Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 7 mai 2019, 18-82.437, Inédit
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 7 mai 2019, 18-82.437, Inédit
Cour de cassation - Chambre criminelle
- N° de pourvoi : 18-82.437
- ECLI:FR:CCASS:2019:CR00599
- Non publié au bulletin
- Solution : Rejet
Audience publique du mardi 07 mai 2019
Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, du 12 mars 2018- Président
- M. Soulard (président)
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. O... S...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de TOULOUSE, chambre correctionnelle, en date du 12 mars 2018, qui, dans la procédure suivie, sur sa plainte, contre M. V...-L... B... du chef d'injure publique envers un citoyen chargé d'un mandat public, a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 12 mars 2019 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. Barbier, conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Darcheux ;
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire Barbier, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LAGAUCHE ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, 29 et 33 de la loi du 24 juillet 1881, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a débouté M. S... de ses demandes civiles,
"aux motifs propres que : « Force est de constater que les sentiments des personnes entendues dans le cadre de la commission rogatoire divergent, certaines trouvant les propos injurieux, alors que d'autres non ; qu'il est de principe que l'injure doit revêtir une volonté de nuire et de blesser, excédant la liberté d'expression dans une société démocratique, laquelle s'applique aux seules idées favorables comme aux idées qui offensent, choquent ou dérangent ; que le terme chamallow mou et gluant évoque en l'espèce le mécontentement d'un citoyen de la commune envers son maire ; que ces termes peuvent être analysés comme une critique de la politique du maire en ce qu'elle serait immobile, molle, sans changement, et gluante, en ce qu'elle serait empêtrée dans des situations, incapable de se sortir de celles-ci pour prendre les bonnes décisions ; qu'en cela, la comparaison à cette confiserie et dans les termes retenus par la prévention ne saurait s'analyser comme une injure ; que les termes n'ont aucun caractère dégradant à l'égard de M. S..., et s'inscrivent dans un contexte de critique de la politique du maire ; qu'en effet, les termes litigieux repris dans leur ensemble ont bien un contexte politique, puisqu'il s'agit d'un compte rendu du Conseil municipal fait par un membre de l'opposition, peu important qu'ils aient été écrits depuis une adresse professionnelle ; que par ailleurs, les destinataires entendus sont tous en lien avec la commune de La Salvetat Saint Gilles, à même d'identifier une critique de l'action publique de la ville à destination de ses habitants, à la différence de propos tenus hors de tout contexte politique et envers des personnes extérieures à la commune, dans le but simplement de moquer et dénigrer la personne de M. S..., indépendamment de ses fonctions de maire ; qu'en conséquence, les propos tenus l'ont été dans le cadre de la liberté d'expression envers un élu dont la fonction l'expose à la critique dans le cadre du débat démocratique, et ne constituent pas des injures au sens de la loi de la presse ; qu'en conséquence, il conviendra de confirmer les dispositions du jugement et de rejeter les demandes de dommages et intérêts» ;
"et aux motifs supposés adoptés que :« la comparaison induite entre la partie civile et une confiserie, outre l'adjonction des qualificatifs de « mou » et «gluant », relève de la seule plume de M. B..., membre du conseil municipal, dans l'opposition, cette lettre de présentation, annexée au compte rendu du conseil municipal, traduit ainsi l'expression, sur un mode humoristique si ce n'est satirique de ses sentiments, à propos d'une séance dans laquelle est apparue une polémique sur la question d'un centre commercial, ce que nul ne conteste ; que dans ces conditions, ces propos relèvent dès lors de son opinion, dans un cadre politique, laquelle ne dépasse au demeurant pas les limites admissibles de la liberté d'expression, le caractère humoristique étant souligné par les sourires et regards dessinés sur ces confiseries, les faisant ainsi ressembler à des « émoticônes » ;
"1°) alors que constitue une injure, au sens de l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881, toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l'imputation d'aucun fait précis ; que les propos litigieux (« Un conseil à l'image de notre bon maire, qui m'évoque un chamallow ... », « Il est tout mou et gluant... »), associés à l'image d'un chamallow, ne s'analysaient pas en une simple critique de la politique du maire ou de l'action publique de la ville ou d'une séance du conseil municipal, mais visaient la personne du maire et le qualifiaient autant physiquement que moralement ; qu'en leur déniant tout caractère outrageant, la cour a violé ce texte ;
"2°) alors que les discussions, polémiques ou satires politiques cessent là où commencent les attaques personnelles ; que, publiés à froid, en dehors de toute provocation, de tout contexte électoral ou échange particulièrement vif, à l'occasion de la diffusion d'un compte rendu d'une séance du conseil municipal, à partir d'une messagerie professionnelle n'ayant aucune vocation satirique ou humoristique, de tels propos injurieux, même envers un élu, excédaient les limites admissibles de la liberté d'expression ; que la cour a violé l'article 10 de la convention européenne des droits de l'homme ;
"3°) alors que critiquant spécialement la motivation du jugement, M. S... faisait valoir que «
ni M. B... ni le tribunal n'indique ce qui, dans ce compte rendu, prêterait par principe à la dérision et préparerait le terrain d'une injure « admissible » et que « la motion du conseil municipal relative à un projet de centre commercial ne paraît pas, à la lecture de ce procès-verbal, avoir prêté à une polémique, ni suscité un vif débat susceptible de justifier des débordements verbaux » de sorte que « M. B... ne peut revendiquer aucune légitimité particulière lui donnant un droit élargi à traiter de façon dégradante M. S... auprès d'un large public » ; qu'en ne répondant pas à ces écritures, la cour n'a pas légalement justifié sa décision" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué, du jugement qu'il confirme et des pièces de la procédure qu'à la suite de l'envoi par M. B..., depuis sa messagerie professionnelle, le 24 juin 2015, au lendemain d'une réunion du conseil municipal de la commune de La Salvetat Saint Gilles, d'un courrier électronique comportant les phrases "Un conseil à l'image de notre bon maire, qui m'évoque un Chamallow..." et "Il est tout mou et gluant...", ainsi qu'une photographie représentant six confiseries à la guimauve, M. S..., maire de ladite commune, a porté plainte et s'est constitué partie civile du chef d'injure publique envers un citoyen chargé d'un mandat public ; que renvoyé devant le tribunal correctionnel de ce chef, M. B..., membre de l'opposition au sein du conseil municipal, a été relaxé ; que la partie civile, déboutée de ses demandes, a relevé appel de ce jugement ;
Attendu que pour confirmer le jugement en ses dispositions civiles, l'arrêt relève que les termes chamallow mou et gluant peuvent être analysés comme une critique de la politique du maire en ce qu'elle serait immobile, molle, sans changement, et gluante, en ce qu'elle serait empêtrée dans des situations, incapable de se sortir de celles-ci pour prendre les bonnes décisions, en sorte que la comparaison ainsi faite, dans les termes retenus par la prévention, ne saurait s'analyser comme une injure ; que les juges ajoutent notamment que les termes litigieux n'ont aucun caractère dégradant à l'égard de la partie civile, et s'inscrivent dans un contexte de critique de la politique du maire, peu important qu'ils aient été écrits depuis une adresse professionnelle ; qu'ainsi, les propos tenus sont couverts par la liberté d'expression envers un élu dont la fonction l'expose à la critique dans le cadre du débat démocratique, et ne constituent pas des injures au sens de la loi de la presse ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, et dès lors que les propos et illustration poursuivis, pour désagréables qu'ils fussent pour la personne concernée, ne constituaient pas une injure au sens de l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne peut être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le sept mai deux mille dix-neuf ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.ECLI:FR:CCASS:2019:CR00599
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. O... S...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de TOULOUSE, chambre correctionnelle, en date du 12 mars 2018, qui, dans la procédure suivie, sur sa plainte, contre M. V...-L... B... du chef d'injure publique envers un citoyen chargé d'un mandat public, a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 12 mars 2019 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. Barbier, conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Darcheux ;
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire Barbier, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LAGAUCHE ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, 29 et 33 de la loi du 24 juillet 1881, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a débouté M. S... de ses demandes civiles,
"aux motifs propres que : « Force est de constater que les sentiments des personnes entendues dans le cadre de la commission rogatoire divergent, certaines trouvant les propos injurieux, alors que d'autres non ; qu'il est de principe que l'injure doit revêtir une volonté de nuire et de blesser, excédant la liberté d'expression dans une société démocratique, laquelle s'applique aux seules idées favorables comme aux idées qui offensent, choquent ou dérangent ; que le terme chamallow mou et gluant évoque en l'espèce le mécontentement d'un citoyen de la commune envers son maire ; que ces termes peuvent être analysés comme une critique de la politique du maire en ce qu'elle serait immobile, molle, sans changement, et gluante, en ce qu'elle serait empêtrée dans des situations, incapable de se sortir de celles-ci pour prendre les bonnes décisions ; qu'en cela, la comparaison à cette confiserie et dans les termes retenus par la prévention ne saurait s'analyser comme une injure ; que les termes n'ont aucun caractère dégradant à l'égard de M. S..., et s'inscrivent dans un contexte de critique de la politique du maire ; qu'en effet, les termes litigieux repris dans leur ensemble ont bien un contexte politique, puisqu'il s'agit d'un compte rendu du Conseil municipal fait par un membre de l'opposition, peu important qu'ils aient été écrits depuis une adresse professionnelle ; que par ailleurs, les destinataires entendus sont tous en lien avec la commune de La Salvetat Saint Gilles, à même d'identifier une critique de l'action publique de la ville à destination de ses habitants, à la différence de propos tenus hors de tout contexte politique et envers des personnes extérieures à la commune, dans le but simplement de moquer et dénigrer la personne de M. S..., indépendamment de ses fonctions de maire ; qu'en conséquence, les propos tenus l'ont été dans le cadre de la liberté d'expression envers un élu dont la fonction l'expose à la critique dans le cadre du débat démocratique, et ne constituent pas des injures au sens de la loi de la presse ; qu'en conséquence, il conviendra de confirmer les dispositions du jugement et de rejeter les demandes de dommages et intérêts» ;
"et aux motifs supposés adoptés que :« la comparaison induite entre la partie civile et une confiserie, outre l'adjonction des qualificatifs de « mou » et «gluant », relève de la seule plume de M. B..., membre du conseil municipal, dans l'opposition, cette lettre de présentation, annexée au compte rendu du conseil municipal, traduit ainsi l'expression, sur un mode humoristique si ce n'est satirique de ses sentiments, à propos d'une séance dans laquelle est apparue une polémique sur la question d'un centre commercial, ce que nul ne conteste ; que dans ces conditions, ces propos relèvent dès lors de son opinion, dans un cadre politique, laquelle ne dépasse au demeurant pas les limites admissibles de la liberté d'expression, le caractère humoristique étant souligné par les sourires et regards dessinés sur ces confiseries, les faisant ainsi ressembler à des « émoticônes » ;
"1°) alors que constitue une injure, au sens de l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881, toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l'imputation d'aucun fait précis ; que les propos litigieux (« Un conseil à l'image de notre bon maire, qui m'évoque un chamallow ... », « Il est tout mou et gluant... »), associés à l'image d'un chamallow, ne s'analysaient pas en une simple critique de la politique du maire ou de l'action publique de la ville ou d'une séance du conseil municipal, mais visaient la personne du maire et le qualifiaient autant physiquement que moralement ; qu'en leur déniant tout caractère outrageant, la cour a violé ce texte ;
"2°) alors que les discussions, polémiques ou satires politiques cessent là où commencent les attaques personnelles ; que, publiés à froid, en dehors de toute provocation, de tout contexte électoral ou échange particulièrement vif, à l'occasion de la diffusion d'un compte rendu d'une séance du conseil municipal, à partir d'une messagerie professionnelle n'ayant aucune vocation satirique ou humoristique, de tels propos injurieux, même envers un élu, excédaient les limites admissibles de la liberté d'expression ; que la cour a violé l'article 10 de la convention européenne des droits de l'homme ;
"3°) alors que critiquant spécialement la motivation du jugement, M. S... faisait valoir que «
ni M. B... ni le tribunal n'indique ce qui, dans ce compte rendu, prêterait par principe à la dérision et préparerait le terrain d'une injure « admissible » et que « la motion du conseil municipal relative à un projet de centre commercial ne paraît pas, à la lecture de ce procès-verbal, avoir prêté à une polémique, ni suscité un vif débat susceptible de justifier des débordements verbaux » de sorte que « M. B... ne peut revendiquer aucune légitimité particulière lui donnant un droit élargi à traiter de façon dégradante M. S... auprès d'un large public » ; qu'en ne répondant pas à ces écritures, la cour n'a pas légalement justifié sa décision" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué, du jugement qu'il confirme et des pièces de la procédure qu'à la suite de l'envoi par M. B..., depuis sa messagerie professionnelle, le 24 juin 2015, au lendemain d'une réunion du conseil municipal de la commune de La Salvetat Saint Gilles, d'un courrier électronique comportant les phrases "Un conseil à l'image de notre bon maire, qui m'évoque un Chamallow..." et "Il est tout mou et gluant...", ainsi qu'une photographie représentant six confiseries à la guimauve, M. S..., maire de ladite commune, a porté plainte et s'est constitué partie civile du chef d'injure publique envers un citoyen chargé d'un mandat public ; que renvoyé devant le tribunal correctionnel de ce chef, M. B..., membre de l'opposition au sein du conseil municipal, a été relaxé ; que la partie civile, déboutée de ses demandes, a relevé appel de ce jugement ;
Attendu que pour confirmer le jugement en ses dispositions civiles, l'arrêt relève que les termes chamallow mou et gluant peuvent être analysés comme une critique de la politique du maire en ce qu'elle serait immobile, molle, sans changement, et gluante, en ce qu'elle serait empêtrée dans des situations, incapable de se sortir de celles-ci pour prendre les bonnes décisions, en sorte que la comparaison ainsi faite, dans les termes retenus par la prévention, ne saurait s'analyser comme une injure ; que les juges ajoutent notamment que les termes litigieux n'ont aucun caractère dégradant à l'égard de la partie civile, et s'inscrivent dans un contexte de critique de la politique du maire, peu important qu'ils aient été écrits depuis une adresse professionnelle ; qu'ainsi, les propos tenus sont couverts par la liberté d'expression envers un élu dont la fonction l'expose à la critique dans le cadre du débat démocratique, et ne constituent pas des injures au sens de la loi de la presse ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, et dès lors que les propos et illustration poursuivis, pour désagréables qu'ils fussent pour la personne concernée, ne constituaient pas une injure au sens de l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne peut être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le sept mai deux mille dix-neuf ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.