Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 9 mai 2019, 17-28.767, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 4 octobre 2017), que Mme K... a été engagée par la société Arbor France, devenue la société AFR France, en qualité d'employée élevage et couvoir ; que victime d'un accident du travail, elle a été déclarée inapte à son poste de travail par deux examens des 1er et 16 avril 2014 ; que les parties au contrat de travail ont signé une convention de rupture le 25 avril 2014 ;

Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de dire que la rupture conventionnelle a été régulièrement homologuée par l'autorité administrative et ne peut être remise en cause et, en conséquence de rejeter ses demandes, alors, selon le moyen, qu'est nulle la rupture conventionnelle du contrat de travail conclue en méconnaissance des obligations spécifiques d'ordre public mises à la charge de l'employeur par les articles L. 1226-10 et L. 1226-12 du code du travail au profit du salarié régulièrement déclaré inapte à son emploi à la suite d'un accident du travail ; qu'en jugeant dès lors qu'en l'absence d'invocation d'un vice du consentement et de démonstration d'une fraude de l'employeur, la rupture conventionnelle du contrat de travail était régulière et ne pouvait être remise en cause, quand elle constatait, d'une part, qu'à la suite d'un accident du travail du 4 juillet 2011 Mme N... avait été déclarée définitivement inapte par avis des 1er et 16 avril 2014, d'autre part, que la salariée avait conclu avec l'employeur une rupture conventionnelle du contrat de travail le 25 avril suivant, ce dont il résultait que la rupture du contrat de travail, même d'un commun accord, était nulle pour avoir un objet illicite et contrevenir aux obligations spécifiques d'ordre public mises à la charge de l'employeur par les articles L. 1226-10 et L. 1226-12 du code du travail au profit du salarié régulièrement déclaré inapte à son emploi à la suite d'un accident du travail, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Mais attendu que la cour d'appel a retenu à bon droit que, sauf cas de fraude ou de vice du consentement, non allégué en l'espèce, une convention de rupture pouvait être valablement conclue par un salarié déclaré inapte à son poste à la suite d'un accident du travail ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les deuxième, troisième, quatrième et cinquième branches du moyen annexées, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme K... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf mai deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour Mme K....

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que la rupture conventionnelle a été régulièrement homologuée par l'autorité administrative et ne peut être remise en cause et, en conséquence, d'AVOIR rejeté les demandes de Mme J... N..., de l'AVOIR condamné à payer à la SAS AFR France une indemnité de procédure de 700 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés non compris dans les dépens tant en première instance qu'en cause d'appel et d'AVOIR rejeté le surplus de ses demandes ;

AUX MOTIFS QUE, sur la rupture du contrat de travail : l'appelante soulève la nullité de la rupture conventionnelle au motif qu'elle aurait pour but de contourner les procédures et garanties légales protégeant le salarié ; que s'il est exact que la Cour de Cassation a exclu la possibilité de conclure une rupture amiable en cas d'inaptitude du salarié à la suite d'un accident du travail, en revanche il ne peut être recouru à un raisonnement analogique lorsqu'il s'agit d'une rupture conventionnelle ; que la Cour de Cassation dans un arrêt du 30 septembre 2014 a rejeté un pourvoi en retenant que la cour d'appel a considéré à bon droit que sauf en cas de fraude ou de vice du consentement, une rupture conventionnelle peut être valablement conclue en application de l'article L 1237-11 du code du travail au cours de la période de suspension consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle ; que force est de constater en l'espèce que le vice du consentement n'est pas allégué par l'appelante et que la preuve de la fraude de l'employeur qui aurait accepté une rupture conventionnelle pour faire échec aux droits de la salariée entre les deux examens de reprise du médecin du travail n'est pas établie en l'espèce alors que la salariée a disposé d'un délai de rétractation de 15 jours avant l'homologation par l'inspecteur du travail et qu'aucune critique n'est soulevée sur la régularité de la convention au regard de l'article susvisé ; que les parties disposent en effet d'une totale liberté pour conclure une convention de rupture d'un commun accord que ce soit pendant la période de suspension ou après celle-ci comme c'est le cas en l'espèce puisque l'examen médical de reprise mettait fin à la période de suspension du contrat de travail de la salariée ; que s'agissant de la non remise à la salariée d'un exemplaire de la rupture conventionnelle, la cour relève que celle-ci a été établie en trois exemplaires dont un remis le jour de l'entretien à la salariée qui n'a jamais contesté par la suite avant la saisine du conseil de prud'hommes qu'elle avait reçu un exemplaire de la convention de rupture ; qu'il convient, donc de rejeter le moyen tiré la nullité de la rupture conventionnelle et de réformer le jugement entrepris sur ce point en ce qu'il a admis la fraude de l'employeur laquelle ne peut se présumer et doit être prouvée ; qu'il convient donc de débouter l'appelante de ses prétentions indemnitaires relatives à la rupture conventionnelle du contrat de travail régulièrement homologuée par l'autorité administrative ; que l'équité commande de condamner l'appelante à payer à la société intimée une indemnité de procédure de 700 € au titre des frais non compris dans les dépens exposés tant en première instance qu'en cause d'appel et de la débouter de sa demande sur le même chef dès lors qu'elle supportera les dépens de l'instance ;

1°) ALORS QU'est nulle la rupture conventionnelle du contrat de travail conclue en méconnaissance des obligations spécifiques d'ordre public mises à la charge de l'employeur par les articles L. 1226-10 et L. 1226-12 du code du travail au profit du salarié régulièrement déclaré inapte à son emploi à la suite d'un accident du travail ; qu'en jugeant dès lors qu'en l'absence d'invocation d'un vice du consentement et de démonstration d'une fraude de l'employeur, la rupture conventionnelle du contrat de travail était régulière et ne pouvait être remise en cause, quand elle constatait, d'une part, qu'à la suite d'un accident du travail du 4 juillet 2011 Mme N... avait été déclarée définitivement inapte par avis des 1er et 16 avril 2014, d'autre part, que la salariée avait conclu avec l'employeur une rupture conventionnelle du contrat de travail le 25 avril suivant, ce dont il résultait que la rupture du contrat de travail, même d'un commun accord, était nulle pour avoir un objet illicite et contrevenir aux obligations spécifiques d'ordre public mises à la charge de l'employeur par les articles L. 1226-10 et L. 1226-12 du code du travail au profit du salarié régulièrement déclaré inapte à son emploi à la suite d'un accident du travail, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

2°) ALORS, subsidiairement, QUE, pour statuer comme elle a fait, la cour d'appel a énoncé que « la preuve de la fraude de l'employeur qui aurait accepté une rupture conventionnelle pour faire échec aux droits de la salariée entre les deux examens de reprise du médecin du travail n'est pas établie » ; qu'en se déterminant ainsi, quand elle constatait par ailleurs que Mme N... avait été déclarée définitivement inapte par avis des 1er et 16 avril 2014 et qu'elle avait conclu avec l'employeur une rupture conventionnelle du contrat de travail le 25 avril suivant, soit postérieurement à la seconde visite et à la déclaration d'inaptitude, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'adage fraus omnia corrumpit ;

3°) ALORS QUE pour statuer comme elle a fait, la cour d'appel a énoncé que « la preuve de la fraude de l'employeur qui aurait accepté une rupture conventionnelle pour faire échec aux droits de la salariée entre les deux examens de reprise du médecin du travail n'est pas établie » ; qu'en se déterminant ainsi, quand elle constatait par ailleurs que Mme N... avait été déclarée définitivement inapte par avis des 1er et 16 avril 2014 et qu'elle avait conclu avec l'employeur une rupture conventionnelle du contrat de travail le 25 avril suivant, soit postérieurement à la seconde visite et à la déclaration d'inaptitude, la cour d'appel a entaché sa décision de contradiction de motifs, et violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4°) ALORS, plus subsidiairement, QUE la remise d'un exemplaire de la convention de rupture conventionnelle au salarié est nécessaire pour que chacune des parties puisse demander l'homologation de la convention dans les conditions prévues par l'article L. 1237-14 du code du travail et pour garantir le libre consentement du salarié en lui permettant d'exercer ensuite s'il y a lieu son droit de rétractation en connaissance de cause ; que si cette formalité n'est pas remplie, la convention de rupture est atteinte de nullité ; que, pour débouter Mme N... de sa demande en nullité de la rupture conventionnelle du contrat de travail, la cour d'appel a retenu que « s'agissant de la non remise à la salariée d'un exemplaire de la rupture conventionnelle, la cour relève que celle-ci a été établie en trois exemplaires dont un remis le jour de l'entretien à la salariée qui n'a jamais contesté par la suite avant la saisine du conseil de prud'hommes qu'elle avait reçu un exemplaire de la convention de rupture » ; qu'en statuant ainsi, sans viser ou analyser, même sommairement le ou les éléments de preuve sur lesquels elle fondait son affirmation selon laquelle un exemplaire de la convention de rupture avait été effectivement remis à la Mme N..., la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

5°) ET ALORS, plus subsidiairement, QU'en statuant ainsi, la cour d'appel s'est déterminée par des motifs inopérants tirés de l'absence de contestation par la salariée, antérieurement à la saisine de la juridiction prud'homale, qu'un exemplaire de ladite convention de rupture lui avait été remis, privant de base légale sa décision au regard de l'article L. 1237-14 du code du travail. ECLI:FR:CCASS:2019:SO00703
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