Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 11 septembre 2019, 17-26.879 17-26.880 17-26.881 17-26.882 17-26.883 17-26.885 17-26.886 17-26.887 17-26.888 17-26.889 17-26.890 17-26.891 17-26.892 17-26.893 17-26.894 17-26.895, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Jonction

1. En raison de leur connexité, il y a lieu de joindre les pourvois n° 17-26.879 à 17-26.883, 17-26.885 à 17-26.895 et 18-10.100 ;

Faits et procédure

2. Selon les arrêts attaqués, M. E... et seize autres salariés, employés en qualité de marins par la société nationale maritime Corse Méditerrannée (SNCM), ont saisi le tribunal d'instance aux fins de voir condamner l'employeur à leur payer diverses sommes en réparation d'un préjudice d'anxiété en raison d'une exposition à l'amiante pendant l'exécution de leur contrat de travail.

3. La SNCM a fait l'objet d'un redressement judiciaire le 28 novembre 2014 et d'un plan de cession le 20 novembre 2015, la SCP J... et H..., étant désignée en qualité de liquidateur.

4. La cour d'appel a accueilli la demande des salariés au titre de l'indemnisation du préjudice d'anxiété dès lors qu'ils bénéficient, au titre des dispositions du décret n° 2002-1272 du 18 octobre 2002 visant expressément l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998, d'une présomption de préjudice d'anxiété indemnisable, sans avoir d'autre preuve à rapporter, présomption assimilable à celle reconnue aux salariés ayant travaillé dans des établissements listés par arrêté ministériel comme susceptible d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. L'employeur fait grief à l'arrêt de fixer au passif de la procédure collective une somme de dommages-intérêts due à chacun des défendeurs aux pourvois au titre de l'indemnisation du préjudice d'anxiété, alors, que "le droit à indemnisation du préjudice d'anxiété fondé sur l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 repose sur le travail au sein « des établissements de fabrication de matériaux contenant de l'amiante, des établissements de flocage et de calorifugeage à l'amiante ou de construction et de réparation navales » et au sein desquels « l'exercice des activités de fabrication de matériaux contenant de l'amiante, de flocage et de calorifugeage à l'amiante de l'établissement doit présenter un caractère significatif » ; que la présomption de responsabilité résultant de ce texte repose ainsi la situation concrète de l'établissement et l'exercice avéré au sein de cet établissement d'une activité significative nécessitant l'emploi d'amiante comme matière première ; que le régime de cessation anticipée d'activité des marins mis en place par le décret du décret n° 2002-1272 du 18 octobre 2002, modifiant le décret du 17 juin 1938 relatif à l'organisation et l'unification du régime d'assurance des marins, est ouvert à tout marin ayant exercé des fonctions en machine ou polyvalentes à bord d'un navire de passager avant le 31 décembre 1998 ; que ce régime spécifique, qui est exclusivement fondé sur la date de construction des navires sur lesquels le marin a été affecté, ne repose pas sur l'existence d'une utilisation effective, ni a fortiori, significative d'amiante au sein desdits navires et ne saurait donc, s'agissant de l'indemnisation du préjudice d'anxiété, être assimilé au classement d'un établissement sur le fondement de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 ; qu'en procédant à une assimilation pure et simple du régime de cessation anticipée d'activité des marins prévu par l'article 65 du décret du 17 juin 1938, dans sa rédaction issue du décret du 18 octobre 2002 au régime ACAATA de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998, pour juger que les marins ayant exercé des fonctions en machines ou polyvalentes sur des navires de passagers antérieurement au 31 décembre 1998, bénéficient « d'une présomption de préjudice d'anxiété indemnisable, sans avoir d'autre preuve à rapporter », la cour d'appel a violé les articles 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, 41 de la loi du 23 décembre 1998 et 65 du décret du 17 juin 1938, dans sa rédaction issue du décret du 18 octobre 2002".

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, le premier dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017, applicable au litige, ensemble l'article 65 du décret du 17 juin 1938 dans sa rédaction issue du décret n° 2002-1272 du 18 octobre 2002 :

6. L'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 modifiée a créé un régime particulier de préretraite permettant notamment aux salariés ou anciens salariés des établissements de fabrication de matériaux contenant de l'amiante figurant sur une liste établie par arrêté ministériel de percevoir, sous certaines conditions, une allocation de cessation anticipée d'activité (ACAATA), sous réserve qu'ils cessent toute activité professionnelle.

7. Par un arrêt du 11 mai 2010 (Soc., 11 mai 2010, pourvoi n° 09-42.241, Bull. 2010, n° 106), adopté en formation plénière de chambre et publié au Rapport annuel, la chambre sociale de la Cour de cassation a reconnu aux salariés ayant travaillé dans un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi précitée et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel, le droit d'obtenir réparation d'un préjudice spécifique d'anxiété tenant à l'inquiétude permanente générée par le risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante.

8. La chambre sociale a ainsi instauré au bénéfice des salariés éligibles à l'ACAATA un régime de preuve dérogatoire, les dispensant de justifier à la fois de leur exposition à l'amiante, de la faute de l'employeur et de leur préjudice, tout en précisant que l'indemnisation accordée au titre du préjudice d'anxiété réparait l'ensemble des troubles psychologiques, y compris ceux liés au bouleversement dans les conditions d'existence.

9. L'article 65, 1°, a) du décret du 17 juin 1938 relatif à la réorganisation et à l'unification du régime d'assurance des marins, dans sa rédaction issue du décret n° 2002-1272 du 18 octobre 2002, énonce que la caisse verse une allocation de cessation anticipée d'activité aux marins et anciens marins, sous réserve qu'ils cessent toute activité professionnelle, lorsqu'ils remplissent les conditions suivantes :
1° Exercer ou avoir exercé :
a) Des fonctions à la machine à bord de navires comportant des équipements contenant de l'amiante ; pour l'application de cette disposition, et sauf preuve contraire, sont considérés comme ayant comporté des équipements de ce type les navires construits avant les dates définies dans le tableau figurant en annexe au décret n° 98-332 du 29 avril 1998 relatif à la prévention des risques dus à l'amiante à bord des navires.

10. Le régime de cessation anticipée d'activité pour les salariés marins ayant exercé des fonctions à la machine à bord des navires comportant des équipements contenants de l'amiante, fondé sur la date de construction des navires sur lesquels les marins ont exercé et qui permet la preuve contraire par l'employeur de l'absence de tels équipements, n'est pas assimilable à celui prévu par l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 pour les salariés et anciens salariés des établissements de fabrication de matériaux contenant de l'amiante et figurant sur une liste établie par arrêté des ministres chargés du travail, de la sécurité sociale et du budget.

11. Toutefois, en application des règles de droit commun régissant l'obligation de sécurité de l'employeur, le salarié qui justifie d'une exposition à l'amiante, générant un risque élevé de développer une pathologie grave, peut agir contre son employeur, pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité, quand bien même il n'aurait pas travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 modifiée.

12. La cour d'appel a constaté que les navires de la SNCM en la cause, dont l'affectation essentielle au transport de passagers n'est pas contestée, ne sont pas rattachables au siège social de la SNCM, ni aux établissements listés par les arrêtés des 7 juillet 2000, 4 septembre 2007 et 26 mai 2015, comme susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante, que les salariés n'ont pas exercé un métier au sein des établissements listés de la SNCM mais des métiers en qualité de marin sur les navires, et qu'ils bénéficient au titre des dispositions du décret n° 2002-1272 du 18 octobre 2002 visant expressément l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998, d'une présomption de préjudice d'anxiété indemnisable, sans avoir d'autre preuve à rapporter, présomption assimilable à celle reconnue aux salariés ayant travaillé dans des établissements listés par arrêté ministériel comme susceptible d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante.

13. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que les salariés n'avaient pas travaillé dans un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998, de sorte qu'en application des règles de droit commun régissant l'obligation de sécurité de l'employeur, les salariés devaient justifier d'une exposition à l'amiante, générant un risque élevé de développer une pathologie grave et d'un préjudice d'anxiété personnellement subi résultant d'une telle exposition, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes leurs dispositions, les arrêts rendus le 22 septembre 2017 et celui rendu le 17 novembre 2017 (RG : 16/00797), entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, en conséquence la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdits arrêts et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;

Condamne les salariés aux dépens ;

Rejette les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts cassés ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze septembre deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société J.P J... & A. H... et de M. V..., ès qualités, demandeurs aux pourvois n° T 17-26.879 à X 17-26.883 et Z 17-26.885 à K 17-26.895


Il est fait grief aux arrêts infirmatifs attaqués d'avoir fixé au passif de la procédure collective de la société SNCM la somme de 5.000 € de dommages-intérêts due à chacun des défendeurs aux pourvois au titre de l'indemnisation du préjudice d'anxiété ;

AUX MOTIFS QUE Sur l'indemnisation. X
demande d'abord l'indemnisation d'un préjudice d'anxiété causé selon lui par une exposition à l'amiante dans le cadre de l'exécution du contrat de travail le liant à la SNCM. Il fait valoir qu'il bénéficie en l'espèce d'une présomption d'existence de ce préjudice d'anxiété justifiant une indemnisation sur le fondement du décret nº 98-332 du 29 avril 1998 relatif à la prévention des risques dus à l'amiante à bord des navires, du décret nº 2000-1272 du 18 octobre 2002 modifiant le décret du 17 juin 1938 relatif à l'organisation et l'unification du régime d'assurance des marins et de la circulaire CIR-20/2004 relative à la coordination de l'allocation des travailleurs de l'amiante du régime général avec les autres dispositifs d'allocation des travailleurs de l'amiante. Il considère que la SNCM est une entreprise listée amiante et que si les navires de la société ne figurent pas sur la liste des établissements classés tels qu'ils sont mentionnés dans l'arrêté du 7 juillet 2000, la présomption du préjudice d'anxiété résulte des textes ci-dessus mentionnés pour l'exercice des fonctions à la machine à bord notamment de navires à passagers construits avant le 31 décembre 1998. En tout état de cause, faute pour la cour de le faire bénéficier de la présomption susvisée, le salarié expose que la SNCM ne démontre pas avoir pris, s'agissant de l'exposition des salariés à l'amiante, avant 1996-1997 et même après, des mesures de prévention et/ou de protection sur les navires de l'entreprise. Il fait valoir ainsi que l'employeur, qui avait connaissance du risque, a manqué à son obligation (contractuelle) de sécurité de résultat, alors que les navires de la SNCM sur lesquels il a travaillé présentaient une concentration certaine d'amiante et que les mesures mises en oeuvre par l'entreprise, à compter de 1999, se sont avérées inexistantes et/ou insuffisantes. Il relève que ce manquement contractuel de l'employeur lui cause un préjudice moral qui correspond à une situation d'inquiétude face au risque de déclarer à tout moment une maladie liée à l'amiante, pathologie mettant en jeu le pronostic vital susceptible de se déclarer jusqu'à 40 années après l'exposition. X
demande également la condamnation de l'employeur à lui verser des dommages et intérêts sur le fondement des articles 121-3 et 223-1 du code pénal, 4, 4-1 et 10 du code de procédure pénale, L. 4121-1 du code du travail. Il soutient qu'il a droit à une indemnisation, hors existence d'un préjudice d'anxiété ou d'un trouble psychologique quelconque, du fait que l'employeur a commis l'infraction de mise en danger délibérée de la vie d'autrui puisqu'il a été pendant toute son activité professionnelle exposé à l'amiante, quel que soit son poste de travail, sans protection. Il fait valoir que tout salarié se trouvant exposé à l'amiante doit être indemnisé par l'employeur auteur de l'infraction, sans autres conditions ou considérations. La SCP Z
et H..., représentée par Z
, ès qualités de liquidateur de la SNCM, fait valoir que le salarié ne remplit pas toutes les conditions de l'article 41 de la loi nº 98-1194 du 23 décembre 1998 et ne bénéficie donc pas d'une présomption d'exposition à l'amiante générant un préjudice d'anxiété, alors que si certains établissements de la SNCM sont mentionnés sur la liste établie par les arrêtés du 7 juillet 2000 et du 26 mai 2015, aucun des navires de l'entreprise n'a jamais été considéré comme un établissement Acaata. Elle précise que la SNCM ne fabrique pas de bateaux et que si certains de ses établissements sont spécifiquement listés par ces arrêtés au titre de la construction et de la réparation navales, c'est parce que la réparation des navires est essentiellement effectuée dans les ateliers de l'entreprise aux adresses mentionnées par les arrêtés. Pour le surplus, l'intimée relève que le salarié ne démontre pas avoir été exposé, dans le cadre de l'exécution du contrat de travail, de manière significative à l'inhalation de fibres d'amiante et avoir subi un préjudice d'anxiété en raison d'un manquement fautif de l'employeur à son obligation de sécurité. Elle ajoute que c'est seulement à compter du mois de mai 1996 (décret nº 96-445 du 22 mai 2016) que la SNCM devait avoir conscience des dangers de l'exposition de ses salariés au risque d'inhalation des fibres d'amiante, que certains navires n'ont jamais contenu d'amiante ([...] / [...] / [...] ou [...] / [...]), que les seuils fixés en la matière par les pouvoirs publics n'ont jamais été atteints, sauf de façon très ponctuelle ou épisodique, en tout cas marginale, dans les autres navires de la SNCM. Le Cgea de Marseille relève que la demande d'indemnisation du préjudice d'anxiété devra être rejetée comme ne répondant pas à toutes les conditions de l'article 41 de la loi nº 98-1194 du 23 décembre 1998 (cessation d'activité professionnelle, âge, non-cumul avec une autre pension ou retraite, emploi dans un établissement listé, exercice d'un métier listé, période de référence) comme à celles fixées par la jurisprudence. Il expose que les navires de la SNCM ne sont pas visés par la liste des établissements susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité. Il ajoute que le salarié ne démontre ni que l'employeur aurait manqué à son obligation de résultat en matière de sécurité ni l'existence d'un préjudice. Le Cgea de Marseille indique également que la demande d'indemnisation d'un préjudice spécifique, telle que présentée par le salarié au titre notamment d'une mise en danger délibérée d'autrui, n'est pas en lien avec l'exécution du contrat de travail et ne saurait être garantie par l'Ags. Pour le surplus, le Cgea indique faire sienne l'argumentation du liquidateur. A titre subsidiaire, le Cgea de Marseille demande une réduction du montant des dommages et intérêts accordés en réparation d'un préjudice d'anxiété. Il rappelle que l'Ags ne garantit que les créances du contrat de travail nées avant l'ouverture de la procédure collective et, en tout état de cause, ne garantit pas les dépens ni les frais irrépétibles. Suite aux conséquences sanitaires de l'utilisation de l'amiante durant plusieurs décennies, le législateur a créé, par l'article 41 de la loi nº 98-1194 du 23 décembre 1998, dite 'de financement de la sécurité sociale pour 1999', un dispositif spécifique de départ anticipé à la retraite, avec perception d'une allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante, autrement appelée Acaata, en faveur des salariés qui ont été particulièrement exposés à l'amiante. Ce dispositif s'applique aux salariés des établissements de fabrication de matériaux contenant de l'amiante, aux salariés des établissements de flocage et de calorifugeage à l'aide d'amiante, aux salariés des établissements de construction et de réparation navales, aux ouvriers dockers professionnels et personnels portuaires assurant la manutention. En application de ce dispositif, les salariés démontrant travailler ou avoir travaillé dans un des établissements ou ports inscrits sur la liste établie par arrêté ministériel, peuvent solliciter, à partir de l'âge de 50 ans, et sous réserve de cesser toute activité professionnelle, le bénéfice de l'Acaata. Cette allocation est ensuite versée jusqu'à ce que le salarié remplisse les conditions pour bénéficier d'une pension de retraite à taux plein. La chambre sociale de la Cour de cassation, en sa formation plénière, a consacré l'existence d'un préjudice d'anxiété pour les salariés relevant du dispositif de l'Acaata. Hors dispositions spécifiques, seuls les salariés exposés à l'amiante dans un établissement inscrit sur la liste établie par arrêté ministériel comme susceptible d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante peuvent obtenir réparation d'un préjudice d'anxiété. En outre, s'agissant des établissements et des métiers de la construction et de la réparation navales inscrits sur la liste établie par arrêté ministériel, un salarié ayant travaillé dans un établissement inscrit, mais n'y ayant pas exercé l'un des métiers visés par cette même liste, n'est pas éligible au dispositif de l'Acaata et est dès lors aussi exclu de la réparation d'un préjudice d'anxiété. En revanche, le salarié, pour bénéficier de l'indemnisation du préjudice d'anxiété, n'a pas à rapporter la preuve de son anxiété ni d'avoir été exposé personnellement ou directement à l'amiante au sein de l'établissement listé dans lequel il travaillait. Un salarié ayant travaillé dans un établissement inscrit sur la liste des sites ouvrant droit au bénéfice de l'Acaata, mais qui n'a pas demandé à percevoir cette allocation, peut néanmoins obtenir réparation de son préjudice d'anxiété. Les salariés, qui ont travaillé dans un établissement inscrit sur la liste des établissements ouvrant droit au bénéfice de l'Acaata pendant une période de référence, peuvent obtenir la réparation de leur préjudice spécifique d'anxiété, qu'ils aient ou non adhéré au dispositif légal et peu important leur âge à la date de la mise en place de ce dispositif. L'indemnisation des salariés exposés à l'amiante, dans les conditions de l'article 41 de la loi nº 98-1194 du 23 décembre 1998, ne peut prendre la forme que d'un préjudice patrimonial réparé par l'Acaata d'une part et d'un préjudice extra-patrimonial réparé par l'allocation de dommages et intérêts au titre du seul préjudice d'anxiété d'autre part. Cette double indemnisation couvre la totalité des préjudices subis par ces salariés, lesquels ne peuvent obtenir d'autre réparation résultant de l'exposition à l'amiante. Le préjudice moral résultant pour un salarié du risque de développer une maladie induite par son exposition à l'amiante est constitué par le seul préjudice d'anxiété. Ainsi, le salarié ne peut, s'agissant du préjudice extra-patrimonial ou moral ou psychologique résultant d'une exposition à l'amiante dans le cadre de l'exécution du contrat de travail, être indemnisé, en supplément du préjudice d'anxiété, pour un autre préjudice qui résulterait d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat. En conséquence, les dommages et intérêts alloués au titre du préjudice d'anxiété reconnu aux travailleurs de l'amiante, éligibles à l'allocation de cessation anticipée d'activité, réparent l'intégralité du préjudice lié au manquement de l'employeur à son obligation de sécurité. Le préjudice d'anxiété n'est indemnisable que pour une catégorie restrictive de salariés ou d'anciens salariés et ce en lien avec l'allocation de cessation anticipée d'activité accordée à certains travailleurs exposés ou ayant été exposés à l'amiante. Ce préjudice d'anxiété naît lorsque le salarié ou l'ancien salarié apprend qu'il est éligible à cette allocation et comprend que son espérance de vie (ou sa qualité de vie) est statistiquement réduite puisque tel est le fondement de l'allocation (et de la retraite anticipée) accordée à des personnes ayant travaillé sur des sites désignés expressément par les pouvoirs publics comme ayant été particulièrement exposés à la substance dangereuse pour la santé, et parfois létale, que constitue l'amiante. Nonobstant les conditions d'âge ou de durée d'activité (ou d'exposition) qui ne sont pas considérés comme déterminantes en la matière, le préjudice d'anxiété est reconnu au salarié (ou à l'ancien salarié) qui a travaillé pendant une période de référence sur un site classé amiante par les pouvoirs publics, c'est à dire visé ou listé comme ouvrant droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité, avec parfois la condition supplémentaire d'avoir exercé au sein de ce site une fonction désignée comme particulièrement exposée à l'amiante (fonction listée) et nécessaire alors pour bénéficier de l'allocation. Si le salarié remplit de telles conditions, alors son préjudice d'anxiété doit être indemnisé car il bénéficie d'une présomption en la matière. Cette présomption étant simple, l'employeur a la possibilité de démontrer que le préjudice d'anxiété n'existe pas bien que le salarié ait travaillé pendant la période de référence dans un établissement listé (en exerçant éventuellement une fonction listée). Quand les conditions susvisées sont remplies, le préjudice d'anxiété naît le jour où le salarié apprend, ou aurait dû apprendre, qu'il a travaillé sur un site classé (et éventuellement dans une fonction classée), c'est à dire le jour de la publication au JORF du texte réglementaire désignant son lieu de travail (et éventuellement sa fonction) comme un site amiante au sens du bénéfice de l'allocation de cessation anticipée d'activité. Pour pouvoir prétendre à l'indemnisation d'un préjudice moral, en tout cas extra-patrimonial, au titre de son exposition à l'amiante dans le cadre de l'exécution du contrat de travail, y compris sur le fondement d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, il appartient donc à X
d'établir qu'il a travaillé dans l'un des établissements (ou sites) mentionnés (ou visés) par l'article 41 de la loi nº 98-1194 du 23 décembre 1998, en tout cas au juge d'en faire le constat. La SNCM n'est pas mentionnée sur la liste des établissements ayant fabriqué des matériaux contenant de l'amiante et des établissements de flocage et de calorifugeage à l'amiante, susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité (arrêté du 3 juillet 2000 publié au JORF du 16 juillet 2000). À la lecture de l'arrêté du 7 juillet 2000 (publié au JORF du 22 juillet 2000) et de l'arrêté du 26 mai 2015 (publié au JORF du 9 juin 2015), s'agissant de la liste des établissements et des métiers de la construction et de la réparation navales susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante, seuls les établissement suivants de la SNCM sont mentionnés : - De 1950 à 2014 : [...] , [...] , [...] ; - A compter de l'année 2014 : [...] et [...] et [...] . S'agissant de la liste des établissements et des métiers de la construction et de la réparation navales, dans la mesure où le salarié, bénéficiant de l'allocation de cessation anticipée d'activité ou éligible à celle-ci, établit avoir exercé dans l'établissement considéré l'un des métiers mentionnés dans la liste, il bénéficie d'une présomption triple (présomption d'exposition suffisamment significative à l'amiante de par un manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité dé résultat, présomption d'existence d'un préjudice d'anxiété et présomption de lien de causalité entre la faute de l'employeur et le préjudice subi), sans avoir d'autre preuve à rapporter. Toutefois, l'employeur a la possibilité d'apporter la preuve contraire et donc de renverser cette présomption. X
produit un relevé de carrière (détail et ventilation des services du marin) mentionnant qu'il a occupé, entre juillet 1989 et avril 2014 (total mentionné de 282 mois et 25 jours pour tous les services dont 47 mois et 20 jours de services de navigation), différentes fonctions à bord de navires à passagers de la SNCM. Ce document mentionne tant le nom des navires sur lesquels X
a embarqué qu'un libellé précis des fonctions exercées. Outre les congés payés ou périodes de repos, il est également mentionné quelques (rares) périodes de formation professionnelle ou de mission à terre, mais sans localisation indiquée. Les établissements de la SNCM listés au titre des établissements (et des métiers) de la construction et de la réparation navales susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante (cf supra) ne sont jamais mentionnés dans le détail et ventilation des services du marin concernant X
, document qui est pourtant assez précis quant aux lieux d'affectation du salarié sur la période considérée et pendant toute sa carrière professionnelle au sein de l'entreprise SNCM. Si l'adresse [...] , figure sur les bulletins de paie du salarié, c'est en tant que siège social de l'entreprise (jusqu'en 2014 / par la suite : [...] ) et donc lieu d'établissement des documents administratifs, non en tant qu'établissement où X
aurait effectivement travaillé. Le salarié ne saurait soutenir que du fait de l'inscription de certains établissements de la SNCM sur les arrêtés du 7 juillet 2000 et du 26 mai 2015, dont le siège social en l'espèce, tous les établissements ou sites de l'entreprise non listés seraient également susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante par assimilation (ou connexité) à une société qui serait globalement qualifiée 'entreprise amiante'. L'inscription du siège social d'une société sur la liste des établissements susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante ne vaut pas présomption pour tous les établissements, sites ou biens de l'entreprise. Il en est de même en cas d'inscription d'un site ou d'une partie des établissements pour tous les autres sites ou établissements (non listés) de l'entreprise. S'agissant des navires de la SNCM en la cause, dont l'affectation essentielle (voire exclusive) au transport de passagers n'est pas contestée, ils sont qualifiés de biens meubles par le salarié mais d'établissements distincts par le liquidateur. Reste que ces navires à passagers ne sont pas rattachables au siège social de la SNCM, ni aux établissements listés par les arrêtés des 7 juillet 2000 et 26 mai 2015, comme susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante. Il échet en outre de rappeler que la liste susvisée concerne des établissements et des métiers de la construction et de la réparation navales mais nullement l'activité régulière de transport de passagers des navires de la SNCM en la cause, en tout cas hors période de construction ou de réparation des bateaux de l'entreprise au sein des établissements listés par les arrêtés susvisés dans le cadre de l'exercice de métiers listés d'atelier, de bord ou de coque. Au regard des observations précitées et des pièces versées aux débats, il n'est nullement établi que X
aurait travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi nº 98-1194 du 23 décembre 1998 au titre des établissements de fabrication de matériaux contenant de l'amiante, des établissements de flocage et de calorifugeage à l'aide d'amiante, des établissements de construction et de réparation navales. Surabondamment, les fonctions exercées par X
, dans le cadre de l'exécution du contrat de travail le liant à la SNCM, ne figurent pas sur la liste des métiers de la construction et de la réparation navales susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante. Toutefois, s'agissant des salariés marins (ou anciens marins), il existe un dispositif spécifique et autonome prévoyant le bénéfice d'une allocation de cessation anticipée d'activité totalement assimilable à celle prévue par l'article 41 de la loi nº 98-1194 du 23 décembre 1998. Un décret nº 98-332 du 29 avril 1998 (publié au JORF du 6 mai 1998), relatif à la prévention des risques dus à l'amiante à bord des navires, applicable à tous les navires civils français, a interdit, sur tout navire, l'embarquement pour les besoins de celui-ci de toutes variétés de fibres d'amiante et de tout produit ou matériau en contenant, ainsi que l'utilisation de toutes variétés de fibres d'amiante et de tout produit ou matériau en contenant pour la construction de tout navire. Des obligations ont également été mises à la charge de l'armateur, notamment en matière de recherche d'amiante, de consultation de documents, d'expertise, de contrôle, d'évaluation d'empoussièrement, d'information et de travaux d'enlèvement de matériaux et produits contenant de l'amiante (sauf pour les navires de plaisance à usage personnel et les navires de pêche d'une longueur inférieure à 12 mètres). Le décret nº 2002-1272 du 18 octobre 2002 (publié au JORF du 20 octobre 2002), modifiant le décret du 17 juin 1938 relatif à la réorganisation et à l'unification du régime d'assurance des marins, stipule en son article 2 : « L'article 65 est remplacé par les dispositions suivantes : Art. 65. La caisse verse une allocation de cessation anticipée d'activité aux marins et anciens marins, sous réserve qu'ils cessent toute activité professionnelle, lorsqu'ils remplissent les conditions suivantes: 1º Exercer ou avoir exercé : a) Des fonctions à la machine à bord de navires comportant des équipements contenant de l'amiante ; pour l'application de cette disposition, et sauf preuve contraire, sont considérés comme ayant comporté des équipements de ce type les navires construits avant les dates définies dans le tableau figurant en annexe au décret nº 98-332 du 29 avril 1998 relatif à la prévention des risques dus à l'amiante à bord des navires, b) Ou toutes fonctions à bord de navires ayant transporté de l'amiante au cours d'une période déterminée ; la liste des périodes considérées et celle des navires concernés sont fixées par arrêté du ministre chargé de la marine marchande, 2º Etre âgé d'au moins cinquante ans. Le montant de cette allocation est égal à 65 % du salaire forfaitaire défini à l'article 7, et correspondant à la catégorie dans laquelle le marin était classé lors de la dernière activité précédant sa demande. L'âge d'entrée en jouissance de cette allocation est l'âge de soixante ans, diminué du tiers de la période passée dans les fonctions mentionnées au 1º. Pour la détermination de cette période, il est tenu compte, le cas échéant, de la durée de travail effectuée dans les autres activités professionnelles mentionnées au I de l'article 41 de la loi nº 98-1194 du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale pour 1999. L'allocation cesse d'être versée lorsque le bénéficiaire remplit les conditions pour pouvoir bénéficier d'une pension proportionnelle ou d'une pension spéciale sur la caisse de retraite des marins, telles qu'elles sont définies respectivement aux articles L. 5 et L. 8 du code des pensions de retraite des marins ». Ce même décret du 18 octobre 2002 stipule en son article 3 : « L'article 66 est remplacé par les dispositions suivantes : Art. 66. Ont également droit, dès l'âge de cinquante ans, à l'allocation prévue à l'article 65 les marins ou anciens marins reconnus atteints d'une maladie professionnelle provoquée par l'amiante et figurant sur une liste établie par arrêté des ministres chargés du budget et de la marine marchande. L'allocation est servie dès que le demandeur a été reconnu atteint par le Conseil supérieur de santé d'une des maladies visées ci-dessus. Elle est supprimée lorsque le bénéficiaire remplit les conditions pour bénéficier d'une pension proportionnelle ou spéciale sur la caisse de retraite des marins ». En application de ce décret, qui vise expressément l'article 41 de la loi nº 98-1194 du 23 décembre 1998, un dispositif de cessation anticipée d'activité en faveur des marins ayant été exposés à l'amiante a ainsi été créé tant au profit des marins reconnus atteints d'une maladie professionnelle due à l'amiante que des marins qui, sans être malades, ont été gravement ou significativement exposés à l'amiante en raison de leur activité spécifique (toutes fonctions à bord de navires ayant transporté de l'amiante au cours d'une période déterminée ou fonctions à la machine à bord de navires comportant des équipements contenant de l'amiante). Il en résulte que (cf notamment circulaires nº 13 du 22 octobre 2002 et nº 19 du 4 avril 2003), hors salarié atteint d'une maladie professionnelle, le marin, pour être éligible à l'allocation de cessation anticipée d'activité aux marins et anciens marins (article 65 / allocation dite C3A) doit notamment : - exercer ou avoir exercé des fonctions à la machine et/ou polyvalentes à bord de navires construits avant le 1er janvier 1999 (navires à passagers ou de plaisance) ou le 1er juillet 1999 (navires de charge) ou le 1er janvier 2000 (navires de pêche), - ou avoir travaillé à bord de navires de transport d'amiante (que ce soit au pont ou à la machine). Il n'est pas contesté que les navires sur lesquels le salarié a travaillé, dans le cadre de l'exécution du contrat de travail le liant à la SNCM, sont des navires à passagers n'effectuant pas de transport d'amiante. Selon les textes précités, pour être éligible à l'allocation de cessation anticipée d'activité des marins et anciens marins (C3A), s'agissant des fonctions à la machine et/ou polyvalentes exercées à bord de navires à passagers construits avant le 1er janvier 1999 (vérification opérée par lecture du relevé détaillé des services du marin), seules sont prises en compte les périodes de services embarqués, ainsi que les périodes de congés et d'indemnités journalières rattachées à ces services embarqués. Concernant la durée de service accomplie par le marin et prise en compte pour la cessation anticipée d'activité amiante et la date d'entrée en jouissance de l'allocation, sont retenues les périodes effectuées jusqu'au 31 décembre 1998, sauf à prendre également en compte les périodes postérieures dès lors que la présence d'amiante au-delà de la date du 31 décembre 1998 est avérée dans les salles de machine de certains navires et confirmée par un rapport d'expertise émanant d'un organisme agréé (et uniquement dans ce cas). La présomption de préjudice d'anxiété liée à une exposition à l'amiante, en référence à l'article 41 de la loi nº 98-1194 du 23 décembre 1998 et au dispositif spécifique d'allocation de cessation anticipée d'activité institué en faveur des salariés qui ont été particulièrement exposés à l'amiante, bénéficie donc aux marins (ou anciens marins) qui ont exercé des fonctions à la machine et/ou polyvalentes à bord de navires à passagers construits avant le 1er janvier 1999, nonobstant leur âge, la durée de service ou d'exposition, le constat d'une cessation totale d'activité ou non, le cumul d'autres avantages ou revenus, la perception effective de l'allocation C3A. En conséquence, pour pouvoir prétendre à l'indemnisation d'un préjudice moral, en tout cas extra-patrimonial, au titre de son exposition à l'amiante dans le cadre de l'exécution du contrat de travail le liant à la SNCM, y compris sur le fondement d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, il appartient à X
d'établir qu'il a exercé sur un navire de la SNCM, jusqu'au 31 décembre 1998 ou après cette date mais sur un navire construit avant le 31 décembre 1998, un emploi relevant des fonctions à la machine ou des fonctions polyvalentes ouvrant droit à l'allocation C3A telles que listées dans des tableaux annexés aux textes susvisés. En l'espèce, à la lecture du relevé de carrière (détail et ventilation des services du marin) de X
, il apparaît que ce salarié a bien exercé une fonction listée (notamment nettoyeur - code QB05A - durant 4 mois à compter du mois d'août 1992, ouvrier électricien - code MB08E - durant 16 mois à compter du mois de juillet 1997, ouvrier mécanicien - code MB06B - durant 10 mois à compter du mois d'août 1997) à bord de navires à passagers de la SNCM construit avant le 31 décembre 1998. X
bénéficie en conséquence, au titre des dispositions du décret nº 2002-1272 du 18 octobre 2002 visant expressément l'article 41 de la loi nº 98-1194 du 23 décembre 1998, d'une présomption de préjudice d'anxiété indemnisable, sans avoir d'autre preuve à rapporter, présomption assimilable à celle reconnue aux salariés ayant travaillé dans des établissements listés par arrêté ministériel comme susceptible d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante. Il n'est pas démontré par les défendeurs que, dans le cadre de l'exercice d'une fonction listée à bord d'un navire à passagers de la SNCM construit avant le 31 décembre 1998, X
n'aurait pas été exposé à l'amiante, ou aurait été totalement protégé des conséquences de la présence d'amiante en matière de santé, et ne saurait donc souffrir d'un préjudice d'anxiété né de la connaissance des dispositions du décret nº 2002-1272 du 18 octobre 2002. Le risque de développer une maladie liée à l'amiante, ni surtout l'anxiété née de la connaissance de son éligibilité à l'allocation de cessation anticipée d'activité accordée à certains travailleurs exposés ou ayant été exposés à l'amiante, n'apparaît pas nécessairement en proportion ou fonction de la durée d'exposition ni de l'exercice d'une fonction listée plutôt qu'une autre. Compte tenu des circonstances de l'espèce, le préjudice d'anxiété de X
sera réparé par l'allocation d'une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts. Cette créance sera fixée au passif de la procédure collective de la SNCM » ;

1. ALORS QUE la réparation du préjudice d'anxiété résultant d'une éventuelle exposition à l'amiante n'est ouverte qu'au salarié qui a travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante ; qu'au cas présent, il résulte des constatations des arrêts attaqués qu'il n'était pas établi que les défendeurs aux pourvois auraient travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 et que, surabondamment, les fonctions exercées par les défendeurs aux pourvois, dans le cadre de l'exécution des contrats de travail les liant à la SNCM, ne figurent pas dans la liste des métiers de la construction et de la réparation navale susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante ; qu'en allouant néanmoins à chacun des défendeurs aux pourvois des dommages-intérêts au titre de l'indemnisation de leur préjudice d'anxiété, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses constatations en violation des articles 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, et 41 de la loi du 23 décembre 1998 ;

2. ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE le droit à indemnisation du préjudice d'anxiété fondé sur l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 repose sur le travail au sein « des établissements de fabrication de matériaux contenant de l'amiante, des établissements de flocage et de calorifugeage à l'amiante ou de construction et de réparation navales » et au sein desquels « l'exercice des activités de fabrication de matériaux contenant de l'amiante, de flocage et de calorifugeage à l'amiante de l'établissement doit présenter un caractère significatif » ; que la présomption de responsabilité résultant de ce texte repose ainsi la situation concrète de l'établissement et l'exercice avéré au sein de cet établissement d'une activité significative nécessitant l'emploi d'amiante comme matière première ; que le régime de cessation anticipée d'activité des marins mis en place par le décret du décret n° 2002-1272 du 18 octobre 2002, modifiant le décret du 17 juin 1938 relatif à l'organisation et l'unification du régime d'assurance des marins, est ouvert à tout marin ayant exercé des fonctions en machine ou polyvalentes à bord d'un navire de passagers avant le 31 décembre 1998 ; que ce régime spécifique, qui est exclusivement fondé sur la date de construction des navires sur lesquels le marin a été affecté, ne repose pas sur l'existence d'une utilisation effective, ni a fortiori, significative d'amiante au sein desdits navires et ne saurait donc, s'agissant de l'indemnisation du préjudice d'anxiété, être assimilé au classement d'un établissement sur le fondement de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 ; qu'en procédant à une assimilation pure et simple du régime de cessation anticipée d'activité des marins prévu par l'article 65 du décret du 17 juin 1938, dans sa rédaction issue du décret du 18 octobre 2002 au régime ACAATA de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998, pour juger que les marins ayant exercé des fonctions en machines ou polyvalentes sur des navires de passagers antérieurement au 31 décembre 1998, bénéficient « d'une présomption de préjudice d'anxiété indemnisable, sans avoir d'autre preuve à rapporter », la cour d'appel a violé les articles 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, 41 de la loi du 23 décembre 1998 et 65 du décret du 17 juin 1938, dans sa rédaction issue du décret du 18 octobre 2002 ;

3. ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QU'à supposer que les marins ayant exercé des travaux susceptibles de permettre la cessation anticipée d'activité prévue par l'article 65 du décret de 1938, dans sa rédaction issue du décret de 2002, puissent être admis à solliciter l'indemnisation d'un préjudice d'anxiété, il incombe alors au juge de vérifier que les navires au sein desquels ils ont exercé leurs fonctions étaient effectivement équipés de matériaux contenant de l'amiante et que la présence de tels matériaux et le risque corrélatif d'exposition y étaient significatifs ; qu'au cas présent, la société SNCM faisait valoir, en produisant une importante offre de preuve qu'il était certifié qu'un certain nombre de navires de passagers construits avant 1999 n'avaient jamais contenu le moindre matériel contenant de l'amiante et que, par ailleurs, pour les autres navires, les diagnostics techniques amiante faisaient ressortir l'existence de nombreux contrôles ayant, pour la plupart, mis en lumière l'absence ou la présence très marginale d'amiante ; qu'en déduisant la responsabilité de la SNCM du seul exercice de fonctions en machine ou polyvalentes sur des navires antérieurement au 31 décembre 1998 sans rechercher, comme cela lui était demandé, si les navires au sein desquels ils avaient exercé leurs fonctions étaient effectivement équipés de matériaux contenant de l'amiante et si la présence de tels matériaux et le risque corrélatif d'exposition y étaient significatifs, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard articles 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, 41 de la loi du 23 décembre 1998 et 65 du décret du 17 juin 1938, dans sa rédaction issue du décret du 18 octobre 2002. Moyen produit par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la Société nationale maritime Corse Méditerranée, la SCP JP J... et A. H..., ès qualités, et M. V..., ès-qualités, demandeurs au pourvoi n° A 18-10.100


Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir fixé au passif de la procédure collective de la société SNCM la somme de 5.000 € de dommages-intérêts due au défendeur au pourvoi au titre de l'indemnisation du préjudice d'anxiété ;

AUX MOTIFS QUE « Monsieur N... demande d'abord l'indemnisation d'un préjudice d'anxiété causé selon lui par une exposition à l'amiante dans le cadre de l'exécution du contrat de travail le liant à la SNCM. Il fait valoir qu'il bénéficie en l'espèce d'une présomption d'existence de ce préjudice d'anxiété justifiant une indemnisation sur le fondement du décret nº 98-332 du 29 avril 1998 relatif à la prévention des risques dus à l'amiante à bord des navires, du décret nº 2000-1272 du 18 octobre 2002 modifiant le décret du 17 juin 1938 relatif à l'organisation et l'unification du régime d'assurance des marins et de la circulaire CIR-20/2004 relative à la coordination de l'allocation des travailleurs de l'amiante du régime général avec les autres dispositifs d'allocation des travailleurs de l'amiante. Il considère que la SNCM est une entreprise listée amiante et que si les navires de la société ne figurent pas sur la liste des établissements classés tels qu'ils sont mentionnés dans l'arrêté du 7 juillet 2000, la présomption du préjudice d'anxiété résulte des textes ci-dessus mentionnés pour l'exercice des fonctions à la machine à bord notamment de navires à passagers construits avant le 31 décembre 1998. En tout état de cause, faute pour la cour de le faire bénéficier de la présomption susvisée, le salarié expose que la SNCM ne démontre pas avoir pris, s'agissant de l'exposition des salariés à l'amiante, avant 1996-1997 et même après, des mesures de prévention et/ou de protection sur les navires de l'entreprise. Il fait valoir ainsi que l'employeur, qui avait connaissance du risque, a manqué à son obligation (contractuelle) de sécurité de résultat, alors que les navires de la SNCM sur lesquels il a travaillé présentaient une concentration certaine d'amiante et que les mesures mises en oeuvre par l'entreprise, à compter de 1999, se sont avérées inexistantes et/ou insuffisantes. Il relève que ce manquement contractuel de l'employeur lui cause un préjudice moral qui correspond à une situation d'inquiétude face au risque de déclarer à tout moment une maladie liée à l'amiante, pathologie mettant en jeu le pronostic vital susceptible de se déclarer jusqu'à 40 années après l'exposition. X
demande également la condamnation de l'employeur à lui verser des dommages et intérêts sur le fondement des articles 121-3 et 223-1 du code pénal, 4, 4-1 et 10 du code de procédure pénale, L. 4121-1 du code du travail. Il soutient qu'il a droit à une indemnisation, hors existence d'un préjudice d'anxiété ou d'un trouble psychologique quelconque, du fait que l'employeur a commis l'infraction de mise en danger délibérée de la vie d'autrui puisqu'il a été pendant toute son activité professionnelle exposé à l'amiante, quel que soit son poste de travail, sans protection. Il fait valoir que tout salarié se trouvant exposé à l'amiante doit être indemnisé par l'employeur auteur de l'infraction, sans autres conditions ou considérations. La SCP J... et H..., représentée par Me J..., ès qualités de liquidateur de la SNCM, fait valoir que le salarié ne remplit pas toutes les conditions de l'article 41 de la loi nº 98-1194 du 23 décembre 1998 et ne bénéficie donc pas d'une présomption d'exposition à l'amiante générant un préjudice d'anxiété, alors que si certains établissements de la SNCM sont mentionnés sur la liste établie par les arrêtés du 7 juillet 2000 et du 26 mai 2015, aucun des navires de l'entreprise n'a jamais été considéré comme un établissement Acaata. Elle précise que la SNCM ne fabrique pas de bateaux et que si certains de ses établissements sont spécifiquement listés par ces arrêtés au titre de la construction et de la réparation navales, c'est parce que la réparation des navires est essentiellement effectuée dans les ateliers de l'entreprise aux adresses mentionnées par les arrêtés. Pour le surplus, l'intimée relève que le salarié ne démontre pas avoir été exposé, dans le cadre de l'exécution du contrat de travail, de manière significative à l'inhalation de fibres d'amiante et avoir subi un préjudice d'anxiété en raison d'un manquement fautif de l'employeur à son obligation de sécurité. Elle ajoute que c'est seulement à compter du mois de mai 1996 (décret nº 96-445 du 22 mai 2016) que la SNCM devait avoir conscience des dangers de l'exposition de ses salariés au risque d'inhalation des fibres d'amiante, que certains navires n'ont jamais contenu d'amiante (Y... Orba / [...] / [...] ou [...] / [...]), que les seuils fixés en la matière par les pouvoirs publics n'ont jamais été atteints, sauf de façon très ponctuelle ou épisodique, en tout cas marginale, dans les autres navires de la SNCM. Le Cgea de Marseille relève que la demande d'indemnisation du préjudice d'anxiété devra être rejetée comme ne répondant pas à toutes les conditions de l'article 41 de la loi nº 98-1194 du 23 décembre 1998 (cessation d'activité professionnelle, âge, non-cumul avec une autre pension ou retraite, emploi dans un établissement listé, exercice d'un métier listé, période de référence) comme à celles fixées par la jurisprudence. Il expose que les navires de la SNCM ne sont pas visés par la liste des établissements susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité. Il ajoute que le salarié ne démontre ni que l'employeur aurait manqué à son obligation de résultat en matière de sécurité ni l'existence d'un préjudice. Le Cgea de Marseille indique également que la demande d'indemnisation d'un préjudice spécifique, telle que présentée par le salarié au titre notamment d'une mise en danger délibérée d'autrui, n'est pas en lien avec l'exécution du contrat de travail et ne saurait être garantie par l'Ags. Pour le surplus, le Cgea indique faire sienne l'argumentation du liquidateur. A titre subsidiaire, le Cgea de Marseille demande une réduction du montant des dommages et intérêts accordés en réparation d'un préjudice d'anxiété. Il rappelle que l'Ags ne garantit que les créances du contrat de travail nées avant l'ouverture de la procédure collective et, en tout état de cause, ne garantit pas les dépens ni les frais irrépétibles. Suite aux conséquences sanitaires de l'utilisation de l'amiante durant plusieurs décennies, le législateur a créé, par l'article 41 de la loi nº 98-1194 du 23 décembre 1998, dite 'de financement de la sécurité sociale pour 1999', un dispositif spécifique de départ anticipé à la retraite, avec perception d'une allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante, autrement appelée Acaata, en faveur des salariés qui ont été particulièrement exposés à l'amiante. Ce dispositif s'applique aux salariés des établissements de fabrication de matériaux contenant de l'amiante, aux salariés des établissements de flocage et de calorifugeage à l'aide d'amiante, aux salariés des établissements de construction et de réparation navales, aux ouvriers dockers professionnels et personnels portuaires assurant la manutention. En application de ce dispositif, les salariés démontrant travailler ou avoir travaillé dans un des établissements ou ports inscrits sur la liste établie par arrêté ministériel, peuvent solliciter, à partir de l'âge de 50 ans, et sous réserve de cesser toute activité professionnelle, le bénéfice de l'Acaata. Cette allocation est ensuite versée jusqu'à ce que le salarié remplisse les conditions pour bénéficier d'une pension de retraite à taux plein. La chambre sociale de la Cour de cassation, en sa formation plénière, a consacré l'existence d'un préjudice d'anxiété pour les salariés relevant du dispositif de l'Acaata. Hors dispositions spécifiques, seuls les salariés exposés à l'amiante dans un établissement inscrit sur la liste établie par arrêté ministériel comme susceptible d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante peuvent obtenir réparation d'un préjudice d'anxiété. En outre, s'agissant des établissements et des métiers de la construction et de la réparation navales inscrits sur la liste établie par arrêté ministériel, un salarié ayant travaillé dans un établissement inscrit, mais n'y ayant pas exercé l'un des métiers visés par cette même liste, n'est pas éligible au dispositif de l'Acaata et est dès lors aussi exclu de la réparation d'un préjudice d'anxiété. En revanche, le salarié, pour bénéficier de l'indemnisation du préjudice d'anxiété, n'a pas à rapporter la preuve de son anxiété ni d'avoir été exposé personnellement ou directement à l'amiante au sein de l'établissement listé dans lequel il travaillait. Un salarié ayant travaillé dans un établissement inscrit sur la liste des sites ouvrant droit au bénéfice de l'Acaata, mais qui n'a pas demandé à percevoir cette allocation, peut néanmoins obtenir réparation de son préjudice d'anxiété. Les salariés, qui ont travaillé dans un établissement inscrit sur la liste des établissements ouvrant droit au bénéfice de l'Acaata pendant une période de référence, peuvent obtenir la réparation de leur préjudice spécifique d'anxiété, qu'ils aient ou non adhéré au dispositif légal et peu important leur âge à la date de la mise en place de ce dispositif. L'indemnisation des salariés exposés à l'amiante, dans les conditions de l'article 41 de la loi nº 98-1194 du 23 décembre 1998, ne peut prendre la forme que d'un préjudice patrimonial réparé par l'Acaata d'une part et d'un préjudice extra-patrimonial réparé par l'allocation de dommages et intérêts au titre du seul préjudice d'anxiété d'autre part. Cette double indemnisation couvre la totalité des préjudices subis par ces salariés, lesquels ne peuvent obtenir d'autre réparation résultant de l'exposition à l'amiante. Le préjudice moral résultant pour un salarié du risque de développer une maladie induite par son exposition à l'amiante est constitué par le seul préjudice d'anxiété. Ainsi, le salarié ne peut, s'agissant du préjudice extra-patrimonial ou moral ou psychologique résultant d'une exposition à l'amiante dans le cadre de l'exécution du contrat de travail, être indemnisé, en supplément du préjudice d'anxiété, pour un autre préjudice qui résulterait d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat. En conséquence, les dommages et intérêts alloués au titre du préjudice d'anxiété reconnu aux travailleurs de l'amiante, éligibles à l'allocation de cessation anticipée d'activité, réparent l'intégralité du préjudice lié au manquement de l'employeur à son obligation de sécurité. Le préjudice d'anxiété n'est indemnisable que pour une catégorie restrictive de salariés ou d'anciens salariés et ce en lien avec l'allocation de cessation anticipée d'activité accordée à certains travailleurs exposés ou ayant été exposés à l'amiante. Ce préjudice d'anxiété naît lorsque le salarié ou l'ancien salarié apprend qu'il est éligible à cette allocation et comprend que son espérance de vie (ou sa qualité de vie) est statistiquement réduite puisque tel est le fondement de l'allocation (et de la retraite anticipée) accordée à des personnes ayant travaillé sur des sites désignés expressément par les pouvoirs publics comme ayant été particulièrement exposés à la substance dangereuse pour la santé, et parfois létale, que constitue l'amiante. Nonobstant les conditions d'âge ou de durée d'activité (ou d'exposition) qui ne sont pas considérés comme déterminantes en la matière, le préjudice d'anxiété est reconnu au salarié (ou à l'ancien salarié) qui a travaillé pendant une période de référence sur un site classé amiante par les pouvoirs publics, c'est à dire visé ou listé comme ouvrant droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité, avec parfois la condition supplémentaire d'avoir exercé au sein de ce site une fonction désignée comme particulièrement exposée à l'amiante (fonction listée) et nécessaire alors pour bénéficier de l'allocation. Si le salarié remplit de telles conditions, alors son préjudice d'anxiété doit être indemnisé car il bénéficie d'une présomption en la matière. Cette présomption étant simple, l'employeur a la possibilité de démontrer que le préjudice d'anxiété n'existe pas bien que le salarié ait travaillé pendant la période de référence dans un établissement listé (en exerçant éventuellement une fonction listée). Quand les conditions susvisées sont remplies, le préjudice d'anxiété naît le jour où le salarié apprend, ou aurait dû apprendre, qu'il a travaillé sur un site classé (et éventuellement dans une fonction classée), c'est à dire le jour de la publication au JORF du texte réglementaire désignant son lieu de travail (et éventuellement sa fonction) comme un site amiante au sens du bénéfice de l'allocation de cessation anticipée d'activité. Pour pouvoir prétendre à l'indemnisation d'un préjudice moral, en tout cas extra-patrimonial, au titre de son exposition à l'amiante dans le cadre de l'exécution du contrat de travail, y compris sur le fondement d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, il appartient donc à Monsieur N... d'établir qu'il a travaillé dans l'un des établissements (ou sites) mentionnés (ou visés) par l'article 41 de la loi nº 98-1194 du 23 décembre 1998, en tout cas au juge d'en faire le constat. La SNCM n'est pas mentionnée sur la liste des établissements ayant fabriqué des matériaux contenant de l'amiante et des établissements de flocage et de calorifugeage à l'amiante, susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité (arrêté du 3 juillet 2000 publié au JORF du 16 juillet 2000). Par contre la SNCM est mentionnée sur la liste des établissements et des métiers de la construction et de la réparation navales susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante (arrêté du 7 juillet 2000). Dans sa version d'origine, l'arrêté du 7 juillet 2000 (publié au JORF du 22 juillet 2000) mentionnait : 'Société nationale Corse-Méditerranée (SNCM) : [...] : depuis 1950'. L'arrêté du 4 septembre 2007 (publié au JORF du 13 septembre 2007), modifiant la liste des établissements et des métiers de la construction et de la réparation navales susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante, mentionne : 'Au lieu de : « Société nationale Corse-Méditerranée (SNCM), [...] , depuis 1950 » ; lire : « Société nationale Corse-Méditerranée (SNCM) [...] : depuis 1950 ».'. L'arrêté du 26 mai 2015 (publié au JORF du 9 juin 2015), modifiant la liste des établissements et des métiers de la construction et de la réparation navales susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante, mentionne : ' Au lieu de : Société nationale Corse-Méditerranée (SNCM) [...] [...] Depuis 1950, Ecrire : - Société nationale Corse-Méditerranée (SNCM) [...] [...] De 1950 à 2014, - Société nationale Corse-Méditerranée (SNCM) [...] , bât. G, CS 50372 13331 Marseille Cedex 03 et [...] et [...] à compter de l'année 2014'. La SCP JP J... et H..., représentée par Me J..., ès qualités de liquidateur de la SA SNCM, et le Cgea de Marseille font valoir que, selon un jugement rendu en date du 27 juin 2017, le tribunal administratif de Marseille a annulé l'arrêté susvisé en date du 26 mai 2015. À la lecture du jugement du tribunal administratif de Marseille, il apparaît que cette juridiction a annulé l'arrêté du 26 mai 2015 en considérant qu'au sein des établissements visés les opérations entrant dans le champ d'application de l'article 41 de la loi nº 98-1194 du 23 décembre 1998 ne peuvent être regardées, en l'espèce, comme ayant un caractère significatif et qu'en conséquence la décision du ministre procédant à la modification de l'arrêté du 7 juillet 2000, en ce qu'elle intègre les ateliers, est entachée d'une erreur d'appréciation et doit être annulée pour ce motif. Toutefois, à ce jour, en tout cas à celui de la date des débats 32, l'arrêté du 26 mai 2015 est toujours en vigueur tel qu'il est libellé selon les attendus précités. La SCP J... et H..., représentée par Me J..., ès qualités de liquidateur de la SA SNCM, et le Cgea de Marseille ne justifient pas de l'absence de recours suspensif contre la décision du tribunal administratif de Marseille, en tout cas du caractère définitif et exécutoire du jugement du 27 juin 2017. Ainsi, à la lecture de l'arrêté du 7 juillet 2000, en vigueur à ce jour, s'agissant de la liste des établissements et des métiers de la construction et de la réparation navales susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante, les établissement suivants de la SNCM sont toujours mentionnés : - De 1950 à 2014 : [...] , [...] , [...] ; - A compter de l'année 2014 : [...] et [...] et [...] . Surabondamment, le jugement du 27 juin 2017 annule le seul arrêté modificatif du 26 mai 2015, laissant d'application les arrêtés des 7 juillet 2000 et 4 septembre 2007, de sorte qu'une annulation définitive de l'arrêté du 26 mai 2015, à défaut d'une décision de même nature concernant explicitement l'arrêté du 7 juillet 2000 en sa version telle que modifiée ou précisée par l'arrêté du 4 septembre 2007, aurait pour conséquence de supprimer de la liste (des établissements de la construction et de la réparation navales susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante) les seuls établissements suivants de la SNCM : [...] , bât. G, CS 50372 13331 Marseille Cedex 03 et [...] et [...] . Nonobstant, les établissements situés [...] [...] restent en l'état susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante pour la période depuis 1950. S'agissant de la liste des établissements et des métiers de la construction et de la réparation navales, dans la mesure où le salarié, bénéficiant de l'allocation de cessation anticipée d'activité ou éligible à celle-ci, établit avoir exercé dans l'établissement considéré l'un des métiers mentionnés dans la liste, il bénéficie d'une présomption triple (présomption d'exposition suffisamment significative à l'amiante de par un manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité dé résultat, présomption d'existence d'un préjudice d'anxiété et présomption de lien de causalité entre la faute de l'employeur et le préjudice subi), sans avoir d'autre preuve à rapporter. Toutefois, l'employeur a la possibilité d'apporter la preuve contraire et donc de renverser cette présomption. Monsieur N..., qui n'a pas exercé un métier au sein des établissements listés de la SNCM mais des métiers en qualité de marin sur les navires, fonde sa demande sur les dispositions du décret nº 2002-1272 du 18 octobre 2002 et produit un relevé de carrière (détail et ventilation des services du marin) mentionnant qu'il a occupé, entre juin 1977 et septembre 2013 (total mentionné de 419 mois et 4 jours pour tous les services dont 144 mois et 14 jours de services de navigation), les fonctions de mousse pont, novice pont, novice machine, ouvrier mécanicien, maître mécanicien et assistant officier stagiaire machine, à bord de navires à passagers de la SNCM. Ce document mentionne tant le nom des navires sur lesquels Monsieur N... a embarqué qu'un libellé précis des fonctions exercées. S'agissant des navires de la SNCM en la cause, dont l'affectation essentielle (voire exclusive) au transport de passagers n'est pas contestée, ils sont qualifiés de biens meubles par le salarié mais d'établissements distincts par le liquidateur. Reste que ces navires à passagers ne sont pas rattachables au siège social de la SNCM, ni aux établissements listés par les arrêtés des 7 juillet 2000, 4 septembre 2007et 26 mai 2015, comme susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante. La liste susvisée concerne des établissements et des métiers de la construction et de la réparation navales mais nullement l'activité régulière de transport de passagers des navires de la SNCM en la cause, en tout cas hors période de construction ou de réparation des bateaux de l'entreprise au sein des établissements listés par les arrêtés susvisés dans le cadre de l'exercice de métiers listés d'atelier, de bord ou de coque. Il n'est nullement soutenu que Monsieur N..., salarié marin, aurait travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi nº 98-1194 du 23 décembre 1998 au titre des établissements de fabrication de matériaux contenant de l'amiante, des établissements de flocage et de calorifugeage à l'aide d'amiante, des établissements de construction et de réparation navales et aurait exercé un métier figurant sur la liste des métiers de la construction et de la réparation navales susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante. S'agissant des salariés marins (ou anciens marins), dont Monsieur N... avait la qualité, il existe un dispositif spécifique et autonome prévoyant le bénéfice d'une allocation de cessation anticipée d'activité totalement assimilable à celle prévue par l'article 41 de la loi nº 98-1194 du 23 décembre 1998. Un décret nº 98-332 du 29 avril 1998 (publié au JORF du 6 mai 1998), relatif à la prévention des risques dus à l'amiante à bord des navires, applicable à tous les navires civils français, a interdit, sur tout navire, l'embarquement pour les besoins de celui-ci de toutes variétés de fibres d'amiante et de tout produit ou matériau en contenant, ainsi que l'utilisation de toutes variétés de fibres d'amiante et de tout produit ou matériau en contenant pour la construction de tout navire. Des obligations ont également été mises à la charge de l'armateur, notamment en matière de recherche d'amiante, de consultation de documents, d'expertise, de contrôle, d'évaluation d'empoussièrement, d'information et de travaux d'enlèvement de matériaux et produits contenant de l'amiante (sauf pour les navires de plaisance à usage personnel et les navires de pêche d'une longueur inférieure à 12 mètres). Le décret nº 2002-1272 du 18 octobre 2002 (publié au JORF du 20 octobre 2002), modifiant le décret du 17 juin 1938 relatif à la réorganisation et à l'unification du régime d'assurance des marins, dispose en son article 2 : ' L'article 65 est remplacé par les dispositions suivantes : Art. 65. La caisse verse une allocation de cessation anticipée d'activité aux marins et anciens marins, sous réserve qu'ils cessent toute activité professionnelle, lorsqu'ils remplissent les conditions suivantes: 1º Exercer ou avoir exercé : a) Des fonctions à la machine à bord de navires comportant des équipements contenant de l'amiante ; pour l'application de cette disposition, et sauf preuve contraire, sont considérés comme ayant comporté des équipements de ce type les navires construits avant les dates définies dans le tableau figurant en annexe au décret nº 98-332 du 29 avril 1998 relatif à la prévention des risques dus à l'amiante à bord des navires, b) Ou toutes fonctions à bord de navires ayant transporté de l'amiante au cours d'une période déterminée ; la liste des périodes considérées et celle des navires concernés sont fixées par arrêté du ministre chargé de la marine marchande, 2º Etre âgé d'au moins cinquante ans. Le montant de cette allocation est égal à 65 % du salaire forfaitaire défini à l'article 7, et correspondant à la catégorie dans laquelle le marin était classé lors de la dernière activité précédant sa demande. L'âge d'entrée en jouissance de cette allocation est l'âge de soixante ans, diminué du tiers de la période passée dans les fonctions mentionnées au 1º. Pour la détermination de cette période, il est tenu compte, le cas échéant, de la durée de travail effectuée dans les autres activités professionnelles mentionnées au I de l'article 41 de la loi nº 98-1194 du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale pour 1999. L'allocation cesse d'être versée lorsque le bénéficiaire remplit les conditions pour pouvoir bénéficier d'une pension proportionnelle ou d'une pension spéciale sur la caisse de retraite des marins, telles qu'elles sont définies respectivement aux articles L. 5 et L. 8 du code des pensions de retraite des marins.' Ce même décret du 18 octobre 2002 dispose en son article 3 : ' L'article 66 est remplacé par les dispositions suivantes : Art. 66. Ont également droit, dès l'âge de cinquante ans, à l'allocation prévue à l'article 65 les marins ou anciens marins reconnus atteints d'une maladie professionnelle provoquée par l'amiante et figurant sur une liste établie par arrêté des ministres chargés du budget et de la marine marchande. L'allocation est servie dès que le demandeur a été reconnu atteint par le Conseil supérieur de santé d'une des maladies visées ci-dessus. Elle est supprimée lorsque le bénéficiaire remplit les conditions pour bénéficier d'une pension proportionnelle ou spéciale sur la caisse de retraite des marins.' En application de ce décret, qui vise expressément l'article 41 de la loi nº 98-1194 du 23 décembre 1998, un dispositif de cessation anticipée d'activité en faveur des marins ayant été exposés à l'amiante a ainsi été créé tant au profit des marins reconnus atteints d'une maladie professionnelle due à l'amiante que des marins qui, sans être malades, ont été gravement ou significativement exposés à l'amiante en raison de leur activité spécifique (toutes fonctions à bord de navires ayant transporté de l'amiante au cours d'une période déterminée ou fonctions à la machine à bord de navires comportant des équipements contenant de l'amiante). Il en résulte que (cf notamment circulaires nº 13 du 22 octobre 2002 et nº 19 du 4 avril 2003), hors salarié atteint d'une maladie professionnelle, le marin, pour être éligible à l'allocation de cessation anticipée d'activité aux marins et anciens marins (article 65 / allocation dite C3A) doit notamment : - exercer ou avoir exercé des fonctions à la machine et/ou polyvalentes à bord de navires construits avant le 1er janvier 1999 (navires à passagers ou de plaisance) ou le 1er juillet 1999 (navires de charge) ou le 1er janvier 2000 (navires de pêche), - ou avoir travaillé à bord de navires de transport d'amiante (que ce soit au pont ou à la machine). Il n'est pas contesté que les navires sur lesquels le salarié a travaillé, dans le cadre de l'exécution du contrat de travail le liant à la SNCM, sont des navires à passagers n'effectuant pas de transport d'amiante. Selon les textes précités, pour être éligible à l'allocation de cessation anticipée d'activité des marins et anciens marins (C3A), s'agissant des fonctions à la machine et/ou polyvalentes exercées à bord de navires à passagers construits avant le 1er janvier 1999 (vérification opérée par lecture du relevé détaillé des services du marin), seules sont prises en compte les périodes de services embarqués, ainsi que les périodes de congés et d'indemnités journalières rattachées à ces services embarqués. Concernant la durée de service accomplie par le marin et prise en compte pour la cessation anticipée d'activité amiante et la date d'entrée en jouissance de l'allocation, sont retenues les périodes effectuées jusqu'au 31 décembre 1998, sauf à prendre également en compte les périodes postérieures dès lorsque la présence d'amiante au-delà de la date du 31 décembre 1998 est avérée dans les salles de machine de certains navires et confirmée par un rapport d'expertise émanant d'un organisme agréé (et uniquement dans ce cas). La présomption de préjudice d'anxiété liée à une exposition à l'amiante, en référence à l'article 41 de la loi nº 98-1194 du 23 décembre 1998 et au dispositif spécifique d'allocation de cessation anticipée d'activité institué en faveur des salariés qui ont été particulièrement exposés à l'amiante, bénéficie donc aux marins (ou anciens marins) qui ont exercé des fonctions à la machine et/ou polyvalentes à bord de navires à passagers construits avant le 1er janvier 1999, nonobstant leur âge, la durée de service ou d'exposition, le constat d'une cessation totale d'activité ou non, le cumul d'autres avantages ou revenus, la perception effective de l'allocation C3A. En conséquence, pour pouvoir prétendre à l'indemnisation d'un préjudice moral, en tout cas extra-patrimonial, au titre de son exposition à l'amiante dans le cadre de l'exécution du contrat de travail le liant à la SNCM, y compris sur le fondement d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, il appartient à Monsieur N... d'établir qu'il a exercé sur un navire de la SNCM, jusqu'au 31 décembre 1998 ou après cette date mais sur un navire construit avant le 31 décembre 1998, un emploi relevant des fonctions à la machine ou des fonctions polyvalentes ouvrant droit à l'allocation C3A telles que listées dans des tableaux annexés aux textes susvisés. En l'espèce, à la lecture du relevé de carrière (détail et ventilation des services du marin) de Monsieur N..., il apparaît que ce salarié a bien exercé des fonctions listées (notamment nettoyeur, ouvrier mécanicien et maître mécanicien) à bord de navires à passagers de la SNCM construit avant le 31 décembre 1998. Monsieur N... bénéficie en conséquence, au titre des dispositions du décret nº 2002-1272 du 18 octobre 2002 visant expressément l'article 41 de la loi nº 98-1194 du 23 décembre 1998, d'une présomption de préjudice d'anxiété indemnisable, sans avoir d'autre preuve à rapporter, présomption assimilable à celle reconnue aux salariés ayant travaillé dans des établissements listés par arrêté ministériel comme susceptible d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante. Il n'est pas démontré par les défendeurs que, dans le cadre de l'exercice d'une fonction listée à bord d'un navire à passagers de la SNCM construit avant le 31 décembre 1998, Monsieur N... n'aurait pas été exposé à l'amiante, ou aurait été totalement protégé des conséquences de la présence d'amiante en matière de santé, et ne saurait donc souffrir d'un préjudice d'anxiété né de la connaissance des dispositions du décret nº 2002-1272 du 18 octobre 2002. Le risque de développer une maladie liée à l'amiante, ni surtout l'anxiété née de la connaissance de son éligibilité à l'allocation de cessation anticipée d'activité accordée à certains travailleurs exposés ou ayant été exposés à l'amiante, n'apparaît pas nécessairement en proportion ou fonction de la durée d'exposition ni de l'exercice d'une fonction listée plutôt qu'une autre. Compte tenu des circonstances de l'espèce, le préjudice d'anxiété de Monsieur N... sera réparé par l'allocation d'une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts. Cette créance sera fixée au passif de la procédure collective de la SNCM ».

1. ALORS QUE la réparation du préjudice d'anxiété résultant d'une éventuelle exposition à l'amiante n'est ouverte qu'au salarié qui a travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante ; qu'au cas présent, il résulte des constatations de l'arrêt attaqué qu'il n'était pas établi que Monsieur N... aurait travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 et aurait exercé un métier figurant dans la liste des métiers de la construction et de la réparation navale susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante ; qu'en lui allouant néanmoins des dommages-intérêts au titre de l'indemnisation de son préjudice d'anxiété, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses constatations, en violation des articles 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, et 41 de la loi du 23 décembre 1998 ;

2. ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE le droit à indemnisation du préjudice d'anxiété fondé sur l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 repose sur le travail au sein « des établissements de fabrication de matériaux contenant de l'amiante, des établissements de flocage et de calorifugeage à l'amiante ou de construction et de réparation navales et au sein desquels « l'exercice des activités de fabrication de matériaux contenant de l'amiante, de flocage et de calorifugeage à l'amiante de l'établissement doit présenter un caractère significatif » ; que la présomption de responsabilité résultant de ce texte repose ainsi la situation concrète de l'établissement et l'exercice avéré au sein de cet établissement d'une activité significative nécessitant l'emploi d'amiante comme matière première ; que le régime de cessation anticipée d'activité des marins mis en place par le décret du décret n° 2002-1272 du 18 octobre 2002, modifiant le décret du 17 juin 1938 relatif à l'organisation et l'unification du régime d'assurance des marins, est ouvert à tout marin ayant exercé des fonctions en machine ou polyvalentes à bord d'un navire de passager avant le 31 décembre 1998 ; que ce régime spécifique, qui est exclusivement fondé sur la date de construction des navires sur lesquels le marin a été affecté, ne repose pas sur l'existence d'une utilisation effective, ni a fortiori, significative d'amiante au sein desdits navires et ne saurait donc, s'agissant de l'indemnisation du préjudice d'anxiété, être assimilé au classement d'un établissement sur le fondement de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 ; qu'en procédant à une assimilation pure et simple du régime de cessation anticipée d'activité des marins prévu par l'article 65 du décret du 17 juin 1938, dans sa rédaction issue du décret du 18 octobre 2002 au régime ACAATA de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998, pour juger que les marins ayant exercé des fonctions en machines ou polyvalentes sur des navires de passagers antérieurement au 31 décembre 1998, bénéficient « d'une présomption de préjudice d'anxiété indemnisable, sans avoir d'autre preuve à rapporter », la cour d'appel a violé les articles 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, 41 de la loi du 23 décembre 1998 et 65 du décret du 17 juin 1938, dans sa rédaction issue du décret du 18 octobre 2002 ;

3. ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QU'à supposer que les marins ayant exercé des travaux susceptibles de permettre la cessation anticipée d'activité prévue par l'article 65 du décret de 1938, dans sa rédaction issue du décret de 2002, puissent être admis à solliciter l'indemnisation d'un préjudice d'anxiété, il incombe alors au juge de vérifier que les navires au sein desquels ils ont exercé leurs fonctions étaient effectivement équipés de matériaux contenant de l'amiante et que la présence de tels matériaux et le risque corrélatif d'exposition y étaient significatifs ; qu'au cas présent, la société SNCM faisait valoir, en produisant une importante offre de preuve qu'il était certifié qu'un certain nombre de navires de passagers construits avant 1999 n'avaient jamais contenu le moindre matériel contenant de l'amiante et que, par ailleurs, pour les autres navires sur lesquels avait travaillé le défendeur au pourvoi, les diagnostics techniques amiante faisaient ressortir l'existence de nombreux contrôles ayant, pour la plupart, mis en lumière l'absence ou la présence très marginale d'amiante ; qu'en déduisant la responsabilité de la SNCM du seul exercice de fonctions en machine ou polyvalentes sur des navires antérieurement au 31 décembre 1998 sans rechercher, comme cela lui était demandé, si les navires au sein duquel Monsieur N... avait exercé ses fonctions étaient effectivement équipés de matériaux contenant de l'amiante et si la présence de tels matériaux et le risque corrélatif d'exposition y étaient significatifs, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard articles 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, 41 de la loi du 23 décembre 1998 et 65 du décret du 17 juin 1938, dans sa rédaction issue du décret du 18 octobre 2002. ECLI:FR:CCASS:2019:SO01189
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