Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 7 mai 2019, 17-23.785, Inédit
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 7 mai 2019, 17-23.785, Inédit
Cour de cassation - Chambre commerciale
- N° de pourvoi : 17-23.785
- ECLI:FR:CCASS:2019:CO00415
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
Audience publique du mardi 07 mai 2019
Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, du 20 juin 2017- Président
- Mme Riffault-Silk (conseiller doyen faisant fonction de président)
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société E. Guigal, propriétaire de la marque verbale n° 98 738 009 « La Mouline » afin de désigner un vin d'appellation d'origine contrôlée Côte-Rôtie a, en 2009, assigné la société coopérative agricole de vinification Les Vins de Roquebrun (la société Les Vins de Roquebrun) en contrefaçon de cette marque, pour avoir apposé sur des bouteilles de vin le signe « Terrasses de la Mouline » ; qu'un jugement définitif a accueilli cette action et interdit à la société Les Vins de Roquebrun de poursuivre ces agissements ; que, soutenant que, malgré cette décision, la société Les Vins de Roquebrun continuait à produire sous le nom « Terrasses de La Mouline » du vin d'appellation Saint-Chinian destiné à l'exportation au Canada, la société E. Guigal l'a assignée en paiement de dommages-intérêts ; qu'elle a, en outre, agi en contrefaçon de marque à raison du dépôt, par cette société, de deux marques françaises complexes « Terrasses de Mayline Cave de Roquebrun » n° 3 777 012 et n° 14 4 123 819 afin de désigner des vins ; que la cour d'appel a accueilli la demande en contrefaçon par apposition, depuis le mois de décembre 2012, de la dénomination « Terrasses de la Mouline » sur des bouteilles de vin de l'appellation « Saint-Chinian » destinées à l'exportation ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société E. Guigal fait grief à l'arrêt de rejeter son action en contrefaçon de la marque n° 98 738 009 en raison du dépôt par la société Les Vins de Roquebrun de la marque française complexe « Terrasses de Mayline » déposée le 22 octobre 2010 sous le n° 3 777 012 et de la marque française complexe « Terrasses de Mayline » déposée le 7 octobre 2014 sous le n° 14 4 123 819, de rejeter le surplus de ses demandes indemnitaires, tendant notamment à l'annulation et à la radiation des marques françaises « Terrasses de Mayline Cave de Roquebrun » n° 3 777 012 et 14 4 123 819 ainsi qu'à la publication judiciaire de l'arrêt, et de rejeter sa demande d'expertise tendant à déterminer l'exacte quantité de bouteilles étiquetées en France « Terrasses de Mayline » alors, selon le moyen :
1°/ que l'appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, auditive ou conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l'impression d'ensemble produite par celles-ci, en tenant compte en particulier de leurs éléments distinctifs et dominants ; qu'en se bornant à affirmer, par motif propre, que « les marques en présence ne présentent aucune similitude, tant visuelle qu'auditive, ce d'autant plus que les termes Terrasses de Mayline sont insérés au sein d'éléments figuratifs renforçant l'impression globale de différence » et, par motif adopté, « qu'il n'existe aucune similitude, tant visuelle qu'auditive, entre la marque verbale "La Mouline" et les termes Terrasses de Mayline insérés dans les marques au surplus non pas verbales mais complexes déposées par la défenderesse, ce qui renforce l'impression de différence », sans se livrer à une analyse comparative de l'impression d'ensemble produite sur le public pertinent par chacun des signes en litige, sur les plans visuel et auditif, en tenant compte de leurs éléments distinctifs et dominants, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle ;
2°/ qu'en affirmant ainsi que les signes ne présenteraient aucune similitude visuelle et auditive, sans procéder à une analyse comparative des signes en présence sur les plans visuel et auditif, la cour d'appel a entaché sa décision d'une insuffisance de motivation, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ qu'afin d'apprécier le degré de similitude existant entre les marques concernées, la juridiction nationale doit déterminer leur degré de similitude visuelle, auditive et conceptuelle et, le cas échéant, évaluer l'importance qu'il convient d'attacher à ces différents éléments, en tenant compte de la catégorie de produits ou services en cause et des conditions dans lesquelles ils sont commercialisés ; qu'en s'abstenant d'apprécier le degré de similitude conceptuelle entre les signes en présence, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle ;
Mais attendu, d'une part, qu'ayant souverainement retenu qu'il n'existait aucune similitude visuelle et auditive entre la marque verbale « La Mouline » et les termes « Terrasses de Mayline » et que l'insertion de ces derniers au sein d'éléments figuratifs renforçait l'impression globale de différence, la cour d'appel, qui s'est ainsi livrée à une analyse comparative de l'impression produite sur le public pertinent, défini comme étant le consommateur final de vin, par les signes en présence, considérés chacun dans son ensemble, en tenant compte de leurs éléments distinctifs et dominants, a légalement justifié sa décision ;
Attendu, d'autre part, que la deuxième branche du moyen ne tend, sous le couvert d'une absence de motivation, qu'à remettre en cause cette appréciation souveraine ;
Et attendu, enfin, que l'arrêt se livre à l'appréciation prétendument omise, en retenant que si, conceptuellement, un faible degré de similitude entre les signes peut être compensé par un degré de similitude élevé entre les produits ou les services désignés, encore faut-il qu'il puisse exister un risque de confusion entre les signes et qu'en l'espèce, l'absence totale de similarité entre les signes en cause exclut tout risque de confusion pour le consommateur d'attention moyenne, qui ne peut être amené à attribuer aux produits concernés une origine commune ;
D'où il suit que le moyen, qui manque en fait en sa dernière branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
Mais sur le second moyen, pris en sa seconde branche :
Vu l'article L. 716-14, alinéa 2, du code de la propriété intellectuelle ;
Attendu, selon ce texte, que la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages-intérêts une somme forfaitaire qui ne peut être inférieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte ;
Attendu que pour condamner la société Les Vins de Roquebrun à payer à la société E. Guigal la somme de 10 000 euros, l'arrêt constate que les marques n° 3 777 012 et n° 14 4 123 819 n'ont pas été jugées contrefaisantes, et que pour ce qui est des actes de contrefaçon qui ont été retenus, le préjudice ne résulte pas de la commercialisation régulière au Canada de bouteilles de vin portant l'étiquette « Terrasses de la Mouline », mais de l'atteinte portée en France à la marque verbale française « La Mouline » par l'apposition d'étiquettes reproduisant la dénomination « Terrasses de la Mouline » ; qu'il en déduit qu'il n'est pas nécessaire de déterminer la quantité de bouteilles en cause et qu'il y a lieu, au vu des éléments produits, d'évaluer le préjudice subi du fait de l'atteinte à la marque « La Mouline » à la somme de 10 000 euros ;
Qu'en se déterminant ainsi, alors que la société E. Guigal demandait le paiement, à titre de dommages-intérêts, d'une somme forfaitaire, telle que prévue par le texte précité, la cour d'appel, qui ne s'est pas expliquée sur le montant des redevances que cette société, au vu notamment du procès-verbal de constat qu'elle produisait, aurait été en droit d'exiger pour autoriser la société Les Vins de Roquebrun à apposer le signe litigieux en France, n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société coopérative agricole de vinification Les Vins de Roquebrun à payer à la société E. Guigal la somme 10 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon commis par apposition, en France, de la dénomination « Terrasses de La Mouline » sur des bouteilles de vins destinées à l'exportation, et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 20 juin 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du sept mai deux mille dix-neuf. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat aux Conseils, pour la société E. Guigal.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société E. Guigal de ses demandes en contrefaçon de sa marque n° 98 738 009 par imitation du fait du dépôt par la société Les vins de Roquebrun de la marque française complexe « Terrasses de Mayline » déposée le 22 octobre 2010 sous le n° 3 777 012 et de la marque française complexe « Terrasses de Mayline » déposée le 7 octobre 2014 sous le n° 14 4 123 819, d'avoir débouté la société E. Guigal du surplus de ses demandes indemnitaires, notamment en annulation et radiation des marques françaises « Terrasses de Mayline Cave de Roquebrun » n° 3 777 012 et 14 4 123 819 et en publication judiciaire de l'arrêt, et d'avoir débouté la société E. Guigal de sa demande d'expertise afin notamment de déterminer l'exacte quantité de bouteilles étiquetées en France « Terrasses de Mayline » ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « la SAS E. Guigal expose que sitôt le prononcé du jugement du 01 octobre 2010, la société Les vins de Roquebrun a déposé la marque française complexe « Terrasses de Mayline Cave de Roquebrun » n° 3 777 012 et en 2014 la marque française complexe « Terrasses de Mayline Cave de Roquebrun » n° 14 4 123 819 ; qu'elle affirme qu'en créant ces deux marques, la société Les vins de Roquebrun continue de suggérer une parenté avec l'un des plus prestigieux vignerons de France et du monde ; qu'elle fait valoir que les éléments verbaux d'une marque semi-figurative ont plus d'importance que les autres et que les éléments correspondant aux mentions obligatoire ou facultatives concernant le producteur (ici la cave de Roquebrun) ne sont pas appropriables en tant que marque, de telle sorte que les seuls éléments à considérer dans ces deux marques sont « Terrasses de Mayline » ; qu'elle ajoute que le moindre degré de similitude entre « La Mouline » et « Mayline »est très largement compensé par l'extrême notoriété de sa marque première, suggérant au public pertinent l'existence d'une famille de marques gravitant autour de « La Mouline » ; que la société Les vins de Roquebrun réplique qu'il n'y a aucun signe identique entre la marque « La Mouline » et ses deux marques « Terrasse de Mayline Saint Chinian Cave de Roquebrun » et qu'il n'existe donc aucun risque de confusion pour des produits qui ne sont pas identiques, le vin d'appellation « Saint-Chinian » n'ayant aucun rapport avec le vin « Côte Rôtie » produit par la SAS E. Guigal sous sa marque « La Mouline » ; qu'elle ajoute qu'aucun produit revêtu de la marque « Terrasse de Mayline Saint Chinian Cave de Roquebrun » n'a jamais été vendu sur le territoire français et n'a même jamais pu être acheté par un consommateur français, les sites Internet en cause ne permettant pas un quelconque achat en France ; que, ceci exposé, la marque antérieure invoquée par la SAS E. Guigal est sa marque verbale « LA MOULINE » n° 98 738 009, que les marques secondes complexes « Terrasses de Mayline Cave de Roquebrun » n° 3 777 012 et 14 4 123 819 arguées de contrefaçon ne sont pas la reproduction à l'identique de cette marque antérieure ; qu'il convient dès lors de rechercher s'il n'existe pas, entre elles, un risque de confusion (qui comprend le risque d'association), lequel doit être apprécié globalement en se fondant sur l'impression d'ensemble produite par les marques en litige au regard de leurs éléments dominants et distinctifs et en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce ; que les produits sont similaires en ce que ces marques désignent des vins d'appellation d'origine contrôlée et s'adressent en conséquence au même public, le consommateur final de vin ; mais que, comme l'ont relevé à juste titre les premiers juges, les marques en présence ne présentent aucune similitude, tant visuelle qu'auditive, ce d'autant plus que les termes « Terrasses de Mayline » sont insérés au sein d'éléments figuratifs renforçant l'impression globale de différence ; que conceptuellement, si un faible degré de similitude entre les signes peut être compensé par un degré de similitude élevé entre les produits ou les services désignés (et inversement), encore faut-il qu'il puisse exister un risque de confusion entre les signes ; qu'en l'espèce, l'absence totale de similarité entre les signes en causes exclut tout risque de confusion pour le consommateur d'attention moyenne qui ne peut être amené à attribuer aux produits concernés une origine commune d'autant plus qu'il s'agit dans un cas de vin d'appellation « Côte Rôtie » et de l'autre d'un vin d'appellation « Saint-Chinian », deux régions viticoles différentes ; qu'en conséquence le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté la SAS E. GUIGAL de ses demandes en contrefaçon de marque du fait du dépôt par la société Les vins de Roquebrun des marques françaises « Terrasses de Mayline Cave de Roquebrun » numéros 3 777 012 et 14 4 123 819 » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'« il convient de rappeler qu'aux termes de son ordonnance en date du 11 avril 2014, si le juge de la mise en état s'est déclaré incompétent pour liquider l'astreinte prononcée par le jugement du 1er octobre 2010, il a en revanche considéré que le tribunal restait compétent « pour apprécier les nouveaux faits de contrefaçon, différents de la simple poursuite des faits pour lesquels la société Les Vins De Roquebrun a déjà été condamnée qui eux sont passibles de la liquidation de l'astreinte » ; que, dès lors que le litige ayant donné lieu au jugement du 1er octobre 2010 aux termes duquel une astreinte a été prononcée, portait sur des faits de contrefaçon de la marque française verbale La Mouline n° 98 738 009, caractérisés par l'apposition sur des bouteilles de vin de ladite marque et que dans le cadre de la présente instance, la société Guigal sollicite dorénavant la condamnation de la société Les Vins de Roquebrun pour des actes de contrefaçon par imitation du fait du dépôt intervenu postérieurement au jugement du 1er octobre 2010 par cette dernière société de deux nouvelles marques françaises « Terrasses de Mayline » n° 3 777 012 et n° 14 4 123 819, la société Guigal se prévaut bien de faits nouveaux au sens de la décision précitée, pour lesquels le présent tribunal demeure compétent, contrairement à ce que soutient la défenderesse ; qu'à cet égard, pour apprécier l'existence d'une contrefaçon, il convient de rappeler qu'en application de l'article L. 713-3 b) du code de la propriété intellectuelle « sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s'il peut en résulter un risque de confusion dans l'esprit du public, l'imitation d'une marque et l'usage d'une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement » ; qu'en l'espèce, il a été précédemment exposé que la société GUIGAL est titulaire de la marque verbale « La Mouline » déposée le 16 juin 1998 auprès de l'INPI sous le n°98 738 009 pour désigner les produits et services des classes 32. 33 et 35, et régulièrement renouvelée le 10 janvier 2008 ; qu'il y a lieu de rechercher si, au regard d'une appréciation des degrés de similitude entre les signes et entre les produits et/ou services désignés, il existe un risque de confusion comprenant un risque d'association dans l'esprit du public concerné, ce risque de confusion devant être apprécié en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce et du consommateur normalement attentif et raisonnablement averti ; qu'en l'espèce, il y a lieu de constater que les marques litigieuses désignent comme la marque dont est titulaire la société Guigal les mêmes produits, à savoir le vin ; qu'ainsi, la marque française complexe « Terrasses de Mayline » déposée le 22 octobre 2010 sous le n° 3 777 012 désigne en classe 33 les « vins bénéficiant de l'appellation d'origine contrôlée Saint-Chinian » ; que de même, la marque française complexe « Terrasses de Mayline » déposée le 7 octobre 2014 sous le n° 14 4 123 819 en classes 16 et 33 désigne notamment les « vins » ; que ces marques s'adressent en conséquence au même public, le consommateur final de vin ; qu'en revanche, les signes ne présentent pas de similitude ; qu'en effet, il n'existe aucune similitude, tant visuelle qu'auditive, entre la marque verbale « La Mouline » et les termes « Terrasses de Mayline » insérés dans les marques au surplus non pas verbales mais complexes déposées par la défenderesse, ce qui renforce l'impression de différence ; que cette absence de similarité entre les signes en cause exclut tout risque de confusion pour le consommateur d'attention moyenne, qui ne peut être amené à attribuer aux produits concernés une origine commune ; que la contrefaçon par imitation n'est ainsi pas caractérisée ; que les demandes de la société Guigal fondées sur ladite contrefaçon seront en conséquence rejetées » ;
1°) ALORS QUE l'appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, auditive ou conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l'impression d'ensemble produite par celles-ci, en tenant compte en particulier de leurs éléments distinctifs et dominants ; qu'en se bornant à affirmer, par motif propre, que « les marques en présence ne présentent aucune similitude, tant visuelle qu'auditive, ce d'autant plus que les termes « Terrasses de Mayline » sont insérés au sein d'éléments figuratifs renforçant l'impression globale de différence » et, par motif adopté, qu'« il n'existe aucune similitude, tant visuelle qu'auditive, entre la marque verbale « La Mouline » et les termes « Terrasses de Mayline » insérés dans les marques au surplus non pas verbales mais complexes déposées par la défenderesse, ce qui renforce l'impression de différence », sans se livrer à une analyse comparative de l'impression d'ensemble produite sur le public pertinent par chacun des signes en litige, sur les plans visuel et auditif, en tenant compte de leurs éléments distinctifs et dominants, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle ;
2°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QU'en affirmant ainsi que les signes ne présenteraient aucune similitude visuelle et auditive, sans procéder à une analyse comparative des signes en présence sur les plans visuel et auditif, la cour d'appel a entaché sa décision d'une insuffisance de motivation, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QU'afin d'apprécier le degré de similitude existant entre les marques concernées, la juridiction nationale doit déterminer leur degré de similitude visuelle, auditive et conceptuelle et, le cas échéant, évaluer l'importance qu'il convient d'attacher à ces différents éléments, en tenant compte de la catégorie de produits ou services en cause et des conditions dans lesquelles ils sont commercialisés ; qu'en s'abstenant d'apprécier le degré de similitude conceptuelle entre les signes en présence, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société coopérative agricole « Les vins de Roquebrun » à ne payer à la SAS E. Guigal que la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon ;
AUX MOTIFS QUE « la justice française est bien évidemment incompétente pour ordonner la radiation d'une marque régulièrement déposée au Canada et qu'en outre ainsi qu'il l'a été jugé, l'acte de contrefaçon en France résulte non pas du dépôt de la marque « Terrasses de La Mouline » à l'étranger mais de l'apposition en France sur des bouteilles de vin d'étiquettes reproduisant cette dénomination ; que la SAS E. Guigal sera donc déboutée de sa demande en radiation de la marque canadienne ou, subsidiairement, en rétrocession gratuite de la dite marque ; qu'en l'absence de contrefaçon du fait du dépôt des marques françaises « Terrasses de Mayline Cave de Roquebrun » numéros 3 777 012 et 14 4 123 819, la SAS E. Guigal sera également déboutée de sa demande en annulation et radiation de ces marques ; qu'il sera fait interdiction à la société Les vins de Roquebrun de poursuivre ses actes de contrefaçon par l'apposition en France d'étiquettes sur ses bouteilles reproduisant les termes « La Mouline » sous astreinte provisoire d'une durée de trois mois, de 200 € par infraction constatée, étant expressément précisé que la liquidation de cette astreinte restera de la compétence du juge de l'exécution ; que la SAS E. Guigal motive sa demande en dommages et intérêts chiffrée à la somme de 24.000.000 € sur le fondement du dernier alinéa de l'article L 716-14 du code de la propriété intellectuelle en faisant valoir qu'elle aurait exigé une redevance de 10 % par bouteille vendue (au prix moyen de 300 €) sous les dénominations contrefaisantes « Terrasses de la Mouline » ou « Terrasses de Mayline » et que la société Les vins de Roquebrun écoule un strict minimum de 200.000 bouteilles contrefaisantes par an ; que d'une part qu'il n'est pas retenu d'actes de contrefaçon par les marques « Terrasses de Mayline Cave de Roquebrun » et qu'en ce qui concerne les seuls actes de contrefaçon retenus par la cour, le préjudice subi ne résulte pas de la commercialisation régulière au Canada de bouteilles de vin portant l'étiquette « Terrasses de la Mouline » mais de l'atteinte portée en France à la marque verbale française « La Mouline » par l'apposition sur des bouteilles de vin, d'étiquettes reproduisant la dénomination « Terrasses de La Mouline » ; qu'il n'est donc pas nécessaire d'ordonner une mesure d'expertise pour déterminer la quantité de bouteilles en cause et qu'au vu des éléments produits devant elle, la cour évalue le préjudice subi du fait de l'atteinte à la marque « La Mouline » à la somme de 10.000 € que la société Les vins de Roquebrun sera condamnée à payer à la SAS E. Guigal, titulaire de cette marque ; que le préjudice subi par la SAS E. Guigal se trouve suffisamment réparé et qu'elle sera donc déboutée de sa demande de publication judiciaire à titre de mesure réparatrice complémentaire » ;
1°) ALORS QUE selon le premier alinéa de l'article L. 716-14 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction applicable, pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération les conséquences économiques négatives, dont le manque à gagner, subies par la partie lésée, les bénéfices réalisés par l'auteur de l'atteinte aux droits et le préjudice moral causé au titulaire de ces droits du fait de l'atteinte ; que selon le second alinéa de ce texte, la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire qui ne peut être inférieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si l'auteur de l'atteinte avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte ; qu'en affirmant que « le préjudice subi ne résulte pas de la commercialisation régulière au Canada de bouteilles de vin portant l'étiquette « Terrasses de La Mouline » mais de l'atteinte portée en France à la marque verbale française « La Mouline » par l'apposition sur des bouteilles de vins d'étiquettes reproduisant la dénomination « Terrasses de La Mouline » » et en indiquant évaluer, « au vu des éléments produits devant elle », « le préjudice subi du fait de l'atteinte à la marque « La Mouline » à la somme de 10 000 euros », sans préciser sur le fondement de quel alinéa de l'article L. 716-14 du code de la propriété intellectuelle elle a ainsi évalué le montant des dommages-intérêts ni quels chefs de préjudice elle a pris en considération pour retenir un tel montant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 716-14 du code de la propriété intellectuelle ;
2°) ALORS QUE lorsque les actes de contrefaçon consistent en l'apposition de la marque en France sur des produits destinés à être ensuite vendus sur un marché étranger, le titulaire de la marque subit un préjudice économique du fait, à tout le moins, de la perte des redevances que le contrefacteur aurait dû lui verser pour être autorisé à apposer cette marque en France sur les produits litigieux ; qu'en affirmant qu'en ce qui concerne les actes de contrefaçon commis par la société Les vins de Roquebrun en apposant en France la dénomination « Terrasses de La Mouline » sur des bouteilles de vin destinées à l'exportation, « le préjudice subi ne résulte pas de la commercialisation régulière au Canada de bouteilles de vin portant l'étiquette « Terrasses de La Mouline » mais de l'atteinte portée en France à la marque verbale française « La Mouline » par l'apposition sur des bouteilles de vins d'étiquettes reproduisant la dénomination « Terrasses de La Mouline » », sans s'expliquer sur le montant des redevances que la société E. Guigal aurait été en droit d'exiger pour autoriser la société Les vins de Roquebrun à apposer le signe litigieux en France, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 716-14 du code de la propriété intellectuelle.ECLI:FR:CCASS:2019:CO00415
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société E. Guigal, propriétaire de la marque verbale n° 98 738 009 « La Mouline » afin de désigner un vin d'appellation d'origine contrôlée Côte-Rôtie a, en 2009, assigné la société coopérative agricole de vinification Les Vins de Roquebrun (la société Les Vins de Roquebrun) en contrefaçon de cette marque, pour avoir apposé sur des bouteilles de vin le signe « Terrasses de la Mouline » ; qu'un jugement définitif a accueilli cette action et interdit à la société Les Vins de Roquebrun de poursuivre ces agissements ; que, soutenant que, malgré cette décision, la société Les Vins de Roquebrun continuait à produire sous le nom « Terrasses de La Mouline » du vin d'appellation Saint-Chinian destiné à l'exportation au Canada, la société E. Guigal l'a assignée en paiement de dommages-intérêts ; qu'elle a, en outre, agi en contrefaçon de marque à raison du dépôt, par cette société, de deux marques françaises complexes « Terrasses de Mayline Cave de Roquebrun » n° 3 777 012 et n° 14 4 123 819 afin de désigner des vins ; que la cour d'appel a accueilli la demande en contrefaçon par apposition, depuis le mois de décembre 2012, de la dénomination « Terrasses de la Mouline » sur des bouteilles de vin de l'appellation « Saint-Chinian » destinées à l'exportation ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société E. Guigal fait grief à l'arrêt de rejeter son action en contrefaçon de la marque n° 98 738 009 en raison du dépôt par la société Les Vins de Roquebrun de la marque française complexe « Terrasses de Mayline » déposée le 22 octobre 2010 sous le n° 3 777 012 et de la marque française complexe « Terrasses de Mayline » déposée le 7 octobre 2014 sous le n° 14 4 123 819, de rejeter le surplus de ses demandes indemnitaires, tendant notamment à l'annulation et à la radiation des marques françaises « Terrasses de Mayline Cave de Roquebrun » n° 3 777 012 et 14 4 123 819 ainsi qu'à la publication judiciaire de l'arrêt, et de rejeter sa demande d'expertise tendant à déterminer l'exacte quantité de bouteilles étiquetées en France « Terrasses de Mayline » alors, selon le moyen :
1°/ que l'appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, auditive ou conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l'impression d'ensemble produite par celles-ci, en tenant compte en particulier de leurs éléments distinctifs et dominants ; qu'en se bornant à affirmer, par motif propre, que « les marques en présence ne présentent aucune similitude, tant visuelle qu'auditive, ce d'autant plus que les termes Terrasses de Mayline sont insérés au sein d'éléments figuratifs renforçant l'impression globale de différence » et, par motif adopté, « qu'il n'existe aucune similitude, tant visuelle qu'auditive, entre la marque verbale "La Mouline" et les termes Terrasses de Mayline insérés dans les marques au surplus non pas verbales mais complexes déposées par la défenderesse, ce qui renforce l'impression de différence », sans se livrer à une analyse comparative de l'impression d'ensemble produite sur le public pertinent par chacun des signes en litige, sur les plans visuel et auditif, en tenant compte de leurs éléments distinctifs et dominants, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle ;
2°/ qu'en affirmant ainsi que les signes ne présenteraient aucune similitude visuelle et auditive, sans procéder à une analyse comparative des signes en présence sur les plans visuel et auditif, la cour d'appel a entaché sa décision d'une insuffisance de motivation, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ qu'afin d'apprécier le degré de similitude existant entre les marques concernées, la juridiction nationale doit déterminer leur degré de similitude visuelle, auditive et conceptuelle et, le cas échéant, évaluer l'importance qu'il convient d'attacher à ces différents éléments, en tenant compte de la catégorie de produits ou services en cause et des conditions dans lesquelles ils sont commercialisés ; qu'en s'abstenant d'apprécier le degré de similitude conceptuelle entre les signes en présence, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle ;
Mais attendu, d'une part, qu'ayant souverainement retenu qu'il n'existait aucune similitude visuelle et auditive entre la marque verbale « La Mouline » et les termes « Terrasses de Mayline » et que l'insertion de ces derniers au sein d'éléments figuratifs renforçait l'impression globale de différence, la cour d'appel, qui s'est ainsi livrée à une analyse comparative de l'impression produite sur le public pertinent, défini comme étant le consommateur final de vin, par les signes en présence, considérés chacun dans son ensemble, en tenant compte de leurs éléments distinctifs et dominants, a légalement justifié sa décision ;
Attendu, d'autre part, que la deuxième branche du moyen ne tend, sous le couvert d'une absence de motivation, qu'à remettre en cause cette appréciation souveraine ;
Et attendu, enfin, que l'arrêt se livre à l'appréciation prétendument omise, en retenant que si, conceptuellement, un faible degré de similitude entre les signes peut être compensé par un degré de similitude élevé entre les produits ou les services désignés, encore faut-il qu'il puisse exister un risque de confusion entre les signes et qu'en l'espèce, l'absence totale de similarité entre les signes en cause exclut tout risque de confusion pour le consommateur d'attention moyenne, qui ne peut être amené à attribuer aux produits concernés une origine commune ;
D'où il suit que le moyen, qui manque en fait en sa dernière branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
Mais sur le second moyen, pris en sa seconde branche :
Vu l'article L. 716-14, alinéa 2, du code de la propriété intellectuelle ;
Attendu, selon ce texte, que la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages-intérêts une somme forfaitaire qui ne peut être inférieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte ;
Attendu que pour condamner la société Les Vins de Roquebrun à payer à la société E. Guigal la somme de 10 000 euros, l'arrêt constate que les marques n° 3 777 012 et n° 14 4 123 819 n'ont pas été jugées contrefaisantes, et que pour ce qui est des actes de contrefaçon qui ont été retenus, le préjudice ne résulte pas de la commercialisation régulière au Canada de bouteilles de vin portant l'étiquette « Terrasses de la Mouline », mais de l'atteinte portée en France à la marque verbale française « La Mouline » par l'apposition d'étiquettes reproduisant la dénomination « Terrasses de la Mouline » ; qu'il en déduit qu'il n'est pas nécessaire de déterminer la quantité de bouteilles en cause et qu'il y a lieu, au vu des éléments produits, d'évaluer le préjudice subi du fait de l'atteinte à la marque « La Mouline » à la somme de 10 000 euros ;
Qu'en se déterminant ainsi, alors que la société E. Guigal demandait le paiement, à titre de dommages-intérêts, d'une somme forfaitaire, telle que prévue par le texte précité, la cour d'appel, qui ne s'est pas expliquée sur le montant des redevances que cette société, au vu notamment du procès-verbal de constat qu'elle produisait, aurait été en droit d'exiger pour autoriser la société Les Vins de Roquebrun à apposer le signe litigieux en France, n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société coopérative agricole de vinification Les Vins de Roquebrun à payer à la société E. Guigal la somme 10 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon commis par apposition, en France, de la dénomination « Terrasses de La Mouline » sur des bouteilles de vins destinées à l'exportation, et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 20 juin 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du sept mai deux mille dix-neuf. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat aux Conseils, pour la société E. Guigal.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société E. Guigal de ses demandes en contrefaçon de sa marque n° 98 738 009 par imitation du fait du dépôt par la société Les vins de Roquebrun de la marque française complexe « Terrasses de Mayline » déposée le 22 octobre 2010 sous le n° 3 777 012 et de la marque française complexe « Terrasses de Mayline » déposée le 7 octobre 2014 sous le n° 14 4 123 819, d'avoir débouté la société E. Guigal du surplus de ses demandes indemnitaires, notamment en annulation et radiation des marques françaises « Terrasses de Mayline Cave de Roquebrun » n° 3 777 012 et 14 4 123 819 et en publication judiciaire de l'arrêt, et d'avoir débouté la société E. Guigal de sa demande d'expertise afin notamment de déterminer l'exacte quantité de bouteilles étiquetées en France « Terrasses de Mayline » ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « la SAS E. Guigal expose que sitôt le prononcé du jugement du 01 octobre 2010, la société Les vins de Roquebrun a déposé la marque française complexe « Terrasses de Mayline Cave de Roquebrun » n° 3 777 012 et en 2014 la marque française complexe « Terrasses de Mayline Cave de Roquebrun » n° 14 4 123 819 ; qu'elle affirme qu'en créant ces deux marques, la société Les vins de Roquebrun continue de suggérer une parenté avec l'un des plus prestigieux vignerons de France et du monde ; qu'elle fait valoir que les éléments verbaux d'une marque semi-figurative ont plus d'importance que les autres et que les éléments correspondant aux mentions obligatoire ou facultatives concernant le producteur (ici la cave de Roquebrun) ne sont pas appropriables en tant que marque, de telle sorte que les seuls éléments à considérer dans ces deux marques sont « Terrasses de Mayline » ; qu'elle ajoute que le moindre degré de similitude entre « La Mouline » et « Mayline »est très largement compensé par l'extrême notoriété de sa marque première, suggérant au public pertinent l'existence d'une famille de marques gravitant autour de « La Mouline » ; que la société Les vins de Roquebrun réplique qu'il n'y a aucun signe identique entre la marque « La Mouline » et ses deux marques « Terrasse de Mayline Saint Chinian Cave de Roquebrun » et qu'il n'existe donc aucun risque de confusion pour des produits qui ne sont pas identiques, le vin d'appellation « Saint-Chinian » n'ayant aucun rapport avec le vin « Côte Rôtie » produit par la SAS E. Guigal sous sa marque « La Mouline » ; qu'elle ajoute qu'aucun produit revêtu de la marque « Terrasse de Mayline Saint Chinian Cave de Roquebrun » n'a jamais été vendu sur le territoire français et n'a même jamais pu être acheté par un consommateur français, les sites Internet en cause ne permettant pas un quelconque achat en France ; que, ceci exposé, la marque antérieure invoquée par la SAS E. Guigal est sa marque verbale « LA MOULINE » n° 98 738 009, que les marques secondes complexes « Terrasses de Mayline Cave de Roquebrun » n° 3 777 012 et 14 4 123 819 arguées de contrefaçon ne sont pas la reproduction à l'identique de cette marque antérieure ; qu'il convient dès lors de rechercher s'il n'existe pas, entre elles, un risque de confusion (qui comprend le risque d'association), lequel doit être apprécié globalement en se fondant sur l'impression d'ensemble produite par les marques en litige au regard de leurs éléments dominants et distinctifs et en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce ; que les produits sont similaires en ce que ces marques désignent des vins d'appellation d'origine contrôlée et s'adressent en conséquence au même public, le consommateur final de vin ; mais que, comme l'ont relevé à juste titre les premiers juges, les marques en présence ne présentent aucune similitude, tant visuelle qu'auditive, ce d'autant plus que les termes « Terrasses de Mayline » sont insérés au sein d'éléments figuratifs renforçant l'impression globale de différence ; que conceptuellement, si un faible degré de similitude entre les signes peut être compensé par un degré de similitude élevé entre les produits ou les services désignés (et inversement), encore faut-il qu'il puisse exister un risque de confusion entre les signes ; qu'en l'espèce, l'absence totale de similarité entre les signes en causes exclut tout risque de confusion pour le consommateur d'attention moyenne qui ne peut être amené à attribuer aux produits concernés une origine commune d'autant plus qu'il s'agit dans un cas de vin d'appellation « Côte Rôtie » et de l'autre d'un vin d'appellation « Saint-Chinian », deux régions viticoles différentes ; qu'en conséquence le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté la SAS E. GUIGAL de ses demandes en contrefaçon de marque du fait du dépôt par la société Les vins de Roquebrun des marques françaises « Terrasses de Mayline Cave de Roquebrun » numéros 3 777 012 et 14 4 123 819 » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'« il convient de rappeler qu'aux termes de son ordonnance en date du 11 avril 2014, si le juge de la mise en état s'est déclaré incompétent pour liquider l'astreinte prononcée par le jugement du 1er octobre 2010, il a en revanche considéré que le tribunal restait compétent « pour apprécier les nouveaux faits de contrefaçon, différents de la simple poursuite des faits pour lesquels la société Les Vins De Roquebrun a déjà été condamnée qui eux sont passibles de la liquidation de l'astreinte » ; que, dès lors que le litige ayant donné lieu au jugement du 1er octobre 2010 aux termes duquel une astreinte a été prononcée, portait sur des faits de contrefaçon de la marque française verbale La Mouline n° 98 738 009, caractérisés par l'apposition sur des bouteilles de vin de ladite marque et que dans le cadre de la présente instance, la société Guigal sollicite dorénavant la condamnation de la société Les Vins de Roquebrun pour des actes de contrefaçon par imitation du fait du dépôt intervenu postérieurement au jugement du 1er octobre 2010 par cette dernière société de deux nouvelles marques françaises « Terrasses de Mayline » n° 3 777 012 et n° 14 4 123 819, la société Guigal se prévaut bien de faits nouveaux au sens de la décision précitée, pour lesquels le présent tribunal demeure compétent, contrairement à ce que soutient la défenderesse ; qu'à cet égard, pour apprécier l'existence d'une contrefaçon, il convient de rappeler qu'en application de l'article L. 713-3 b) du code de la propriété intellectuelle « sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s'il peut en résulter un risque de confusion dans l'esprit du public, l'imitation d'une marque et l'usage d'une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement » ; qu'en l'espèce, il a été précédemment exposé que la société GUIGAL est titulaire de la marque verbale « La Mouline » déposée le 16 juin 1998 auprès de l'INPI sous le n°98 738 009 pour désigner les produits et services des classes 32. 33 et 35, et régulièrement renouvelée le 10 janvier 2008 ; qu'il y a lieu de rechercher si, au regard d'une appréciation des degrés de similitude entre les signes et entre les produits et/ou services désignés, il existe un risque de confusion comprenant un risque d'association dans l'esprit du public concerné, ce risque de confusion devant être apprécié en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce et du consommateur normalement attentif et raisonnablement averti ; qu'en l'espèce, il y a lieu de constater que les marques litigieuses désignent comme la marque dont est titulaire la société Guigal les mêmes produits, à savoir le vin ; qu'ainsi, la marque française complexe « Terrasses de Mayline » déposée le 22 octobre 2010 sous le n° 3 777 012 désigne en classe 33 les « vins bénéficiant de l'appellation d'origine contrôlée Saint-Chinian » ; que de même, la marque française complexe « Terrasses de Mayline » déposée le 7 octobre 2014 sous le n° 14 4 123 819 en classes 16 et 33 désigne notamment les « vins » ; que ces marques s'adressent en conséquence au même public, le consommateur final de vin ; qu'en revanche, les signes ne présentent pas de similitude ; qu'en effet, il n'existe aucune similitude, tant visuelle qu'auditive, entre la marque verbale « La Mouline » et les termes « Terrasses de Mayline » insérés dans les marques au surplus non pas verbales mais complexes déposées par la défenderesse, ce qui renforce l'impression de différence ; que cette absence de similarité entre les signes en cause exclut tout risque de confusion pour le consommateur d'attention moyenne, qui ne peut être amené à attribuer aux produits concernés une origine commune ; que la contrefaçon par imitation n'est ainsi pas caractérisée ; que les demandes de la société Guigal fondées sur ladite contrefaçon seront en conséquence rejetées » ;
1°) ALORS QUE l'appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, auditive ou conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l'impression d'ensemble produite par celles-ci, en tenant compte en particulier de leurs éléments distinctifs et dominants ; qu'en se bornant à affirmer, par motif propre, que « les marques en présence ne présentent aucune similitude, tant visuelle qu'auditive, ce d'autant plus que les termes « Terrasses de Mayline » sont insérés au sein d'éléments figuratifs renforçant l'impression globale de différence » et, par motif adopté, qu'« il n'existe aucune similitude, tant visuelle qu'auditive, entre la marque verbale « La Mouline » et les termes « Terrasses de Mayline » insérés dans les marques au surplus non pas verbales mais complexes déposées par la défenderesse, ce qui renforce l'impression de différence », sans se livrer à une analyse comparative de l'impression d'ensemble produite sur le public pertinent par chacun des signes en litige, sur les plans visuel et auditif, en tenant compte de leurs éléments distinctifs et dominants, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle ;
2°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QU'en affirmant ainsi que les signes ne présenteraient aucune similitude visuelle et auditive, sans procéder à une analyse comparative des signes en présence sur les plans visuel et auditif, la cour d'appel a entaché sa décision d'une insuffisance de motivation, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QU'afin d'apprécier le degré de similitude existant entre les marques concernées, la juridiction nationale doit déterminer leur degré de similitude visuelle, auditive et conceptuelle et, le cas échéant, évaluer l'importance qu'il convient d'attacher à ces différents éléments, en tenant compte de la catégorie de produits ou services en cause et des conditions dans lesquelles ils sont commercialisés ; qu'en s'abstenant d'apprécier le degré de similitude conceptuelle entre les signes en présence, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société coopérative agricole « Les vins de Roquebrun » à ne payer à la SAS E. Guigal que la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon ;
AUX MOTIFS QUE « la justice française est bien évidemment incompétente pour ordonner la radiation d'une marque régulièrement déposée au Canada et qu'en outre ainsi qu'il l'a été jugé, l'acte de contrefaçon en France résulte non pas du dépôt de la marque « Terrasses de La Mouline » à l'étranger mais de l'apposition en France sur des bouteilles de vin d'étiquettes reproduisant cette dénomination ; que la SAS E. Guigal sera donc déboutée de sa demande en radiation de la marque canadienne ou, subsidiairement, en rétrocession gratuite de la dite marque ; qu'en l'absence de contrefaçon du fait du dépôt des marques françaises « Terrasses de Mayline Cave de Roquebrun » numéros 3 777 012 et 14 4 123 819, la SAS E. Guigal sera également déboutée de sa demande en annulation et radiation de ces marques ; qu'il sera fait interdiction à la société Les vins de Roquebrun de poursuivre ses actes de contrefaçon par l'apposition en France d'étiquettes sur ses bouteilles reproduisant les termes « La Mouline » sous astreinte provisoire d'une durée de trois mois, de 200 € par infraction constatée, étant expressément précisé que la liquidation de cette astreinte restera de la compétence du juge de l'exécution ; que la SAS E. Guigal motive sa demande en dommages et intérêts chiffrée à la somme de 24.000.000 € sur le fondement du dernier alinéa de l'article L 716-14 du code de la propriété intellectuelle en faisant valoir qu'elle aurait exigé une redevance de 10 % par bouteille vendue (au prix moyen de 300 €) sous les dénominations contrefaisantes « Terrasses de la Mouline » ou « Terrasses de Mayline » et que la société Les vins de Roquebrun écoule un strict minimum de 200.000 bouteilles contrefaisantes par an ; que d'une part qu'il n'est pas retenu d'actes de contrefaçon par les marques « Terrasses de Mayline Cave de Roquebrun » et qu'en ce qui concerne les seuls actes de contrefaçon retenus par la cour, le préjudice subi ne résulte pas de la commercialisation régulière au Canada de bouteilles de vin portant l'étiquette « Terrasses de la Mouline » mais de l'atteinte portée en France à la marque verbale française « La Mouline » par l'apposition sur des bouteilles de vin, d'étiquettes reproduisant la dénomination « Terrasses de La Mouline » ; qu'il n'est donc pas nécessaire d'ordonner une mesure d'expertise pour déterminer la quantité de bouteilles en cause et qu'au vu des éléments produits devant elle, la cour évalue le préjudice subi du fait de l'atteinte à la marque « La Mouline » à la somme de 10.000 € que la société Les vins de Roquebrun sera condamnée à payer à la SAS E. Guigal, titulaire de cette marque ; que le préjudice subi par la SAS E. Guigal se trouve suffisamment réparé et qu'elle sera donc déboutée de sa demande de publication judiciaire à titre de mesure réparatrice complémentaire » ;
1°) ALORS QUE selon le premier alinéa de l'article L. 716-14 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction applicable, pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération les conséquences économiques négatives, dont le manque à gagner, subies par la partie lésée, les bénéfices réalisés par l'auteur de l'atteinte aux droits et le préjudice moral causé au titulaire de ces droits du fait de l'atteinte ; que selon le second alinéa de ce texte, la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire qui ne peut être inférieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si l'auteur de l'atteinte avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte ; qu'en affirmant que « le préjudice subi ne résulte pas de la commercialisation régulière au Canada de bouteilles de vin portant l'étiquette « Terrasses de La Mouline » mais de l'atteinte portée en France à la marque verbale française « La Mouline » par l'apposition sur des bouteilles de vins d'étiquettes reproduisant la dénomination « Terrasses de La Mouline » » et en indiquant évaluer, « au vu des éléments produits devant elle », « le préjudice subi du fait de l'atteinte à la marque « La Mouline » à la somme de 10 000 euros », sans préciser sur le fondement de quel alinéa de l'article L. 716-14 du code de la propriété intellectuelle elle a ainsi évalué le montant des dommages-intérêts ni quels chefs de préjudice elle a pris en considération pour retenir un tel montant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 716-14 du code de la propriété intellectuelle ;
2°) ALORS QUE lorsque les actes de contrefaçon consistent en l'apposition de la marque en France sur des produits destinés à être ensuite vendus sur un marché étranger, le titulaire de la marque subit un préjudice économique du fait, à tout le moins, de la perte des redevances que le contrefacteur aurait dû lui verser pour être autorisé à apposer cette marque en France sur les produits litigieux ; qu'en affirmant qu'en ce qui concerne les actes de contrefaçon commis par la société Les vins de Roquebrun en apposant en France la dénomination « Terrasses de La Mouline » sur des bouteilles de vin destinées à l'exportation, « le préjudice subi ne résulte pas de la commercialisation régulière au Canada de bouteilles de vin portant l'étiquette « Terrasses de La Mouline » mais de l'atteinte portée en France à la marque verbale française « La Mouline » par l'apposition sur des bouteilles de vins d'étiquettes reproduisant la dénomination « Terrasses de La Mouline » », sans s'expliquer sur le montant des redevances que la société E. Guigal aurait été en droit d'exiger pour autoriser la société Les vins de Roquebrun à apposer le signe litigieux en France, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 716-14 du code de la propriété intellectuelle.