Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 11 avril 2019, 18-16.061, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles 9 janvier 2018), que, le 7 novembre 2013, la SCI Château Elisabete (la SCI), bailleur, et la société Setap Color's (la société), preneur, ont, par actes séparés, conclu un avenant mettant fin au bail commercial qui les liait et un accord transactionnel prévoyant le règlement d'une indemnité par le preneur ; que, celui-ci ayant déduit, de l'indemnité due au titre de l'accord transactionnel, le montant du dépôt de garantie versé lors de la conclusion du bail, la SCI l'a assignée en paiement devant le tribunal de commerce ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la SCI fait grief à l'arrêt de rejeter son exception d'incompétence, alors, selon le moyen, que le tribunal de grande instance a compétence exclusive en matière de baux commerciaux lorsque le litige a trait à l'application du statut des baux commerciaux ; que lorsque le contrat principal est un bail commercial et qu'une transaction est conclue relativement a ce bail, cette dernière forme un tout indivisible avec le contrat de bail, de sorte qu'elle relève de la compétence exclusive du tribunal de grande instance ; qu'en l'espèce ainsi que le faisait valoir la société Setap Color's, le protocole transactionnel et l'avenant n° 2 en date du 7 novembre 2013, ayant trait a la résiliation du bail commercial de 2004, formaient un tout indivisible avec le contrat principal et étaient donc soumis aux règles de compétence juridictionnelle applicables au contrat principal et relevaient ainsi de la compétence exclusive du tribunal de grande instance ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a viole l'article R. 211-4 du code de l'organisation judiciaire ;

Mais attendu que la cour d'appel a exactement retenu que, l'action de la SCI devant le tribunal de commerce ne portant pas sur l'application du statut des baux commerciaux, le litige n'entrait pas dans les prévisions de l'article R. 211-4 du code de l'organisation judiciaire ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le second moyen :

Vu l'article 2048 du code civil ;

Attendu qu'il résulte de ce texte que les transactions se renferment dans leur objet, que la renonciation qui y est faite à tous droits, actions et prétentions, ne s'entend que de ce qui est relatif au différend qui y a donné lieu ;

Attendu que, pour accueillir la demande en paiement de la SCI, l'arrêt retient que le sort du dépôt de garantie n'étant pas expressément spécifié dans la transaction, il n'en est pas exclu et reste acquis au bailleur, l'indemnité au versement de laquelle la société a irrévocablement consenti devant s'entendre sans déduction de la moindre somme en raison de l'exécution du bail ;

Qu'en statuant ainsi, après avoir relevé que la transaction litigieuse ne contenait aucune mention relative au dépôt de garantie, ce dont il résultait qu'elle n'en réglait pas le sort après libération des lieux, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en sa disposition condamnant la société Setap Color's à payer la somme de 21 392,04 euros avec intérêts au taux légal à compter du 7 mai 2015, l'arrêt rendu le 9 janvier 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;

Condamne la SCI Chateau Elisabete aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la SCI Chateau Elisabete à payer la somme de 3 000 euros à la société Setap Color's ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze avril deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour la société Setap color's.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR déclaré la société Setap Color's mal fondée en son exception d'incompétence ratione materiae, débouté la société Setap Color's de sa demande et d'AVOIR confirmé la compétence du tribunal de commerce ;

AUX MOTIFS QUE « bien que la société Setap Color's soulève l'existence d'un ensemble contractuel entre le bail commercial du 28 septembre 2007, dont la contestation ressortit de la compétence du tribunal de grande instance et l'accord transactionnel du 7 novembre 2013, qu'elle a signé avec la SCI Château Elisabete, devant dès lors relever de la compétence de la même juridiction, et quand bien même cette transaction a été signée entre un bailleur et son preneur, il est constant que l'action intentée par la SCI Château Elisabete devant le tribunal de commerce de Chartres était relative à l'exécution de cette transaction et non du bail, contrat autonome terminant une contestation née, de sorte que ce litige échappait à l'application de l'article R. 211-4 du code de l'organisation judiciaire, qui donne compétence exclusive au tribunal de grande instance pour connaître des baux commerciaux ; que la cour confirmera donc le jugement entrepris en ce que le tribunal a retenu sa compétence » ;

AUX MOTIFS REPUTES ADOPTES QUE « les exceptions de procédure doivent être soulevées avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir conformément aux dispositions de l'article 74 du code de procédure civile ; que la SARL SETAP COLOR'S motive et fait connaître la juridiction devant laquelle elle demande que l'affaire soit portée, conformément aux dispositions de l'article 75 du code de procédure civile ; qu'il y a donc lieu de déclarer la SARL SETAP COLOR'S recevable en son exception d'incompétence ratione materiae ; que le présent litige est fondé sur l'inexécution du protocole transactionnel régularisé entre les parties le 7 novembre 2013, protocole conclu dans les conditions des articles 2044 et suivants du code civil ; qu'en effet, un avenant au bail signé le même jour avait pour objet de fixer et ratifier la date de fin de bail qui avait été convenue entre les parties pour la ramener au 31 mars 2015, soit 18 mois avant l'échéance normale ; que cet avenant n'a soulevé aucune contestation ainsi qu'il ressort des débats ; qu'en conséquence le litige ne porte pas sur le bail ; par conséquent que la compétence exclusive du tribunal de grande instance telle qu'elle est prescrite en matière de baux commerciaux par l'article R. 211-4-11 du code de l'organisation judiciaire ne trouve pas à s'appliquer en l'espèce, qu'il y aura lieu de déclarer la SARL SETAP COLOR'S mal fondée en son exception d'incompétence ratione materiae, de l'en débouter et de se déclarer compétent » ;

ALORS QUE le tribunal de grande instance a compétence exclusive en matière de baux commerciaux lorsque le litige a trait à l'application du statut des baux commerciaux ; que lorsque le contrat principal est un bail commercial et qu'une transaction est conclue relativement à ce bail, cette dernière forme un tout indivisible avec le contrat de bail, de sorte qu'elle relève de la compétence exclusive du tribunal de grande instance ; qu'en l'espèce ainsi que le faisait valoir la société Setap Color's, le protocole transactionnel et l'avenant n° 2 en date du 7 novembre 2013, ayant trait à la résiliation du bail commercial de 2004, formaient un tout indivisible avec le contrat principal et étaient donc soumis aux règles de compétence juridictionnelle applicables au contrat principal et relevaient ainsi de la compétence exclusive du tribunal de grande instance ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article R 211-4 du code de l'organisation judiciaire.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIRdébouté la société Setap Color's de ses autres demandes, fins et conclusions, d'AVOIR condamné la société Setap Color's pour y être contrainte par tous moyens et voies de droit à payer à la SCI Château Elisabete la somme principale de 21 392,04 €, avec intérêts au taux légal à compter du 7 mai 2015et dit que les intérêts se capitaliseront et produiront eux-mêmes intérêts lorsqu'ils seront dus sur une année entière, d'AVOIR condamné la société Setap Color's à payer à la SCI Château Elisabete la somme de 2 500 € à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens ;

AUX MOTIFS QUE « la société Setap Color's fait valoir qu'au terme de l'accord transactionnel du 7 novembre 2013, elle s'est certes irrévocablement engagée à verser à la SCI Château Elisabete une somme de 70.000 euros le 31 mars 2015, date de fin du bail, selon avenant n°2, signé le même jour, mais que cet avenant au bail avait pour objet d'écourter le terme du bail à cette date, sans en changer les autres clauses et que donc, le dépôt de garantie d'un montant non contesté de 21.392,04 euros est devenu exigible à la libération des lieux le 1er avril 2015 et doit lui être remboursé, cette somme venant se compenser avec celle de 70.000 euros ; qu'elle ajoute que ni l'avenant n°2, ni l'accord transactionnel n'ont prévu que le dépôt de garantie resterait acquis au bailleur ; que la transaction ayant pour objet de mettre fin à une contestation entre des parties qui consentent à des concessions réciproques, le sort du dépôt de garantie n'y étant pas expressément spécifié, il doit être considéré qu'il n'est pas exclu de la transaction et reste acquis au bailleur, l'indemnité de 70.000 euros à laquelle la société Setap Color's a irrévocablement consentie devant s'entendre sans déduction de la moindre somme à raison de l'exécution du bail, y compris celle de 43.010,45 euros demandée à titre reconventionnel par la société Setap Color's au titre de travaux prétendument réalisés antérieurement à cette transaction ; que la cour confirmera donc le jugement qui a fait droit à la demande en paiement de la SCI Château Elisabete à hauteur 21.392,04 euros avec intérêts capitalisés au taux légal à compter du 7 mai 2015, outre une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile » ;

AUX MOTIFS REPUTES ADOPTES QUE « que l'article 2044 du code civil dit « la transaction est un contrat par lequel les parties terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître » ; que le protocole transactionnel signé le 7 novembre 2013 dit en ces termes : « Des difficultés importantes sont apparues entre le bailleur et le preneur relativement à l'état du bâtiment d'un côté, au règlement des loyers de l'autre. Un conflit s'est formé mais les parties se sont rencontrées, elles ont fait des concessions réciproques et se sont mises d'accord ; que le protocole transactionnel avait donc bien pour but de solutionner des contestations nées avant sa signature ; que la demande reconventionnelle faite par la SARL SETAP COLOR'S pour un montant de 43.010,45 € ne concerne que des travaux, entretiens ou prestations qui ont été réalisés par la SARL SETAP COLOR'S avant la signature du protocole transactionnel qui vient définitivement régler toutes les difficultés existant entre les parties ; que les courriers versés aux débats attestent des difficultés rencontrées entre les parties ; que ces courriers montrent bien qu'ils ont été déterminants dans la décision de transiger; qu'on ne peut donc retenir que le protocole transactionnel ne vient pas régler les dépenses préalablement engagées par le preneur ; qu'en conséquence il conviendra de débouter la SARL SETAP COLOR'S de sa demande reconventionnelle ; que, d'autre part, selon l'article 2052 du code civil, « Les transactions ont, entre les parties, l'autorité de la chose jugée en dernier ressort. Elles ne peuvent être attaquées pour cause d'erreur de droit, ni pour cause de lésion. » ; que l'accord transactionnel était ainsi rédigé : « le preneur s'engage irrévocablement à verser le 31 mars 2015 une indemnité d'un montant de 70 000.00 (soixante-dix mille) €. Il est mis fin au bail ainsi qu'il est précisé à l'acte de résiliation amiable (avenant n°2 signé ce jour). Cet avenant constitue un tout indivisible avec le présent accord » ; qu'il vient mettre un terme définitif à un différend dans le cadre d'une résolution anticipée de bail ; que la somme prévue à la transaction a bien été évaluée dans le but de terminer la contestation née ; que cette somme répare un préjudice ; qu'elle ne peut donc être amputée pour quelque raison que ce soit non prévue à la transaction ; qu'en conséquence c'est à tort que la SARL SETAP COLOR'S a amputé son versement du montant du dépôt de garantie de loyer ; qu'il échet par conséquent de débouter la SARL SETAP COLOR'S de ses autres demandes, fins et conclusions et de faire droit à la demande de la SCI CHATEAU ELISABETE en condamnant la SARL SETAP COLOR'S à payer le solde des sommes dues dans le cadre du protocole transactionnel à savoir la somme principale de 21.392,04 € ; que la SCI CHATEAU ELISABETE produit la lettre recommandée de mise en demeure avec avis de réception ; cette somme portera donc intérêts au taux légal à compter du 07/05/2015 ; que les intérêts se capitaliseront et produiront eux-mêmes intérêts lorsqu'ils seront dus sur une année entière ; que le préjudice subi par le créancier qui a dû poursuivre la procédure en raison de la résistance opposée par son adversaire, a dû exposer des frais dont certains non répétibles, qu'il convient de condamner la SARL SETAP COLOR'S à payer à la SCI CHATEAU ELISABETE la somme de 2.500 € à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; que par application de l'article 696 du code de procédure civile, la partie qui succombe en l'instance doit supporter les dépens, qu'il y a lieu de condamner la SARL SETAP COLOR'S à ce titre ; que le tribunal l'estime nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire, il y a lieu d'ordonner l'exécution provisoire du présent jugement nonobstant appel et sans caution » ;

ALORS 1°) QUE les transactions se renferment dans leur objet et que la renonciation qui y est faite à tous droits, actions et prétentions ne s'entend que de ce qui est relatif au différend qui y a donné lieu; qu'elles ne règlent que le différend qui y a donné lieu ; que la transaction litigieuse, qui ne contenait aucune mention relative à la remise en état des lieux pas plus qu'à la restitution du dépôt de garantie, ne pouvait faire échec à la prétention du preneur sur ce point ; qu'en jugeant que le sort du dépôt de garantie n'étant pas expressément spécifié dans la transaction, il doit être considéré qu'il n'en est pas exclu et qu'il reste acquis au bailleur, la cour d'appel a violé les articles 2044, ensemble 2048 et 2049 du code civil;

ALORS 2°) QU'il résultait de l'ensemble transactionnel constitué par l'accord transactionnel et de l'avenant n° 2, tous deux en date du 7 novembre 2013, que l'objet de la transaction se limitait à aux difficultés liées à l'état du bâtiment et au paiement des loyers, et que l'avenant n° 2 avait seulement trait à la durée du bail et qu'il ajoutait expressément que « les autres clauses du bail demeurent inchangées », de sorte que la clause sur le dépôt de garantie prévu au contrat de bail initial, qui n'était pas visée par cet avenant, devait s'appliquer ; qu'en jugeant que le sort du dépôt de garantie n'était pas expressément spécifié dans la transaction, pour en conclure qu'il devait être considéré qu'il n'en était pas exclu et qu'il restait acquis au bailleur, quand l'avenant avait expressément réglé le sort de la question litigieuse, la cour d'appel a dénaturé le sens et la portée des pièces précitées en violation du principe suivant lequel le juge ne peut dénaturer les écrits soumis à son examen ;

ALORS 3°) QUE le preneur faisait valoir qu'ayant restitué les locaux et remis les clés le 1er avril 2015, il disposait à compter de cette date à l'encontre du bailleur d'une créance de restitution du dépôt de garantie devenu immédiatement exigible ; qu'en s'abstenant de répondre aux écritures précitées, la cour d'appel a méconnu l'article 455 du code de procédure civile ;

ALORS 4°) QU'il résultait du protocole de cession de parts du 9 mars 2011, de l'avenant n° 1 au bail initial, conclu le 21 février 2011 et de l'accord transactionnel du 7 novembre 2013, que le preneur était en droit de réclamer au bailleur le remboursement des travaux qu'il avait dû effectuer après la conclusion du contrat de cession de parts du 9 mars 2011 d'un montant de 42361,95 €, et que par conséquent le bailleur était tenu de les lui rembourser ; qu'en effet, le protocole de cession de part du 9 mars 2011 ainsi que l'avenant n° 1 du 21 février 2011 mettaient clairement, à compter du 1er mars 2011, les grosses réparations à la charge du bailleur ; que l'accord transactionnel en date du 7 novembre 2013 précisait explicitement que le preneur s'engageait à ne pas réclamer la remise en état du bâtiment, à l'exception des travaux en cours pour mise hors d'eau ; qu'en jugeant cependant qu'il résultait de la transaction du 7 novembre 2013 que « reste acquis au bailleur, l'indemnité de 70 000 euros à laquelle la société Setap Color's a irrévocablement consentie » et qu'elle doit « s'entendre sans déduction de la moindre somme à raison de l'exécution du bail, y compris celle de 43.010,45 euros demandée à titre reconventionnel par la société » Setap Color's au titre de travaux prétendument réalisés antérieurement à cette transaction », la cour d'appel a dénaturé le sens et la portée des pièces précitées en violation du principe suivant lequel le juge ne peut dénaturer les écrits. ECLI:FR:CCASS:2019:C300300
Retourner en haut de la page