Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 19 juin 2019, 18-12.292, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon les arrêts attaqués, que la société Doctipharma a conçu le site internet "www.doctipharma.fr", qui est hébergé par la société Pictime, sur lequel les internautes peuvent acquérir, à partir de sites d'officines de pharmacies, des produits parapharmaceutiques et des médicaments sans ordonnance ; que, prétendant que le procédé de vente en ligne proposé aux officines par la société Doctipharma lui permettait de participer au commerce électronique de médicaments sans avoir la qualité de pharmacien, l'association Union des groupements de pharmaciens d'officine (l'UDGPO) l'a assignée ainsi que la société Pictime, en constatation du caractère illicite de ce site pour la vente de médicaments, et en cessation, sous astreinte, des activités de vente, d'hébergement des données ainsi que de publication des pages le proposant, et a demandé que ces décisions soient assorties de mesures de publicité judiciaire ;

Sur le premier moyen du pourvoi en ce qu'il est formé contre l'arrêt du 4 juillet 2017 et le second moyen, pris en sa première branche, du pourvoi en ce qu'il est formé contre l'arrêt du 12 décembre 2017 :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le second moyen, pris en sa deuxième branche, en ce qu'il est formé contre l'arrêt du 12 décembre 2017, qui est recevable comme étant de pur droit :

Vu les articles L. 5125-25, alinéa 2, et L. 5125-26 du code de la santé publique ;

Attendu que pour infirmer le jugement ayant fait droit aux demandes de l'UDGPO, ordonner, sous astreinte, la publication de la décision sur le site internet de celle-ci, et autoriser cette publication dans des revues professionnelles à ses frais, l'arrêt, après avoir relevé que les commandes de médicaments par les internautes, qui transitent seulement par la plate-forme créée par la société Doctipharma en tant que support technique des sites des pharmaciens d'officine, sont reçues et traitées par les pharmaciens eux-mêmes, sans que cette société intervienne autrement dans leur traitement, puisque le site litigieux permet de mettre directement en contact des clients et des pharmaciens d'officine, retient que ce site est licite ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'est interdite la vente au public de tous médicaments, produits et objets mentionnés à l'article L. 4211-1 du code de la santé publique par l'intermédiaire de personnes non titulaires d'un diplôme de pharmacien, et qu'il est aussi interdit aux pharmaciens de recevoir des commandes de ces mêmes produits par l'entremise habituelle de courtiers ou d'intermédiaires, la cour d'appel, qui a relevé que l'activité que la société Doctipharma exerçait sur son site consistait, notamment, à mettre en relation des pharmaciens et des clients pour la vente de médicaments, ce dont il résultait qu'elle avait un rôle d'intermédiaire entre eux et participait de la sorte au commerce électronique de vente de médicaments bien que n'étant pas pharmacien, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief :

REJETTE le pourvoi en ce qu'il est formé contre l'arrêt du 4 juillet 2017 ;

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 décembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;

Condamne les sociétés Doctipharma et Pictime aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à l'association Union des groupements de pharmaciens d'officine la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf juin deux mille dix-neuf. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour l'association Union des groupements de pharmaciens d'officine

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief au premier arrêt attaqué (CA Versailles, 4 juillet 2017, RG n°17/02841) d'AVOIR débouté l'UDGPO de sa requête ayant déféré à la cour l'ordonnance du conseiller de la mise en état, laquelle avait déclaré irrecevables les conclusions du 6 février 2017 de l'UDGPO,

AUX MOTIFS PROPRES QU'il est constant que la société Doctipharma a interjeté appel du jugement entrepris du tribunal de commerce de Nanterre du 31 mai 2016 par acte du 6 juillet 2016 ; qu'elle a notifié sa déclaration d'appel à l'UDGPO par acte du 14 septembre 2016 et ses conclusions du 6 octobre 2016 devant la cour par acte du 30 octobre 2016 ; que l'UDGPO n'a conclu devant la cour que le 6 février 2017, soit au-delà du délai de deux mois que lui accordait l'article 909 du code de procédure civile, selon lequel : « L'intimé dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de deux mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant prévues à l'article 908 pour conclure et former, le cas échéant, appel incident » ; que l'UDGPO ne conteste pas ne pas avoir conclu au-delà de ce délai, mais entend néanmoins disposer du droit de répondre aux conclusions de la société Pictime, laquelle, par conclusions du 9 décembre 2016, s'en est rapportée à justice et a formulé à son encontre une demande indemnitaire sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; qu'elle soutient en effet que la société Pictime a ainsi formé un appel incident, auquel elle doit être autorisée à répliquer, en application de l'article 910 du code de procédure civile, qui prévoit que : « L'intimé à un appel incident ou à un appel provoqué dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de deux mois à compter de la notification qui lui en est faite pour conclure. L'intervenant forcé à l'instance d'appel dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de trois mois à compter de la date à laquelle la demande d'intervention formée à son encontre lui a été notifiée pour conclure » ; qu'elle en déduit qu'elle disposait d'un délai de deux mois, jusqu'au 7 février 2017 pour conclure et qu'elle a donc régulièrement conclu le 6 février 2017, faisant observer que les demandes qui figurent dans ses conclusions concernent la seule société Pictime ; mais que, outre le fait que, contrairement à ce qu'elle indique, l'UDGPO n'a pas formulé dans ses écritures du 6 février 2017, des demandes à l'encontre de la seule société Pictime, puisqu'elle y conclut à la confirmation du jugement qui a condamné la société Doctipharma, l'intimé qui a conclu hors le délai de l'article 909 du code de procédure civile à l'encontre de l'appelant ne peut plus conclure ensuite au fond ; qu'il convient, par voie de conséquence, de rejeter le recours formé à l'encontre de l'ordonnance déférée,

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE l'article 909 du code de procédure civile dispose que « L'intimé dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de deux mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant prévues à l'article 908 pour conclure et former, le cas échéant, appel incident » ; qu'aux termes de ses conclusions sur incident, la société Doctipharma se prévaut de la notification de ses conclusions le 6 septembre 2016 pour conclure à l'irrecevabilité des conclusions de l'UDGPO pour avoir été transmises le 17 février 2017 après l'expiration du délai de deux mois institué par l'article 909 précité ; que pour conclure à la recevabilité des conclusions, l'UDGPO se prévaut des conclusions que la société Pictime a transmises le 6 février 2017 pour prétendre avoir régulièrement notifié les siennes avant l'expiration du délai de deux mois de l'article 909 ; mais que le délai de l'article 909 précité est donné à l'intimé pour exercer son droit, personnel, de répondre aux conclusions, personnelles, de l'appelant, et ne dépend par conséquent pas des notifications des autres parties à l'instance, de sorte que le moyen manque en droit, et que la demande d'irrecevabilité accueillie,

1- ALORS QUE selon l'article 910 du code de procédure civile, dans sa rédaction antérieure au décret n°2017-891 du 6 mai 2017, l'intimé à un appel incident ou provoqué dispose d'un délai de deux mois à compter de la notification de cet appel pour conclure à l'encontre de l'auteur de l'appel incident ou provoqué ; que cette possibilité lui est ouverte même s'il n'a pas conclu dans les délais requis à l'encontre de l'auteur de l'appel principal ; qu'en jugeant au contraire que l'intimé qui n'a pas conclu dans le délai requis à l'encontre de l'appelant principal ne peut plus en aucun cas conclure au fond, la cour d'appel a violé les articles 909 et 910 du code de procédure civile, dans leur rédaction antérieure au décret n°2017-891 du 6 mai 2017.

2- ALORS QUE selon l'article 910 du code de procédure civile, dans sa rédaction antérieure au décret n°2017-891 du 6 mai 2017, l'intimé à un appel incident ou provoqué dispose d'un délai de deux mois à compter de la notification de cet appel pour conclure à l'encontre de l'auteur de l'appel incident ou provoqué ; qu'en s'abstenant dès lors de rechercher si, comme cela était soutenu, la société Pictime n'avait pas formé un appel incident ou provoqué par ses conclusions s'en rapportant à justice sur la demande de l'UDGPO et demandant la condamnation de cette dernière au paiement de frais irrépétibles, ce qui aurait eu pour effet de rendre recevables les conclusions de l'UDGPO en ce qu'elles étaient dirigées contre la société Pictime, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 910 du code de procédure civile, dans sa rédaction antérieure au décret n°2017-891 du 6 mai 2017.

3- ALORS QUE le juge ne peut pas statuer par des motifs inopérants ; qu'en l'espèce, pour juger irrecevables les conclusions de l'UDGPO, la cour d'appel a constaté que ces écritures ne formulaient pas uniquement des demandes contre la société Pictime, mais également des demandes contre la société Doctipharma ; qu'en statuant par de tels motifs qui, s'ils pouvaient justifier l'irrecevabilité des demandes formées contre la société Doctipharma, étaient inopérants à justifier l'irrecevabilité des demandes visant la société Pictime, et donc impropres à justifier l'irrecevabilité des conclusions de l'UGDPO dans leur ensemble, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief au second arrêt attaqué (CA Versailles, 12 décembre 2017, RG n°16/05167) d'AVOIR infirmé le jugement entrepris, d'AVOIR ordonné sous astreinte la publication de la décision sur le site internet de l'UDGPO, d'AVOIR autorisé la publication de la décision dans des revues professionnelles aux frais de l'UDGPO et d'AVOIR condamné l'UDGPO sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

AUX MOTIFS QUE sur la licéité du site doctipharma.fr pour la vente de médicaments, dans le jugement entrepris, le tribunal, considérant que la société Doctipharma était une société commerciale et non une officine de pharmacie, dont aucun des responsables n'est pharmacien inscrit à l'ordre des pharmaciens, qu'elle exerçait un rôle majeur d'intermédiaire entre les clients et les officines de pharmacie référencées sur son site, caractérisant une activité d'e-commerce de vente à distance au public de médicaments non soumis à prescription obligatoire et qu'elle violait ainsi les dispositions relatives à la vente de médicaments et au commerce électronique de médicaments, destinées à protéger la santé du public, a déclaré illicite le site http.//www.doctipharma.fr et ordonné à la société Doctipharma et à l'hébergeur de son site, la société Pictime, des mesures de cessation de cette activité, outre une publicité de sa décision à la charge de la société Doctipharma ; que la société Doctipharma se défend de toute activité illicite, en faisant valoir qu'elle a développé une solution technique complète et conforme à la réglementation à destination des pharmaciens d'officine, qui permet à chacun d'eux d'éditer et d'exploiter son propre site internet de commerce électronique de produits de parapharmacie et de médicaments en tant que prolongement virtuel de sa pharmacie physique, chaque site disposant d'une adresse URL propre et étant accessible soit via les moteurs de recherche classiques soit, par renvoi, via son portail : www.doctipharma.fr ; qu'elle justifie sa démarche par la complexité de la conception et de la maintenance techniques d'un site internet de e-commerce correspondant à un métier spécialisé reposant sur des compétences techniques dont ne disposent pas les pharmaciens et celle du cadre légal et réglementaire encadrant la vente en ligne de médicaments ; qu'elle soutient intervenir en tant que sous-traitant technique auprès des pharmaciens d'officine en vue de réaliser pour leur compte des prestations de conception et de maintenance techniques, ne pas jouer de rôle actif dans l'activité de vente en ligne de médicaments, laissée sous le contrôle et la maîtrise exclusive des pharmaciens d'officine dans le respect de leur monopole officinal, ne pas intervenir en qualité d'intermédiaire au sens de l'article L.5125-25 du code de la santé publique, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, sans rechercher si la solution qu'elle met en oeuvre était susceptible, d'une façon ou d'une autre, de porter atteinte à la santé publique ; que la société Doctipharma rappelle exactement que la directive 2011/62/UE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2011 modifiant la directive 2001/83/CE instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain, en ce qui concerne la prévention de l'introduction dans la chaîne d'approvisionnement légale de médicaments falsifiés a été transposée en droit interne par l'ordonnance n°2012-1427 du 19 décembre 2012 relative au renforcement de la sécurité de la chaîne d'approvisionnement des médicaments, à l'encadrement de la vente de médicaments sur internet et à la lutte contre la falsification de médicaments, notamment par la création des articles L.5125-33 à L.5125-41 du code de la santé publique, y insérant un chapitre V bis intitulé : Commerce électronique de médicaments par une pharmacie d'officine et qu'elle a ensuite été complétée par les dispositions du décret n°2012-1562 du 31 décembre 2012 relatif au renforcement de la sécurité de la chaîne d'approvisionnement des médicaments et à l'encadrement de la vente de médicaments sur internet, qui a créé les articles R.5125-70 à R.5125-74 du même code ; qu'un arrêté du 20 juin 2013 relatif aux bonnes pratiques de dispensation des médicaments par voie électronique, pris en application de l'article L.5121-5 du code de la santé publique, comportant notamment des dispositions relatives au site de commerce électronique de l'officine de pharmacie a été annulé par arrêt du Conseil d'Etat du 16 mars 2015 ; qu'en tout état de cause ce texte avait fait l'objet d'un avis défavorable n°13-A-12 du 10 avril 2013 de l'autorité de la concurrence, qui concluait au fait que le projet d'arrêté qui lui était soumis contenait un ensemble de dispositions particulièrement restrictives, dont l'accumulation [conduisait] à créer un cadre extrêmement contraignant et limitatif, qui [avait] pour conséquence de brider toute initiative commerciale en termes de prix, de gammes de produits, de services nouveaux, ajoutant que les "bonnes pratiques" proposées [retiraient] tout intérêt à la commercialisation de médicaments sur internet, tant pour le patient-consommateur que pour les pharmaciens et [apparaissaient] dissuasives, proposant un certain nombre de modifications pour lever cet avis ; qu'à la date de l'assignation, aucun nouvel arrêté n'avait été pris ; qu'il ressort du préambule de la directive 2011/62/UE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2011, notamment de ses paragraphes 21 à 30, qu'elle vise à assurer, dans un objectif de sauvegarde de la santé publique, la traçabilité des médicaments vendus via internet, pour prévenir le commerce de médicaments falsifiés par leur introduction dans la chaîne d'approvisionnement légale en complétant les dispositions concernant les bonnes pratiques de fabrication et de distribution des substances actives et les règles détaillées applicables aux médicaments introduits dans l'Union sans être importés et les dispositifs de sécurité ; que sur son rôle de sous-traitant technique des pharmaciens, la société Doctipharma fait valoir qu'elle fournit aux pharmaciens un service clés en main de conception et de maintenance techniques de leur site de vente en ligne, laissant à chacun d'eux les opérations de vente en ligne de médicaments ; qu'à cet égard, elle renvoie à ses conditions générales de conception, d'hébergement et de maintenance de site web d'officine de pharmacie, mises aux débats, qui prévoient en leur article 2 que « Doctipharma fournit au Pharmacien les services suivants : - la conception (développement, réalisation, intégration des contenus) du site, - la maintenance corrective et évolutive du site, - l'hébergement du site par un hébergeur agréé de données de santé au sens des dispositions de l'article L.1111-8 du code de la santé publique dans les conditions définies en annexe 2 des Conditions Générales, - des services d'assistance administrative (...) » ; qu'elle produit un procès-verbal de constat d'huissier de justice du 6 février 2015 reproduisant (page 64 et suivantes) une partie des conditions générales d'utilisation du site doctipharma.fr, selon lesquelles, en préambule, « Doctipharma est concepteur et éditeur d'une plate-forme (« Editeur de la solution technique ») permettant à des pharmaciens d'officine (les « Pharmaciens ») de mettre en ligne leur site de commerce électronique (le « Site ») de produits de santé (les « Produits ») conformément à la réglementation en vigueur. Tout acte de vente en ligne de produits de santé intervient exclusivement entre chaque Pharmacien éditant un Site à partir de la plate-forme et les internautes utilisateurs (ci-après dénommé l'« Utilisateur »), chaque Pharmacien étant, au sens de la Loi pour la Confiance dans l'économie numérique, éditeur de son Site. Les présentes Conditions Générales d'Utilisation déterminent les règles techniques de fonctionnement de la solution technique (ci-après désignée la « Plate-forme ») (...) » ; qu'y est donnée une définition du pharmacien comme étant : « la personne physique exerçant la profession de pharmacien, titulaire d'une licence d'officine de Pharmacie au sens des dispositions de l'article L.5125-4 du Code de la Santé Publique et qui est responsable des conditions dans lesquelles l'activité de commerce électronique s'exerce sur son Site » ; que quant à l'utilisateur du site, il est défini comme « Toute personne ayant accès au Site d'un Pharmacien édité à partir de la Plate-forme, quels que soient, le lieu où elle se trouve, les modalités de connexion au Site, l'objet et la finalité de son accès au Site, est un Utilisateur du Site », étant précisé que « L'Utilisateur ne saurait se prévaloir d'aucune difficulté d'accès au Site d'un Pharmacien édité à partir de la Plate-forme en fraude des présentes Conditions Générales d'Utilisation. / Pour être prises en compte les réclamations techniques de l'Utilisateur devront être adressées à l'Editeur de la solution technique par la voie postale uniquement sous la forme recommandée avec accusé de réception à l'adresse visée ci-dessus » ; que l'article 1 précise que : « (...) l'Utilisateur est informé que les Pharmaciens sont seuls et entièrement responsables des Sites des Pharmaciens et qu'ils déterminent par conséquent unilatéralement, et dans le respect des dispositions légales applicables, les produits qu'ils proposent à la vente en ligne à destination des internautes intéressés ainsi que leur prix. L'Utilisateur demeure ainsi libre de commander les Produits sur le Site du Pharmacien de son choix » ; que la société Doctipharma en déduit justement que le site doctipharma.fr est une plate-forme technique qui ne pratique pas la commercialisation directe de médicaments qui reste le fait des seuls pharmaciens référencés sur cette plate-forme ; que prenant l'exemple de la pharmacie Saint Barthélémy à Marseille (13014), que l'huissier de justice a trouvé via le moteur de recherches Google, elle démontre parfaitement les conditions dans lesquelles l'activité de commerce électronique de médicaments y est exercée ; que le pharmacien y dispose d'une adresse internet propre : pharmacie-st-barthelemy-marseille.doctipharma.fr, d'une page d'accueil sur laquelle figure sa photographie, ses coordonnées téléphoniques et son adresse, ainsi qu'un onglet : contactez-moi ; que la société Doctipharma produit, en outre, pour cette pharmacie, la décision de l'agence régionale de santé du 8 septembre 2014 de lui accorder une autorisation de création et d'exploitation d'un site de commerce électronique de médicaments, via l'adresse www.pharmacie-st-barthelemy-marseille.doctipharma.fr; qu'ainsi le site doctipharma.fr n'enfreint pas les dispositions de l'article L.5121-33 du code de la santé publique qui réserve la création et l'exploitation d'un site internet aux seuls pharmaciens d'officine et à partir de ces officines, dès lors qu'il n'interdit pas que ceux-ci aient recours à une plate-forme commune comme support technique de leurs sites ; que sur la prétendue violation des dispositions de l'article L.5125-25 du code de la santé publique par la société Doctipharma qui jouerait un rôle d'intermédiaire, il convient de rappeler que ce texte édicte que : « Il est interdit aux pharmaciens ou à leurs préposés de solliciter des commandes auprès du public. Il est interdit aux pharmaciens de recevoir des commandes de médicaments et autres produits ou objets mentionnés à l'article L.4211-1 par l'entremise habituelle de courtiers et de se livrer au trafic et à la distribution à domicile de médicaments, produits ou objets précités, dont la commande leur serait ainsi parvenue. Toute commande livrée en dehors de l'officine par toute autre personne ne peut être remise qu'en paquet scellé portant le nom et l'adresse du client. Toutefois, sous réserve du respect des dispositions du premier alinéa de l'article L. 5125-21, les pharmaciens d'officine, ainsi que les autres personnes légalement habilitées à les remplacer, assister ou seconder, peuvent dispenser personnellement une commande au domicile des patients dont la situation le requiert » ; que sur ce point la société Doctipharma dénonce le grief de standardisation des sites d'officine que le tribunal a formulé à son encontre en faisant valoir que cette uniformisation correspond à une pratique très courante, justifiée par des impératifs commerciaux et de baisse des coûts - citant les exemples des sites mesoigner.fr ou valwin.fr - mais ne privant en rien les pharmaciens d'officine de maîtriser leur relation de clientèle à leur guise, chaque site d'officine étant exploité et édité directement et personnellement par chacun des pharmaciens d'officine et constituant le prolongement virtuel de l'officine ; qu'elle fait observer que si les commandes transitent inexorablement par la plate-forme, support technique des sites des pharmaciens d'officine, elles sont reçues et traitées par les pharmaciens eux-mêmes, sans qu'elle-même intervienne autrement dans leur traitement ; que sur le grief que lui a fait le tribunal de proposer des médicaments sans ordonnance sous forme d'un catalogue préenregistré de médicaments que le client peut saisir en vue d'une commande, rendant ainsi possible à toute personne de commander des médicaments par ce procédé, de présenter les médicaments sans ordonnance proposés par le pharmacien, sous forme d'une gamme de produits avec leurs prix, d'établir des comparatifs de prix ainsi qu'une présentation marketing incluant des promotions commerciales, la société Doctipharma expose qu'elle met à disposition des pharmaciens des outils de présentation de médicaments leur permettant d'accroître leur visibilité auprès des consommateurs français et de développer la compétitivité de leur site ; que l'outil de présentation de médicaments : - repose sur la Base Claude Bernard de la société RESIP (éditeur de logiciels d'officine), agréée par la Haute Autorité de Santé, référençant de manière exhaustive « notamment l'ensemble des spécialités pharmaceutiques autorisées et disponibles en France, dans leurs présentations de ville et dans leurs conditionnements hospitaliers. Les spécialités en Autorisation Temporaire d'Utilisation (ATU) sont incluses dans ce référencement », - les médicaments y sont classés par ordre alphabétique et catégorisés selon les classes thérapeutiques de la Base Claude Bernard - neutralisant ainsi toute présentation marketing des médicaments ; qu'ainsi les outils de présentation mis à la disposition des pharmaciens ne consistent en aucun cas et de quelque manière que ce soit en une présentation marketing incluant des promotions commerciales des médicaments, les seules promotions ne concernent que les produits parapharmaceutiques à partir d'un onglet distinct sur le site des pharmaciens, étant rappelé que selon l'article L.5125-34 du code de la santé publique : « Seuls peuvent faire l'objet de l'activité de commerce électronique les médicaments qui ne sont pas soumis à prescription obligatoire », donc ceux destinés à une automédication, pour lesquels par la biais de la consultation des notices sur le site du pharmacien ou le contact direct qu'il peut nouer avec celui-ci, le client obtient aisément des conseils de prescription et de posologie ; que la cour constate en effet qu'il ressort du procès-verbal de constat d'huissier de justice du 6 février 2015 qu'aucune promotion commerciale de médicaments n'y figure et que, pour en acquérir, il est nécessaire de passer par le site de la pharmacie Saint Barthélémy, d'y ouvrir un compte contenant ses coordonnées personnelles et d'en approuver les conditions générales d'utilisation, ce qui ne caractérise en rien le rôle d'intermédiaire de la société Doctipharma dans l'acquisition de médicaments par le client ; que s'agissant enfin du mode de paiement unique mis en place par la société Doctipharma sur le site doctipharma.fr, elle fait valoir qu'elle n'est pas le développeur de la solution technique de paiement sécurisé sur ce site, dénommée Mercanet, qui a été développée par la société Atos pour le compte de la banque BNP Paribas et qui fonctionne avec un compte de cantonnement, non rémunéré, mis à disposition des pharmaciens pour la gestion de leurs propres flux financiers, une référence de transaction étant générée pour chacune d'elles ; qu'ainsi, si le compte de cantonnement est unique, chaque transaction est identifiée ; qu'un manuel d'utilisation du backoffice de Doctipharma, qu'elle produit, est mis à disposition de chaque pharmacien référencé sur le site doctipharma.fr, et lui permet, notamment, de suivre les différentes étapes de la commande, manuel dans lequel il est souligné (page 9) de ne pas envoyer le colis tant que le débit n'a pas été accepté, la retranscription par l'huissier de justice de l'enregistrement d'une conversation avec le pharmacien permettant d'établir que la commande peut-être modifiée par ce professionnel ; que le rôle d'intermédiaire de la société Doctipharma n'est pas davantage caractérisé par ce système de paiement unique, simple prestation technique mise à disposition des pharmaciens ayant recours à cette plate-forme, celle-ci n'intervenant pas comme un répartiteur mais permettant simplement de mettre directement en contact des clients et des pharmaciens d'officine, qui reçoivent directement la commande, l'honorent sur leurs stocks propres et en assurent le suivi ; qu'au surplus, la preuve du risque que cette plate-forme ferait courir à la santé publique n'est pas rapportée, alors qu'elle est l'un des objectifs prioritaires qui a sous-tendu l'adoption de la directive 2011/62/UE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2011 ; que dans ces conditions, la cour infirmera en son entier le jugement entrepris du 31 mai 2016 qui a déclaré illicite le site http.//www.doctipharma.fr et ordonné à la société Doctipharma et à l'hébergeur de son site, la société Pictime, des mesures de cessation de cette activité, outre une publicité de sa décision à la charge de la société Doctipharma ; sur la mesure de publication de l'arrêt, qu'il convient de faire droit à la demande de publication du présent arrêt, formulée par la société Doctipharma, dans les conditions fixées au dispositif, la matière intéressant la santé publique et le premier juge l'ayant lui-même ordonnée, ce qui est de nature à jeter le discrédit sur l'activité de la société Doctipharma ; sur l'article 700 du code de procédure civile, qu'il est équitable d'allouer à la société Doctipharma une indemnité de procédure de 6 000 euros et à la société Pictime une indemnité de 2 000 euros,

1- ALORS QUE la cassation à intervenir sur le pourvoi dirigé contre l'arrêt du 4 juillet 2017, en ce qu'il a déclaré irrecevables les conclusions de l'UDGPO en date du 6 février 2017, entraînera par voie de conséquence la cassation de l'arrêt ayant statué au fond, en l'état du lien de dépendance nécessaire entre les deux décisions, visé par l'article 625 du code de procédure civile, dès lors que la cour d'appel a statué sans prendre en considération les conclusions de l'exposante.

2- ALORS QU'il est interdit aux pharmaciens de recevoir des commandes de médicaments et autres produits par l'entremise habituelle de courtiers ; que la cour d'appel a elle-même constaté que la société Doctipharma, par le biais de son site internet, mettait directement en contact des clients et des pharmaciens d'officine, afin que les premiers achètent des médicaments et autres produits aux seconds ; qu'en s'abstenant d'en déduire l'illicéité de ce site, permettant aux pharmaciens de recevoir des commandes de médicaments et autres produits par l'entremise habituelle d'un courtier, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, au regard des articles 472 du code de procédure civile et L.5125-25 du code de la santé publique.

3- ALORS QUE le juge ne peut pas statuer par des motifs inopérants ; qu'en se bornant à relever qu'il n'était pas prouvé que la plate-forme de la société Doctipharma ferait courir un risque à la santé publique, laquelle est l'un des objectifs prioritaires qui a sous-tendu à l'adoption de la directive 2011/62/UE du 8 juin 2011, motifs impropres à autoriser l'entremise habituelle d'un courtier dans la vente de médicaments, interdite par un texte national ne transposant pas la directive précitée et dont la conformité au droit de l'Union n'a pas été remise en cause, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. ECLI:FR:CCASS:2019:CO00586
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