Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 20 février 2019, 18-82.915, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° X 18-82.915 FS-P+B


N° 80

VD1

20 FÉVRIER 2019




CASSATION




M. SOULARD président,




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :



CASSATION sur le pourvoi formé par M. E... U..., contre l'arrêt de la cour d'assises des Alpes-Maritimes, en date du 13 avril 2018, qui, pour tentative de meurtre, l'a condamné à quinze ans de réclusion criminelle et à cinq ans d'interdiction de séjour ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 9 janvier 2019 où étaient présents : M. Soulard, président, M. de Larosière de Champfeu, conseiller rapporteur, MM. Castel, Moreau, Mmes Drai, Slove, MM. Stephan, Guéry, conseillers de la chambre, Mme Carbonaro, conseiller référendaire ;

Avocat général : Mme Moracchini ;

Greffier de chambre : Mme Bray ;

Sur le rapport de M. le conseiller de LAROSIÈRE de CHAMPFEU, les observations de la société civile professionnelle POTIER DE LA VARDE, BUK-LAMENT et ROBILLOT, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général MORACCHINI ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme et 306, 591 et 593 du code de procédure pénale :

"en ce que le procès-verbal des débats relate que, par arrêt incident du 12 avril 2018, la cour a ordonné que les débats auraient lieu à huis clos après avoir déclaré la publicité dangereuse pour l'ordre public ;

"aux motifs que les débats sont gravement troublés par des mouvements de protestation du barreau de Nice qui entend interdire sans droit la poursuite de l'audience ; que les parties, à savoir la partie civile et l'accusé, s'opposent totalement au renvoi de l'affaire et s'en rapportent quant au prononcé d'un huis clos, seul à même de permettre la poursuite des débats ;

"alors que la publicité des débats judiciaires est une règle d'ordre public à laquelle il ne peut être dérogé que dans les cas limitativement déterminés par la loi et notamment lorsque la publicité est dangereuse pour l'ordre ou les moeurs à raison de la nature des faits de la cause incriminée ; qu'en se fondant, pour ordonner le huis clos, sur la circonstance que l'ordre était troublé du fait des mouvements de protestation du barreau de Nice qui entendait interdire la poursuite de l'audience, circonstance qui, si elle pouvait conduire le président à ordonner l'expulsion des fauteurs de trouble en application de l'article 321 du code de procédure pénale, ne pouvait en revanche justifier le huis clos, la cour d'assises, qui a ainsi dérogé à la règle de la publicité des débats en dehors des cas limitativement déterminés par la loi, a méconnu les textes et le principe ci-dessus mentionnés" ;

Vu les articles 306 et 321 du code de procédure pénale ;

Attendu que la publicité des débats judiciaires est une règle d'ordre public à laquelle il ne peut être dérogé que dans les cas limitativement déterminés par la loi ; que, selon le premier des textes précités, le huis clos ne peut être ordonné que si la cour constate que la publicité est dangereuse pour l'ordre ou les moeurs ;

Attendu que, selon le second des textes précités, lorsque, à l'audience de la cour d'assises, l'un des assistants trouble l'ordre de quelque manière que ce soit, le président ordonne son expulsion de la salle d'audience ;

Attendu que le procès-verbal des débats indique qu'au cours des débats, en raison d'un mouvement de protestation du barreau de Nice, qui entendait interdire la poursuite de l'audience, le président a proposé que les débats se poursuivent à huis clos et donné la parole sur ce point au ministère public et aux parties dans l'ordre prévu par la loi, la défense et la partie civile s'étant opposées au renvoi de l'affaire et ayant indiqué s'en rapporter sur la poursuite des débats à huis clos, à laquelle le ministère public ne s'est pas opposé ; que la cour d'assises, par arrêt incident, après avoir relevé que seul le huis clos permettait la poursuite des débats, a déclaré la publicité dangereuse pour l'ordre public et ordonné le huis clos ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que le mouvement de protestation du barreau et son opposition à la poursuite de l'audience ne constituaient pas un danger pour l'ordre ou les moeurs justifiant le huis clos, et qu'en cas de trouble apporté à l'ordre par des personnes assistant à l'audience, il appartenait au président de la cour d'assises d'ordonner leur expulsion, la cour d'assises a méconnu les textes susvisés ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le second moyen de cassation proposé :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'assises des Alpes-Maritimes, en date du 13 avril 2018, et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'assises des Alpes-Maritimes, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'assises des Alpes-Maritimes et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;



Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt février deux mille dix-neuf ;



En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.ECLI:FR:CCASS:2019:CR00080
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