Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 13 juin 2019, 18-14.954, Publié au bulletin
Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 13 juin 2019, 18-14.954, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre civile 2
- N° de pourvoi : 18-14.954
- ECLI:FR:CCASS:2019:C200815
- Publié au bulletin
- Solution : Cassation
Audience publique du jeudi 13 juin 2019
Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, du 28 mars 2018- Président
- Mme Flise
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 13 juin 2019
Cassation
Mme FLISE, président
Arrêt n° 815 F-P+B+I
Pourvoi n° B 18-14.954
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par Mme T... D..., domiciliée [...], contre l'arrêt rendu le 28 mars 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 3, chambre 1), dans le litige l'opposant à M. Q... D..., domicilié [...], défendeur à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 15 mai 2019, où étaient présents : Mme Flise, président, M. Besson, conseiller rapporteur, M. Savatier, conseiller doyen, Mme Rosette, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Besson, conseiller, les observations de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de Mme D..., de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. D..., l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que lors de son adhésion à la garantie décès d'un contrat d'assurance sur la vie souscrit auprès de la société Gan vie (l'assureur), K... D... avait désigné son fils, M. Q... D... ou, à défaut, son épouse, Mme T... D..., comme bénéficiaire des sommes garanties ; qu'il avait fait part à l'assureur, dans une lettre du 20 juin 1982, de la modification de la clause bénéficiaire en faveur de son épouse ; qu'à la suite du décès de son époux survenu le [...], Mme T... D... a obtenu de l'assureur le règlement du capital garanti, qui lui a été versé le 17 octobre 1991 ; que M. Q... D..., se prévalant de l'intention de son père de le désigner en définitive comme unique bénéficiaire du contrat d'assurance, a assigné Mme T... D... en restitution de ce capital ;
Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :
Vu l'article L. 132-8 du code des assurances dans sa rédaction applicable au litige ;
Attendu qu'il résulte de ce texte que l'assuré peut modifier jusqu'à son décès le nom du bénéficiaire du contrat d'assurance sur la vie, dès lors que sa volonté est exprimée d'une manière certaine et non équivoque et que l'assureur en a eu connaissance ; qu'en l'absence de désignation d'un bénéficiaire dans la police ou à défaut d'acceptation par le bénéficiaire, le contractant a le droit de désigner un bénéficiaire ou de substituer un bénéficiaire à un autre ; que cette désignation ou cette substitution ne peut être opérée, à peine de nullité, qu'avec l'accord de l'assuré, lorsque celui-ci n'est pas le contractant ; que cette désignation ou cette substitution peut être réalisée soit par voie d'avenant au contrat, soit en remplissant les formalités édictées par l'article 1690 du code civil, soit par voie testamentaire ;
Attendu que, pour condamner Mme T... D... à payer à M. Q... D... la somme de 132 379,41 euros, l'arrêt retient que, par testament olographe en date du 10 août 1987, ce dernier a révoqué toute donation faite au profit de Mme T... D..., la privant de tout usufruit sur les biens de sa succession, et a institué son fils légataire universel ; que, le 7 août 1987, le défunt avait écrit à son notaire pour désigner son fils comme seul et unique héritier ; que l'arrêt retient encore que K... D... avait expressément indiqué, dans un écrit daté du 29 juillet 1987 et signé, que le capital-décès de son assurance-vie revenait à son fils ; que ce document, de façon autonome par rapport au testament olographe du 10 août 1987, comporte incontestablement une intention révocatoire de la clause bénéficiaire et a pour effet de détruire valablement l'attribution primitive du capital-décès à Mme T... D..., en lui substituant M. Q... D... ; que ce document est cohérent, dans un contexte de séparation des époux D..., avec les autres dispositions testamentaires du défunt qui visent à instituer son fils légataire de tous ses biens ; qu'en conservant les fonds malgré la connaissance qu'elle avait de la lettre du 29 juillet 1987, Mme T... D... a commis une faute en contrevenant aux dernières volontés du défunt ; qu'il résulte de cette faute un préjudice pour l'appelant équivalent au montant du capital-décès ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait que l'écrit daté du 29 juillet 1987 avait été envoyé à l'assureur le 18 octobre 1991, soit postérieurement au décès de K... D..., ce dont il résultait que l'assureur n'en avait pas eu connaissance du vivant de l'assuré, et alors qu'elle n'a pas caractérisé que cet écrit constituait un testament olographe dont M. Q... D... aurait été fondé à se prévaloir, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 mars 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne M. D... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize juin deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour Mme D...
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, d'AVOIR condamné Mme D... à payer à son fils, Monsieur Q... D..., la somme de 132.379,41 euros avec intérêt de droit à compter de l'assignation du 12 septembre 2008 et capitalisation en application de l'article 1154 du code civil ;
AUX MOTIFS QUE M. Q... D... fonde son action et demande la réparation de son préjudice principalement, sur le fondement de l'article 1382 du code civil puis sur le fondement de l'article 1376 du même code ; qu'il soutient que le contrat d'assurance doit être interprété au regard des dernières volontés du défunt selon les règles posées par l'article 1188 du code civil qui dispose que : "le contrat s'interprète d'après la commune intention des parties plutôt qu'en s'arrêtant au sens littéral de ses termes. Lorsque cette intention ne peut être décelée, le contrat s'interprète selon le sens que lui donnerait une personne raisonnable placée dans la même situation" ; qu'il fait valoir que le 29 juillet 1987, K... D... a établi, dans une intention révocatoire et dans le strict respect des dispositions de l'article L. 132-8 du code des assurances, la lettre manuscrite suivante : « Je soussigné K... D..., sain de corps et d'esprit, désigne M. L... Y... et Maître S... pour effectuer toutes les démarches nécessaires afin que le capital décès des assurances et autres soient bloqués sur le compte de mon fils Q... D... et que le tuteur de la famille de M. D... soit désigné afin de gérer à bien cette somme.
Fait pour valoir ce que de droit.
Lachapelle le 29/7/87
B. D... », suivi de sa signature ; qu'il prétend que l'ensemble des pièces produites conduisent à modifier en sa faveur la clause bénéficiaire de l'assurance-vie souscrite par le défunt ; que Mme T... D... soutient qu'en application des dispositions de l'article L 132-12 du code des assurances, le capital de la rente stipulé payable lors du décès de l'assuré à un bénéficiaire ou à ses héritiers ne fait pas partie de la succession de l'assuré ; qu'elle ajoute que la révocation d'un capital décès doit respecter les conditions de forme établies par l'article 63 de la loi du 13 juillet 1930 : l'acte invoqué comme apportant révocation doit procéder d'une intention réellement révocatoire et cet acte doit avoir pour effet de détruire l'attribution primitive du bénéficiaire, en substituant un bénéficiaire à un autre, en conférant à un tiers le droit d'exiger de l'assureur le paiement de l'assurance à l'exclusion du premier bénéficiaire ; que le document daté du 29 juillet 1987 ne respecte pas ces conditions ; qu'elle entend voir préciser que le testament du 10 août 1987 ne procède pas d'une intention réellement révocatoire et qu'il est le dernier testament olographe exprimant les dernières volontés du défunt, peu important le document daté du 29 juillet 1987 ; que l'instauration d'Q... en qualité de légataire universel de la succession ne saurait valoir désignation de bénéficiaire du capital-décès, car l'instauration d'un légataire universel postérieurement à la désignation du bénéficiaire n'a pas d'effet révocatoire ; qu'elle soutient que l'action ne peut aboutir ni sur le fondement de la gestion d'affaire ni sur celui du paiement d'un indu ; qu'elle affirme que les dispositions finalement prises par le défunt sont cohérentes puisqu'ayant institué son fils Q... légataire universel par testament du 10 août 1987 et ayant prévu de lui confier l'entretien et l'éducation de leur fils par convention du 22 mars 1988, il était logique de lui laisser le bénéfice du capital-décès afin qu'elle puisse continuer à l'élever ; que par testament olographe en date du 10 août 1987, K... D... a révoqué toute donation faite au profit de Mme T... D..., la privant de tout usufruit sur les biens de sa succession, et a institué son fils légataire universel, désignant pour le cas où son fils serait encore mineur, M. L... Y..., exécuteur testamentaire, agissant avec son avocat, Maître S... ; que le 7 août 1987, le défunt avait écrit au notaire pour révoquer toute donation faite au profit de Mme T... D... et confirmer son souhait de désigner son fils comme seul et unique héritier en adressant à son notaire des instructions conformes ; que le 29 juillet 1987, le défunt a expressément indiqué dans un écrit, daté et signé, dont les termes sont rappelés ci-dessus, que le capital-décès de son assurance-vie revenait à son fils ; que ce document, de façon autonome par rapport au testament olographe en date du 10 août 1987, comporte incontestablement une intention révocatoire de la clause bénéficiaire et qu'il a pour effet de détruire valablement l'attribution primitive du capital décès à Mme T... D..., en lui substituant M. Q... D... ; que ce document est cohérent, dans un contexte de séparation des époux D..., avec les autres dispositions testamentaires du défunt qui visent à instituer son fils légataire de tous ses biens ; que ce document daté du 29 juillet 1987 a été envoyé au Gan le 18 octobre 1991 ; qu'en même temps, ainsi que l'indique la pièce 13 de l'intimée, cette dernière en a eu connaissance, ce qu'elle ne conteste pas ; qu'elle a encaissé le capital-décès qui lui avait été payé par le Gan le 17 octobre 1991, soit simplement la veille, et qu'elle ne l'a pas reversé à son fils ; qu'en conservant les fonds malgré la connaissance qu'elle avait de la lettre du 29 juillet 1987, Mme T... D... a commis une faute en contrevenant aux dernières volontés du défunt ; qu'il résulte de cette faute un préjudice pour l'appelant équivalent au montant du capital-décès, de sorte que le jugement sera infirmé et que Mme T... D... sera condamnée à payer à M. Q... D... la somme de 132.379,41 euros avec intérêt de droit à compter de l'assignation ; que la capitalisation en application de l'article 1154 du code civil sera ordonnée ;
1°) ALORS QUE sur le document daté du 29 juillet 1987 - jamais adressé à l'assureur par Monsieur K... D... celui-ci demandait à l'exécuteur testamentaire et à son avocat « d'effectuer toutes les démarches nécessaires afin [que] le capital-décès des assurances (...) soit bloqué sur le compte de [son] fils, Q... D... et que le tuteur de la famille de M. D... soit désigné afin de gérer à bien cette somme » ; que M. D..., qui demandait ainsi le blocage des sommes assurées et la « gestion » de son capital-décès en bon père de famille par le tuteur, n'avait pas ainsi substitué au bénéficiaire désigné du contrat d'assurance-vie, en l'occurrence son épouse, un autre bénéficiaire, son fils ; qu'en décidant pourtant que ce document avait « pour effet de détruire valablement l'attribution primitive du capital décès à Mme T... D..., en lui substituant M. Q... D... » quand cette lettre – sans destinataire et jamais adressée à quiconque du vivant de M. D... – ne faisait pas mention d'un quelconque changement de bénéficiaire du capital-décès, la cour d'appel a dénaturé le document du 29 juillet 1987 et a violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable à l'espèce ;
2°) ALORS QUE le capital ou la rente garantis ne font pas partie de la succession de l'assuré, le contrat d'assurance en cas de décès accordant au bénéficiaire, dès sa conclusion, un droit propre et direct à l'encontre de l'assureur ; qu'en l'espèce, il était constant que Mme D... était désignée, sur le contrat d'assurance-vie, comme étant la seule bénéficiaire du capital-décès, l'assureur n'ayant reçu, du vivant du souscripteur, aucun document l'informant d'une éventuel changement de bénéficiaire ; que dès lors, en décidant que les dispositions testamentaires du défunt visant « à instituer son fils légataire de tous ses biens » s'inscrivaient en cohérence avec le document du 29 juillet 1987 qui comportait « incontestablement une intention révocatoire de la clause bénéficiaire », la cour d'appel a violé l'article L. 132-12 du code des assurances ;
3°) ALORS QUE le droit de révoquer la stipulation pour autrui que constitue la désignation du bénéficiaire d'un contrat d'assurance-vie n'appartient qu'au stipulant et ne peut donc être exercé par les héritiers du souscripteur ; qu'elle peut être réalisée soit en remplissant les formalités édictées par l'article 1690 du code civil, soit par voie testamentaire, soit par voie d'avenant au contrat mais de façon non équivoque et à condition que l'assureur en ait connaissance ; qu'en l'espèce, l'arrêt a constaté que le « document daté du 29 juillet 1987 avait été envoyé au Gan le 18 octobre 1991 », soit postérieurement au décès de M. K... D... ([...]) ; qu'il résultait de ces constatations que M. D..., souscripteur du contrat, n'avait jamais envoyé à l'assureur le document du 29 juillet 1987 de sorte que le Gan Vie n'avait pas été informé, du vivant du souscripteur, seul titulaire du droit de révoquer, de la prétendue intention révocatoire de celui-ci ; qu'en retenant dès lors que ce document comportait une intention révocatoire et avait eu pour effet de détruire valablement l'attribution primitive du capital décès à Mme T... D..., la cour d'appel a violé les articles L. 132-8 et L. 132-9 du code des assurances ;
4°) ALORS QUE Mme D... avait expressément souligné que M. K... D..., qui avait connaissance de la nécessité d'informer l'assureur de tout changement de bénéficiaire puisqu'il avait déjà auparavant écrit pas moins de cinq fois au Gan pour désigner et modifier les bénéficiaires du capital-décès (conclusions d'appel p. 12), n'avait adressé au Gan aucun document pour substituer son fils comme bénéficiaire du capital-décès aux lieu et place de son épouse ; que ces conclusions étaient déterminantes pour la solution du litige en ce qu'elles tendaient à démontrer l'absence de toute volonté de M. D... de changer le bénéficiaire du contrat souscrit auprès du Gan ; qu'en s'abstenant de répondre à ces écritures, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
5° ALORS QU'en toute hypothèse, en énonçant que Mme D... avait commis une faute en conservant les fonds malgré la connaissance qu'elle avait de la lettre du 29 juillet 1987, laquelle ne comportait pas de révocation de la clause bénéficiaire de l'assurance vie 1877/199553 SOTERN et n'avait quoiqu'il soit pas été adressée de son vivant par M. K... D... à l'assureur, la Cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240, du Code civil.ECLI:FR:CCASS:2019:C200815
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 13 juin 2019
Cassation
Mme FLISE, président
Arrêt n° 815 F-P+B+I
Pourvoi n° B 18-14.954
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par Mme T... D..., domiciliée [...], contre l'arrêt rendu le 28 mars 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 3, chambre 1), dans le litige l'opposant à M. Q... D..., domicilié [...], défendeur à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 15 mai 2019, où étaient présents : Mme Flise, président, M. Besson, conseiller rapporteur, M. Savatier, conseiller doyen, Mme Rosette, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Besson, conseiller, les observations de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de Mme D..., de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. D..., l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que lors de son adhésion à la garantie décès d'un contrat d'assurance sur la vie souscrit auprès de la société Gan vie (l'assureur), K... D... avait désigné son fils, M. Q... D... ou, à défaut, son épouse, Mme T... D..., comme bénéficiaire des sommes garanties ; qu'il avait fait part à l'assureur, dans une lettre du 20 juin 1982, de la modification de la clause bénéficiaire en faveur de son épouse ; qu'à la suite du décès de son époux survenu le [...], Mme T... D... a obtenu de l'assureur le règlement du capital garanti, qui lui a été versé le 17 octobre 1991 ; que M. Q... D..., se prévalant de l'intention de son père de le désigner en définitive comme unique bénéficiaire du contrat d'assurance, a assigné Mme T... D... en restitution de ce capital ;
Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :
Vu l'article L. 132-8 du code des assurances dans sa rédaction applicable au litige ;
Attendu qu'il résulte de ce texte que l'assuré peut modifier jusqu'à son décès le nom du bénéficiaire du contrat d'assurance sur la vie, dès lors que sa volonté est exprimée d'une manière certaine et non équivoque et que l'assureur en a eu connaissance ; qu'en l'absence de désignation d'un bénéficiaire dans la police ou à défaut d'acceptation par le bénéficiaire, le contractant a le droit de désigner un bénéficiaire ou de substituer un bénéficiaire à un autre ; que cette désignation ou cette substitution ne peut être opérée, à peine de nullité, qu'avec l'accord de l'assuré, lorsque celui-ci n'est pas le contractant ; que cette désignation ou cette substitution peut être réalisée soit par voie d'avenant au contrat, soit en remplissant les formalités édictées par l'article 1690 du code civil, soit par voie testamentaire ;
Attendu que, pour condamner Mme T... D... à payer à M. Q... D... la somme de 132 379,41 euros, l'arrêt retient que, par testament olographe en date du 10 août 1987, ce dernier a révoqué toute donation faite au profit de Mme T... D..., la privant de tout usufruit sur les biens de sa succession, et a institué son fils légataire universel ; que, le 7 août 1987, le défunt avait écrit à son notaire pour désigner son fils comme seul et unique héritier ; que l'arrêt retient encore que K... D... avait expressément indiqué, dans un écrit daté du 29 juillet 1987 et signé, que le capital-décès de son assurance-vie revenait à son fils ; que ce document, de façon autonome par rapport au testament olographe du 10 août 1987, comporte incontestablement une intention révocatoire de la clause bénéficiaire et a pour effet de détruire valablement l'attribution primitive du capital-décès à Mme T... D..., en lui substituant M. Q... D... ; que ce document est cohérent, dans un contexte de séparation des époux D..., avec les autres dispositions testamentaires du défunt qui visent à instituer son fils légataire de tous ses biens ; qu'en conservant les fonds malgré la connaissance qu'elle avait de la lettre du 29 juillet 1987, Mme T... D... a commis une faute en contrevenant aux dernières volontés du défunt ; qu'il résulte de cette faute un préjudice pour l'appelant équivalent au montant du capital-décès ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait que l'écrit daté du 29 juillet 1987 avait été envoyé à l'assureur le 18 octobre 1991, soit postérieurement au décès de K... D..., ce dont il résultait que l'assureur n'en avait pas eu connaissance du vivant de l'assuré, et alors qu'elle n'a pas caractérisé que cet écrit constituait un testament olographe dont M. Q... D... aurait été fondé à se prévaloir, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 mars 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne M. D... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize juin deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour Mme D...
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, d'AVOIR condamné Mme D... à payer à son fils, Monsieur Q... D..., la somme de 132.379,41 euros avec intérêt de droit à compter de l'assignation du 12 septembre 2008 et capitalisation en application de l'article 1154 du code civil ;
AUX MOTIFS QUE M. Q... D... fonde son action et demande la réparation de son préjudice principalement, sur le fondement de l'article 1382 du code civil puis sur le fondement de l'article 1376 du même code ; qu'il soutient que le contrat d'assurance doit être interprété au regard des dernières volontés du défunt selon les règles posées par l'article 1188 du code civil qui dispose que : "le contrat s'interprète d'après la commune intention des parties plutôt qu'en s'arrêtant au sens littéral de ses termes. Lorsque cette intention ne peut être décelée, le contrat s'interprète selon le sens que lui donnerait une personne raisonnable placée dans la même situation" ; qu'il fait valoir que le 29 juillet 1987, K... D... a établi, dans une intention révocatoire et dans le strict respect des dispositions de l'article L. 132-8 du code des assurances, la lettre manuscrite suivante : « Je soussigné K... D..., sain de corps et d'esprit, désigne M. L... Y... et Maître S... pour effectuer toutes les démarches nécessaires afin que le capital décès des assurances et autres soient bloqués sur le compte de mon fils Q... D... et que le tuteur de la famille de M. D... soit désigné afin de gérer à bien cette somme.
Fait pour valoir ce que de droit.
Lachapelle le 29/7/87
B. D... », suivi de sa signature ; qu'il prétend que l'ensemble des pièces produites conduisent à modifier en sa faveur la clause bénéficiaire de l'assurance-vie souscrite par le défunt ; que Mme T... D... soutient qu'en application des dispositions de l'article L 132-12 du code des assurances, le capital de la rente stipulé payable lors du décès de l'assuré à un bénéficiaire ou à ses héritiers ne fait pas partie de la succession de l'assuré ; qu'elle ajoute que la révocation d'un capital décès doit respecter les conditions de forme établies par l'article 63 de la loi du 13 juillet 1930 : l'acte invoqué comme apportant révocation doit procéder d'une intention réellement révocatoire et cet acte doit avoir pour effet de détruire l'attribution primitive du bénéficiaire, en substituant un bénéficiaire à un autre, en conférant à un tiers le droit d'exiger de l'assureur le paiement de l'assurance à l'exclusion du premier bénéficiaire ; que le document daté du 29 juillet 1987 ne respecte pas ces conditions ; qu'elle entend voir préciser que le testament du 10 août 1987 ne procède pas d'une intention réellement révocatoire et qu'il est le dernier testament olographe exprimant les dernières volontés du défunt, peu important le document daté du 29 juillet 1987 ; que l'instauration d'Q... en qualité de légataire universel de la succession ne saurait valoir désignation de bénéficiaire du capital-décès, car l'instauration d'un légataire universel postérieurement à la désignation du bénéficiaire n'a pas d'effet révocatoire ; qu'elle soutient que l'action ne peut aboutir ni sur le fondement de la gestion d'affaire ni sur celui du paiement d'un indu ; qu'elle affirme que les dispositions finalement prises par le défunt sont cohérentes puisqu'ayant institué son fils Q... légataire universel par testament du 10 août 1987 et ayant prévu de lui confier l'entretien et l'éducation de leur fils par convention du 22 mars 1988, il était logique de lui laisser le bénéfice du capital-décès afin qu'elle puisse continuer à l'élever ; que par testament olographe en date du 10 août 1987, K... D... a révoqué toute donation faite au profit de Mme T... D..., la privant de tout usufruit sur les biens de sa succession, et a institué son fils légataire universel, désignant pour le cas où son fils serait encore mineur, M. L... Y..., exécuteur testamentaire, agissant avec son avocat, Maître S... ; que le 7 août 1987, le défunt avait écrit au notaire pour révoquer toute donation faite au profit de Mme T... D... et confirmer son souhait de désigner son fils comme seul et unique héritier en adressant à son notaire des instructions conformes ; que le 29 juillet 1987, le défunt a expressément indiqué dans un écrit, daté et signé, dont les termes sont rappelés ci-dessus, que le capital-décès de son assurance-vie revenait à son fils ; que ce document, de façon autonome par rapport au testament olographe en date du 10 août 1987, comporte incontestablement une intention révocatoire de la clause bénéficiaire et qu'il a pour effet de détruire valablement l'attribution primitive du capital décès à Mme T... D..., en lui substituant M. Q... D... ; que ce document est cohérent, dans un contexte de séparation des époux D..., avec les autres dispositions testamentaires du défunt qui visent à instituer son fils légataire de tous ses biens ; que ce document daté du 29 juillet 1987 a été envoyé au Gan le 18 octobre 1991 ; qu'en même temps, ainsi que l'indique la pièce 13 de l'intimée, cette dernière en a eu connaissance, ce qu'elle ne conteste pas ; qu'elle a encaissé le capital-décès qui lui avait été payé par le Gan le 17 octobre 1991, soit simplement la veille, et qu'elle ne l'a pas reversé à son fils ; qu'en conservant les fonds malgré la connaissance qu'elle avait de la lettre du 29 juillet 1987, Mme T... D... a commis une faute en contrevenant aux dernières volontés du défunt ; qu'il résulte de cette faute un préjudice pour l'appelant équivalent au montant du capital-décès, de sorte que le jugement sera infirmé et que Mme T... D... sera condamnée à payer à M. Q... D... la somme de 132.379,41 euros avec intérêt de droit à compter de l'assignation ; que la capitalisation en application de l'article 1154 du code civil sera ordonnée ;
1°) ALORS QUE sur le document daté du 29 juillet 1987 - jamais adressé à l'assureur par Monsieur K... D... celui-ci demandait à l'exécuteur testamentaire et à son avocat « d'effectuer toutes les démarches nécessaires afin [que] le capital-décès des assurances (...) soit bloqué sur le compte de [son] fils, Q... D... et que le tuteur de la famille de M. D... soit désigné afin de gérer à bien cette somme » ; que M. D..., qui demandait ainsi le blocage des sommes assurées et la « gestion » de son capital-décès en bon père de famille par le tuteur, n'avait pas ainsi substitué au bénéficiaire désigné du contrat d'assurance-vie, en l'occurrence son épouse, un autre bénéficiaire, son fils ; qu'en décidant pourtant que ce document avait « pour effet de détruire valablement l'attribution primitive du capital décès à Mme T... D..., en lui substituant M. Q... D... » quand cette lettre – sans destinataire et jamais adressée à quiconque du vivant de M. D... – ne faisait pas mention d'un quelconque changement de bénéficiaire du capital-décès, la cour d'appel a dénaturé le document du 29 juillet 1987 et a violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable à l'espèce ;
2°) ALORS QUE le capital ou la rente garantis ne font pas partie de la succession de l'assuré, le contrat d'assurance en cas de décès accordant au bénéficiaire, dès sa conclusion, un droit propre et direct à l'encontre de l'assureur ; qu'en l'espèce, il était constant que Mme D... était désignée, sur le contrat d'assurance-vie, comme étant la seule bénéficiaire du capital-décès, l'assureur n'ayant reçu, du vivant du souscripteur, aucun document l'informant d'une éventuel changement de bénéficiaire ; que dès lors, en décidant que les dispositions testamentaires du défunt visant « à instituer son fils légataire de tous ses biens » s'inscrivaient en cohérence avec le document du 29 juillet 1987 qui comportait « incontestablement une intention révocatoire de la clause bénéficiaire », la cour d'appel a violé l'article L. 132-12 du code des assurances ;
3°) ALORS QUE le droit de révoquer la stipulation pour autrui que constitue la désignation du bénéficiaire d'un contrat d'assurance-vie n'appartient qu'au stipulant et ne peut donc être exercé par les héritiers du souscripteur ; qu'elle peut être réalisée soit en remplissant les formalités édictées par l'article 1690 du code civil, soit par voie testamentaire, soit par voie d'avenant au contrat mais de façon non équivoque et à condition que l'assureur en ait connaissance ; qu'en l'espèce, l'arrêt a constaté que le « document daté du 29 juillet 1987 avait été envoyé au Gan le 18 octobre 1991 », soit postérieurement au décès de M. K... D... ([...]) ; qu'il résultait de ces constatations que M. D..., souscripteur du contrat, n'avait jamais envoyé à l'assureur le document du 29 juillet 1987 de sorte que le Gan Vie n'avait pas été informé, du vivant du souscripteur, seul titulaire du droit de révoquer, de la prétendue intention révocatoire de celui-ci ; qu'en retenant dès lors que ce document comportait une intention révocatoire et avait eu pour effet de détruire valablement l'attribution primitive du capital décès à Mme T... D..., la cour d'appel a violé les articles L. 132-8 et L. 132-9 du code des assurances ;
4°) ALORS QUE Mme D... avait expressément souligné que M. K... D..., qui avait connaissance de la nécessité d'informer l'assureur de tout changement de bénéficiaire puisqu'il avait déjà auparavant écrit pas moins de cinq fois au Gan pour désigner et modifier les bénéficiaires du capital-décès (conclusions d'appel p. 12), n'avait adressé au Gan aucun document pour substituer son fils comme bénéficiaire du capital-décès aux lieu et place de son épouse ; que ces conclusions étaient déterminantes pour la solution du litige en ce qu'elles tendaient à démontrer l'absence de toute volonté de M. D... de changer le bénéficiaire du contrat souscrit auprès du Gan ; qu'en s'abstenant de répondre à ces écritures, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
5° ALORS QU'en toute hypothèse, en énonçant que Mme D... avait commis une faute en conservant les fonds malgré la connaissance qu'elle avait de la lettre du 29 juillet 1987, laquelle ne comportait pas de révocation de la clause bénéficiaire de l'assurance vie 1877/199553 SOTERN et n'avait quoiqu'il soit pas été adressée de son vivant par M. K... D... à l'assureur, la Cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240, du Code civil.