Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 6 mars 2019, 18-81.059, Publié au bulletin
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 6 mars 2019, 18-81.059, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre criminelle
- N° de pourvoi : 18-81.059
- ECLI:FR:CCASS:2019:CR00162
- Publié au bulletin
- Solution : Rejet
Audience publique du mercredi 06 mars 2019
Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar, du 10 novembre 2017- Président
- M. Soulard
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° E 18-81.059 FS-P+B+I
N° 162
VD1
6 MARS 2019
REJET
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :
REJET du pourvoi formé par M. Erwin T..., contre l'arrêt de la cour d'appel de Colmar, chambre correctionnelle, en date du 10 novembre 2017, qui, pour manquement à l'obligation déclarative et blanchiment, l'a condamné à six mois d'emprisonnement avec sursis, à une amende douanière et a ordonné une mesure de confiscation ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 16 janvier 2019 où étaient présents : M. Soulard, président, Mme Planchon, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, MM. Germain, Larmanjat, Mme Zerbib, MM. d'Huy, Wyon, conseillers de la chambre, Mmes Chauchis, Pichon, M. Ascensi, Mme Fouquet, conseillers référendaires ;
Avocat général : Mme Zientara-Logeay ;
Greffier de chambre : Mme Guichard ;
Sur le rapport de Mme le conseiller PLANCHON, les observations de la société civile professionnelle MEIER-BOURDEAU et LÉCUYER, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général ZIENTARA-LOGEAY ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 324-1, 324-1-1 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale :
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré M. T... coupable de blanchiment ;
"aux motifs que l'article 321-1-1 du code pénal dispose que "les biens ou les revenus sont présumés être le produit direct ou indirect d'un crime ou d'un délit dès lors que les conditions matérielles, juridiques ou financières de l'opération de placement, de dissimulation ou de conversion ne peuvent avoir d'autre justification que de dissimuler l'origine ou le bénéficiaire effectif de ces biens ou revenus" ; que M. T... a franchi une frontière étant porteur d'une forte somme d'argent en espèces et sans avoir déclaré au service des douanes cette opération de transfert transfrontalier de fonds ; que les conditions matérielles de l'opération de dissimulation de cette somme lors du passage de la frontière entre la Suisse et la France ne peuvent avoir d'autre justification que de dissimuler l'origine ou le bénéficiaire effectif de ces biens ; qu'il existe donc une présomption d'origine frauduleuse des sommes en question et la charge de rapporter la preuve de leur caractère légal pèse sur M. T... ; que tout d'abord, les déclarations de M. T... s'agissant de l'origine des fonds ont varié : la somme provenant tantôt d'un ami garagiste à la recherche d'un camion puis de son ex-femme, enseignante, qui serait également à la recherche d'un camion pour faire "une opération de placement" ; que tout aussi incohérent est son récit concernant le déroulement de son voyage en train, qui ne devait pas lui faire quitter l'Allemagne mais qui comportait sur une journée pas moins de 6 heures de trajet pour aller voir des camions, sans adresse ni contact précis, entre Freiburg, Kehl, Offenburg et Francfort, sa ville de départ ; que les propos de Mme D... B... n'ont pas permis d'éclaircir davantage la situation dans la mesure où l'ex-épouse de M. T... estimait que ce dernier mentait en affirmant qu'elle lui aurait remis 50 000 euros pour acheter un camion ; qu'elle reconnaissait lui avoir donner de l'argent postérieurement à la vente devant notaire mais ne savait plus dans quelle proportion ni à quelle date et indiquait n'avoir que très peu de contacts avec lui ; que si les documents notariés produits par M. T... accréditent la vente pour 650 000 euros d'un immeuble en 2008 par D... B..., aucun écrit n'établit un quelconque reversement de tout ou parie de cette somme à M. T... ; qu'au surplus, rien dans les situations patrimoniales décrites par le prévenu comme par son ex épouse ne permettait d'établir une fortune personnelle, justifiant la possession d'une telle somme, essentiellement composée de coupures de 500 euros ; qu'en effet, M. T... déclarait ne pas être imposable et vivre des allocations sociales ; que son ex femme indiquait qu'il avait fait faillite en 2003, 2004 et que, pour sa part, ses économies lui servaient à purger de nombreuses dettes ; qu'invité à prouver l'origine des fonds qu'il transportait, M. T... n'a jamais justifié, ni immédiatement, ni au cours de la procédure, de l'origine des fonds litigieux ; qu'aucune de ses explications ni aucun des éléments qu'il a fournis par l'intermédiaire de son avocat ne démontre la provenance de la somme de 500 euros retrouvée sur lui ; que M. T... ne renverse pas cette présomption ; qu'il convient, dès lors, de le déclarer coupable de blanchiment et d'infirmer le jugement sur la culpabilité ;
"1°) alors que la présomption de l'origine illicite des biens ou revenus, objets du blanchiment, prévue par l'article 344-1-1 du code pénal, ne peut être mise en oeuvre qu'en présence de conditions de fait ou de droit faisant supposer la dissimulation de l'origine ou du bénéficiaire réels de ces biens ou revenus ; qu'en se bornant à affirmer, purement et simplement, que les conditions matérielles de l'opération de dissimulation de la somme litigieuse lors du passage de la frontière entre la Suisse et la France ne pouvaient avoir d'autre justification que de dissimuler son origine ou son bénéficiaire effectif, sans constater aucune condition de fait ou de droit faisant supposer la dissimulation de l'origine ou du bénéficiaire effectif de la somme litigieuse, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
"2°) alors que toute contradiction de motifs équivaut à leur absence ; qu'il résulte des propres énonciations de l'arrêt attaqué que, selon le prévenu, la somme litigieuse provenait de la remise par son ex-femme de la somme 50 000 euros à la suite de la vente d'un bien immobilier pour le prix de 650 000 euros et que celle-ci avait expressément reconnu lui avoir effectivement remis une somme d'argent postérieurement à cette vente euros en sa possession lors du passage de la frontière entre la Suisse et la France, la cour d'appel s'est contredite" ;
Sur le moyen, pris en sa seconde branche :
Vu l'article 567-1 du code de procédure pénale ;
Attendu que le grief ne saurait être admis ;
Sur le moyen, pris en sa première branche :
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que M. T..., ressortissant allemand, contrôlé à la frontière entre la Suisse et la France par les agents des douanes, a été trouvé porteur d'une enveloppe contenant la somme de 49 500 euros, composée essentiellement de coupures de 500 euros, après avoir indiqué ne transporter aucun titre, somme ou valeur ; que les enquêteurs ont été informés par les autorités allemandes que l'intéressé faisait l'objet d'une enquête du chef d'escroquerie aux prestations sociales d'un montant de 51 839,75 euros ; qu'au cours de la procédure, il a fourni des explications différentes sur l'origine des fonds découverts sur lui, précisant, notamment, qu'ils provenaient de la vente d'un bien immobilier appartenant à son ex-épouse, qui lui avait remis cette somme pour acquérir un camion ; que celle-ci a contesté cette version ;
Attendu que, pour appliquer la présomption d'origine illicite des fonds, prévue par l'article 324-1-1 du code pénal, l'arrêt, qui a relevé, notamment, les incohérences dans le récit fait par le prévenu de son voyage entre l'Allemagne et la France, l'absence de justification des raisons de celui-ci et l'importance de la somme non déclarée, énonce que les conditions matérielles de l'opération de dissimulation de la somme de 49 500 euros en possession de laquelle M. T... a été trouvé lors de son passage à la frontière entre la Suisse et la France ne peuvent avoir d'autre justification que de dissimuler l'origine ou le bénéficiaire effectif de cette somme ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, par des motifs relevant de son appréciation souveraine des faits, la cour d'appel a justifié sa décision ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le six mars deux mille dix-neuf ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.ECLI:FR:CCASS:2019:CR00162
N° E 18-81.059 FS-P+B+I
N° 162
VD1
6 MARS 2019
REJET
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :
REJET du pourvoi formé par M. Erwin T..., contre l'arrêt de la cour d'appel de Colmar, chambre correctionnelle, en date du 10 novembre 2017, qui, pour manquement à l'obligation déclarative et blanchiment, l'a condamné à six mois d'emprisonnement avec sursis, à une amende douanière et a ordonné une mesure de confiscation ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 16 janvier 2019 où étaient présents : M. Soulard, président, Mme Planchon, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, MM. Germain, Larmanjat, Mme Zerbib, MM. d'Huy, Wyon, conseillers de la chambre, Mmes Chauchis, Pichon, M. Ascensi, Mme Fouquet, conseillers référendaires ;
Avocat général : Mme Zientara-Logeay ;
Greffier de chambre : Mme Guichard ;
Sur le rapport de Mme le conseiller PLANCHON, les observations de la société civile professionnelle MEIER-BOURDEAU et LÉCUYER, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général ZIENTARA-LOGEAY ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 324-1, 324-1-1 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale :
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré M. T... coupable de blanchiment ;
"aux motifs que l'article 321-1-1 du code pénal dispose que "les biens ou les revenus sont présumés être le produit direct ou indirect d'un crime ou d'un délit dès lors que les conditions matérielles, juridiques ou financières de l'opération de placement, de dissimulation ou de conversion ne peuvent avoir d'autre justification que de dissimuler l'origine ou le bénéficiaire effectif de ces biens ou revenus" ; que M. T... a franchi une frontière étant porteur d'une forte somme d'argent en espèces et sans avoir déclaré au service des douanes cette opération de transfert transfrontalier de fonds ; que les conditions matérielles de l'opération de dissimulation de cette somme lors du passage de la frontière entre la Suisse et la France ne peuvent avoir d'autre justification que de dissimuler l'origine ou le bénéficiaire effectif de ces biens ; qu'il existe donc une présomption d'origine frauduleuse des sommes en question et la charge de rapporter la preuve de leur caractère légal pèse sur M. T... ; que tout d'abord, les déclarations de M. T... s'agissant de l'origine des fonds ont varié : la somme provenant tantôt d'un ami garagiste à la recherche d'un camion puis de son ex-femme, enseignante, qui serait également à la recherche d'un camion pour faire "une opération de placement" ; que tout aussi incohérent est son récit concernant le déroulement de son voyage en train, qui ne devait pas lui faire quitter l'Allemagne mais qui comportait sur une journée pas moins de 6 heures de trajet pour aller voir des camions, sans adresse ni contact précis, entre Freiburg, Kehl, Offenburg et Francfort, sa ville de départ ; que les propos de Mme D... B... n'ont pas permis d'éclaircir davantage la situation dans la mesure où l'ex-épouse de M. T... estimait que ce dernier mentait en affirmant qu'elle lui aurait remis 50 000 euros pour acheter un camion ; qu'elle reconnaissait lui avoir donner de l'argent postérieurement à la vente devant notaire mais ne savait plus dans quelle proportion ni à quelle date et indiquait n'avoir que très peu de contacts avec lui ; que si les documents notariés produits par M. T... accréditent la vente pour 650 000 euros d'un immeuble en 2008 par D... B..., aucun écrit n'établit un quelconque reversement de tout ou parie de cette somme à M. T... ; qu'au surplus, rien dans les situations patrimoniales décrites par le prévenu comme par son ex épouse ne permettait d'établir une fortune personnelle, justifiant la possession d'une telle somme, essentiellement composée de coupures de 500 euros ; qu'en effet, M. T... déclarait ne pas être imposable et vivre des allocations sociales ; que son ex femme indiquait qu'il avait fait faillite en 2003, 2004 et que, pour sa part, ses économies lui servaient à purger de nombreuses dettes ; qu'invité à prouver l'origine des fonds qu'il transportait, M. T... n'a jamais justifié, ni immédiatement, ni au cours de la procédure, de l'origine des fonds litigieux ; qu'aucune de ses explications ni aucun des éléments qu'il a fournis par l'intermédiaire de son avocat ne démontre la provenance de la somme de 500 euros retrouvée sur lui ; que M. T... ne renverse pas cette présomption ; qu'il convient, dès lors, de le déclarer coupable de blanchiment et d'infirmer le jugement sur la culpabilité ;
"1°) alors que la présomption de l'origine illicite des biens ou revenus, objets du blanchiment, prévue par l'article 344-1-1 du code pénal, ne peut être mise en oeuvre qu'en présence de conditions de fait ou de droit faisant supposer la dissimulation de l'origine ou du bénéficiaire réels de ces biens ou revenus ; qu'en se bornant à affirmer, purement et simplement, que les conditions matérielles de l'opération de dissimulation de la somme litigieuse lors du passage de la frontière entre la Suisse et la France ne pouvaient avoir d'autre justification que de dissimuler son origine ou son bénéficiaire effectif, sans constater aucune condition de fait ou de droit faisant supposer la dissimulation de l'origine ou du bénéficiaire effectif de la somme litigieuse, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
"2°) alors que toute contradiction de motifs équivaut à leur absence ; qu'il résulte des propres énonciations de l'arrêt attaqué que, selon le prévenu, la somme litigieuse provenait de la remise par son ex-femme de la somme 50 000 euros à la suite de la vente d'un bien immobilier pour le prix de 650 000 euros et que celle-ci avait expressément reconnu lui avoir effectivement remis une somme d'argent postérieurement à cette vente euros en sa possession lors du passage de la frontière entre la Suisse et la France, la cour d'appel s'est contredite" ;
Sur le moyen, pris en sa seconde branche :
Vu l'article 567-1 du code de procédure pénale ;
Attendu que le grief ne saurait être admis ;
Sur le moyen, pris en sa première branche :
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que M. T..., ressortissant allemand, contrôlé à la frontière entre la Suisse et la France par les agents des douanes, a été trouvé porteur d'une enveloppe contenant la somme de 49 500 euros, composée essentiellement de coupures de 500 euros, après avoir indiqué ne transporter aucun titre, somme ou valeur ; que les enquêteurs ont été informés par les autorités allemandes que l'intéressé faisait l'objet d'une enquête du chef d'escroquerie aux prestations sociales d'un montant de 51 839,75 euros ; qu'au cours de la procédure, il a fourni des explications différentes sur l'origine des fonds découverts sur lui, précisant, notamment, qu'ils provenaient de la vente d'un bien immobilier appartenant à son ex-épouse, qui lui avait remis cette somme pour acquérir un camion ; que celle-ci a contesté cette version ;
Attendu que, pour appliquer la présomption d'origine illicite des fonds, prévue par l'article 324-1-1 du code pénal, l'arrêt, qui a relevé, notamment, les incohérences dans le récit fait par le prévenu de son voyage entre l'Allemagne et la France, l'absence de justification des raisons de celui-ci et l'importance de la somme non déclarée, énonce que les conditions matérielles de l'opération de dissimulation de la somme de 49 500 euros en possession de laquelle M. T... a été trouvé lors de son passage à la frontière entre la Suisse et la France ne peuvent avoir d'autre justification que de dissimuler l'origine ou le bénéficiaire effectif de cette somme ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, par des motifs relevant de son appréciation souveraine des faits, la cour d'appel a justifié sa décision ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le six mars deux mille dix-neuf ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.