Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 19 septembre 2019, 18-18.473, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'S... X... est décédé le [...], laissant pour lui succéder un fils, M. K..., né le [...], qu'il a reconnu le [...] ; que, par actes des 31 mai et 6 juin 2011, la mère du défunt, Mme A... et son frère, M. X... (les consorts X...), ont assigné M. K... et sa mère, Mme M..., aux fins d'annulation de l'acte de reconnaissance ; que, par assignation en date du 24 juillet 2013, les consorts X... ont appelé en la cause M. B..., désigné par eux comme étant le père biologique ;

Sur le premier moyen :

Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt de rejeter leur demande d'expertise génétique visant à établir un lien de filiation entre M. K... et M. B..., alors, selon le moyen, que l'expertise est de droit en matière de filiation, sauf s'il existe un motif légitime de ne pas y procéder ; qu'en refusant d'ordonner une expertise génétique au motif que, la filiation de M. K... étant établie par l'acte de reconnaissance d'S... X..., la demande d'expertise des consorts X... pour établir une filiation contraire avec M. B... était en conséquence irrecevable, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à caractériser un motif légitime et a violé l'article 310-3 du code civil ;

Mais attendu qu'il résulte des articles 16-11 et 327 du code civil qu'une demande d'expertise génétique susceptible de révéler un lien de filiation entre un enfant et un tiers suppose, pour être déclarée recevable, l'engagement par cet enfant d'une action en recherche de paternité, qu'il a seul qualité à exercer ; que l'arrêt relève que la demande d'expertise sollicitée par les consorts X... est destinée à établir la réalité d'un lien de filiation entre M. K... et M. B... ; qu'il en résulte qu'en l'absence d'action en recherche de paternité engagée par M. K..., seul titulaire de cette action, la demande visant à révéler un lien de filiation entre ce dernier et M. B... était irrecevable ; que, par ce motif de pur droit, substitué dans les conditions de l'article 1015 du code de procédure civile, à ceux critiqués, la décision d'écarter la demande se trouve légalement justifiée ;

Mais sur le second moyen :

Vu l'article 1382, devenu 1240 du code civil ;

Attendu que, pour condamner les consorts X... à payer la somme de 1 500 euros à titre de dommages-intérêts à M. B..., l'arrêt relève que ce dernier a été attrait dans la cause sans aucun autre fondement que les rumeurs ou des allégations sur sa possible paternité ;

Qu'en statuant ainsi, alors que M. B... avait été appelé dans la cause par les consorts X... sur invitation de la juridiction de premier degré, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et vu les articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 1015 du code de procédure civile ;

Attendu que la Cour de cassation est en mesure de mettre fin au litige ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne solidairement M. X... et Mme A... à payer à M. B... la somme de 1 500 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, l'arrêt rendu le 16 janvier 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Fort-de-France ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

REJETTE la demande en paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf septembre deux mille dix-neuf et signé par lui et par Mme Randouin, greffier de chambre, qui a assisté au prononcé de l'arrêt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par Me Bertrand, avocat aux Conseils, pour M. X... et Mme A...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. F... X... et Mme V... X... épouse A... de leurs demandes tendant, à titre principal, à l'annulation de l'acte de reconnaissance du 26 septembre 1990 et de l'acte de notoriété après décès du [...] et, à titre subsidiaire, à ce que soit ordonnée une expertise comparée d'ADN ;

AUX MOTIFS QU' est produit aux débats l'acte de naissance de L... K... sur lequel il apparaît que sa filiation a été établie à l'égard d'S... X... qui l'a reconnu le 26 septembre 1990 ; que postérieurement L... K... a fait établir par notaire un acte de notoriété en date du 23 novembre 2010 aux termes duquel il est déclaré héritier d'S... X... ; que si l'enfant a déjà un lien de filiation légalement établi, il y a lieu d'obtenir préalablement l'annulation de la filiation première avant qu'un lien de filiation contraire, y compris par expertise, puisse être valablement établi ; qu'il appartient en conséquence aux appelants de démontrer l'inexactitude de l'acte ; qu'avant même d'appréhender la contestation de la reconnaissance de paternité, il appartient à la cour de s'assurer que les appelants sont redevables à agir pour contester la filiation à l'égard d'S... X... et justifient que la possession d'état n'est pas conforme au titre ; qu'il appartient donc à ceux qui contestent la possession d'état d'enfant naturel de rapporter cette preuve par tout moyen ; que la possession d'état, qui doit être continue, paisible, publique et non équivoque s'établit par une réunion suffisante de faits qui révèlent le lien de filiation entre une personne et la famille à laquelle elle dit appartenir ; que les attestations versées aux débats émanant des proches d'S... X... font apparaître que L... K... n'était pas connu comme étant son fils et ne résidait pas avec lui ; qu'ainsi Y... X... relate que L... K... n'a jamais résidé de manière permanente avec son frère S... ; que Jean S... X... indique pour sa part que ce dernier n'a jamais été considéré par S... X... comme son fils mais comme le fils de sa petite amie de l'époque Mme C... K... ; qu'il précise l'avoir rencontré pour la première fois lors de son dixième anniversaire ; que tant D... E... que M. I... attestent n'avoir jamais rencontré L... ; que M. Julien A... atteste ne pas le reconnaître comme son petit-fils, corroborant les déclarations d'autres membres de la famille selon lesquelles ils n'ont jamais considéré L... comme le fils d'S... X... ; qu'en réplique, les intimés mettent en avant deux courriers dactylographiés écrits l'un par Mme I... et l'autre par M. R... ; que dans un courrier en date du 4 mars 1996, Mme I... indique « le petit L... K... qui doit hériter de son père. Il est bien sûr évident que ce bien appartient à L... K... et que cette somme lui sera versée sur un compte après la vente car j'ai cru comprendre que vous voulez vendre votre propriété » ; que Mme I... devait revenir sur ses déclarations dans un témoignage établi au soutien de la demande formée par les appelants ; que dans une attestation en date du 20 octobre 2003, M. R... pour sa part indique « chose curieuse, tant d'années se sont écoulées sans que Mme X... Eléonore n'ait aucune objection à émettre sur le déroulement de la procédure car elle vivait en bons termes avec son fils, sa belle-fille et son petit-fils. Les choses se sont gâtées à la mort de M. S... X..., Mme X... consciente du danger que représentait son fils alors seul héritier de son père est devenue soudainement amnésique » ; que face à ces éléments, il convient de constater que les deux courriers évoqués sont contredits par les déclarations des membres de la famille et de l'entourage d'S... X... et ne sont corroborés par aucun autre élément ayant une valeur probante ; qu'il apparaît ainsi démontré par les appelants qu'il n'existe pas un faisceau d'éléments concordants permettant de caractériser une possession d'état d'enfant naturel paisible, publique et non équivoque de L... K... ; qu'ils sont en conséquence recevables à agir en contestation de la reconnaissance de paternité effectuée par S... X... ; que pour ce faire, ils doivent démontrer que l'auteur de la reconnaissance n'est pas le père ; que se basant sur les mêmes attestations que celles évoquées ci-dessus, ils font valoir qu'S... X... était atteint de la drépanocytose de type SS rendant inconcevable qu'il puisse avoir un enfant ; que si l'état de santé et la maladie de celui-ci sont confirmés par un certificat médical établi par le médecin traitant, aucun document ne permet de corroborer leurs allégations sur l'impossibilité pour une personne atteinte de cette maladie prenant un traitement lourd de procréer ; que les divers témoignages des membres de la famille, s'ils peuvent démontrer l'absence d'une possession d'état d'enfant naturel, procèdent cependant pour prouver que le défunt n'est pas le père de l'enfant par affirmation ; qu'en effet la preuve requise doit également permettre d'apprécier le caractère frauduleux ou mensonger de la reconnaissance ; que force est de constater que les appelants échouent à le démontrer étant précisé qu'S... X..., bien qu'atteint par la maladie, a fait le déplacement en 1990 à la mairie du Lamentin pour établir cette reconnaissance ; que par conséquent, les appelants seront déboutés de leur demande d'annulation de l'acte de reconnaissance contesté subséquemment de l'acte de notoriété dressé par notaire ; que la filiation de L... K... étant établie par l'acte de reconnaissance leur demande d'expertise pour établir une filiation contraire avec T... B..., présentée à hauteur de la cour en lien avec la mise en cause régularisée en première instance, est en conséquence irrecevable (arrêt, p. 6 et 7) ;

ALORS QUE l'expertise est de droit en matière de filiation, sauf s'il existe un motif légitime de ne pas y procéder ; qu'en refusant d'ordonner une expertise génétique au motif que, la filiation de M. L... K... étant établie par l'acte de reconnaissance de M. S... X..., la demande d'expertise des consorts X... pour établir une filiation contraire avec M. T... B... était en conséquence irrecevable, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à caractériser un motif légitime et a violé l'article 310-3 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné solidairement M. F... X... et Mme V... X... épouse A... à payer à M. T... B... la somme de 1500 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

AUX MOTIFS QUE M. T... B... attrait dans la cause sans aucun fondement que les rumeurs ou des allégations sur sa possible paternité, est justifié à réclamer des dommages-intérêts aux consorts X... pour procédure abusive qui seront fixés à la somme de 1500 euros (arrêt, p. 8) ;

ALORS QUE les juges du fond sont tenus de caractériser une faute dans l'abus du droit d'agir en justice ; qu'en relevant, pour condamner les consorts X... à payer des dommages-intérêts à M. T... B..., que celui-ci avait été attrait dans la cause sans aucun autre fondement que des rumeurs ou des allégations sur sa possible paternité, la cour d'appel, qui s'est déterminée par des motifs impropres à caractériser une faute ayant fait dégénérer en abus le droit des consorts X... d'appeler en cause M. T... B... afin de faire pratiquer l'expertise à laquelle ils étaient en droit de prétendre au soutien de leur action en contestation de l'acte de reconnaissance, a violé l'article 1382, devenu 1240 du code civil. ECLI:FR:CCASS:2019:C100748
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