Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 17 avril 2019, 18-22.948, Publié au bulletin
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 17 avril 2019, 18-22.948, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre sociale
- N° de pourvoi : 18-22.948
- ECLI:FR:CCASS:2019:SO00680
- Publié au bulletin
- Solution : Rejet
Audience publique du mercredi 17 avril 2019
Décision attaquée : Tribunal d'instance de Lyon, du 07 septembre 2018- Président
- M. Cathala
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu les mémoires des parties ou de leurs mandataires reçus au greffe de la Cour de cassation ;
Faits et procédure
1- Selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Lyon, 7 septembre 2018), la société Omnitrans (la société) a invité les organisations syndicales, le 2 janvier 2018, à la négociation du protocole d'accord préélectoral pour l'élection de la délégation du personnel au comité social et économique (le CSE). Les organisations syndicales CGT-transports, CFDT route et FNCR ont réclamé, par courrier du 22 janvier suivant, l'engagement préalable d'une négociation sur le périmètre de mise en place des CSE. En l'absence d'accord préélectoral, l'employeur a saisi le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (le direccte) afin qu'il décide de la répartition des électeurs et des sièges au sein des collèges électoraux dans le cadre d'un CSE unique. Le direccte a rendu sa décision de répartition le 30 mars 2018, et les élections ont été organisées sur cette base les 27 avril 2018 et 18 mai 2018.
2- Entre temps les organisations syndicales avaient saisi l'autorité administrative, le 7 avril 2018, d'une contestation de la décision unilatérale de l'employeur de mettre en place un CSE unique, demandant à ce que soit reconnue l'existence de six établissements distincts au sein de l'entreprise. Par décision du 29 mai 2018, le direccte a dit qu'en l'absence de négociations sur le nombre et le périmètre des établissements distincts composant la société, la demande des organisations syndicales devait être rejetée mais que l'employeur devait ouvrir des négociations conformément aux dispositions de l'article L. 2313-2 du code du travail. L'employeur a contesté cette décision devant le tribunal d'instance.
Examen du moyen
3- L'employeur fait grief au jugement, après avoir déclaré le recours de la société contre la décision prise le 29 mai 2018 par le direccte recevable, ce qui a pour effet d'annuler cette décision et de saisir le juge d'instance de l'entier litige, de rejeter la demande principale de la société tendant à voir annuler la décision du direccte en date du 29 mai 2018 comme étant sans objet du fait de la recevabilité de son recours et de dire que la société est tenue d'engager des négociations sincères et loyales concernant le nombre et le périmètre des établissements distincts afin de permettre aux parties d'envisager l'élection de CSE d'établissements en application de l'article L. 2313-2 du code du travail et de dire qu'en l'absence de telles négociations préalables, les décisions unilatérales qui auraient été prises par l'employeur en la matière n'ont fait courir aucun délai pour solliciter l'arbitrage du direccte qui serait opposable aux organisations syndicales, alors, selon le moyen :
1°/ que lorsqu'aucune demande d'annulation des élections des membres de la délégation du personnel du CSE n'a été formée dans le délai de forclusion de quinze jours prévu par l'article R. 2314-24 du code du travail, les élections sont purgées de tout vice ; d'où il suit qu'en jugeant que la société Omnitrans était tenue d'engager des négociations sincères et loyales concernant le nombre et le périmètre des établissements distincts afin de permettre aux parties d'envisager l'élection de CSE d'établissements en application de l'article L. 2313-2 du code du travail, sans rechercher si l'absence de contestation des élections des membres de la délégation du personnel du CSE, invoquée par l'employeur, n'avait pas eu pour effet de les purger de tout vice, de sorte que l'engagement de nouvelles négociations relatives au découpage de l'entreprise était dépourvu d'effet juridique, s'agissant d'un acte préparatoire à la mise en place du comité social et économique, le tribunal d'instance a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles L. 2314-32, R. 2314-23 et R. 2314-24 du code du travail ;
2°/ qu'en l'absence d'accord conclu dans les conditions mentionnées aux articles L. 2313-2 et L. 2313-3, l'employeur fixe le nombre et le périmètre des établissements distincts, compte tenu de l'autonomie de gestion du responsable de l'établissement, notamment en matière de gestion du personnel ; qu'en jugeant, pour dire que la société Omnitrans était tenue d'engager des négociations sincères et loyales concernant le nombre et le périmètre des établissements distincts afin de permettre aux parties d'envisager l'élection de CSE d'établissements en application de l'article L. 2313-2 du code du travail, que « seul le refus d'entrée en négociation de la partie salariée, le désaccord manifeste ou l'absence de signature d'un accord à l'issue du délai de négociation formalisé ab initio autorise à adopter une décision unilatérale », le tribunal d'instance, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas, a violé l'article L. 2313-4 du code du travail ;
3°/ que lorsqu'il prend une décision sur la détermination du nombre et du périmètre des établissements distincts en application de l'article L. 2313-4, l'employeur la porte à la connaissance de chaque organisation syndicale représentative dans l'entreprise et de chaque organisation syndicale ayant constitué une section syndicale dans l'entreprise, par tout moyen permettant de conférer date certaine à cette information ; que ces dernières peuvent dans le délai de quinze jours à compter de la date à laquelle elles en ont été informées, contester la décision de l'employeur devant le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi ; qu'en l'espèce, la décision unilatérale de l'employeur sur le périmètre des établissements de la société Omnitrans, notifiée à chaque organisation syndicale par courrier recommandé avec accusé de réception du 22 janvier 2018, n'a pas fait l'objet de contestation devant le DIRECCTE ; qu'en jugeant cependant qu'en l'absence de négociation préalable sincère et loyale, la décision unilatérale prise par l'employeur en la matière n'a fait courir aucun délai pour solliciter l'arbitrage du DIRECCTE qui serait opposable aux organisations syndicales, le tribunal d'instance a violé l'article R. 2313-1 du code du travail ;
Réponse au moyen
4- L'article L. 2313-2 du code du travail prévoit qu'un accord d'entreprise détermine le nombre et le périmètre des établissements distincts pour la mise en place des CSE. Selon l'article L. 2313-4 du même code, en l'absence d'accord, le nombre et le périmètre de ces établissements sont fixés par décision de l'employeur. Il résulte de ces dispositions que ce n'est que lorsque, à l'issue d'une tentative loyale de négociation, un accord collectif n'a pu être conclu que l'employeur peut fixer par décision unilatérale le nombre et le périmètre des établissements distincts.
5- En l'espèce, le tribunal d'instance a constaté qu'aucune négociation n'avait été engagée par l'employeur, qui avait décidé seul de l'existence d'un établissement unique au sein de l'entreprise. Il a également relevé que cette décision de l'employeur n'avait pas été notifiée en tant que telle aux organisations syndicales, celles-ci ayant seulement été destinataires d'une information sur les conditions de déroulement des opérations électorales.
6- S'agissant de la notification de la décision prise par l'employeur en matière de fixation du nombre et du périmètre des établissements distincts, il s'agit d'une information, spécifique et préalable à l'organisation des élections professionnelles au sein des établissements distincts ainsi définis, qui fait courir le délai de recours devant l'autorité administrative conformément à l'article R. 2313-1 du code du travail. En l'absence d'information préalable régulière, le délai de contestation n'a pu courir. C'est dès lors à bon droit que le tribunal d'instance a dit la saisine du direccte recevable.
7- Ayant constaté l'absence de toute tentative de négociation, le tribunal d'instance a retenu exactement que la décision unilatérale de l'employeur devait être annulée, sans que le direccte n'ait à se prononcer sur le nombre et le périmètre des établissements distincts tant que des négociations n'auraient pas été préalablement engagées, et qu'il a fait injonction à l'employeur d'ouvrir ces négociations.
8- Le fait que les élections professionnelles, sur la base du périmètre du CSE unique décidé par l'employeur, aient eu lieu les 27 avril et 18 mai 2018 sans être contestées ne saurait avoir les conséquences proposées par la première branche du moyen. Certes, la Cour décide que le jugement du tribunal d'instance statuant sur une contestation préélectorale perd son fondement juridique lorsque les élections professionnelles ont eu lieu et n'ont pas été contestées, étant alors purgées de tout vice (Soc., 4 juillet 2018, pourvoi n° 17-21.100). Mais il convient de relever, d'une part, que la détermination du nombre et du périmètre des établissements distincts ne relève pas du contentieux préélectoral en ce que le processus peut être mis en oeuvre et contesté en dehors de l'organisation d'une élection considérée. En effet, l'article L. 2313-2 du code du travail dispose désormais que le nombre et le périmètre des établissements distincts est déterminé par un accord collectif conclu dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article L. 2232-12 du même code, c'est-à-dire selon les conditions de conclusion d'un accord collectif de droit commun. Il convient de relever, d'autre part, que l'article L. 2313-5 du code du travail dispose qu'en cas de litige portant sur la décision de l'employeur prévue à l'article L. 2313-4, le nombre et le périmètre des établissements distincts sont fixés par l'autorité administrative du siège de l'entreprise dans des conditions prévues par décret en Conseil d'Etat et que, lorsqu'elle intervient dans le cadre d'un processus électoral global, la saisine de l'autorité administrative suspend ce processus jusqu'à la décision administrative et entraîne la prorogation des mandats des élus en cours jusqu'à la proclamation des résultats du scrutin.
9- Il en résulte que les élections organisées par l'employeur en dépit de la suspension légale du processus électoral et de la prorogation légale des mandats des élus en cours peuvent faire l'objet d'une demande d'annulation de la part des organisations syndicales ayant saisi le dirrecte d'une demande de détermination des établissements distincts, dans le délai de l'article R. 2314-24 du code du travail de contestation des élections courant à compter de la décision du direccte procédant à la détermination du nombre et du périmètre des établissements distincts.
10. C'est dès lors à bon droit que le tribunal d'instance, qui a constaté que les organisations syndicales avaient saisi le 7 avril 2018 le direccte d'une demande de fixation des établissements distincts, a dit que la société est tenue d'engager des négociations sincères et loyales concernant le nombre et le périmètre de ces établissements afin de permettre aux parties d'envisager l'élection de CSE d'établissements en application de l'article L. 2313-2 du code du travail et dit qu'en l'absence de telles négociations préalables, les décisions unilatérales qui auraient été prises par l'employeur en la matière n'ont fait courir aucun délai pour solliciter l'arbitrage du direccte qui serait opposable aux organisations syndicales.
11. Le moyen n'est donc fondé en aucune de ses branches.
PAR CES MOTIFS, LA COUR :
REJETTE le pourvoi ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Omnitrans à payer la somme de 3 000 euros à la Fédération générale des transports et de l'environnement (FGTE CFDT), la somme de 1 000 euros à l'Union départementale CGT et la somme globale de 1 000 euros au syndicat autonome des chauffeurs routiers et à la Fédération nationale des chauffeurs routiers Union du Sud-Est.
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept avril deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, avocat aux Conseils, pour la société Omnitrans.
IL EST FAIT GRIEF au jugement attaqué, après avoir déclaré le recours de la société Omnitrans contre la décision prise le 29 mai 2018 par le DIRECCTE de la région Auvergne Rhône-Alpes recevable, ce qui a pour effet d'annuler cette décision et de saisir le juge d'instance de l'entier litige, d'avoir rejeté la demande principale de la société Omnitrans tendant à voir annuler la décision du DIRECCTE en date du 29 mai 2018 comme étant sans objet du fait de la recevabilité de son recours et d'avoir dit que la société Omnitrans est tenue d'engager des négociations sincères et loyales concernant le nombre et le périmètre des établissements distincts afin de permettre aux parties d'envisager l'élection de CSE d'établissements en application de l'article L. 2313-2 du code du travail et dit qu'en l'absence de telles négociations préalables, les décisions unilatérales qui auraient été prises par l'employeur en la matière n'ont fait courir aucun délai pour solliciter l'arbitrage du DIRECCTE qui serait opposable aux organisations syndicales ;
AUX MOTIFS QUE Sur la demande d'annulation de la décision du DIRECCTE le recours contre les décisions du DIRECCTE de la compétence du juge d'instance instauré par la loi ne remet pas en cause la séparation des autorités judiciaires et administratives résultant de la loi des 16 et 24 août 1790 de sorte qu'en l'absence de disposition légale expresse conférant au juge judiciaire le contrôle de la légalité de ces décisions émanant d'une administration, ce juge ne saurait, ni les valider, ni les annuler ; qu'en revanche, la recevabilité de l'exercice d'un tel recours emporte annulation de la décision administrative et dévolution au juge judiciaire de l'entier litige ; que le recours engagé par la société Omnitrans ayant été déclaré recevable, sa demande d'annulation de la décision du DIRECCTE en date du 29 mai 2018 sera rejetée comme étant sans objet ; que Sur l'existence d'une obligation pour l'employeur d'engager des négociations en vue de déterminer le nombre et le périmètre des éventuels établissements distincts en l'état des demandes des parties, le litige ne porte pas sur la détermination par le tribunal du nombre et du périmètre des éventuels établissements distincts qui composaient la société Omnitrans mais sur l'existence ou non d'une obligation pour l'employeur d'engager des négociations en vue de cette détermination ; que cela étant précisé, il sera rappelé que les articles L. 2313-1 à L. 2313-5 du code du travail, dans leur rédaction applicable en janvier 2018, énonçaient : - Art. L. 2313-1 : Un comité social et économique est mis en place au niveau de l'entreprise. Des comités sociaux et économiques d'établissement et un comité social et économique central d'entreprise sont constitués dans les entreprises d'au moins cinquante salariés comportant au moins deux établissements distincts ; - Art. L. 2313-2 : Un accord d'entreprise, conclu dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article L. 2232-12, détermine le nombre et le périmètre des établissements distincts ; - Art. L. 2313-3 : En l'absence d'accord conclu dans les conditions mentionnées à l'article L. 2313-2 et en l'absence de délégué syndical, un accord entre l'employeur et le comité social et économique, adopté à la majorité des membres titulaires élus de la délégation du personnel du comité, peut déterminer le nombre et le périmètre des établissements distincts ; - Art. L. 2313-4 : En l'absence d'accord conclu dans les conditions mentionnées aux articles L. 2313-2 et L. 2313-3, l'employeur fixe le nombre et le périmètre des établissements distincts, compte tenu de l'autonomie de gestion du responsable de l'établissement, notamment en matière de gestion du personnel ; - Art. L. 2313-5 : En cas de litige portant sur la décision de l'employeur prévue à l'article L. 2313-4, le nombre et le périmètre des établissements distincts sont fixés par l'autorité administrative du siège de l'entreprise dans des conditions prévues par décret en Conseil d'Etat. Lorsqu'elle intervient dans le cadre d'un processus électoral global, la saisine de l'autorité administrative suspend ce processus jusqu'à la décision administrative et entraine la prorogation des mandats des élus en cours jusqu'à la proclamation des résultats du scrutin. La décision de l'autorité administrative peut faire l'objet d'un recours devant le juge judiciaire, à l'exclusion de tout autre recours administratif ou contentieux ; que l'expression « en l'absence d'accord » figurant aux articles L. 2313-3 et L. 2313-4 précités est ambigüe en ce qu'elle peut signifier, soit le constat d'une absence de norme conventionnelle concernant le nombre et le périmètre des établissements distincts existant au sein de l'entreprise, soit l'échec de négociations préalables à ce sujet ; que dans cette dernière acception, cette expression emporterait alors une subsidiarité de la décision de l'employeur par rapport à la voie concertée qui serait privilégiée en premier lieu et constituerait un préalable obligatoire ; que pour départager ces deux analyses, il sera rappelé que le législateur prévoyait jusqu'à présent la compétence de l'administration pour statuer sur les établissements distincts « à défaut d'accord » entre l'employeur et les organisations syndicales intéressées (confère les anciens articles L. 2314-31 et L. 2322-5), le Conseil d'Etat en ayant déduit que la compétence de l'administration n'était que subsidiaire aux négociations qui devaient donc nécessairement être au sein de l'entreprise pour que l'administration puisse être valablement saisie (CE 12 février 2003, n°252277) ; que si l'expression « en l'absence d'accord » peut paraitre plus neutre et renvoyer au seul constat de l'inexistence d'un accord, il sera néanmoins relevé qu'il résulte de l'article R. 2313-1 que la décision de l'employeur ne peut être que postérieure à l'engagement de négociations avec les organisations syndicales représentatives ou avec le comité social et économique selon le cas, que l'employeur avise in fine de sa décision puisque cet article énonce : « Lorsqu'il prend une décision sur la détermination du nombre et du périmètre des établissements distincts en application de l'article L. 2313-4, l'employeur la porte à la connaissance de chaque organisation syndicale représentative dans l'entreprise et de chaque organisation syndicale ayant constitué une section syndicale dans l'entreprise, par tout moyen permettant de conférer date certaine à cette information. Lorsque les négociations se sont déroulées conformément à l'article L. 2313-3, l'employeur réunit le comité afin de l'informer de sa décision ¿ » ; qu'en l'état de ces éléments, il sera jugé que seul le refus d'entrée en négociation de la partie salariée, le désaccord manifeste ou l'absence de signature d'un accord à l'issue du délai de négociation formalisé ab initio autorise à adopter une décision unilatérale ; que c'est au demeurant la position de la Direction générale du travail telle qu'elle résulte de la question-réponse numéro 24 dans sa publication intitulée « Comité social et Economique 100 questions-réponses » ; que la question réponse 21 invoquée par la société Omnitrans traite en réalité de la définition des établissements distincts, alors que la question-réponse 24 quant à elle bel et bien du caractère obligatoire de la négociation en présence d'un délégué syndical dans l'entreprise ; qu'ainsi, la société Omnitrans n'était pas fondée à refuser, les 19 janvier 2018 et 1er février 2018, de négocier le nombre et le périmètre des établissements distincts dans le cadre du processus électoral engagé ; que son argumentation contestant l'existence d'une obligation de négocier le nombre et le périmètre des établissements distincts en amont du processus électoral sera rejetée comme n'étant pas fondée ; qu'à titre subsidiaire, l'employeur fait valoir que la négociation a eu lieu et que, prenant acte de son échec, il a notifié aux organisations syndicales sa décision unilatérale concernant l'absence d'établissements distincts par courrier du 22 février 2018 ; qu'or, à supposer que ce courrier vaille décision unilatérale au sens de l'article L. 2313-4, cette décision, à défaut de négociation préalable sincère et loyale, n'est pas valablement intervenue de sorte qu'elle n'a fait courir aucun délai de recours qui serait opposable aux organisations syndicales ; qu'à titre encore plus subsidiaire, la société Omnitrans fait valoir que l'obligation de négocier ne peut exister qu'en présence d'établissements distincts, ce qui ne serait pas le cas de sa structure en l'absence d'autonomie de gestion des responsables d'agences ; qu'or, il résulte de ce qui précède qu'il appartenait à l'employeur d'engager des négociations sur ce point, négociations dans le cadre desquelles il lui aurait été loisible, non pas de présenter ses arguments auprès des organisations syndicales, mais de les discuter ; qu'en tout état de cause, ces négociations auraient permis aux partenaires sociaux d'apprécier la portée et l'actualité de l'avis de l'inspection du travail remontant à 2013 ; qu'enfin, l'employeur tire argument de l'absence de toute décision unilatérale de sa part dont se prévalent les organisations syndicales pour en conclure en l'irrecevabilité de leur demande d'arbitrage par le DIRECCTE puisqu'une telle demande d'arbitrage ne peut intervenir que dans un délai de 15 jours à compter de la décision unilatérale de l'employeur ; qu'or, si un tel délai n'a effectivement pas couru, la société Omnitrans n'est pas fondée à s'en prévaloir, sauf à l'autoriser à paralyser le processus décisionnel devant aboutir, le cas échéant via l'arbitrage du DIRECCTE, à déterminer le nombre et le périmètre des établissements distincts ; qu'ainsi, les argumentations présentées subsidiairement par la société Omnitrans seront également écartées comme n'étant pas fondées et il sera jugé, à l'instar de la décision du 29 mai 2018 prise par le DIRECCTE de la Région Auvergne Rhône Alpes, que la société Omnitrans est tenue d'engager des négociations sincères et loyales concernant le nombre et le périmètre des établissements distincts afin de permettre aux parties d'envisager l'élection de CSE d'établissements ;
1°) ALORS QUE lorsqu'aucune demande d'annulation des élections des membres de la délégation du personnel du CSE n'a été formée dans le délai de forclusion de quinze jours prévu par l'article R. 2314-24 du code du travail, les élections sont purgées de tout vice ; d'où il suit qu'en jugeant que la société Omnitrans était tenue d'engager des négociations sincères et loyales concernant le nombre et le périmètre des établissements distincts afin de permettre aux parties d'envisager l'élection de CSE d'établissements en application de l'article L. 2313-2 du code du travail, sans rechercher si l'absence de contestation des élections des membres de la délégation du personnel du CSE, invoquée par l'employeur, n'avait pas eu pour effet de les purger de tout vice, de sorte que l'engagement de nouvelles négociations relatives au découpage de l'entreprise était dépourvu d'effet juridique, s'agissant d'un acte préparatoire à la mise en place du comité social et économique, le tribunal d'instance a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles L. 2314-32, R. 2314-23 et R. 2314-24 du code du travail ;
2°) ALORS QU'en l'absence d'accord conclu dans les conditions mentionnées aux articles L. 2313-2 et L. 2313-3, l'employeur fixe le nombre et le périmètre des établissements distincts, compte tenu de l'autonomie de gestion du responsable de l'établissement, notamment en matière de gestion du personnel ; qu'en jugeant, pour dire que la société Omnitrans était tenue d'engager des négociations sincères et loyales concernant le nombre et le périmètre des établissements distincts afin de permettre aux parties d'envisager l'élection de CSE d'établissements en application de l'article L. 2313-2 du code du travail, que « seul le refus d'entrée en négociation de la partie salariée, le désaccord manifeste ou l'absence de signature d'un accord à l'issue du délai de négociation formalisé ab initio autorise à adopter une décision unilatérale », le tribunal d'instance, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas, a violé l'article L. 2313-4 du code du travail ;
3°) ALORS QUE lorsqu'il prend une décision sur la détermination du nombre et du périmètre des établissements distincts en application de l'article L. 2313-4, l'employeur la porte à la connaissance de chaque organisation syndicale représentative dans l'entreprise et de chaque organisation syndicale ayant constitué une section syndicale dans l'entreprise, par tout moyen permettant de conférer date certaine à cette information ; que ces dernières peuvent dans le délai de quinze jours à compter de la date à laquelle elles en ont été informées, contester la décision de l'employeur devant le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi ; qu'en l'espèce, la décision unilatérale de l'employeur sur le périmètre des établissements de la société Omnitrans, notifiée à chaque organisation syndicale par courrier recommandé avec accusé de réception du 22 janvier 2018, n'a pas fait l'objet de contestation devant le DIRECCTE ; qu'en jugeant cependant qu'en l'absence de négociation préalable sincère et loyale, la décision unilatérale prise par l'employeur en la matière n'a fait courir aucun délai pour solliciter l'arbitrage du DIRECCTE qui serait opposable aux organisations syndicales, le tribunal d'instance a violé l'article R. 2313-1 du code du travail.ECLI:FR:CCASS:2019:SO00680
Vu les mémoires des parties ou de leurs mandataires reçus au greffe de la Cour de cassation ;
Faits et procédure
1- Selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Lyon, 7 septembre 2018), la société Omnitrans (la société) a invité les organisations syndicales, le 2 janvier 2018, à la négociation du protocole d'accord préélectoral pour l'élection de la délégation du personnel au comité social et économique (le CSE). Les organisations syndicales CGT-transports, CFDT route et FNCR ont réclamé, par courrier du 22 janvier suivant, l'engagement préalable d'une négociation sur le périmètre de mise en place des CSE. En l'absence d'accord préélectoral, l'employeur a saisi le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (le direccte) afin qu'il décide de la répartition des électeurs et des sièges au sein des collèges électoraux dans le cadre d'un CSE unique. Le direccte a rendu sa décision de répartition le 30 mars 2018, et les élections ont été organisées sur cette base les 27 avril 2018 et 18 mai 2018.
2- Entre temps les organisations syndicales avaient saisi l'autorité administrative, le 7 avril 2018, d'une contestation de la décision unilatérale de l'employeur de mettre en place un CSE unique, demandant à ce que soit reconnue l'existence de six établissements distincts au sein de l'entreprise. Par décision du 29 mai 2018, le direccte a dit qu'en l'absence de négociations sur le nombre et le périmètre des établissements distincts composant la société, la demande des organisations syndicales devait être rejetée mais que l'employeur devait ouvrir des négociations conformément aux dispositions de l'article L. 2313-2 du code du travail. L'employeur a contesté cette décision devant le tribunal d'instance.
Examen du moyen
3- L'employeur fait grief au jugement, après avoir déclaré le recours de la société contre la décision prise le 29 mai 2018 par le direccte recevable, ce qui a pour effet d'annuler cette décision et de saisir le juge d'instance de l'entier litige, de rejeter la demande principale de la société tendant à voir annuler la décision du direccte en date du 29 mai 2018 comme étant sans objet du fait de la recevabilité de son recours et de dire que la société est tenue d'engager des négociations sincères et loyales concernant le nombre et le périmètre des établissements distincts afin de permettre aux parties d'envisager l'élection de CSE d'établissements en application de l'article L. 2313-2 du code du travail et de dire qu'en l'absence de telles négociations préalables, les décisions unilatérales qui auraient été prises par l'employeur en la matière n'ont fait courir aucun délai pour solliciter l'arbitrage du direccte qui serait opposable aux organisations syndicales, alors, selon le moyen :
1°/ que lorsqu'aucune demande d'annulation des élections des membres de la délégation du personnel du CSE n'a été formée dans le délai de forclusion de quinze jours prévu par l'article R. 2314-24 du code du travail, les élections sont purgées de tout vice ; d'où il suit qu'en jugeant que la société Omnitrans était tenue d'engager des négociations sincères et loyales concernant le nombre et le périmètre des établissements distincts afin de permettre aux parties d'envisager l'élection de CSE d'établissements en application de l'article L. 2313-2 du code du travail, sans rechercher si l'absence de contestation des élections des membres de la délégation du personnel du CSE, invoquée par l'employeur, n'avait pas eu pour effet de les purger de tout vice, de sorte que l'engagement de nouvelles négociations relatives au découpage de l'entreprise était dépourvu d'effet juridique, s'agissant d'un acte préparatoire à la mise en place du comité social et économique, le tribunal d'instance a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles L. 2314-32, R. 2314-23 et R. 2314-24 du code du travail ;
2°/ qu'en l'absence d'accord conclu dans les conditions mentionnées aux articles L. 2313-2 et L. 2313-3, l'employeur fixe le nombre et le périmètre des établissements distincts, compte tenu de l'autonomie de gestion du responsable de l'établissement, notamment en matière de gestion du personnel ; qu'en jugeant, pour dire que la société Omnitrans était tenue d'engager des négociations sincères et loyales concernant le nombre et le périmètre des établissements distincts afin de permettre aux parties d'envisager l'élection de CSE d'établissements en application de l'article L. 2313-2 du code du travail, que « seul le refus d'entrée en négociation de la partie salariée, le désaccord manifeste ou l'absence de signature d'un accord à l'issue du délai de négociation formalisé ab initio autorise à adopter une décision unilatérale », le tribunal d'instance, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas, a violé l'article L. 2313-4 du code du travail ;
3°/ que lorsqu'il prend une décision sur la détermination du nombre et du périmètre des établissements distincts en application de l'article L. 2313-4, l'employeur la porte à la connaissance de chaque organisation syndicale représentative dans l'entreprise et de chaque organisation syndicale ayant constitué une section syndicale dans l'entreprise, par tout moyen permettant de conférer date certaine à cette information ; que ces dernières peuvent dans le délai de quinze jours à compter de la date à laquelle elles en ont été informées, contester la décision de l'employeur devant le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi ; qu'en l'espèce, la décision unilatérale de l'employeur sur le périmètre des établissements de la société Omnitrans, notifiée à chaque organisation syndicale par courrier recommandé avec accusé de réception du 22 janvier 2018, n'a pas fait l'objet de contestation devant le DIRECCTE ; qu'en jugeant cependant qu'en l'absence de négociation préalable sincère et loyale, la décision unilatérale prise par l'employeur en la matière n'a fait courir aucun délai pour solliciter l'arbitrage du DIRECCTE qui serait opposable aux organisations syndicales, le tribunal d'instance a violé l'article R. 2313-1 du code du travail ;
Réponse au moyen
4- L'article L. 2313-2 du code du travail prévoit qu'un accord d'entreprise détermine le nombre et le périmètre des établissements distincts pour la mise en place des CSE. Selon l'article L. 2313-4 du même code, en l'absence d'accord, le nombre et le périmètre de ces établissements sont fixés par décision de l'employeur. Il résulte de ces dispositions que ce n'est que lorsque, à l'issue d'une tentative loyale de négociation, un accord collectif n'a pu être conclu que l'employeur peut fixer par décision unilatérale le nombre et le périmètre des établissements distincts.
5- En l'espèce, le tribunal d'instance a constaté qu'aucune négociation n'avait été engagée par l'employeur, qui avait décidé seul de l'existence d'un établissement unique au sein de l'entreprise. Il a également relevé que cette décision de l'employeur n'avait pas été notifiée en tant que telle aux organisations syndicales, celles-ci ayant seulement été destinataires d'une information sur les conditions de déroulement des opérations électorales.
6- S'agissant de la notification de la décision prise par l'employeur en matière de fixation du nombre et du périmètre des établissements distincts, il s'agit d'une information, spécifique et préalable à l'organisation des élections professionnelles au sein des établissements distincts ainsi définis, qui fait courir le délai de recours devant l'autorité administrative conformément à l'article R. 2313-1 du code du travail. En l'absence d'information préalable régulière, le délai de contestation n'a pu courir. C'est dès lors à bon droit que le tribunal d'instance a dit la saisine du direccte recevable.
7- Ayant constaté l'absence de toute tentative de négociation, le tribunal d'instance a retenu exactement que la décision unilatérale de l'employeur devait être annulée, sans que le direccte n'ait à se prononcer sur le nombre et le périmètre des établissements distincts tant que des négociations n'auraient pas été préalablement engagées, et qu'il a fait injonction à l'employeur d'ouvrir ces négociations.
8- Le fait que les élections professionnelles, sur la base du périmètre du CSE unique décidé par l'employeur, aient eu lieu les 27 avril et 18 mai 2018 sans être contestées ne saurait avoir les conséquences proposées par la première branche du moyen. Certes, la Cour décide que le jugement du tribunal d'instance statuant sur une contestation préélectorale perd son fondement juridique lorsque les élections professionnelles ont eu lieu et n'ont pas été contestées, étant alors purgées de tout vice (Soc., 4 juillet 2018, pourvoi n° 17-21.100). Mais il convient de relever, d'une part, que la détermination du nombre et du périmètre des établissements distincts ne relève pas du contentieux préélectoral en ce que le processus peut être mis en oeuvre et contesté en dehors de l'organisation d'une élection considérée. En effet, l'article L. 2313-2 du code du travail dispose désormais que le nombre et le périmètre des établissements distincts est déterminé par un accord collectif conclu dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article L. 2232-12 du même code, c'est-à-dire selon les conditions de conclusion d'un accord collectif de droit commun. Il convient de relever, d'autre part, que l'article L. 2313-5 du code du travail dispose qu'en cas de litige portant sur la décision de l'employeur prévue à l'article L. 2313-4, le nombre et le périmètre des établissements distincts sont fixés par l'autorité administrative du siège de l'entreprise dans des conditions prévues par décret en Conseil d'Etat et que, lorsqu'elle intervient dans le cadre d'un processus électoral global, la saisine de l'autorité administrative suspend ce processus jusqu'à la décision administrative et entraîne la prorogation des mandats des élus en cours jusqu'à la proclamation des résultats du scrutin.
9- Il en résulte que les élections organisées par l'employeur en dépit de la suspension légale du processus électoral et de la prorogation légale des mandats des élus en cours peuvent faire l'objet d'une demande d'annulation de la part des organisations syndicales ayant saisi le dirrecte d'une demande de détermination des établissements distincts, dans le délai de l'article R. 2314-24 du code du travail de contestation des élections courant à compter de la décision du direccte procédant à la détermination du nombre et du périmètre des établissements distincts.
10. C'est dès lors à bon droit que le tribunal d'instance, qui a constaté que les organisations syndicales avaient saisi le 7 avril 2018 le direccte d'une demande de fixation des établissements distincts, a dit que la société est tenue d'engager des négociations sincères et loyales concernant le nombre et le périmètre de ces établissements afin de permettre aux parties d'envisager l'élection de CSE d'établissements en application de l'article L. 2313-2 du code du travail et dit qu'en l'absence de telles négociations préalables, les décisions unilatérales qui auraient été prises par l'employeur en la matière n'ont fait courir aucun délai pour solliciter l'arbitrage du direccte qui serait opposable aux organisations syndicales.
11. Le moyen n'est donc fondé en aucune de ses branches.
PAR CES MOTIFS, LA COUR :
REJETTE le pourvoi ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Omnitrans à payer la somme de 3 000 euros à la Fédération générale des transports et de l'environnement (FGTE CFDT), la somme de 1 000 euros à l'Union départementale CGT et la somme globale de 1 000 euros au syndicat autonome des chauffeurs routiers et à la Fédération nationale des chauffeurs routiers Union du Sud-Est.
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept avril deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, avocat aux Conseils, pour la société Omnitrans.
IL EST FAIT GRIEF au jugement attaqué, après avoir déclaré le recours de la société Omnitrans contre la décision prise le 29 mai 2018 par le DIRECCTE de la région Auvergne Rhône-Alpes recevable, ce qui a pour effet d'annuler cette décision et de saisir le juge d'instance de l'entier litige, d'avoir rejeté la demande principale de la société Omnitrans tendant à voir annuler la décision du DIRECCTE en date du 29 mai 2018 comme étant sans objet du fait de la recevabilité de son recours et d'avoir dit que la société Omnitrans est tenue d'engager des négociations sincères et loyales concernant le nombre et le périmètre des établissements distincts afin de permettre aux parties d'envisager l'élection de CSE d'établissements en application de l'article L. 2313-2 du code du travail et dit qu'en l'absence de telles négociations préalables, les décisions unilatérales qui auraient été prises par l'employeur en la matière n'ont fait courir aucun délai pour solliciter l'arbitrage du DIRECCTE qui serait opposable aux organisations syndicales ;
AUX MOTIFS QUE Sur la demande d'annulation de la décision du DIRECCTE le recours contre les décisions du DIRECCTE de la compétence du juge d'instance instauré par la loi ne remet pas en cause la séparation des autorités judiciaires et administratives résultant de la loi des 16 et 24 août 1790 de sorte qu'en l'absence de disposition légale expresse conférant au juge judiciaire le contrôle de la légalité de ces décisions émanant d'une administration, ce juge ne saurait, ni les valider, ni les annuler ; qu'en revanche, la recevabilité de l'exercice d'un tel recours emporte annulation de la décision administrative et dévolution au juge judiciaire de l'entier litige ; que le recours engagé par la société Omnitrans ayant été déclaré recevable, sa demande d'annulation de la décision du DIRECCTE en date du 29 mai 2018 sera rejetée comme étant sans objet ; que Sur l'existence d'une obligation pour l'employeur d'engager des négociations en vue de déterminer le nombre et le périmètre des éventuels établissements distincts en l'état des demandes des parties, le litige ne porte pas sur la détermination par le tribunal du nombre et du périmètre des éventuels établissements distincts qui composaient la société Omnitrans mais sur l'existence ou non d'une obligation pour l'employeur d'engager des négociations en vue de cette détermination ; que cela étant précisé, il sera rappelé que les articles L. 2313-1 à L. 2313-5 du code du travail, dans leur rédaction applicable en janvier 2018, énonçaient : - Art. L. 2313-1 : Un comité social et économique est mis en place au niveau de l'entreprise. Des comités sociaux et économiques d'établissement et un comité social et économique central d'entreprise sont constitués dans les entreprises d'au moins cinquante salariés comportant au moins deux établissements distincts ; - Art. L. 2313-2 : Un accord d'entreprise, conclu dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article L. 2232-12, détermine le nombre et le périmètre des établissements distincts ; - Art. L. 2313-3 : En l'absence d'accord conclu dans les conditions mentionnées à l'article L. 2313-2 et en l'absence de délégué syndical, un accord entre l'employeur et le comité social et économique, adopté à la majorité des membres titulaires élus de la délégation du personnel du comité, peut déterminer le nombre et le périmètre des établissements distincts ; - Art. L. 2313-4 : En l'absence d'accord conclu dans les conditions mentionnées aux articles L. 2313-2 et L. 2313-3, l'employeur fixe le nombre et le périmètre des établissements distincts, compte tenu de l'autonomie de gestion du responsable de l'établissement, notamment en matière de gestion du personnel ; - Art. L. 2313-5 : En cas de litige portant sur la décision de l'employeur prévue à l'article L. 2313-4, le nombre et le périmètre des établissements distincts sont fixés par l'autorité administrative du siège de l'entreprise dans des conditions prévues par décret en Conseil d'Etat. Lorsqu'elle intervient dans le cadre d'un processus électoral global, la saisine de l'autorité administrative suspend ce processus jusqu'à la décision administrative et entraine la prorogation des mandats des élus en cours jusqu'à la proclamation des résultats du scrutin. La décision de l'autorité administrative peut faire l'objet d'un recours devant le juge judiciaire, à l'exclusion de tout autre recours administratif ou contentieux ; que l'expression « en l'absence d'accord » figurant aux articles L. 2313-3 et L. 2313-4 précités est ambigüe en ce qu'elle peut signifier, soit le constat d'une absence de norme conventionnelle concernant le nombre et le périmètre des établissements distincts existant au sein de l'entreprise, soit l'échec de négociations préalables à ce sujet ; que dans cette dernière acception, cette expression emporterait alors une subsidiarité de la décision de l'employeur par rapport à la voie concertée qui serait privilégiée en premier lieu et constituerait un préalable obligatoire ; que pour départager ces deux analyses, il sera rappelé que le législateur prévoyait jusqu'à présent la compétence de l'administration pour statuer sur les établissements distincts « à défaut d'accord » entre l'employeur et les organisations syndicales intéressées (confère les anciens articles L. 2314-31 et L. 2322-5), le Conseil d'Etat en ayant déduit que la compétence de l'administration n'était que subsidiaire aux négociations qui devaient donc nécessairement être au sein de l'entreprise pour que l'administration puisse être valablement saisie (CE 12 février 2003, n°252277) ; que si l'expression « en l'absence d'accord » peut paraitre plus neutre et renvoyer au seul constat de l'inexistence d'un accord, il sera néanmoins relevé qu'il résulte de l'article R. 2313-1 que la décision de l'employeur ne peut être que postérieure à l'engagement de négociations avec les organisations syndicales représentatives ou avec le comité social et économique selon le cas, que l'employeur avise in fine de sa décision puisque cet article énonce : « Lorsqu'il prend une décision sur la détermination du nombre et du périmètre des établissements distincts en application de l'article L. 2313-4, l'employeur la porte à la connaissance de chaque organisation syndicale représentative dans l'entreprise et de chaque organisation syndicale ayant constitué une section syndicale dans l'entreprise, par tout moyen permettant de conférer date certaine à cette information. Lorsque les négociations se sont déroulées conformément à l'article L. 2313-3, l'employeur réunit le comité afin de l'informer de sa décision ¿ » ; qu'en l'état de ces éléments, il sera jugé que seul le refus d'entrée en négociation de la partie salariée, le désaccord manifeste ou l'absence de signature d'un accord à l'issue du délai de négociation formalisé ab initio autorise à adopter une décision unilatérale ; que c'est au demeurant la position de la Direction générale du travail telle qu'elle résulte de la question-réponse numéro 24 dans sa publication intitulée « Comité social et Economique 100 questions-réponses » ; que la question réponse 21 invoquée par la société Omnitrans traite en réalité de la définition des établissements distincts, alors que la question-réponse 24 quant à elle bel et bien du caractère obligatoire de la négociation en présence d'un délégué syndical dans l'entreprise ; qu'ainsi, la société Omnitrans n'était pas fondée à refuser, les 19 janvier 2018 et 1er février 2018, de négocier le nombre et le périmètre des établissements distincts dans le cadre du processus électoral engagé ; que son argumentation contestant l'existence d'une obligation de négocier le nombre et le périmètre des établissements distincts en amont du processus électoral sera rejetée comme n'étant pas fondée ; qu'à titre subsidiaire, l'employeur fait valoir que la négociation a eu lieu et que, prenant acte de son échec, il a notifié aux organisations syndicales sa décision unilatérale concernant l'absence d'établissements distincts par courrier du 22 février 2018 ; qu'or, à supposer que ce courrier vaille décision unilatérale au sens de l'article L. 2313-4, cette décision, à défaut de négociation préalable sincère et loyale, n'est pas valablement intervenue de sorte qu'elle n'a fait courir aucun délai de recours qui serait opposable aux organisations syndicales ; qu'à titre encore plus subsidiaire, la société Omnitrans fait valoir que l'obligation de négocier ne peut exister qu'en présence d'établissements distincts, ce qui ne serait pas le cas de sa structure en l'absence d'autonomie de gestion des responsables d'agences ; qu'or, il résulte de ce qui précède qu'il appartenait à l'employeur d'engager des négociations sur ce point, négociations dans le cadre desquelles il lui aurait été loisible, non pas de présenter ses arguments auprès des organisations syndicales, mais de les discuter ; qu'en tout état de cause, ces négociations auraient permis aux partenaires sociaux d'apprécier la portée et l'actualité de l'avis de l'inspection du travail remontant à 2013 ; qu'enfin, l'employeur tire argument de l'absence de toute décision unilatérale de sa part dont se prévalent les organisations syndicales pour en conclure en l'irrecevabilité de leur demande d'arbitrage par le DIRECCTE puisqu'une telle demande d'arbitrage ne peut intervenir que dans un délai de 15 jours à compter de la décision unilatérale de l'employeur ; qu'or, si un tel délai n'a effectivement pas couru, la société Omnitrans n'est pas fondée à s'en prévaloir, sauf à l'autoriser à paralyser le processus décisionnel devant aboutir, le cas échéant via l'arbitrage du DIRECCTE, à déterminer le nombre et le périmètre des établissements distincts ; qu'ainsi, les argumentations présentées subsidiairement par la société Omnitrans seront également écartées comme n'étant pas fondées et il sera jugé, à l'instar de la décision du 29 mai 2018 prise par le DIRECCTE de la Région Auvergne Rhône Alpes, que la société Omnitrans est tenue d'engager des négociations sincères et loyales concernant le nombre et le périmètre des établissements distincts afin de permettre aux parties d'envisager l'élection de CSE d'établissements ;
1°) ALORS QUE lorsqu'aucune demande d'annulation des élections des membres de la délégation du personnel du CSE n'a été formée dans le délai de forclusion de quinze jours prévu par l'article R. 2314-24 du code du travail, les élections sont purgées de tout vice ; d'où il suit qu'en jugeant que la société Omnitrans était tenue d'engager des négociations sincères et loyales concernant le nombre et le périmètre des établissements distincts afin de permettre aux parties d'envisager l'élection de CSE d'établissements en application de l'article L. 2313-2 du code du travail, sans rechercher si l'absence de contestation des élections des membres de la délégation du personnel du CSE, invoquée par l'employeur, n'avait pas eu pour effet de les purger de tout vice, de sorte que l'engagement de nouvelles négociations relatives au découpage de l'entreprise était dépourvu d'effet juridique, s'agissant d'un acte préparatoire à la mise en place du comité social et économique, le tribunal d'instance a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles L. 2314-32, R. 2314-23 et R. 2314-24 du code du travail ;
2°) ALORS QU'en l'absence d'accord conclu dans les conditions mentionnées aux articles L. 2313-2 et L. 2313-3, l'employeur fixe le nombre et le périmètre des établissements distincts, compte tenu de l'autonomie de gestion du responsable de l'établissement, notamment en matière de gestion du personnel ; qu'en jugeant, pour dire que la société Omnitrans était tenue d'engager des négociations sincères et loyales concernant le nombre et le périmètre des établissements distincts afin de permettre aux parties d'envisager l'élection de CSE d'établissements en application de l'article L. 2313-2 du code du travail, que « seul le refus d'entrée en négociation de la partie salariée, le désaccord manifeste ou l'absence de signature d'un accord à l'issue du délai de négociation formalisé ab initio autorise à adopter une décision unilatérale », le tribunal d'instance, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas, a violé l'article L. 2313-4 du code du travail ;
3°) ALORS QUE lorsqu'il prend une décision sur la détermination du nombre et du périmètre des établissements distincts en application de l'article L. 2313-4, l'employeur la porte à la connaissance de chaque organisation syndicale représentative dans l'entreprise et de chaque organisation syndicale ayant constitué une section syndicale dans l'entreprise, par tout moyen permettant de conférer date certaine à cette information ; que ces dernières peuvent dans le délai de quinze jours à compter de la date à laquelle elles en ont été informées, contester la décision de l'employeur devant le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi ; qu'en l'espèce, la décision unilatérale de l'employeur sur le périmètre des établissements de la société Omnitrans, notifiée à chaque organisation syndicale par courrier recommandé avec accusé de réception du 22 janvier 2018, n'a pas fait l'objet de contestation devant le DIRECCTE ; qu'en jugeant cependant qu'en l'absence de négociation préalable sincère et loyale, la décision unilatérale prise par l'employeur en la matière n'a fait courir aucun délai pour solliciter l'arbitrage du DIRECCTE qui serait opposable aux organisations syndicales, le tribunal d'instance a violé l'article R. 2313-1 du code du travail.