Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 13 juin 2019, 18-24.819, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le moyen unique :

Attendu, selon le jugement attaqué, (tribunal d'instance de Colombes, 16 novembre 2018), que le syndicat Rassemblement syndical RATP (RS-RATP) a présenté aux élections des membres du comité social et économique de la RATP des listes de candidats au premier collège de l'établissement n° 3 Bus M centres Défense ouest, Paris sud-ouest, Seine rive gauche ; que contestant que le syndicat remplisse la condition de transparence financière, la RATP a saisi le tribunal d'instance d'une demande d'annulation des listes de candidatures ;

Attendu que le syndicat fait grief au jugement de dire qu'il ne remplit pas la condition de transparence financière et d'annuler les listes de candidature, alors, selon le moyen :

1°/ que les documents comptables dont la loi impose la confection et la publication ne constituent que des éléments de preuve de la transparence financière d'un syndicat, leur défaut pouvant dès lors être suppléé par d'autres documents, que le juge doit examiner ; qu'en considérant, pour en déduire que le syndicat ne rapportait pas la preuve de sa transparence financière, que l'absence de référence aux pièces justificatives lors de la publication des comptes au titre des années 2015 à 2017 sur le site internet de la direction des journaux officiels ne pouvait pas être suppléée par les pièces produites devant lui, le tribunal d'instance a violé les articles L. 2121-1, L. 2135-1, L. 2314-5, D. 2135-4 et D. 2135-8 du code du travail ;

2°/ que le critère de transparence financière doit être considéré comme satisfait lorsque les documents comptables dont la loi impose la confection sont publiés, peu important le non-respect, par le syndicat, des obligations comptables prévues par ses statuts ; que, par ailleurs, les documents comptables dont la loi impose la confection et la publication ne constituent que des éléments de preuve de la transparence financière d'un syndicat, leur défaut pouvant dès lors être suppléé par d'autres documents que le juge doit examiner ; qu'après avoir pourtant constaté que les comptes au titre des années 2015 à 2017 du syndicat avaient été publiés sur le site internet de la direction des journaux officiels antérieurement au dépôt des listes de candidats, le tribunal d'instance a relevé qu'il ressort des documents produits que les comptes du syndicat sont incohérents dès lors qu'il n'existe qu'une seule cotisation en 2016 et que le syndicat est supposé avoir a minima les membres du bureau pour fonctionner, que les cotisations de l'année 2017 ne correspondent pas au montant minimum de cotisation de 60 euros, que rien ne justifie une cotisation à un montant inférieur conformément aux statuts et que des régularisations ont été opérées l'année suivante, que le rattrapage opéré sur l'année suivante ne saurait être une régularisation valable et rendre cohérents les comptes de l'année 2017 dans la mesure seuls des versements fractionnés au cours de la même année sont prévus par les statuts, ce dont il a déduit que les comptes des années 2016 et 2017 n'apparaissaient ni sincères ni cohérents ; qu'en se fondant sur ces considérations, impropres à établir l'absence de transparence financière, le tribunal d'instance a violé les articles L. 2121-1, L. 2135-1, L. 2314-5, D. 2135-4 et D. 2135-8 du code du travail ;

3°/ que la transparence financière du syndicat doit être appréciée au moment où la prérogative syndicale est exercée ; qu'en énonçant que le critère de transparence financière du syndicat devait être apprécié sur la durée de référence nécessaire à l'appréciation des qualités requises conformément à l'article L. 2142-1 du code du travail, soit sur les deux années précédant la composition de la liste de candidats au premier tour des élections professionnelles, cependant qu'il lui appartenait d'apprécier la condition de transparence financière au moment du dépôt des listes de candidats présentées par le syndicat et, partant, sans s'arrêter aux irrégularités affectant les comptes de 2017, de tenir compte des régularisations opérées en 2018, le tribunal a violé les articles L. 2121-1, L. 2135-1, L. 2314-5, D. 2135-4 et D. 2135-8 du code du travail ;

4°/ et en tout état de cause, qu'en considérant, après avoir relevé que des cotisations 2017 ont été régularisées en 2018, que le rattrapage ainsi opéré sur l'année suivante ne saurait être une régularisation valable et rendre cohérents les comptes de l'année 2017, seuls des versements fractionnés au cours de la même année étant possibles, vu les statuts, quand lesdits statuts indiquaient que la cotisation pouvait « être payée en plusieurs fois » sans exiger que ce paiement intervienne nécessairement au cours de l'année de référence, le tribunal d'instance a dénaturé les statuts du syndicat, violant ainsi le principe selon lequel le juge ne peut dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;

Mais attendu que le tribunal d'instance, après avoir examiné les comptes publiés par le syndicat pour les années 2016 à 2017, a constaté, d'une part, que ces comptes produits ne comportaient aucune pièce justificative ; qu'il a pu en déduire, sans dénaturation, que ces comptes ne correspondaient pas aux obligations prévues par les articles L. 2135-1 et L. 2135-4 du code du travail, et que le syndicat ne remplissait pas la condition de transparence financière ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize juin deux mille dix-neuf. MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par Me Haas, avocat aux Conseils, pour le syndicat Rassemblement syndical RATP et quarante-deux autres demandeurs.

Il est fait grief au jugement attaqué D'AVOIR annulé les listes de candidats présentées et déposées le 8 octobre 2018 par le syndicat RS-RATP dans le cadre du premier tour des élections des représentants du personnel, titulaires et suppléants, au sein du premier collège « opérateurs » du comité social et économique d'établissement n° 3 « BUS MRB – centre Défense Ouest, Paris Sud-Ouest, Seine Rive Gauche » ;

AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article L. 2314-9, alinéa 2, du code du travail, au premier tour de scrutin, chaque liste est établie par les organisations syndicales mentionnées aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 2314-5 du code du travail ; qu'aux termes de l'article L. 2142-1 du code du travail, « dès lors qu'ils ont plusieurs adhérents dans l'entreprise ou dans l'établissement, chaque syndicat qui y est représentatif chaque syndicat affilié à une organisation syndicale représentative au niveau national et interprofessionnel ou chaque organisation syndicale qui satisfait aux critères de respect des valeurs républicaines et d'indépendance et est légalement constituée depuis au moins deux ans et dont le champ professionnel et géographique couvre l'entreprise concernée peut constituer au sein de l'entreprise ou de l'établissement une section syndicale qui assure la représentation des intérêts matériels et moraux de ses membres conformément à l'article L.2131-1 » ; que, selon l'article L. 2121-1 du code du travail, « la représentativité des organisations syndicales est déterminée d'après les critères cumulatifs suivants : 1° le respect des valeurs républicaines, 2° l'indépendance, 3° la transparence financière, 4° une ancienneté minimale de deux ans dans le champ professionnel et géographique couvrant le niveau de négociation. Cette ancienneté s'apprécie à compter de la date de dépôt légal des statuts, 5° l'audience établie selon les niveaux de négociation conformément aux articles L. 2122-1, L 2122-5, L. 2122-6 et L. 2122-9, 6° l'influence, prioritairement caractérisée par l'activité et l'expérience, 7° les effectifs d'adhérents et les cotisations » ; que, selon l'article D. 2135-8 du code du travail, « les syndicats professionnels de salariés ou d'employeurs et leurs unions, et les associations de salariés ou d'employeurs mentionnés à l'article L. 2135-1 dont les ressources au sens de l'article D. 2135-9 sont inférieures à 230 000 euros à la clôture d'un exercice assurent la publicité de leurs comptes et, s'agissant des syndicats professionnels d'employeurs, de leurs unions et des associations d'employeurs qui souhaitent établir leur représentativité sur le fondement du titre V du livre 1er de la deuxième partie du présent code, du rapport du commissaire aux comptes dans un délai de trois mois à compter de leur approbation par l'organe délibérant statutaire soit dans les conditions prévues à l'article D. 2135-7, soit par publication sur leur site Internet ou, à défaut de site, en direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi. A cette fin, ils transmettent, le cas échéant, par voie électronique, leurs comptes accompagnés, s'agissant des syndicats professionnels d'employeurs, de leurs unions et des associations d'employeurs qui souhaitent établir leur représentativité sur le fondement du titre V du livre 1er de la deuxième partie du présent code, du rapport du commissaire aux comptes ou le livre mentionné à l'article D. 2135-4 à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi dans le ressort de laquelle est situé leur siège social. Ces comptes annuels sont librement consultables » ; qu'aux termes de l'article D. 2135-4 du code du travail, « les comptes annuels des syndicats professionnels de salariés ou d'employeurs et de leurs unions, et des associations de salariés ou d'employeurs mentionnés à l'article L. 2135-1 dont les ressources au sens de l'article D. 2135-9 sont inférieures à 2 000 euros à la clôture d'un exercice peuvent être établis sous la forme d'un livre mentionnant chronologiquement le montant et l'origine des ressources qu'ils perçoivent et des dépenses qu'ils effectuent, ainsi que les références aux pièces justificatives. Pour les ressources, il distingue les règlements en espèces des autres règlements. Une fois par année civile, un total des ressources et des dépenses est établi » ; qu'en l'espèce, le syndicat RS-RATP comporte plus de deux adhérents, possède à la clôture de l'exercice des ressources inférieures à 2 000 euros et a publié ses comptes sur le site internet de la direction des Journaux officiels, pour l'année 2017 le 15 mars 2018 et pour les années antérieures (2015 et 2016) le 4 avril 2018 et le 13 avril 2018 ; que le syndicat verse aux débats : ses cahiers de comptes pour les années 2015, 2016, 2017 et 2018 et relevés de compte (2015, 2016, 2017 et 2018) qui font apparaître les opérations effectuées en chèque et en espèces, les frais bancaires, et les opérations en carte bancaire, de façon chronologique en débit et en crédit, les relevés de comptes mensuels de la banque pour les années 2015, 2016, 2017, et le début de l'année 2018, les reçus des versements d'espèces et les bordereaux de remise de chèques des mêmes années, les factures de frais, les bulletins d'adhésions 2015, 2016, 2017, et 2018, le procès-verbal de l'assemblée générale en date du 7 août 2018 et les statuts ; qu'en premier lieu, il ressort des pièces produites que la publication des comptes n'est pas suffisante pour justifier de la transparence financière ; que le syndicat doit aussi justifier de l'origine des fonds perçus et faire référence aux pièces justificatives ; que cependant, en l'espèce, les comptes publiées ne comprennent aucune référence aux pièces justificatives pour l'année 2017 et les années antérieures, cette absence de référence aux pièces lors de la publication destinées à prouver la transparence financière ne peut être suppléé ensuite, s'agissant d'une composante de la transparence, ce que tend à faire le syndicat vu les documents produits à l'audience ; que conformément à l'article 4 des statuts du syndicat Rassemblement Syndical RATP (RS RATP) pour être membre du syndicat, il faut remplir un bulletin d'adhésion et régler la cotisation fixée par le bureau syndical ; qu'il est également prévu que la qualité de membre se perd par la démission ou la radiation prononcée par le bureau syndical pour non-paiement de la cotisation mensuelle ou trimestrielle ou pour motif grave ; que l'article 5 prévoit que la cotisation est annuelle et forfaitaire, peut être payée en plusieurs fois et que chaque adhérent est cependant libre de verser une cotisation plus élevée, le bureau syndical pouvant souverainement réduire le taux de cotisations des syndiqués si leur situation économique l'exige ou si l'adhésion intervient au cours du second semestre ; qu'il ressort des documents produits que les cotisations réclamées ou payées en 2015 et 2017 ont été variables et inférieures au montant de la cotisation fixée par adhérents à 60 euros ou ne correspondent pas à un multiple de 60 et que la cotisation d'un seul adhérent eu 2016 existe ; qu'il apparaît également que des cotisations 2017 ont été régularisées en 2018 ; que de ce qui précède, il appert que les comptes du syndicat sont incohérents pour n'avoir qu'une seule cotisation en 2016, alors qu'il est supposé avoir a minima des membres de bureau pour fonctionner ; que les cotisations de l'année 2017 ne correspondent pas au montant minimum de cotisation de 60 euros ; que rien ne justifie une cotisation à un montant inférieur conformément aux statuts et, que d'ailleurs des régularisations ont été opérées l'année suivante alors que les cotisations sont forfaitaires et annuels ; que le rattrapage ainsi opéré sur l'année n+1 ne saurait être une régularisation valable et rendre cohérents les comptes de l'année 2017, seuls des versements fractionnés au cours de la même année étaient possibles, vu les statuts ; que, dès lors, les comptes n'apparaissent pas sincères ni cohérents sur l'année 2016 et 2017 ; qu'au surplus, les comptes clos ne peuvent être régularisés a posteriori, comme en l'espèce ; qu'il convient de souligner que si la validité d'une désignation s'apprécie au moment de celle-ci, le critère de transparence financière doit s'apprécier sut la durée de référence nécessaire à l'appréciation des qualités requises conformément à l'article L. 2142-1 du code du travail, soit sur les deux années précédant la composition de la liste ; qu'en effet, ces deux années correspondent à la période de référence utile pour permettre au syndicat d'exercer ses prérogatives (ouvrir droit à la présentation d'une liste aux élections) à l'échéance ; que le dépôt de la liste étant intervenu le 8 octobre 2018, la réalité de la transparence financière doit être regardée sur les années 2016 et 2017, ainsi que sur les premiers éléments comptables de l'année au cours de laquelle la liste est déposée ; qu'eu égard les développements antérieurs, la preuve n'est pas rapportée de la transparence financière sur la période de référence ;

ALORS, 1°), QUE les documents comptables dont la loi impose la confection et la publication ne constituent que des éléments de preuve de la transparence financière d'un syndicat, leur défaut pouvant dès lors être suppléé par d'autres documents, que le juge doit examiner ; qu'en considérant, pour en déduire que le syndicat ne rapportait pas la preuve de sa transparence financière, que l'absence de référence aux pièces justificatives lors de la publication des comptes au titre des années 2015 à 2017 sur le site internet de la direction des journaux officiels ne pouvait pas être suppléée par les pièces produites devant lui, le tribunal d'instance a violé les articles L. 2121-1, L. 2135-1, L. 2314-5, D. 2135-4 et D. 2135-8 du code du travail ;

ALORS, 2°), QUE le critère de transparence financière doit être considéré comme satisfait lorsque les documents comptables dont la loi impose la confection sont publiés, peu important le non-respect, par le syndicat, des obligations comptables prévues par ses statuts ; que, par ailleurs, les documents comptables dont la loi impose la confection et la publication ne constituent que des éléments de preuve de la transparence financière d'un syndicat, leur défaut pouvant dès lors être suppléé par d'autres documents que le juge doit examiner ; qu'après avoir pourtant constaté que les comptes au titre des années 2015 à 2017 du syndicat avaient été publiés sur le site internet de la direction des journaux officiels antérieurement au dépôt des listes de candidats, le tribunal d'instance a relevé qu'il ressort des documents produits que les comptes du syndicat sont incohérents dès lors qu'il n'existe qu'une seule cotisation en 2016 et que le syndicat est supposé avoir a minima les membres du bureau pour fonctionner, que les cotisations de l'année 2017 ne correspondent pas au montant minimum de cotisation de 60 euros, que rien ne justifie une cotisation à un montant inférieur conformément aux statuts et que des régularisations ont été opérées l'année suivante, que le rattrapage opéré sur l'année suivante ne saurait être une régularisation valable et rendre cohérents les comptes de l'année 2017 dans la mesure seuls des versements fractionnés au cours de la même année sont prévus par les statuts, ce dont il a déduit que les comptes des années 2016 et 2017 n'apparaissaient ni sincères ni cohérents ; qu'en se fondant sur ces considérations, impropres à établir l'absence de transparence financière, le tribunal d'instance a violé les articles L. 2121-1, L. 2135-1, L. 2314-5, D. 2135-4 et D. 2135-8 du code du travail ;

ALORS, 3°), QUE la transparence financière du syndicat doit être appréciée au moment où la prérogative syndicale est exercée ; qu'en énonçant que le critère de transparence financière du syndicat devait être apprécié sur la durée de référence nécessaire à l'appréciation des qualités requises conformément à l'article L. 2142-1 du code du travail, soit sur les deux années précédant la composition de la liste de candidats au premier tour des élections professionnelles, cependant qu'il lui appartenait d'apprécier la condition de transparence financière au moment du dépôt des listes de candidats présentées par le syndicat et, partant, sans s'arrêter aux irrégularités affectant les comptes de 2017, de tenir compte des régularisations opérées en 2018, le tribunal a violé les articles L. 2121-1, L. 2135-1, L. 2314-5, D. 2135-4 et D. 2135-8 du code du travail ;

ALORS, 4°) et en tout état de cause, QU'en considérant, après avoir relevé que des cotisations 2017 ont été régularisées en 2018, que le rattrapage ainsi opéré sur l'année suivante ne saurait être une régularisation valable et rendre cohérents les comptes de l'année 2017, seuls des versements fractionnés au cours de la même année étant possibles, vu les statuts, quand lesdits statuts indiquaient que la cotisation pouvait « être payée en plusieurs fois » sans exiger que ce paiement intervienne nécessairement au cours de l'année de référence, le tribunal d'instance a dénaturé les statuts du syndicat, violant ainsi le principe selon lequel le juge ne peut dénaturer l'écrit qui lui est soumis.ECLI:FR:CCASS:2019:SO00959
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