Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 21 février 2019, 17-19.370, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :





Sur le moyen unique, ci-après annexé :



Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 4 avril 2017),

que, par acte du 4 novembre 2013, la Société d'aménagement foncier et d'établissement rural de Provence-Alpes-Côte d'Azur (la SAFER) a été informée, par le notaire instrumentaire, de la vente à Mme B... d'une parcelle de terre ; que, par lettres du 20 décembre 2013, adressées, l'une au notaire, l'autre à l'acquéreur, elle a déclaré exercer son droit de préemption ; que le pli envoyé à Mme B... lui a été retourné avec la mention « défaut d'accès ou d'adressage » ; que Mme B... a saisi le tribunal en annulation de la préemption et paiement de dommages-intérêts ;



Attendu que la SAFER fait grief à l'arrêt de déclarer la préemption nulle, faute de notification ;



Mais attendu qu'ayant retenu à bon droit que la SAFER doit, à peine de nullité, justifier sa décision de préemption et la porter à la connaissance du notaire et de l'acquéreur évincé et qu'à défaut d'avoir été envoyée à une adresse valable permettant la délivrance du pli à son destinataire, la notification est inexistante, indépendamment de l'absence de faute de l'expéditrice, dès lors que l'objectif d'information personnelle de l'acquéreur n'est pas rempli, et relevé que, par lettre du 28 janvier 2014, la SAFER avait demandé au notaire de procéder lui-même à la notification à Mme B... de sa propre décision de préemption, alors que le délai de quinze jours prévu par l'article R. 143-6 du code rural et de la pêche maritime était expiré, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de rechercher l'existence du grief qu'aurait engendré la défaillance d'une formalité substantielle, a légalement justifié sa décision ;



PAR CES MOTIFS :



REJETTE le pourvoi ;



Condamne la SAFER Provence-Alpes-Côte d'Azur aux dépens ;



Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la SAFER Provence-Alpes-Côte d'Azur et la condamne à payer à la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret la somme de 3 000 euros ;



Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un février deux mille dix-neuf. MOYEN ANNEXE au présent arrêt



Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la Société d'aménagement foncier et d'établissement rural Provence-Alpes-Côte d'Azur



Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR déclaré la décision de préemption de la Safer en date du 20 décembre 2013 nulle à défaut de notification valable à Mme A... B..., acquéreur évincé, dans le délai de quinze jours de la notification faite au notaire ;



AUX MOTIFS QU'en application de l'article L. 143-3 du code rural et de la pêche maritime, « à peine de nullité, la société d'aménagement foncier et d'établissement rural doit justifier sa décision de préemption par référence explicite et motivée à l'un ou à plusieurs des objecte ci-dessus définis, et la porter à la connaissance des intéressés. » ; que l'article R. 143-6 ajoute : « La Safer qui exerce le droit de préemption notifie au notaire chargé d'instrumenter par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, sa décision signée par le Président du conseil d'administration ou par toute personne régulièrement habilitée à cet effet. Cette décision ainsi motivée est notifiée également à l'acquéreur évincé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception dans un délai de quinze jours à compter de la date de réception de la notification faite au notaire. » ; qu'il est constant qu'à la suite du compromis de vente conclu entre M. et Mme T... et Mme A... B... portant sur deux parcelles de terre cadastrées section [...] et [...] sur la commune du [...], le notaire, Me Vanessa Relave, a notifié l'opération à la Safer le 4 novembre 2013 et que cette dernière, suivant courrier recommandé avec accusé de réception du 20 décembre 2013, lui a notifié sa décision de préempter, indiquant informer l'acquéreur de sa décision par courrier du même jour ; que la Safer produit un double du courrier de notification de sa décision de préempter en date du 20 décembre 2013 adressé à Mme A... B... ainsi que la copie de l'accusé de réception de la lettre qui lui a été retournée le 26 décembre 2013 avec la mention « défaut d'accès ou d'adressage » ; que ce courrier avait pourtant été adressé par la Safer à l'adresse de l'acquéreur telle qu'indiquée par le notaire dans sa notification du 4 novembre 2013, à savoir : « [...] » mais que cette adresse était manifestement incomplète puisque, sur le compromis, l'adresse de Mme A... B... est la suivante : « [...] » ; que ce n'est qu'à réception du courrier adressé le 27 janvier 2014 par le conseil de Mme A... B... à la Safer pour signaler que sa cliente n'avait jamais reçu notification de la décision de préemption, que la Safer a demandé au notaire, par lettre du 28 janvier 2014, de bien vouloir notifier lui-même sa décision à l'acquéreur ; que c'est à tort que le tribunal a retenu que la notification faite à l'acquéreur était valable dès lors qu'elle avait été adressée par la Safer à Mme A... B... le 20 décembre 2013, soit dans le délai de quinze jours de la notification de la décision de préemption faite au notaire, à l'adresse qui lui avait été donnée par le notaire, considérant que la Safer avait ainsi été parfaitement diligente et n'avait commis aucune faute ; qu'en effet, à défaut d'avoir été envoyée à une adresse valable permettant la délivrance du pli à son destinataire, la notification est nulle, indépendamment de l'absence de toute faute de la Safer, l'objectif d'information personnelle de l'acquéreur n'étant pas rempli ; que, certes, la loi n'impose pas une remise à personne comme condition de la validité de la notification et que la notification est réputée délivrée à son destinataire, même si celui-ci n'est pas venu retirer la lettre recommandée, mais encore faut-il que celle-ci n'ait pas été envoyée à une adresse erronée ou incomplète empêchant toute délivrance au destinataire ; que c'est également à tort que le tribunal a considéré, ainsi que repris en appel par la Safer, que Mme A... B... avait eu nécessairement connaissance de la décision de la Safer puisque son conseil avait écrit à celle-ci le 27 janvier 2014 ; qu'en effet, il ne ressort pas de ce courrier que Mme A... B... aurait reçu un exemplaire de la décision de la Safer et aurait ainsi eu connaissance de sa motivation, de même que n'est pas précisée la date à laquelle cette remise aurait eu lieu, alors que plus d'un mois s'était écoulé entre la date de la notification adressée au notaire et celle du courrier du conseil de l'acquéreur à la Safer ; qu'enfin ce n'est que par courrier du 28 janvier 2014 que la Safer a demandé au notaire de procéder lui-même à la notification de sa décision de préemption à Mme A... B..., soit bien au-delà du délai de quinze jours prévu par l'article R. 143-6 du code rural et de la pêche maritime ; que le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a débouté Mme A... B... de sa demande en nullité de la décision de préemption de la Safer du 20 décembre 2013 ;



1) ALORS QUE l'information loyale de la Safer suppose que le notaire instrumentaire fasse figurer, dans la déclaration d'intention d'aliéner, toutes les informations indispensables pour lui permettre d'exercer utilement son droit préemption et en particulier, l'adresse complète de l'acquéreur auquel la Safer doit notifier sa décision ; que ne saurait dès lors encourir la nullité la décision de préemption qui a été notifiée par la Safer, dans le délai imparti par la loi, à l'acquéreur évincé à son adresse telle que mentionnée dans la déclaration d'intention d'aliéner ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté l'envoi par la Safer Provence Alpes Côte d'Azur, le 20 décembre 2013, d'une lettre informant Mme B..., acquéreur évincée, de sa décision de préemption et ce, à l'adresse exacte figurant dans la déclaration d'intention d'aliéner qui lui avait notifiée par le notaire ; qu'en se bornant, pour prononcer la nullité de la décision de préemption, à relever que l'adresse figurant sur la lettre de notification à l'acquéreur évincé était incomplète, quand il ressortait de ses propres constatations que cette adresse était l'exacte reprise de celle figurant sur la déclaration d'intention d'aliéner reçue par la Safer, la cour d'appel a violé les articles R. 143-4 et R. 143-6 du code rural et de la pêche maritime ;



2) ALORS en toute hypothèse QUE le défaut de notification par la Safer de sa décision de préemption à l'acquéreur évincé n'est susceptible d'entraîner sa nullité qu'à charge pour celui qui l'invoque de prouver le grief que lui cause cette irrégularité ; qu'en l'espèce, la Safer Provence Alpes Côte d'Azur faisait valoir que la notification de sa décision de préemption du 20 décembre 2013 n'avait causé aucun grief à Mme B... qui avait été en mesure, le 27 janvier 2014, de lui faire part de sa candidature en vue de la rétrocession des terres préemptées et d'exercer, en temps utile, une action en nullité du droit de préemption ; qu'en se bornant à retenir, pour prononcer la nullité de la décision de préemption de la Safer du 20 décembre 2013, qu'il n'était pas démontré que Mme B... aurait reçu un exemplaire de la décision de la Safer et aurait ainsi eu connaissance de sa motivation, et qu'il n'était pas précisée la date à laquelle cette remise aurait eu lieu, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le fait que Mme B... ait pu candidater à la rétrocession des terres préemptées et intenter une action en nullité de la décision de préemption, excluait l'existence d'un quelconque grief susceptible d'entraîner la nullité de la décision de préemption, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 114 et 694 du code de procédure civile, ensemble les articles L. 143-3 et R. 143-6 du code rural et de la pêche maritime.ECLI:FR:CCASS:2019:C300139
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