Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 4 juin 2019, 18-84.720, Publié au bulletin
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 4 juin 2019, 18-84.720, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre criminelle
- N° de pourvoi : 18-84.720
- ECLI:FR:CCASS:2019:CR00921
- Publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
Audience publique du mardi 04 juin 2019
Décision attaquée : Cour d'appel de Fort-de-France, du 31 mai 2018- Président
- M. Soulard
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° J 18-84.720 F-P+B+I
N° 921
SM12
4 JUIN 2019
CASSATION PARTIELLE
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :
CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par Mme W... P..., partie civile, contre l'arrêt de la cour d'appel de Fort-de-France, chambre correctionnelle, en date du 31 mai 2018, qui, statuant sur renvoi après cassation (Crim., 27 octobre 2015, n° 14-85.686), l'a déboutée de ses demandes après relaxe de M. H...-Q... M... du chef de violences ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 9 avril 2019 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, Mme de Lamarzelle, conseiller rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Bray ;
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire DE LAMARZELLE, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LEMOINE ;
Vu le mémoire produit ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'à la suite de la plainte avec constitution de partie civile de Mme P..., M. M... a été poursuivi devant le tribunal correctionnel du chef de violences ; que cette juridiction l'a déclaré coupable des faits et responsable du préjudice subi par la partie civile, le condamnant à lui verser une provision et renvoyant l'affaire sur intérêts civils ; que le prévenu et le ministère public ont interjeté appel de la décision ; que l'arrêt de la cour d'appel a été frappé de pourvoi et cassé, au motif qu'un témoin, M. I... K..., avait été entendu à l'audience à la demande de la partie civile, sans prestation de serment ; que l'affaire a été renvoyée devant la cour d'appel ;
En cet état :
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 444, alinéa 3, et 593 du code de procédure pénale, défaut de motif, manque de base légale :
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a débouté Mme P..., partie civile, de ses demandes civiles sans avoir entendu le témoin dont elle sollicitait l'audition ;
"aux motifs que "la cour, après en avoir délibéré, rejette l'audition de ce témoin" ;
"alors que peuvent, avec l'autorisation du tribunal, être admises à témoigner, les personnes, proposées par les parties, qui sont présentes à l'ouverture des débats sans avoir été régulièrement citées ; que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; qu'en ne motivant pas le rejet de la demande d'audition du témoin dont elle était régulièrement saisie, la cour n'a pas justifié sa décision ;
Attendu que la demanderesse, partie civile, ne saurait faire grief à la cour d'appel d'avoir rejeté sa demande d'audition de M. K..., dès lors qu'il résulte des dispositions de l'article 444, alinéa 3, du code de procédure pénale que la cour d'appel n'est pas tenue de motiver spécialement son refus d'entendre comme témoin une personne présente à l'ouverture des débats sans avoir été régulièrement citée, la décision d'autoriser cette audition étant laissée à son appréciation ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Mais sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 1240 (1382 ancien) du code civil, et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a débouté Mme P..., partie civile, de ses demandes civiles ;
"aux motifs "que les violences physiques reprochées à M. M... ne sont corroborées ni par des constatations médicales, ni aucun témoignage direct des faits ; qu'il s'en évince que les faits reprochés au prévenu ne sont caractérisés ; qu'il suit que la déclaration de culpabilité sera infirmée et le prévenu relaxé des fins de la poursuite" ;
"1°) alors que tout acte qui, même sans atteinte physique de la victime, est de nature à lui causer une sérieuse émotion, un choc émotif ou une perturbation psychologique est susceptible de caractériser des violences volontaires entrant dans les limites de la prévention fondée sur l'article 222-11 du code pénal et de constituer une faute civile ouvrant droit à réparation ; qu'à l'appui de sa plainte (arrêt, p. 3 dernier §) comme dans ses conclusions devant la cour (p. 2 à 5), Mme P... a dénoncé des violences physiques de la part de M. M... mais également des violences verbales (insultes et propos injurieux) et sans contact physique (irruption dans la salle des professeur en l'insultant, heurt violent dans les casiers métalliques de rangement provoquant un bruit intense, mouvement de lui foncer dessus, fait de se coller à elle en l'insultant) lui ayant occasionné un choc émotif et un syndrome dépressif réactionnel ; qu'en se fondant sur le seul fait que les violences physiques ne sont pas établies pour en déduire que les faits reprochés au prévenu ne sont pas caractérisés, la cour a violé l'article 1240 du code civil ;
"2°) alors qu'en s'abstenant de rechercher, comme elle y était invitée, offres de preuve à l'appui, si Mme P... n'avait pas été victime de violences verbales et sans contact physique de nature à engager la responsabilité civile de M. M..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale" ;
Vu les articles 222-11 du code pénal et 593 du code de procédure pénale ;
Attendu que les faits de violences prévus par le premier de ces textes sont constitués, même sans atteinte physique de la victime, par tout acte de nature à impressionner vivement celle-ci et à lui causer un choc émotif ;
Attendu que selon le second, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu que, pour retenir que les faits ne sont pas caractérisés et débouter la partie civile de ses demandes, l'arrêt énonce que les violences physiques reprochées au prévenu ne sont corroborées ni par des constatations médicales, ni par aucun témoignage direct ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, alors qu'il lui appartenait de rechercher si le comportement de M. M... était de nature à impressionner vivement la partie civile et à lui causer un choc émotif susceptible de caractériser, dans la limite des faits objet de la poursuite, une faute civile ayant entraîné un préjudice direct et personnel ouvrant droit à réparation, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Fort-de-France, en date du 31 mai 2018, mais en ses seules dispositions civiles, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Fort-de-France, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Fort-de-France et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quatre juin deux mille dix-neuf ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.ECLI:FR:CCASS:2019:CR00921
N° J 18-84.720 F-P+B+I
N° 921
SM12
4 JUIN 2019
CASSATION PARTIELLE
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :
CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par Mme W... P..., partie civile, contre l'arrêt de la cour d'appel de Fort-de-France, chambre correctionnelle, en date du 31 mai 2018, qui, statuant sur renvoi après cassation (Crim., 27 octobre 2015, n° 14-85.686), l'a déboutée de ses demandes après relaxe de M. H...-Q... M... du chef de violences ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 9 avril 2019 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, Mme de Lamarzelle, conseiller rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Bray ;
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire DE LAMARZELLE, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LEMOINE ;
Vu le mémoire produit ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'à la suite de la plainte avec constitution de partie civile de Mme P..., M. M... a été poursuivi devant le tribunal correctionnel du chef de violences ; que cette juridiction l'a déclaré coupable des faits et responsable du préjudice subi par la partie civile, le condamnant à lui verser une provision et renvoyant l'affaire sur intérêts civils ; que le prévenu et le ministère public ont interjeté appel de la décision ; que l'arrêt de la cour d'appel a été frappé de pourvoi et cassé, au motif qu'un témoin, M. I... K..., avait été entendu à l'audience à la demande de la partie civile, sans prestation de serment ; que l'affaire a été renvoyée devant la cour d'appel ;
En cet état :
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 444, alinéa 3, et 593 du code de procédure pénale, défaut de motif, manque de base légale :
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a débouté Mme P..., partie civile, de ses demandes civiles sans avoir entendu le témoin dont elle sollicitait l'audition ;
"aux motifs que "la cour, après en avoir délibéré, rejette l'audition de ce témoin" ;
"alors que peuvent, avec l'autorisation du tribunal, être admises à témoigner, les personnes, proposées par les parties, qui sont présentes à l'ouverture des débats sans avoir été régulièrement citées ; que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; qu'en ne motivant pas le rejet de la demande d'audition du témoin dont elle était régulièrement saisie, la cour n'a pas justifié sa décision ;
Attendu que la demanderesse, partie civile, ne saurait faire grief à la cour d'appel d'avoir rejeté sa demande d'audition de M. K..., dès lors qu'il résulte des dispositions de l'article 444, alinéa 3, du code de procédure pénale que la cour d'appel n'est pas tenue de motiver spécialement son refus d'entendre comme témoin une personne présente à l'ouverture des débats sans avoir été régulièrement citée, la décision d'autoriser cette audition étant laissée à son appréciation ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Mais sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 1240 (1382 ancien) du code civil, et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a débouté Mme P..., partie civile, de ses demandes civiles ;
"aux motifs "que les violences physiques reprochées à M. M... ne sont corroborées ni par des constatations médicales, ni aucun témoignage direct des faits ; qu'il s'en évince que les faits reprochés au prévenu ne sont caractérisés ; qu'il suit que la déclaration de culpabilité sera infirmée et le prévenu relaxé des fins de la poursuite" ;
"1°) alors que tout acte qui, même sans atteinte physique de la victime, est de nature à lui causer une sérieuse émotion, un choc émotif ou une perturbation psychologique est susceptible de caractériser des violences volontaires entrant dans les limites de la prévention fondée sur l'article 222-11 du code pénal et de constituer une faute civile ouvrant droit à réparation ; qu'à l'appui de sa plainte (arrêt, p. 3 dernier §) comme dans ses conclusions devant la cour (p. 2 à 5), Mme P... a dénoncé des violences physiques de la part de M. M... mais également des violences verbales (insultes et propos injurieux) et sans contact physique (irruption dans la salle des professeur en l'insultant, heurt violent dans les casiers métalliques de rangement provoquant un bruit intense, mouvement de lui foncer dessus, fait de se coller à elle en l'insultant) lui ayant occasionné un choc émotif et un syndrome dépressif réactionnel ; qu'en se fondant sur le seul fait que les violences physiques ne sont pas établies pour en déduire que les faits reprochés au prévenu ne sont pas caractérisés, la cour a violé l'article 1240 du code civil ;
"2°) alors qu'en s'abstenant de rechercher, comme elle y était invitée, offres de preuve à l'appui, si Mme P... n'avait pas été victime de violences verbales et sans contact physique de nature à engager la responsabilité civile de M. M..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale" ;
Vu les articles 222-11 du code pénal et 593 du code de procédure pénale ;
Attendu que les faits de violences prévus par le premier de ces textes sont constitués, même sans atteinte physique de la victime, par tout acte de nature à impressionner vivement celle-ci et à lui causer un choc émotif ;
Attendu que selon le second, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu que, pour retenir que les faits ne sont pas caractérisés et débouter la partie civile de ses demandes, l'arrêt énonce que les violences physiques reprochées au prévenu ne sont corroborées ni par des constatations médicales, ni par aucun témoignage direct ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, alors qu'il lui appartenait de rechercher si le comportement de M. M... était de nature à impressionner vivement la partie civile et à lui causer un choc émotif susceptible de caractériser, dans la limite des faits objet de la poursuite, une faute civile ayant entraîné un préjudice direct et personnel ouvrant droit à réparation, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Fort-de-France, en date du 31 mai 2018, mais en ses seules dispositions civiles, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Fort-de-France, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Fort-de-France et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quatre juin deux mille dix-neuf ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.