Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 12 septembre 2019, 18-18.584, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué (Orléans, 26 mars 2018), que Mme B... et M. A..., locataires d'un appartement détruit par un incendie le 29 octobre 2012, ainsi que leur assureur la société MMA IARD, ont assigné leur bailleur, la SCI Ursus, et son assureur, la société Pacifica, en indemnisation de leur préjudice ; que la société Pacifica a sollicité reconventionnellement le remboursement de l'indemnité versée à son assurée ;

Sur le second moyen, ci-après annexé :

Attendu que la société Pacifica fait grief à l'arrêt de la condamner, ainsi que la SCI Ursus, à payer la somme de 5 329,40 euros à Mme B... et à M. A... et la somme de 10 486,60 euros à la société MMA IARD ;

Mais attendu qu'ayant retenu, par motifs propres et adoptés, que l'incendie était dû à un vice de construction, au sens de l'article 1733 du code civil, affectant le bien loué, mais également à la négligence des locataires qui avaient entreposé des bûches de part et d'autre des parois brûlantes du poêle et à celle du SDIS 37 qui n'avait pas pris toutes les mesures de vérification nécessaires avant de quitter les lieux, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, a pu en déduire, abstraction faite d'un motif surabondant, que les locataires étaient partiellement exonérés de leur responsabilité, laquelle incombait à hauteur d'un tiers à chacun ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le premier moyen :

Vu les articles 1249, 1250, 1251 et 1252 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble l'article L. 121-12, alinéa 1, du code des assurances ;

Attendu, selon ces textes, que l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance dispose contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur, non seulement de la subrogation légale de l'article L. 121-12 du code des assurances, mais aussi du droit d'invoquer la subrogation conventionnelle dans les droits de son assuré, prévue par l'article 1250 du code civil, résultant de la volonté expresse de ce dernier, manifestée concomitamment ou antérieurement au paiement reçu de l'assureur, sans avoir à établir que ce règlement a été fait en exécution de son obligation contractuelle de garantie ;

Attendu que, pour déclarer irrecevable l'action subrogatoire de la société Pacifica, l'arrêt retient que le recours subrogatoire n'est valablement exercé que si l'assureur a versé l'indemnité d'assurance à l'assuré et démontre que l'indemnité est due en regard de son obligation contractuelle de garantie et qu'en considération des fluctuations observées quant au quantum réclamé et de l'absence de justificatifs du versement de l'indemnité d'assurance par l'assureur au bénéfice de l'assuré et du fait que l'indemnité était due en regard de son obligation contractuelle de garantir son assuré, points pourtant évoqués par M. A..., Mme B... et leur assureur dans leurs écritures, la demande doit être tenue pour irrecevable ;

Qu'en statuant ainsi, sans rechercher si les quittances d'indemnité et d'encaissement consenties par son assurée, dont se prévalait la société Pacifica, n'emportaient pas subrogation conventionnelle dans les droits de celle-ci, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré irrecevable la société Pacifica en sa demande reconventionnelle portant sur le paiement de sommes réclamées au titre de la subrogation dans les droits de son assurée, l'arrêt rendu le 26 mars 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bourges ;

Condamne M. A..., Mme B... et la société MMA IARD aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme B..., et de la société MMA IARD ; condamne M. A..., Mme B... et la société MMA IARD à payer une somme globale de 3 000 euros à la société Pacifica ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze septembre deux mille dix-neuf. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour la société Pacifica

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable la société Pacifica en sa demande reconventionnelle portant sur le paiement des sommes réclamées au titre de la subrogation dans les droits de son assurée ;

Aux motifs que les intimés opposent d'abord une fin de non-recevoir à la demande de cet assureur qui, se prévalant de sa qualité d'assureur subrogé dans les droits de son assurée et en faisant état d'une somme de 61 057 euros perçue du SDIS 37, poursuit leur condamnation à lui verser, selon le dispositif de ses dernières conclusions, la somme de 135 942,02 euros ou, subsidiairement, celle de 65 666,34 euros si l'existence d'un vice de construction devait être retenue ; ils font valoir que cette société, partie en première instance, ne réclamait aucune somme dans ses dernières conclusions de première instance, qu'elle n'en formulait pas davantage dans ses premières conclusions d'appel et que cette demande ne figure que dans ses conclusions d'appel n° 2 ; que s'il est incontestable, affirment-ils, que l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé dans les droits de son assuré, aux termes de L. 121-12 du code des assurances, il n'en reste pas moins qu'il doit justifier d'un paiement effectif, ceci en application du contrat d'assurance les liant, et qu'en l'espèce, ils stigmatisent les variations observées au gré des écritures successives quant au quantum de l'indemnité versée à son assuré en vertu d'un contrat d'assurance non produit aux débats et s'interrogent sur l'effectivité du décaissement, non justifié ; que ceci étant exposé, la société Pacifica invoque les dispositions de l'article 567 du code de procédure civile selon lequel "les demandes reconventionnelles sont également recevables en appel" et se prévaut du fait qu'il n'est pas contesté qu'en sa qualité d'assureur, elle a indemnisé son assurée consécutivement à l'incendie ; que pour juger de sa recevabilité, cette demande doit être examinée au regard des exceptions prévues aux articles 564 à 567 du code de procédure civile ; qu'à cet égard, cette demande doit être considérée comme le complément de la défense opposée devant les premiers juges et se rattacher aux prétentions originaires par un lien suffisant ; que toutefois, les intimés sont fondés à se prévaloir du fait que la subrogation de l'assureur dans les droits de l'assuré est fondée sur le paiement réalisé par le premier au second et que le recours subrogatoire n'est, par conséquent, valablement exercé que si l'assureur a versé l'indemnité d'assurance au bénéfice de l'assuré ; qu'ils le sont également à soutenir qu'il lui appartient de démontrer que l'indemnité est due en regard de son obligation contractuelle de garantir son assuré ; qu'ils déduisent à juste titre des fluctuations observées quant au quantum réclamé ainsi que de l'absence de justificatifs sur l'ensemble de ces points pourtant évoqués dans leurs écritures que cette demande doit être tenue pour irrecevable ;

Alors 1°) que le juge ne peut dénaturer le sens clair et précis des écrits qui lui sont soumis ; qu'en l'espèce, pour déclarer irrecevable la société Pacifica en sa demande reconventionnelle portant sur le paiement de sommes réclamées au titre de la subrogation dans les droits de son assurée, la cour d'appel a retenu qu'il existait des fluctuations quant au quantum réclamé et que l'assureur ne produisait pas de justificatifs attestant du paiement d'une indemnité à l'assuré en exécution du contrat d'assurance ; qu'en statuant ainsi lorsque la société Pacifica avait produit une quittance de paiement par laquelle le représentant de la société assurée attestait avoir reçu la somme de 196 999,02 euros en application des garanties du contrat d'assurance, la cour d'appel a dénaturé par omission cet élément de preuve produit par la société Pacifica et par commission le bordereau de communication des pièces, en violation de l'article 4 du code de procédure civile et du principe d'interdiction de dénaturer les pièces du dossier ;

Alors 2°) que, subsidiairement, la subrogation a lieu par le seul effet de la loi au profit de celui qui, y ayant un intérêt légitime, paie dès lors que son paiement libère envers le créancier celui sur qui doit peser la charge définitive de tout ou partie de la dette ; qu'en l'espèce, il est établi, par la quittance de paiement émanant du représentant de la société assurée, que la société Pacifica a versé à son assuré la somme de 196 999,02 euros en application du contrat d'assurance ; qu'en déclarant irrecevable la société Pacifica en sa demande reconventionnelle portant sur le paiement de sommes réclamées au titre de la subrogation dans les droits de son assurée, en raison de l'absence de justificatifs attestant du paiement d'une indemnité à l'assuré en exécution du contrat d'assurance, sans rechercher si les conditions du jeu de la subrogation légale de droit commun n'étaient pas réunies, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'ancien article 1251 du code civil devenu 1346 du code civil ;

Alors 3°) que, subsidiairement, la subrogation est conventionnelle lorsque le créancier recevant son paiement d'une tierce personne la subroge expressément dans ses droits, actions, privilèges ou hypothèques contre le débiteur ; qu'en l'espèce, il est établi, par la quittance de paiement émanant du dirigeant de la société assurée, que la société Pacifica a versé à son assuré la somme de 196 999,02 euros en application du contrat d'assurance et il est établi par la quittance d'indemnité du 31 juillet 2013 que l'assuré a expressément subrogé son assureur dans ses droits et actions contre un éventuel tiers responsable ; qu'en déclarant néanmoins irrecevable la société Pacifica en sa demande reconventionnelle portant sur le paiement de sommes réclamées au titre de la subrogation dans les droits de son assurée, en raison de l'absence de justificatifs attestant du paiement d'une indemnité à l'assuré en exécution du contrat d'assurance, sans rechercher si les conditions du jeu de la subrogation conventionnelle n'étaient pas réunies, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1250, al. 1 et 2 du code civil dans sa version applicable à la cause devenu 1346-1 du code civil.



SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est reproché à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir condamné in solidum la SCI Ursus et la compagnie Pacifica à payer, en réparation du dommage causé par le second incendie survenu dans la nuit du 28 au 29 octobre 2012, la somme de 5 329,40 euros à Mme N... B... et M. P... A... ainsi que la somme de 10 486,60 euros à la compagnie MMA IARD ;

Aux motifs que sur les responsabilités encourues (
) ceci étant exposé et s'agissant de la question de l'unicité ou de la dualité du ou des incendies en cause, qu'il convient de constater que l'expert avait pour mission d'indiquer dans quelles circonstances les incendies sont survenus le 29 octobre 2012 et que s'il y répondait (page 43/45 de son rapport) en attribuant à la pyrolyse accélérée des bûches entreposées de part et d'autre du poêle à bois "le premier incendie", il n'en faisait pas nettement le départ dans ses diverses formulations, évoquant un "premier évènement" puis "celui qui a fait rage" postérieurement et qui a "évolué " ou encore une "seconde séquence du processus" concluant a un envahissement des combles "dans la suite logique que l'on devait attendre de l'enchainement ci-avant décrit" ; qu'il évoque également une "propagation" puis "de ce qui est à considérer comme une (entre guillemets) "reprise de feu" et, s'agissant des conditions d'intervention des pompiers, "un "brûlot" (également entre guillemets) (ayant) pu prospérer à leur insu" (page 44/45) ; que les parties au litige n'agissant qu'en réparation du sinistre ayant provoqué la destruction de l'immeuble et étant considéré que la mise à feu des bûches avant 3 heures 30 du matin, envisagée comme une première séquence, est à attribuer à la négligence des occupants de l'appartement, a vocation à trouver application l'article 1733 du code civil qui édicte à la charge du locataire une présomption de responsabilité dont il ne peut s'exonérer qu'en apportant la preuve directe et positive d'un des faits que cet article énumère limitativement ; que si les intimés se prévalent d'un vice de construction, au sens de ce texte, qui permet à un preneur de s'exonérer de la présomption qui pèse sur lui, c'est à juste titre que les appelants font valoir que la seule preuve de son existence ayant pu contribuer à aggraver le dommage est insuffisante pour l'exonérer de cette responsabilité, principe qu'au demeurant admettent les intimés, et qu'il appartient à ce preneur de démontrer qu'il s'agit d'un vice de construction suffisamment caractérisé pour écarter le jeu de la présomption édictée par l'article 1733 précité ; que sur ce point, l'expert appelé à donner son avis de technicien sur tous les éléments permettant de déterminer les responsabilités éventuellement encourues indique (page 36/45) que la source "de ce qui est à considérer comme une "reprise de feu"" est à situer "dans le fond du coffrage vertical là où avait dû s'accumuler avec le temps des résidus combustibles au contact d'une liaison male/femelle en acier non isolée qui était à même du fait de la température (possiblement supérieure à 300° C) des aérosols de combustion véhiculés de s'enflammer spontanément. Il pouvait être ici fait état d'un vice de construction dans la mesure où ce "réceptacle" n'était pas visible et nettoyable sans pratiquer une ouverture ou une brèche dans le coffrage" ; qu'à l'argumentation des appelantes relative à la location du bien sans que ne soit survenu de sinistre durant dix années, l'expert fournit une réponse pertinente ; que, répondant à un dire, il précise en effet : "Il n'est pas étonnant qu'une mise à feu se produise de nombreuses années après d'un poêle à bois. Cette durée dépend de l'évolution de nombreux paramètres (type d'installation, usage intensif ou épisodique, modification, dégradations dans le temps, ...) mais aussi, ce qui semble être le cas dans la présente affaire, du fait de l'apport au fil du temps de débris, végétaux, graines, feuilles et autres par des rongeurs qui sont à même de modifier l'environnement de l'ouvrage" (page 38/45) ; A cet égard et répondant à un autre dire relatif à une récente prestation de ramonage, l'expert a également précisé : "(...) L'opérateur n'avait pas accès à la partie intérieure du coffrage. (...) "(il) ne pouvait, du fait de la conception de l'ouvrage, visualiser l'état intérieur de ce dernier et se faire une idée de ce qui avait pu incidemment s'accumuler au fil du temps entre les parois de celui-ci et l'emprise du Poujoulat" (page 40/45) ; que l'expert a, de la même façon, été conduit à préciser, en réponse à une question relative à une utilisation inadaptée de l'installation par les occupants : "(1..) Si le coffrage avait été vide, il n'y aurait eu aucune matière qui soit susceptible de brûler et, dans ces conditions, les aérosols de combustion portés à haute température (et d'où qu'ils viennent,) n'auraient pas été en capacité de contraindre quoi que ce soit" (pages 40 et 41/45) ; eu égard à ces éléments techniques issus d'une expertise particulièrement circonstanciée, il y a lieu de considérer que le bailleur, tenu de satisfaire aux obligations auxquelles l' article 1719 du code civil le soumet, y a manqué au titre de l'installation de l'appareil de chauffage à bois litigieux et que cette défaillance, de nature à mettre en péril la sécurité du preneur, est suffisamment grave pour être assimilée à un vice de construction au sens de ce texte ; qu'incidemment et pour conforter cette approche, les intimés observent que, dans leurs rapports, les appelantes sont convenues, le 31 juillet 2013, de faire application de la règle de la réduction proportionnelle de prime en convenant de "la non-conformité du risque" (quittance subrogative - pièce 7) ; que le locataire est, dans ces conditions, fondé à soutenir que le bien dont il avait la jouissance était affecté d'un vice de construction caractérisé lui permettant de se prévaloir d'une des causes d'exonération prévue à l'article 1733 du code civil, étant toutefois considéré, comme l'a fait le tribunal en retenant justement pour chacune des parties au litige la proportion d'un tiers, que par sa négligence et dans l'enchainement causal à l'origine du dommage, ce locataire a également contribué à sa réalisation, de même que le SDIS 37 semblablement négligeant lors de sa première intervention ; que sur l'indemnisation des préjudices : Sur le préjudice invoqué par les preneurs, les consorts B...-A..., et la société MMA Iard : le tribunal a fixé à la somme de 47 448 euros le montant de leur préjudice - soit : - 42 108 euros (coût du dommage) + 1 840 euros (coût des opérations de ramassage et d'évacuation des débris) + 1 500 euros (correspondant à un surcoût du montant de leur location en urgence + 2 000 euros (en réparation de leur préjudice moral) - et jugé que la SC1 Ursus bailleresse et son assureur ne seront tenus réparation qu'à hauteur d'un tiers, soit la somme de 15 816 euros ; qu'il a fixé à 5 329,40 euros le montant du reliquat devant leur revenir, déduction faite de la somme de 47 448 euros de celle de 11.448,90 euros (représentant la somme allouée par le tribunal administratif sanctionnant la négligence du SDIS 37) et de celle de 30 669,70 euros (perçue de leur assureur) et a 10 486,60 euros (soit 15 816 – 5 329,40 euros) celle devant revenir à leur assureur, la société MMA Iard ; que sur appel incident et en conséquence de leur argumentation tendant à voir juger qu'il ne peut leur être reproché une faute en lien causal avec le dommage, ils poursuivent la réparation intégrale de leur préjudice à hauteur de la somme de 61 398 euros repartie entre les locataires (soit 61 398 – 30 669,70 euros = 19 280 euros) et l'assureur pour le reliquat (soit : 61 398 – 19 280,30 euros = 42 117,70 euros) ramené au montant de la créance résultant de la subrogation (soit : 30 669,30 euros); qu'ils demandent, pour ce faire, que le montant de leur préjudice matériel soit fixé à la somme de 47 108 euros du fait d'une erreur inexpliquée du tribunal, que le montant de leur préjudice moral soit réévalué à la somme de 8 000 euros et que soit ajoutée celle de 1 150 euros indemnisant les trois jours de congés payés que les locataires ont dû prendre pour être présents aux rendez-vous d'expertise ; qu'à titre subsidiaire, la SCI Ursus et son assureur, la société Pacifica, soutiennent que le montant maximal dont les preneurs pourraient demander réparation s'établit à la somme de 42 108 euros dont à déduire la somme allouée par le tribunal administratif (soit 42 108 euros – 11 448,90 euros = 30 659,91 euros); qu'elles objectent en particulier qu'a été déduite de la somme de 47 448 euros celle de 5 000 euros correspondant à l'évaluation forfaitaire des dommages consécutifs au premier incendie et que, pour le reste, leurs réclamations ne sont pas justifiées ; que ceci exposé, le procès-verbal de constatations relatives à l'évaluation des dommages (pièce 7 des intimés) permet d'expliquer, comme soutenu par les appelants, la déduction de la somme de 5 000 euros opérée par le tribunal puisqu'il consacre une rubrique relative à la décontamination mobilière au titre du "premier sinistre" pour ce montant ; que le coût du "retrait et déblai selon devis Roy" constitue une autre rubrique, justifiée et en lien avec le dommage, et qu'il n'y a pas lieu de rejeter la réclamation à ce titre, de même qu' il n'y a pas lieu de modifier les postes et évaluations justement écartés ou appréciés par le tribunal, qu'il s'agisse de l'indemnisation de la présence aux expertises (susceptible de ressortir de leurs frais non répétibles) ou du préjudice moral invoqué ; que le jugement mérite par conséquent confirmation de ce chef » ;

Et aux motifs, à les supposer adoptés des premiers juges, que l'article 1733 du code civil dispose que le locataire répond de l'incendie, à moins qu'il ne prouve que celui-ci est arrivé par cas fortuit ou force majeure, ou par vice de construction : que parallèlement l'article 6 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 fait obligation au bailleur de garantir le locataire des vices de nature à faire obstacle à la jouissance paisible du logement ; que selon l'expert judiciaire, l'appartement loué par la SCI Ursus aux requérants a été frappé par deux incendies successifs au cours de la même nuit ; qu's'agit aux termes du rapport de deux événements distincts, ayant pour origine deux foyers de départ de feu différents ; que pour autant ces deux incendies ne sont pas sans lien, le second incendie provenant selon l'expert du cumul entre la chaleur dégagée par le premier feu d'une part et l'accumulation de résidus végétaux dans le vide de construction existant entre les parois du coffrage et le conduit Poujoulat d'autre part ; qu'on peut lire ainsi en page 39 du rapport : « Nous pensons que ce n'est qu'en conséquence du premier foyer, du fait de la hauteur des flammes et des dégagements de fumées portées à haute température issues de la combustion des bûches proches du poêle que les résidus végétaux qui avaient dû s'accumuler dans le vide de construction existant entre les parois du coffrage et le Poujoulat ont été impliqués à leur tour pour que se déclare le second événement dont nous avons à connaître les prolongements » ; qu'au vu du résultat de ses investigations, l'expert attribue le premier incendie « à la négligence voire l'inconscience des occupants de l'appartement » ; que les demandeurs ne contestent pas avoir entreposé de part et d'autre du poêle les bûches dont ils avaient fait provision la veille, le contact entre les bûches et les parois brûlantes du poêle ayant conduit les premières à s'enflammer spontanément ; que dès lors que sans le premier incendie il n'y aurait pas eu de second foyer, la responsabilité de N... B... et P... A... dans ce deuxième départ de feu et dans les dommages importants qui en ont cette fois-ci résulté n'est pas contestable ; que cependant ce deuxième incendie s'explique également par l'accumulation des résidus végétaux derrière les parois du coffrage mis en oeuvre par la SCI Ursus ; qu'or l'expert estime : - d'une part que les secours intervenus au milieu de la nuit après le premier départ de feu auraient dû envisager la possibilité qu'un « brûlot » ait pu prospérer à leur insu dans cette partie du coffrage qu'ils n'ont pas pris la peine de vérifier, - d'autre part que la SCI Ursus aurait dû prévoir une trappe de manière à permettre la vérification et le nettoyage de cette partie du poêle ; que compte tenu de la nature d'une telle installation et des risques qu'elle comporte au regard des températures élevées des aérosols de combustion, c'est à juste titre que l'expert qualifie l'absence d'accès en partie au tubage d'extraction de « vice de construction » ; que l'existence d'un accès à la partie du poêle situé derrière le coffrage aurait permis aux pompiers de repérer sans difficulté et d'éteindre le second foyer dès leur première intervention ; que dès lors ce vice engage la responsabilité de la SCI Ursus sur le fondement de l'article 6 de la loi du 6 juillet 1989 précitée ; que la SCI Ursus doit donc répondre du préjudice subi par les requérants du fait de ce second incendie ; que toutefois, compte tenu des rôles également causals de l'imprudence caractérisée des locataires à l'origine du premier incendie et de la négligence du SDIS 37 lors de sa première intervention, la responsabilité de la SCI Ursus sera limitée à 1/3 ; que s'agissant du montant du préjudice de N... B... et P... A..., il ressort du procès-verbal d'évaluation des dommages établi contradictoirement que le coût du dommage causé par le deuxième sinistre s'élève à 42 108 euros ; que les requérants justifient par ailleurs avoir exposé une somme de 1 840 euros au titre des opérations de ramassage et d'évacuation des meubles et objets sinistrés après le second incendie ; qu'ils justifient également de la location en urgence d'un appartement équivalent pour un loyer supérieur de 250 euros au loyer payé pour l'appartement sinistré, de sorte que leur demande indemnitaire à hauteur de 1 500 euros, qui correspond à la différence de loyers sur une période de 6 mois, doit être considérée comme fondée : qu'enfin le préjudice moral qu'ont indéniablement subi N... B... et P... A... du fait de cet incendie justifie une réparation à hauteur de 2 000 euros ; que pour le reste, il n'est pas justifié des frais exposés pour la pose de cloisons dans le nouvel appartement ou à l'occasion de la prise de 3 jours de congés payés ; que le préjudice de N... B... et P... A... s'établit ainsi à 47 448 euros ; que la SCI Ursus et son assureur ne seront donc tenus de le prendre en charge que pour 1/3, soit la somme de 15 816 euros ; que N... B... et P... A... se sont déjà vus allouer en réparation partielle de leur préjudice la somme de 11 448,90 euros, comme ils en justifient en cours de délibéré en produisant le jugement rendu par le Tribunal administratif d'Orléans le 4 mai 2016, qui a retenu la responsabilité du SDIS 37 dans les conséquences dommageables du second incendie à concurrence d'un tiers ; qu'ils ont par ailleurs perçu de leur assureur une indemnité de 30 669,70 euros ; qu'il leur reste donc à percevoir une somme de 5 329,40 euros (47 448 euros - 11 448,90 euros - 30 669,70 euros) pour voir leur préjudice entièrement réparé, montant que seront condamnés in solidum la SCI Ursus et son assureur Pacifica à leur payer étant rappelé que l'assuré tire de l'article 1252 du code civil le droit d'être préféré à son assureur subrogé lorsque la dette du tiers responsable est insuffisante pour rembourser entièrement les deux ; que le reliquat de la réparation due par ces dernières, à savoir 10 486,60 euros (15 816 euros -5329,40 euros), sera payé à la compagnie MMA IARD ;

Alors 1°) que le locataire répond de l'incendie, à moins qu'il ne prouve que l'incendie est arrivé par cas fortuit ou force majeure, ou par vice de construction ; que, pour exonérer le preneur, le vice de construction doit être à l'origine de l'incendie ; que si un vice de construction a seulement aggravé l'incendie ou contribué à sa propagation, le locataire demeure entièrement responsable ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a admis que le départ de feu était imputable à la seule négligence des locataires (arrêt, p. 7) ce dont il résultait qu'ils étaient seuls responsables des conséquences de l'incendie, eût-il été aggravé par un prétendu vice de construction ; qu'en retenant néanmoins que la faute du bailleur était constitutive d'un vice de construction exonérant partiellement les preneurs, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles 1719 et 1733 du code civil ;

Alors 2°) que, et en tout état de cause, la société Ursus et son assureur faisaient valoir qu'aucun vice de construction du conduit du poêle à bois n'était démontré, aucune non-conformité du coffrage aux règles de l'art, aux DTU ou aux préconisations de pose du fabricant du poêle ou du conduit de fumée n'étant établie (conclusions, p. 8) ; qu'en se bornant à affirmer qu'un vice de construction était caractérisé parce que le bailleur avait manqué à ses obligations au titre de l'installation de l'appareil de chauffage, sans répondre à ce moyen péremptoire, la cour d'appel a méconnu l'article 455 du code de procédure civile ;

Alors 3°) que pour admettre l'existence d'un vice de construction exonérant partiellement les locataires de leur responsabilité au titre de l'incendie provoqué par leur négligence, la cour d'appel a retenu que dans leurs rapports, le bailleur et son assureur ont convenu, le 31 juillet 2013, de faire application de la règle de réduction proportionnelle de prime en admettant « la non-conformité du risque » ; que l'admission de la non-conformité du risque par les parties au contrat d'assurance n'établit aucunement l'existence d'un vice de construction ; qu'en statuant par ces motifs inopérants, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1733 du code civil.ECLI:FR:CCASS:2019:C300766
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