelle antiprotéase : Kaletra (qui doit être conservé au frigo sinon péremption après six semaines) ne posera pas de problèmes insolubles. Pourriez-vous obtenir des informations sur ce point auprès du médecin chef de Port Harcourt ? (
) » ; par courriel du 14 juillet 2006, il s'adressait directement au Docteur Q... pour connaître « le nom (+labo et principe actif) du traitement officiel disponible au Nigéria » ; à quoi ce médecin répondait (courriel du 18 juillet 2006) : « comme je vous l'ai expliqué, le traitement que nous achetons localement au Nigéria avec les aléas d'approvisionnement que nous ne maîtrisons pas est le suivant : Coviro (lamivudine + stavudine) et Nevran (neviparine), ces deux produits sont d'origine indienne. Afin de vous permettre de poursuivre sérieusement votre traitement et ne pouvant m'engager à vous le fournir, j'ai donc fait part au management, avec votre accord initial de votre inaptitude médicale à un séjour en affectation de longue durée » ; Monsieur B... O... invoque d'abord la totale irrégularité de la procédure au terme de laquelle l'employeur est revenu sur sa décision initiale, le Docteur Q..., n'ayant ni la qualité de médecin du travail, ni aucune compétence pour émettre un avis d'inaptitude ; cependant ce grief ne remet pas en cause la question centrale qui n'est pas celle de la pertinence du motif à l'origine de la décision de l'employeur, à savoir les risques pour la santé du salarié que présentait pour lui une affectation de longue durée dans un pays où : d'une part, un seul traitement était disponible ; d'autre part, l'acheminement de médicaments restait aléatoire ; il sera rappelé ici l'obligation qui incombe à l'employeur de préserver la santé et la sécurité de ses salariés qui lui interdit de prendre toute décision susceptible de comporter un risque pour le salarié ; à cet égard, Monsieur B... O... démontre qu'après réception du message du Docteur Q..., il a échangé avec son médecin traitant, le Docteur I..., sur la possibilité d'une modification du traitement qu'il suivait et sur un possible mise en oeuvre du traitement « localement disponible » ; il est démontré que, sous réserve d'une mise en place progressive, le Docteur I... a avalisé cette modification du traitement suivi, ce dont Monsieur B... O... a immédiatement informé l'employeur (respectivement le Docteur Q...) ; aucune suite n'a cependant été donnée par l'employeur à ce message ; Monsieur B... O... en déduit que le motif invoqué par la société Total pour revenir sur sa décision d'affectation était erroné et que cette attitude était dès lors constitutive d'une discrimination liée à l'état de santé ; cependant, le raisonnement de l'appelant qui repose sur le postulat que le traitement « local » décrit par le Docteur Q... n'était pas soumis à des aléas d'approvisionnement et qu'il lui permettait de séjournée au Nigéria sans risque dès lors qu'il supportait ce nouveau traitement, procède d'une analyse erronée du message du Docteur Q... dont il ressort clairement que les aléas d'approvisionnement évoqués par le médecin chef du secteur Nigéria concernaient aussi le traitement appliqué au Nigéria (« le traitement que nous achetons localement au Nigéria avec les aléas d'approvisionnement que nous ne maîtrisons pas ») en sorte qu'il ne suffisait pas à Monsieur B... O... de démontrer (comme il le fait) qu'il pouvait s'adapter au traitement « local » pour rendre son affectation professionnelle compatible avec les contraintes de sa pathologie ; de plus, si le Docteur Q... n'a effectivement pas répondu à la transmission du message du Docteur I... donnant son accord à une adaptation du traitement du salarié aux médicaments habituellement administrés au Nigéria aux patients séropositifs, force est de constater que cet avis médical était sans incidence sur la difficulté majeure liée aux aléas d'approvisionnement des médicaments nécessaires au traitement de cette pathologie, que Monsieur B... O... non seulement n'a jamais remis en cause mais qu'il n'ignorait pas, dont il s'était ouvertement inquiété dès le 11 juillet 2006 (« vu le contexte spécifique du Nigéria, j'aimerai m'assurer que la délivrance/disponibilité de mon nouveau traitement (
) ne posera pas de problèmes insolubles ») et qui est accrédité par les pièces qu'il produit lui-même (pièces n°45 et 48 de l'appelant) ; à cet égard, c'est tout à fait vainement que Monsieur B... O... invoque les différents séjours sans encombre, alors qu'aucun problème d'approvisionnement en médicaments ne pouvait se poser au cours de tels séjours ; il n'est pas inutile de relever à ce stade que : * le Docteur P..., médecin du travail qui avait suivi le salarié avant son expatriation au Gabon et connaissait donc bien la situation médicale de ce patient a, lorsqu'il a été entendu par le juge d'instruction saisi sur plainte de Monsieur B... O..., des chefs de discrimination et harcèlement moral, approuvé la décision de l'employeur de ne pas avoir donné suite à l'affectation litigieuse (pièce n°23-1 de la société Total) au regard des risques qu'elle comportait pour le salarié ; * l'instruction ouverte des chefs de discrimination et de harcèlement moral a été clôturée par une ordonnance de non-lieu ; * le comité d'éthique interne à la société Total, saisi en 2007 par le salarié qui a constaté une gestion critiquable de ce dossier (manque d'information, communication tardive) a exclu tout caractère discriminatoire de la décision de non affectation du salarié au Nigéria dans l'intérêt de ce dernier ; il découle de l'ensemble de ces éléments que le motif allégué par l'employeur pour s'opposer à l'affectation de son salarié au Nigéria est un motif objectif (l'impossibilité de garantir la continuité du traitement médical imposé par l'état de santé de Monsieur B... O...) étranger à toute discrimination ; en troisième lieu, Monsieur B... O... reproche à la société Total de lui avoir proposé une affectation au Canada alors même que la législation en vigueur dans ce pays l'interdisait ; Cependant, Monsieur B... O... ne précise pas en quoi cette proposition, pourrait constituer un élément susceptible d'établir une discrimination liée à son état de santé dès lors que : * cette proposition lui a été faite comme à tous les autres cadres ayant manifesté leur intérêt pour des postes à l'expatriation (dont Monsieur B... O... faisait partie), * qu'il a suivi la procédure médicale appropriée (fiche d'aptitude établie par un médecin du travail qui a néanmoins relevé que les "conditions administratives à une résidence permanente au Canada" n'étaient "pas remplies") ; * qu'il a lui-même refusé cette proposition précisément pour le motif évoqué par le médecin du travail ; en quatrième lieu l'appelant affirme que sa candidature à un poste en Indonésie en 2008 a été écartée sans motif légitime ; il expose en effet que sa candidature s'est à nouveau heurtée à l'avis du Docteur U..., médecin responsable de la zone Afrique/Asie pour la société Total, et ce, pour un motif inopérant (PACS non reconnu dans ce pays) ; ce grief est exclusivement fondé sur un courriel rédigé par Monsieur B... O... le 6 septembre 2009 dans lequel il expose qu'à la fin de l'année 2007 - soit deux ans plus tôt - deux propositions de postes à l'expatriation lui auraient été faites : l'une au Gabon sur lequel un collègue plus jeune aurait finalement été nommé, l'autre en Indonésie dont il aurait été écarté à la suite d'un avis négatif du Docteur U... ; Monsieur B... O... ne fait pas grief à la société Total de son choix concernant le poste au Gabon mais considère que la décision prise relative au poste en Indonésie constituerait un élément susceptible de caractériser une discrimination ; cependant et comme le fait observer la société Total, aucun autre document ne vient conforter la prétendue proposition de poste dont se prévaut Monsieur B... O..., aucune précision n'est donnée sur la nature de ce poste ou sur le programme dans lequel il s'insérait, aucune pièce enfin ne vient étayer l'affirmation selon laquelle le Docteur U... aurait émis un avis défavorable à l'expatriation du salarié en Indonésie ; d'ailleurs, dans son courriel du 6 septembre 2009, Monsieur B... O... formule cette assertion de façon dubitative (« il apparaîtrait que pour l'Indonésie le Docteur U... ait donné un avis négatif quant à mon aptitude ») ; le grief n'est en conséquence pas établi en fait ; en cinquième lieu, Monsieur B... O... fait valoir que le Docteur U... et le département mobilité internationale auraient systématiquement mis un frein à ses demandes d'expatriation de longue durée ; il expose que ce médecin est celui qui s'est opposé à son expatriation au Nigéria, en Indonésie et qui lui a proposé un poste au Canada qui lui était pourtant interdit ; cependant, le moyen manque là encore dans la mesure où il ressort des pièces produites que : * d'une part, Monsieur B... O... a constamment bénéficié d'avis d'aptitude médicale de la part des services médicaux ; * d'autre part, et s'agissant plus particulièrement de l'opposition supposée du Docteur U... à ses demandes d'expatriation : - l'avis qui est à l'origine du refus d'affectation du salarié au Nigéria et qui n'est d'ailleurs pas à proprement parler un avis médical, mais une mise en garde liée à des problèmes de communication émanait du Docteur Q... et non du Docteur U..., - l'avis d'aptitude médicale relatif à l'affectation éventuelle de Monsieur B... O... à Calgary émanait du Docteur Z... S... médecin du travail et non du Docteur U..., - la preuve d'une proposition de poste en Indonésie et donc la mise en oeuvre d'une procédure médicale ne sont pas démontrées ; en sixième lieu, Monsieur B... O... invoque un arrêt dans l'évolution de sa carrière à partir de son retour du Gabon fin 2005, l'absence inexpliquée de toute proposition d'expatriation de longue durée alors même que jusqu'en 2005, l'essentiel de sa carrière s'était déroulée au Gabon au Cameroun en Angola, l'absence de toute évolution en dépit de ses qualités professionnelles reconnues et illustrées par ses comptes rendus d'entretiens individuels ; cependant, les allégations de Monsieur B... O... sur son évolution de carrière sont démenties par le rappel de son parcours professionnel brillant au sein de la société, la reconnaissance de ses compétences par sa hiérarchie précisément démontrée par les comptes rendus d'entretien individuel produits par la société Total et une carrière essentiellement effectuée sur des postes d'expatriation (52 % de sa carrière) ; de même, l'absence de toute proposition de poste en expatriation après 2005 est démentie par : * le refus qu'il reconnaît avoir opposé (voir page 33 de ses conclusions du 25 juillet 2017) en 2007 à une proposition de poste en Norvège, sans établir, comme il l'affirme, que sa décision était induite par le fait qu'il ne pouvait bénéficier dans ce pays d'une trithérapie, du fait du régime d'assurance spécifique de la société Total ; * son affectation en Espagne de septembre 2009 à novembre 2011, soit pendant un peu plus de deux ans, qui correspond contrairement aux allégations de l'appelant à la durée moyenne des missions confiées aux cadres à l'international ; au demeurant, à l'exception du poste au Nigéria qui lui a été refusé pour le motif précité, Monsieur B... O... ne démontre pas qu'il ait présenté sa candidature sur d'autres postes en expatriation dont il aurait été évincé ; il importe en outre de rappeler que l'appelant a été placé en arrêt maladie à compter du début du mois de mars 2012, qu'il n'a que très brièvement repris son activité avant de faire l'objet d'un nouvel arrêt maladie puis d'une cessation progressive d'activité jusqu'à son départ en retraite, quelques mois seulement séparant la fin de sa mission en Espagne de la cessation de son activité ; la société Total produit enfin des documents qui démontrent que : * Monsieur B... O... faisait partie des cadres qui ont le plus bénéficié de postes en expatriation ; * de 2007 à 2011 - période au cours de laquelle sa séropositivité était parfaitement connue de l'employeur - sa rémunération annuelle est passée de 85.744 € à 112.775 €, ce qui le plaçait dans la moyenne de l'évolution des rémunérations de ses collègues de statut similaire ; la réalité du grief n'est en conséquence pas démontrée ; en septième lieu, Monsieur B... O... fait valoir « qu'il n 'a pas eu le loisir de souscrire au formulaire E106 » de la Sécurité Sociale, la société Total imposant la mise en oeuvre d'une garantie privée, la Mutuelle GMCI ; or, selon Monsieur B... O..., en Espagne, les médicaments contre le VIH ne sont pas distribués dans les pharmacies mais seulement à l'Hôpital, où ils sont délivrés gratuitement ; pour pouvoir accéder à ces traitements, il importe toutefois de présenter le formulaire délivré par la Sécurité Sociale aux assurés français se rendant en pays étrangers ; dans la mesure où il ne disposait pas de ce formulaire, Monsieur B... O... affirme qu'il a dû revenir régulièrement en France pour se procurer son traitement ; la société Total ne conteste pas que ses salariés ne bénéficient pas de la délivrance du formulaire en cause car elle a souscrit à un contrat d'assurance groupe pour l'ensemble de ses salariés qui assure à ces derniers une garantie de remboursement au moins équivalente à celle de la Sécurité Sociale ; il n'est en effet pas discuté que le régime de prise en charge des frais médicaux décrit par Monsieur B... O... est applicable à l'ensemble des salariés, pour l'ensemble des pathologies et garantit un niveau de remboursement identique que le salarié réside à l'étranger ou en France ; d'ailleurs, l'appelant ne se plaint pas d'un préjudice financier, mais de l'impossibilité d'être traité en Espagne, hors structure hospitalière ; cependant, si le salarié démontre qu'en Espagne le traitement contre le VIH est prodigué gratuitement par les hôpitaux publics, il n'établit pas qu'en l'absence de formulaire E 106 il ne pouvait se procurer le traitement que son état de santé exigeait, cette preuve ne résultant pas du seul fait que pendant toute la durée de son séjour en Espagne, les médicaments faisant partie de son traitement lui ont été prescrits par un médecin français, et délivrés par des pharmacies françaises, la proximité des deux pays autorisant de tels allers/retours et pour des motifs autres que ceux de l'indisponibilité du traitement ; il est d'ailleurs remarquable de constater qu'en plus de deux ans, Monsieur B... O... ne s'est jamais plaint d'une telle contrainte ; l'appelant se prévaut à cet égard d'un rapport de réunion de la commission d'expatriation du comité central d'entreprise du 23 octobre 2012 où la question a été évoquée mais dont il résulte que le représentant syndical qui l'a évoquée n'a pas même été en mesure d'identifier le problème en cause puisqu'il a « proposé de se rapprocher du salarié ayant soulevé ce problème afin qu'il le précise ; la question reste en suspens » aucune suite n'a été donnée à cette intervention ; il en découle là encore que le grief manque, en fait le salarié n'étant pas en mesure d'établir la réalité d'une décision, mesure où la situation préjudiciable dont il aurait fait l'objet en raison de la maladie dont il est atteint, ni d'une décision, mesure où la situation qui du fait de cette maladie se serait révélée pour lui préjudiciable ; au total, il apparaît que même pris dans leur ensemble, les éléments allégués par Monsieur B... O... pour étayer sa demande ou bien ne sont pas susceptibles d'établir une discrimination, ou bien sont justifiés par l'employeur par des motifs étrangers à toute discrimination ou bien ne sont pas établis dans leur matérialité (arrêt attaqué pp. 6-11).

AUX MOTIFS adoptés QU'au soutien de sa demande fondée sur une discrimination en relation avec son état de santé, Monsieur B... O... indique que la SA Total ne lui a pas permis de partir en expatriation au Nigeria, non plus qu'au Canda, non plus qu'en Indonésie ; concernant l'Indonésie, il convient de constater que si Monsieur B... O... indique avoir été pressenti pour partir en expatriation en Indonésie, allégation totalement démentie par la SA Total, il ne communique aucune pièce au soutien de ses dires, de sorte qu'aucun élément objectif relatif à une absence d'expatriation en Indonésie ne laisse supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte en relation avec son état de santé ; concernant le Canada, il convient de constater, ainsi que le reconnaît expressément le demandeur que la législation stricte dudit pays en matière d'immigration avait posé de grandes restrictions au séjour des personnes séropositives, de sorte que de facto, l'expatriation de Monsieur B... O... devenait impossible ; il convient donc de constater qu'aucun élément objectif relatif à une absence d'expatriation au Canada et imputable à l'employeur ne laisse supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte en relation avec son état de santé puisque la SA Total n'avait émis aucune opposition à ladite expatriation ; concernant le Nigéria, Monsieur B... O... indique que la SA Total lui a refusé l'affectation au Nigéria alors même qu'il s'était beaucoup investi dans ce projet quasiment abouti, et ce sans que le Médecin du Travail ait constaté son inaptitude à bénéficier de cette expatriation ; Monsieur O... conclut alors « à l'illégalité de la procédure médicale de SA Total en cas de nouvelle affectation » au motif que le Médecin du Travail, qui serait le seul habilité à prononcer un avis d'inaptitude au visa de l'article R. 4624-11 du code du travail, n'aurait pas prononcé d'avis d'inaptitude ; selon l'article R. 4624-11 du code du travail, l'examen médical d'embauche a pour finalité : 1° De s'assurer que le salarié est médicalement apte au poste de travail auquel l'employeur envisage de l'affecter ; 2° De proposer éventuellement les adaptations du poste ou l'affectation à d'autres postes ; 3° De rechercher si le salarié n'est pas atteint d'une affection dangereuse pour les autres travailleurs ; 4° D'informer le salarié sur les risques des expositions au poste de travail et le suivi médical nécessaire ; 5° De sensibiliser le salarié sur les moyens de prévention à mettre en oeuvre ; il convient de constater que l'article susmentionné et sur lequel Monsieur B... O... se fonde pour soutenir l'illégalité de la procédure médicale de la SA Total et partant fonder la discrimination dont il se prétend victime, n'exige aucun examen médical avant chaque nouvelle affectation, ledit article exigeant un examen médical lors de l'embauche du salarié ; il convient donc de dire que la procédure suivie par la SA Total pour statuer sur le bien-fondé de l'affectation de Monsieur B... O... au Nigeria n'est entachée d'aucune irrégularité au regard des dispositions visées par ce dernier ; à titre surabondant, il convient de constater que : * Monsieur B... O... reconnait avoir été examiné, avant son affectation au Nigeria par le CMETE (Centre Médecine pour les entreprises de Travailleurs à l'Etranger), service médical gérant, à l'époque, l'aptitude à une expatriation, * le Médecin, Responsable de la filiale de la SA Total au Nigeria, a retenu qu'en raison des facteurs sanitaires locaux défavorables, Monsieur B... O... ne pouvait partir en expatriation sur une longue durée en ledit pays, * le refus d'expatriation avait pour raison d'une part les problèmes de disponibilité du traitement spécifique prescrit à Monsieur B... O... par le Médecin spécialiste (molécule de surcroît fragile présentant des problèmes de conservation) et d'autre part les facteurs sanitaires locaux défavorables ; après avoir rappelé que la procédure médicale telle que fixée par la SA Total n'était entachée d'aucune irrégularité, il convient de constater que Monsieur B... O... ne justifie pas d'élément laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte en relation avec son état de santé et l'ayant privé d'une affectation au Nigeria ; Monsieur B... O... conclut ensuite « à l'absence d'évolution de carrière discriminatoire », indiquant que depuis son retour du GABON à la fin de l'année 2005, aucune longue expatriation ne lui aurait plus été proposée ; pour autant, il convient de constater que Monsieur B... O... a refusé une expatriation en Norvège en 2007, a bénéficié d'une expatriation en Espagne de septembre 2009 à décembre 2011, puis a choisi de bénéficier du dispositif relatif à la cessation anticipée d'activité le 10 octobre 2012 ; dans ce contexte, il convient de constater que Monsieur B... O... ne justifie pas d'élément laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte en relation avec son état de santé et ayant conduit à une absence d'évolution professionnelle ; Monsieur B... O... prétend avoir subi une discrimination en lien avec son état de santé en raison du refus de la SA Total à lui permettre de souscrire au formulaire E 106 délivré par la CPAM, lequel formulaire lui aurait permis la distribution gratuite des médicaments de la trithérapie à l'hôpital public de MADRID ; pour autant, il convient de constater que Monsieur B... O... ne communique aucune pièce de nature à démontrer que d'une part, ce refus lui aurait été exclusivement réservé, et que d'autre part, les autres salariés de la SA Total auraient bénéficié de la souscription dudit formulaire ; par conséquent, il convient de constater que Monsieur B... O... ne justifie pas d'élément laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte en relation avec son état de santé et ayant conduit refus de la SA Total à lui permettre de souscrire au formulaire E 106 délivré par la CPAM (jugement confirmé, pp.5-7).

1° ALORS QU'aucun salarié ne peut faire l'objet de mesure discriminatoire directe ou indirecte en matière d'affectation et de mutation en raison de son état de santé ; que seules les différences de traitement fondées sur l'inaptitude constatée par le médecin du travail ne constituent pas une discrimination lorsqu'elles sont objectives, nécessaires et appropriées ; que, pour rejeter la demande fondée sur l'existence d'une discrimination à raison de l'état de santé, la cour d'appel, tout en relevant que l'affectation du salarié à un poste au Nigeria avait été refusée par la société pour un motif lié à sa santé tenant aux difficultés d'approvisionnement de son traitement médical sur place, a considéré que ce motif était étranger à toute discrimination ; qu'en statuant ainsi, sans constater qu'un avis d'inaptitude avait été régulièrement émis par un médecin du travail, ce dont il résultait que le salarié avait fait l'objet d'une mesure discriminatoire, la cour d'appel a violé les articles L. 1132-1, L. 1133-3 et L. 1226-2 du code du travail.

2° ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, le salarié faisait valoir dans ses conclusions d'appel (p. 20) que la chronologie des échanges de courriels démontrait que le médecin de zone, le Docteur Q..., s'était opposé à son départ sans avoir connaissance du changement de traitement médical effectué pour celui disponible au Nigeria puisque le courriel adressé par le Docteur Q... au Docteur U..., médecin chef de la société Total, dans lequel il refusait l'expatriation du salarié en raison de l'indisponibilité de son traitement médical sur place était daté du 14 juillet 2006, alors que ce n'est que le 20 juillet 2006 que le médecin traitant du salarié, le Docteur I..., avait confirmé le changement de traitement pour celui disponible au Nigéria, afin de lui permettre de partir en expatriation en toute sécurité ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile.

3° ALORS QU'en l'espèce, les pièces n°45 et 48 (prod. n°13 et 14) faisaient état de la disponibilité au Nigeria des médicaments antirétroviraux produits par la société Abbott et utilisés par le salarié ; qu'en énonçant, que les aléas d'approvisionnement des médicaments nécessaires au traitement de la pathologie du salarié étaient accrédités par les pièces n°45 et 48 produites par le salarié lui-même, la cour d'appel a dénaturé ces documents, en violation des articles L. 1132-1 et L. 1133-3 du code du travail, ensemble du principe selon lequel les juges du fond ne doivent pas dénaturer les documents de la cause.

4° ALORS QU'en l'espèce, l'ordonnance de non-lieu (pièce adverse n°23-1, prod. n°12) faisait état de ce que le Docteur P..., médecin du travail auquel était rattaché le salarié avant son projet d'expatriation au Nigéria, « estimait la décision des médecins de refus d'expatriation au Nigéria justifiée en ce qu'au-delà du problème médical, il existait un véritable risque politique, l'homosexualité étant punie de la peine de mort » ; qu'en s'appuyant sur cet élément pour considérer que le Docteur P... avait également fait état des risques pour la santé du salarié quand celui-ci avait uniquement évoqué des risques politiques, la cour d'appel a dénaturé l'ordonnance de non-lieu, violant ainsi les articles L. 1132-1 et L. 1133-3 du code du travail, ensemble le principe selon lequel les juges du fond ne doivent pas dénaturer les documents de la cause.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Le moyen fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté le salarié de ses demandes de dommages et intérêts pour discrimination en raison de son orientation sexuelle.

AUX MOTIFS propres QUE l'appelant fait valoir qu'en dépit du PACS qu'il avait lié avec son compagnon depuis le 27 septembre 2004, qui était connu de la société Total, l'employeur l'a toujours considéré comme un « célibataire géographique » en méconnaissance des dispositions du règlement intérieur applicable aux salariés expatriés et à leur famille et qui privilégie ces dernières ; Monsieur B... O... déclare avoir ainsi été privé des avantages liés au statut « famille » par le règlement intérieur ; la société précise que la discrimination liée à l'orientation sexuelle du salarié concerne une période de quatre mois au cours de laquelle le compagnon de Monsieur B... O... n'aurait pu bénéficier des avantages prévus par le règlement d'administration en mobilité internationale ; cependant le salarié ne produit pas de pièces justificatives et ne s'explique pas de façon précise ; or le choix de l'un ou de l'autre statut serait, pour l'employeur, indifférent, puisque chaque situation bénéficie d'avantages spécifiques ; la société Total relève surtout que la mention « célibataire géographique » a été cochée par le salarié lui-même : Monsieur O... est dans un premier temps parti à Madrid en tant que « célibataire géographique » mais, en cours de séjour, a été rejoint par son compagnon ; il a ainsi d'abord perçu l'indemnité de séparation familiale puis, dans un second temps, les majorations conventionnelles relatives à une expatriation en famille ; s'agissant de la recherche d'emploi pour son conjoint, l'employeur relève que Monsieur O... ne démontre pas qu'elle a été sollicitée, pas plus qu'il n'est d'ailleurs établi que cette personne aurait quitté son emploi pour rejoindre son compagnon en Espagne ; les bulletins de salaire du salarié démontrent qu'il a à la fois perçu les avantages liés à un départ en qualité de « célibataire géographique » puis certains des avantages relevant du statut « famille », ce que ne conteste pas Monsieur B... O... et qui corrobore la version de l'employeur ; d'ailleurs, hormis le fait que son compagnon n'aurait pas bénéficié d'un accompagnement dans sa recherche d'emploi, l'appelant n'invoque aucun autre préjudice ; aucune pièce n'est cependant produite par l'appelant pour établir : la situation professionnelle de son compagnon, les recherches d'emploi auxquelles il a pu procéder en Espagne, les éventuelles demandes d'assistance adressées à la direction de la société Total et restées sans suis ; la matérialité des faits allégués n'est donc pas établie et la demande de M. B... O... fondée sur les discriminations sera rejetée par confirmation de la décision entreprise (arrêt attaqué, pp.11-12).

AUX MOTIFS adoptés QUE Monsieur B... O... indique que : 1. bien qu'informée de son PACS en date du 27 septembre 2004 avec son compagnon Monsieur E... W... , la SA Total lui a appliqué, pour la période du 27 septembre 2004 au 31 janvier 2005 le régime des célibataires géographiques, privant son compagnon des avantages réservés aux partenaires pacsés, 2. cette discrimination du 27 septembre 2004 au 31 janvier 2005 serait en lien avec son orientation sexuelle et lui aurait causé un préjudice ; il convient de constater que Monsieur B... O... ne prétend pas avoir subi de discrimination pour la période postérieure au 31 janvier 2005, mais seulement sur la période antérieure et pendant quatre mois ; il convient également de constater que Monsieur B... O... ne s'explique nullement sur les avantages dont aurait été privé son compagnon pendant la période du 27 septembre 2004 au 31 janvier 2005, étant par ailleurs souligné que pour les périodes pendant lesquelles Monsieur B... O... a été expatrié, notamment en Espagne, son compagnon et lui-même ont bénéficié des avantages liés d'une part au statut de « célibataire géographique » tel que défini par la SA Total, puis au statut de salarié bénéficiant d'un accompagnement de sa famille et ouvrant droit à des majorations salariales, dès lors que le compagnon du demandeur l'a rejoint ; il convient encore de constater que le libellé « célibataire géographique » tel que défini par la SA Total permet au salarié partant seul à l'étranger de percevoir une indemnité de séparation familiale équivalente à 20 % du salaire de référence ; partant, la seule mention de « célibataire géographique » ne permet pas de laisser supposer que Monsieur B... O... aurait subi une discrimination directe ou indirecte en relation avec son orientation sexuelle ; il convient de débouter Monsieur B... O... de l'ensemble de ses demandes de dommages et intérêts pour discrimination (jugement confirmé, pp. 7-8).

1° ALORS QU'en matière de discrimination en raison de l'orientation sexuelle subie par un salarié, il appartient à celui-ci d'apporter des éléments de faits laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte et à l'employeur de prouver que sa décision repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; qu'en l'espèce, le salarié invoquait une discrimination en relation avec son orientation sexuelle pour la période du 27 septembre 2004 au 31 janvier 2005, période pendant laquelle, malgré le PACS conclu avec son compagnon le 27 septembre 2004 dont la société avait été informée, il avait été considéré par l'employeur comme célibataire ;
qu'il produisait un échange de courriels du 8 avril 2005 avec un responsable de la société (pièce appel n° 43 – prod. n° 15) démontrant qu'entre le 27 septembre 2004 et le 31 janvier 2005, nonobstant son PACS et sa demande de régularisation de sa situation salariale et fiscale avec effet rétroactif, il s'est vu considéré comme célibataire ; que la société n'a apporté aucun élément en réponse démontrant que cette mesure reposait sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; qu'en jugeant néanmoins que le salarié ne produisait pas de pièces justificatives et ne s'expliquait pas de façon précise sur la discrimination subie, la cour d'appel a violé les articles 1132-1 et 1134-1 du code du travail.

2° ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, le salarié faisait valoir dans ses conclusions d'appel (pp. 33-34) qu'il avait été victime d'une discrimination en raison de son orientation sexuelle pour la période du 27 septembre 2004 au 31 janvier 2005 soit pendant la période pendant laquelle il était expatrié au Gabon ; que, la cour d'appel l'a débouté de sa demande après avoir apprécié uniquement sa situation d'expatrié en Espagne, soit à compter de 2009 ; qu'en statuant ainsi, sans répondre au moyen portant sur la période du 27 septembre 2004 au 31 janvier 2005, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Le moyen fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté le salarié de l'ensemble de ses demandes de dommages et intérêts au titre de la violation de l'obligation de sécurité.

AUX MOTIFS propres QU'après un rappel de la législation et des dispositions conventionnelles applicables, Monsieur B... O... procède à une analyse critique du DUER dont il souligne les insuffisances, souligne l'absence de plan d'action, rappelle les agissements discriminatoires dont il affirme avoir fait l'objet, ajoute qu'à compter de 2011, son état de santé s'est gravement dégradé (syndrome anxio dépressif) du fait des agissements discriminatoires dont il a été victime et des manquements de l'employeur à ses obligations de santé et de sécurité, pour lesquels il n'a bénéficié d'aucune mesure de prévention ou de prise en charge ; il vient d'être dit que les demandes du salarié fondées sur la discrimination n'étaient pas fondées ; de plus, la société Total produit un ensemble de documents, dispositifs et mesures qui répondent aux allégations générales de l'appelant sur les prétendues insuffisances de l'employeur en matière de prévention des risques psychosociaux, ainsi que des extraits du DUER qui attestent du respect des obligations de l'employeur en la matière ; au demeurant, Monsieur B... O... ne soutient même pas qu'il aurait sollicité en vain la communication de ce document lorsqu'il était employé de la société Total ; s'il est par ailleurs établi qu'à compter de 2012, l'appelant a subi des troubles psychologiques graves à l'origine d'arrêts maladie et d'une retraite anticipée, force est de constater que cette pathologie n'a pas été reconnue d'origine professionnelle et que Monsieur B... O... attribue la dégradation de son état de santé à des agissements discriminatoires non démontrés, remontant à plus de six ans avant l'apparition des premiers symptômes de sa dépression ; il importe en outre de rappeler que : * le seul refus d'affectation établi auquel s'est heurté Monsieur B... O... est celui concernant le poste sur lequel il avait été initialement nommé au Nigéria, ces évènements ayant eu lieu en juillet/août 2006 ; il sera rappelé que la décision de l'employeur était justifiée par des éléments objectifs tenant précisément à la préservation de l'état de santé du salarié ; la circonstance que celui-ci n'ait pas accepté cette décision et en ait été psychologiquement affecté ne suffit pas à engager la responsabilité de l'employeur dès lors que : - cette décision était justifiée ; - un dispositif de prévention des risques (formations/informations) était à la disposition du salarié depuis 1998/1999 (voir pièce n°36 de la société Total) ; - le salarié n'a, à l'annonce de son refus d'affectation au Nigéria, manifesté aucun trouble du comportement ou de sa santé, aucune demande susceptible de justifier une prise en charge par l'employeur, de la souffrance psychologique qui ne se révèlera que six ans plus tard ; * les manquements imputés à l'employeur relatifs à « l'accès à la médecine du travail, à des visites médicales obligatoires dont il aurait été privé », remontent à plus de six à sept ans avant l'apparition des troubles et il n'est résulté aucun préjudice identifié pour Monsieur B... O... de ces prétendus manquements qui là encore sont sans emport ; * contrairement à ses dires, le salarié a bénéficié d'entretiens individuels au cours desquels il a pu exprimer ses attentes et des propositions de postes à l'international comme en France ont continué à lui être faites (Norvège, Espagne, Pau) ; il n'est donc pas démontré que des manquements à l'obligation de préservation de la santé et de la sécurité des salariés imputables à l'employeur ont occasionné une dégradation de l'état de santé de Monsieur B... O... (arrêt attaqué pp. 12-13).

AUX MOTIFS adoptés QUE en l'absence de discrimination, il convient de constater une absence de violation des dispositions susvisées et de débouter Monsieur B... O... de la totalité de ses demandes (jugement confirmé, p. 9).

1° ALORS QUE la cassation à intervenir sur les premier et/ou deuxième moyens de cassation, relatifs à la discrimination subie par le salarié en raison de son état de santé et de son orientation sexuelle, entraînera, par voie de conséquence nécessaire, la censure de l'arrêt en ce qu'il a jugé que l'employeur n'a pas manqué à son obligation de sécurité et débouté le salarié de sa demande de ce chef, et ce en application de l'article 624 du code de procédure civile.

2° ALORS QUE l'employeur est tenu d'une obligation de sécurité et de protection de la santé physique et mentale du salarié ; que viole cette obligation l'employeur qui n'a pris toutes les mesures pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, en particulier l'obligation de recourir à la médecine du travail pour décider de l'aptitude du salarié à un poste ; que la cour d'appel a constaté que la société n'avait pas eu recours, pour décider de l'aptitude du salarié à son nouveau poste au Nigeria, à la médecine du travail, ce dont il se déduisait que l'employeur avait manqué à son obligation de sécurité ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constations et, partant, a violé l'article L. 4121-1 du code du travail.

3° ALORS QUE les juges du fond, tenus de motiver leur décision, doivent examiner les éléments de preuve versés aux débats ; que la cour d'appel a affirmé que la souffrance psychologique du salarié n'est apparue que six ans après son refus d'expatriation sans viser ni examiner d'une part le certificat médical du Docteur X... (pièce appel n°18 – prod. n°16) dont se prévalait le salarié et dont il ressortait que ses premiers troubles en lien direct avec ses difficultés professionnelles étaient constatés le 15 janvier 2007, soit six mois à peine après le refus d'expatriation qui lui a été opposé, et d'autre part le rapport du Comité d'éthique du Groupe Total saisi par le salarié en 2007 dans lequel il avait alerté sur les conséquences qu'avaient eu pour lui les « faux départs » (pièce appel n° 20 – prod. n° 11), en violation de l'article 455 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2019:SO01248
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