Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 19 février 2019, 17-85.115, Publié au bulletin
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 19 février 2019, 17-85.115, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre criminelle
- N° de pourvoi : 17-85.115
- ECLI:FR:CCASS:2019:CR00031
- Publié au bulletin
- Solution : Cassation
Audience publique du mardi 19 février 2019
Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, du 24 mai 2017Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° T 17-85.115 FS-P+B
N° 31
SM12
19 FÉVRIER 2019
CASSATION
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :
CASSATION sur le pourvoi formé par M. Gabriel O..., partie civile, contre l'arrêt n° 2 de la cour d'appel de Paris, chambre 2-7, en date du 24 mai 2017, qui, dans la procédure suivie contre MM. Etienne M..., Nicolas Y... et Daniel K... pour diffamation publique envers une personne dépositaire de l'autorité publique, a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 8 janvier 2019 où étaient présents : M. Soulard, président, Mme Ménotti, conseiller rapporteur, M. Straehli, Mme Durin-Karsenty, MM. Ricard, Parlos, Bonnal, Maziau, conseillers de la chambre, M. Barbier, Mme de-Lamarzelle, conseillers référendaires ;
Avocat général : M.Desportes ;
Greffier de chambre : Mme Hervé ;
Sur le rapport de Mme le conseiller Ménotti, les observations de la société civile professionnelle BORÉ, SALVE DE BRUNETON et MÉGRET, de la société civile professionnelle DE CHAISEMARTIN, DOUMIC-SEILLER, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DESPORTES, les avocats des parties ayant eu la parole en dernier ;
Vu les mémoires en demande, en défense et les observations complémentaires produits ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 23, alinéa 1, 29, alinéa 1, 30 et 31, alinéa 1, de la loi du 29 juillet 1881, des articles 35 à 37 de la loi n° 2006-450 du 18 avril 2006 de programme pour la recherche, des décrets n° 2007-810 et 2007-811 du 11 mai 2007 portant respectivement approbation du règlement général et du règlement financier de l'Institut de France et des académies, de l'article L. 252 A du livre des procédures fiscales, et des articles 591 et 593 du code de procédure pénale :
"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé le jugement en ses dispositions civiles et débouté M. Gabriel O... de ses demandes en raison de la relaxe prononcée au bénéfice de MM. K... et F... ;
"aux motifs propres que le ministère public n'ayant pas interjeté appel, la décision de relaxe est définitive ; qu'il doit donc être apprécié si les propos, tels qu'ils sont visés et qualifiés dans l'acte de poursuite sont constitutifs d'une faute ouvrant droit à réparation à la partie civile et à en fixer éventuellement les conséquences dommageables ; que sur le bien-fondé de la qualification, la partie civile fait valoir qu'il résulte des articles 35 et 36 de la loi du 18 avril 2006 de programme pour la recherche que l'Institut gère un service public administratif et qu'il dispose "ipso facto" de la capacité d'édicter des administratifs unilatéraux, pour gérer ce service, que les contrat relatifs à la gestion de ce service sont des contrats administratifs qui contiennent des clauses portant la marque de l'exercice par l'institution de prérogatives de puissance publique, comme le pouvoir de résilier le contrat pour un motif d'intérêt général, que la soumission de l'Institut à la comptabilité publique ne fait aucun doute ; que l'appréciation de l'exercice de prérogatives de puissance publique résulte, selon la jurisprudence, de l'existence ou non d'un faisceau d'indices (soumission de l'établissement aux règles de la comptabilité publique, la mission d'intérêt général exercée par l'établissement, le statut de l'agent et ses modalités de nomination, etc.) et qu'à ce titre, la soumission aux règles de la comptabilité publique est un élément déterminant caractérisant l'exercice de telles prérogatives ; que la partie civile soutient donc qu'en qualité d'ordonnateur des dépenses et des recettes de l'institut, selon l'article 4 du décret numéro 2007-811, le chancelier gère à ce titre des deniers publics et qu'il bénéficie de la capacité d'émettre des titres exécutoires c'est-à-dire d'émettre des titres constatant l'existence d'une créance sans décision de justice, capacité symbole de l'autorité publique, qu'il peut également créer des régies d'avances et de recettes, c'est-à-dire habiliter une personne à gérer des deniers publics, que l'Institut de France est bien doté d'un comptable public puisque, selon l'article 16 du règlement de l'Institut, les académies disposent d'un receveur des fondations qui exerce ses missions en tant que comptable public et qui peut effectuer la compensation légale des créances et des dettes ; que le tribunal ne pouvait considérer que le chancelier ne pouvait pas émettre de titre exécutoire puisqu'il n'était pas visé par les dispositions de l'article L. 111-3 du code de procédure civile d'exécution alors que selon les dispositions de l'article L. 252 A du livre des procédures fiscales : "Constituent des titres exécutoires, les arrêtes, états, rôles, avis de mise en recouvrement, titre de perception ou de recettes que... les établissements publics dotés d'un comptable public délivrent pour le recouvrement des recettes de toute nature qu'ils sont habilités à recevoir" ; qu'il est soutenu, en outre, qu'il n'est pas contestable, notamment aux termes de l'article 2 du code général de la propriété des personnes publiques ainsi que du règlement général de l'Institut, que celui-ci dispose d'un patrimoine soumis au régime de la domanialité publique, que le chancelier est chargé d'administrer les propriétés de l'institut et qu'à ce titre il exerce de prérogatives de puissance publique ; qu'il dispose d'un véritable pouvoir exécutif en tant que chef de service, ainsi qu'il résulte de l'article 26 du règlement général de l'Institut ; qu'il exerce un véritable pouvoir réglementaire, étant en charge de l'exécution de l'ensemble des délibérations de l'assemblée générale de l'Institut et de la commission administrative centrale, et qu'enfin il exerce un pouvoir hiérarchique sur l'ensemble du personnel de l'Institut lequel relève du droit public et dont les contestations liées à leur situation sont soumises aux tribunaux administratifs ; que la partie civile soutient que les actes critiqués ont été accomplis dans l'exercice des fonctions et qu'il suffit que les faits diffamatoires soient en lien, non pas avec les prérogatives de puissance publique, ainsi que le tribunal l'a estimé, mais avec la fonction et qu'en l'espèce il est indéniable que les faits reprochés au chancelier de l'Institut sont directement liés à la fonction qu'il exerce à la tête de l'institution ; que si l'application de l'article 31 paraît certes s'imposer dès lors que l'imputation vise la fonction exercée, soit, comme en l'espèce, celle de dépositaire de l'autorité publique, sans pour autant exiger que le fait imputé relève lui-même de l'exercice de prérogative de puissance publique, il doit néanmoins être déterminé en premier lieu si M. O..., exerce dans le cadre de ses fonctions de chancelier de l'Institut de telles prérogatives ; que l'Institut de France est une institution publique devenue, depuis la loi de programme pour la recherche du 18 avril 2006, une personne morale de droit public à statut particulier ; qu'ainsi, selon l'article 36 de la même loi, "l'Institut et les académies s'administrent librement ; que leurs décisions entrent en vigueur sans autorisation préalable ; qu'ils bénéficient de l'autonomie financière sous le seul contrôle de la cour des comptes ; que l'administration de l'Institut est assurée par la commission administrative centrale qui élit parmi ses membres le chancelier de l'Institut, et par l'assemblée générale" ; que le chancelier de l'Institut de France est donc élu, parmi ses pairs, par la commission administrative centrale, dite CAC, laquelle est composée des secrétaires perpétuels et de deux membres de chacune des cinq académies ; que son élection est soumise à l'approbation du président de la République ; que le chancelier de l'Institut n'est donc pas un fonctionnaire public, ni un agent de l'autorité publique et que la qualité de dépositaire de l'autorité publique ne peut résulter que de ce qu'il disposerait de prérogatives de puissance publique pour exercer la mission d'intérêt général qui lui est dévolue ; qu'aux termes du décret 2007-810 du 11 mai 2007 portant approbation du règlement général de l'Institut de France et les académies "Le chancelier a autorité sur les services de l'Institut ; qu' il pourvoit à l'exécution des décisions prises par l'assemblée générale et par la commission administrative centrale, par les commissions spéciales et par les commissions des fondations" ; qu'ainsi que le précise le décret précité, il exerce les compétences pour l'Institut, notamment en exécutant le budget de l'Institut conformément au règlement financier, en concluant et en signant les contrats en son nom, en assurant l'administration des propriétés de l'Institut ou en fixant le montant des droits d'entrée dans les musées, monuments et bibliothèques ainsi que le montant de toute redevance ; que, comme le soutient la défense, il ne résulte nullement de ces dispositions que le chancelier, du seul fait qu'il est en charge de l'exécution de l'ensemble des délibérations de l'assemblée générale de l'Institut et de la commission administrative centrale, exercerait un véritable pouvoir réglementaire, alors qu'il n'est qu'un exécutant des décisions prises par les différentes commissions ; qu'il ne dispose pas lui-même de la capacité d'édicter des actes administratifs unilatéraux, ni de pouvoir modifier l'état du droit par simple décision unilatérale ni du pouvoir de modifier ou de résilier unilatéralement les contrats, même si les contrats relatifs à la gestion qu'il conclut sont des contrats administratifs ; que les seules décisions versées aux débats, soit la décision portant concession de logement par nécessité absolue de service du 21 avril 2006, prise par le directeur de l'Institut de France, contresignée par la directrice des services fiscaux, ainsi que la décision portant révocation de cette concession, certes signée par le chancelier mais cosignée par le responsable des projets et de l'activité de l'Etat, ne sauraient suffire à démontrer que le chancelier dispose du pouvoir d'attribuer et de révoquer seul la concession d'un logement de fonction, pas plus qu'il ne justifie disposer dans le domaine de l'administration des biens d'un pouvoir réglementaire comme d'un pouvoir d'expulsion, de réquisition ou de préemption ; que si le chancelier a certes autorité sur les services de l'Institut, il n'est nullement établi qu'il disposerait d'un véritable pouvoir exécutif, exorbitant du droit commun, l'établissement d'une note de service fixant les jours de fermeture du palais, signée du directeur des services administratifs, ne paraissant pas suffire à démontrer l'exercice de prérogatives de puissance publique excédant les pouvoirs de direction et de discipline que détient tout chef d'entreprise pour fixer et l'organisation du travail et la sécurité des locaux ; qu'il en est de même du pouvoir hiérarchique exercé sur l'ensemble des agents de l'Institut, le fait que ceux-ci soient des agents publics, fonctionnaire ou contractuels et que les litiges relèvent du contentieux administratif ne suffisant pas à démontrer que ce pouvoir exercé par le directeur des services administratifs, sous son contrôle, relève de l'exercice de prérogatives de puissance publique ; que le pouvoir d'autoriser les actes de déclassement et de disposition des biens de l'Institut est dévolu à la CAC et non au chancelier et que le principe d'insaisissabilité des biens, s'il s'applique à l'Institut de France, ne constitue pas une prérogative dont le chancelier serait lui-même détenteur, aucune disposition ne l'habilitant expressément à gérer le domaine public de l'Institut de France ; que la partie civile avait fait valoir, à titre principal sinon exclusif, devant le tribunal qu'en sa qualité d'ordonnateur des recettes et des dépenses de l'Institut et des fondations prévu par l'article 4 du règlement financier de l'Institut de France et des académies, elle disposait nécessairement de prérogatives de puissance publique puisque disposant à ce titre du droit d'émettre des titres exécutoires ; que toutefois, comme le souligne la défense, l'article 5 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique portant sur le champ d'application de ce décret exclut qu'il soit applicable à l'Institut de France et aux académies qui le composent ; que ces dispositions doivent être rapprochées de l'autonomie financière dont dispose cette institution, sous le seul contrôle de la cour des comptes, devenue depuis la loi du 18 avril 2006 une personne morale de droit public à statut particulier ; que si le règlement financier de l'Institut de France, s'agissant d'un établissement public, adopte des règles de la comptabilité publique, le receveur des fondations étant "responsable personnellement et pécuniairement dans les conditions applicables aux comptables publics...", il n'en résulte néanmoins pas que l'ordonnateur de l'Institut dispose des mêmes prérogatives que celles définies par le décret du 7 novembre 2012 et, notamment, que, comme le soutient la partie civile, il puisse émettre des titres exécutoires ; qu'ainsi que le tribunal l'a souligné, l'article L. 111-3 du code des procédures civiles d'exécution ne s'applique qu'aux "titres délivrés par des personnes morales de droit public qualifiés comme tels par la loi" ; que l'on ne peut déduire des dispositions de l'article L. 252 A du livre des procédures fiscales qui dispose que "constituent des titres exécutoires les arrêtés, états, rôles, avis de mise en recouvrement, titres de perception ou de recettes que l'Etat, les collectivités territoriales ou les établissements publics doté d'un comptable public délivrent pour le recouvrement des recettes de toutes natures qu'ils sont habilitées à recevoir", que l'ordonnateur de l'Institut de France pourrait émettre des titres exécutoires, cet article étant demeuré inchangé depuis 1992 et ne pouvait donc tenir compte du statut particulier de l'établissement ; qu'enfin, les seuls les éléments versés aux débats, à savoir les courriers de relances adressés par le chancelier de l'Institut à M. Jean-Pierre W... aux fins d'obtenir le règlement du montant d'indemnités d'occupation et de charges dues au titre de l'occupation d'un logement occupé par celui-ci depuis son licenciement, ou la compensation opérée, selon la lettre adressée au conseil de ce dernier, entre la somme dont ce dernier était débiteur et la somme à laquelle l'Institut a été condamnée, par la cour administrative d'appel, en réparation du préjudice résultant de la décision illégale de licenciement, ne sont pas plus démonstratifs du pouvoir du chancelier de l'Institut d'émettre des titres exécutoires et donc de l'exercice par celui-ci de prérogatives de puissance publique ; que le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a estimé que la qualification retenue ne correspondait pas aux conditions posées par l'article 31 de la loi du 29 juillet 1881 et a débouté en conséquence la partie civile de ses demandes ;
"et aux motifs adoptés qu'il n'est pas contestable, ni d'ailleurs contesté, que les fonctions de chancelier de l'Institut de France s'inscrivent dans le cadre d'une mission d'intérêt général, l'Institut de France et les Académies ayant pour mission de contribuer au rayonnement des lettres, des sciences et des arts et jouant, à ce titre, un rôle de premier plan en matière culturelle et scientifique ; que s'agissant de l'exercice par M. O... de prérogatives de puissance publique, les conseils de l'intéressé soutiennent qu'il découle nécessairement de sa qualité d'ordonnateur des dépenses et recettes de l'Institut - personne publique gérant un service public administratif - qui lui est conférée par l'article 4 du décret du 11 mai 2007, qualité qui lui permet notamment, aux termes des articles 15 et 27 dudit décret, de nommer l'agent comptable de l'Institut et de créer une régie d'avances et de recettes et, par application d'un arrêté du 5 septembre 2005, de fixer des droits d'entrées et redevances et d'émettre des titres exécutoires ; que toutefois, la qualité d'ordonnateur, personne habilitée à décider des dépenses et recettes, ne saurait à elle seule caractériser l'exercice par toute personne investie de cette fonction de prérogatives de puissance publique, lesdites prérogatives consistant notamment à émettre un titre exécutoire constituant unilatéralement un tiers débiteur de la personne publique, conditions non remplies en l'espèce, la loi de programme du 18 avril 2006 ne comportant pas de disposition permettant aux titres émis par l'Institut d'être considérés comme des titres exécutoires au sens de l'article L. 111-3 du code des procédures civiles d'exécution, le décret précité du 11 mai 2007 ne prévoyant nullement un tel pouvoir au profit du chancelier et les arrêtés du 5 septembre 2005 étant afférents à l'institution de comités techniques paritaires centraux et aux modalités de consultation du personnel ; qu'il y a lieu de considérer que la qualification retenue par la partie civile ne répond pas aux conditions posées par l'article 31 de la loi du 29 juillet 1881 et, partant, de renvoyer des fins de la poursuite MM. V... et K... ;
"1°) alors que les attributions du chancelier de l'Institut de France telles qu'énumérées notamment au titre IV de l'annexe du décret n° 2007-810 du 11 mai 2007 portant approbation du règlement général de l'Institut de France et des Académies en font le pouvoir exécutif de l'Institut et lui confèrent comme tel la qualité de dépositaire de l'autorité publique ; qu'en relevant, pour affirmer le contraire, qu'il n'était lui-même titulaire d'aucun pouvoir de décision, ne disposait pas d'une prérogative d'action de puissance publique, et ne serait qu'un exécutant des décisions prises par les différentes commissions de l'Institut, bien qu'il en soit à l'origine, qu'il ait autorité sur les services de celui-ci, qu'il soit en charge de l'exécution des décisions prises par l'assemblée générale, la commission administrative centrale, les commissions spéciales et les commission des fondations, lesquelles entrent en vigueur à compter de sa signature, de l'exécution du budget de l'Institut, de la conclusion de contrats administratifs au nom de l'Institut, de la fixation du montant des droits d'entrée dans les musées, monuments et bibliothèques de l'Institut ouverts au public et du montant de toutes les redevances, qu'il lui revienne de traiter avec les pouvoirs publics de toutes les questions relatives à l'Institut, ses propriétés foncières, fondations ou dotations, et que les personnels affectés à l'Institut par toute institution publique ne soient nommés qu'après son avis conforme, ce dont il résulte qu'il bénéficie bien, en tant que pouvoir exécutif de l'Institut, de prérogatives de puissance publique, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen ;
"2°) alors que l'annexe du décret n° 2007-811 du 11 mai 2007 portant approbation du règlement financier de l'Institut de France et des académies soumet l'Institut de France à des règles de comptabilité publique et confère à son chancelier la qualité d'ordonnateur, ce qui en fait un dépositaire de l'autorité publique ; qu'en relevant, pour affirmer le contraire, que le chancelier n'avait pas le pouvoir d'émettre des titres exécutoires quand la qualité d'ordonnateur du chancelier de l'Institut suffisait, à elle seule, à lui conférer des prérogatives de puissance publique telles que le pouvoir d'émettre des attestations de service fait et des ordres de payer, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen ;
"3°) alors qu'en toute hypothèse constituent des titres exécutoires les titres délivrés par les personnes morales de droit public soumises aux règles de la comptabilité publique et dotées d'un comptable public ; qu'en affirmant que le chancelier de l'Institut de France ne pouvait pas émettre des titres exécutoires bien que celui-ci ait la qualité de personne morale de droit public soumise aux règles de la comptabilité publique et dotée d'un comptable public, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen" ;
Vu l'article 31 de la loi du 29 juillet 1881 ;
Attendu que la qualité de dépositaire ou agent de l'autorité publique ou de citoyen chargé d'un service ou d'un mandat public, au sens de ce texte, est reconnue à celui qui accomplit une mission d'intérêt général en exerçant des prérogatives de puissance publique ; que tel est le cas de l'organe exécutif d'un établissement public administratif ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué, du jugement qu'il confirme et des pièces de la procédure que M. O..., chancelier de l'Institut de France, a porté plainte et s'est constitué partie civile du chef de diffamation publique envers une personne dépositaire de l'autorité publique sur le fondement de l'article 31 de la loi du 29 juillet 1881, en raison de la publication, le 29 mars 2014, sur le site internet du journal Le Point, dont le directeur de la publication est M. M..., d'un article sous la signature de M. Y... intitulé "La face cachée de l'Académie française", comportant une interview de M. K... au sujet de la parution, le 13 février précédent, de son ouvrage titré "Coupole et dépendances - enquête sur l'Académie française" ; que les juges du premier degré ont relaxé les prévenus et débouté la partie civile de ses demandes, après avoir estimé que M. O... n'avait pas la qualité de dépositaire de l'autorité publique au sens de l'article 31 de la loi sur la presse ; que celui-ci a relevé appel de cette décision ;
Attendu que, pour confirmer le jugement sur les intérêts civils, l'arrêt énonce que le chancelier de l'Institut, élu par la commission administrative centrale parmi ses pairs, n'est ni un fonctionnaire public, ni un agent de l'autorité publique et que la qualité de dépositaire de l'autorité publique ne peut donc résulter que de l'exercice de prérogatives de puissance publique ; que les juges relèvent qu'il ne résulte nullement du décret du 11 mai 2007 que le chancelier exercerait un véritable pouvoir réglementaire alors qu'il n'est qu'un exécutant des décisions prises par les différentes commissions, qu'il ne dispose pas de la capacité d'édicter des actes administratifs unilatéraux, ni du pouvoir de modifier l'état du droit par simple décision unilatérale, ni du pouvoir de modifier ou de résilier unilatéralement les contrats ; que les juges retiennent que si le chancelier a autorité sur les services de l'Institut, il n'est nullement établi qu'il disposerait d'un véritable pouvoir exécutif exorbitant du droit commun, que le pouvoir d'autoriser les actes de déclassement et de disposition des biens de l'Institut est dévolu non au chancelier mais à la commission administrative et qu'aucune disposition ne l'habilite à gérer le domaine public de l'Institut ; qu'ils ajoutent que l'Institut est exclu du champ d'application du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique et que, si le receveur des fondations est responsable dans les conditions applicables au comptable public, il n'en résulte pas que l'ordonnateur de l'Institut dispose du droit d'émettre des titres exécutoires ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'Institut de France présente les caractères d'un établissement public administratif, ce dont il se déduit que son organe exécutif, le chancelier, est dépositaire de l'autorité publique au sens de l'article 31 de la loi sur la liberté de la presse, la cour d'appel a méconnu ce texte et le principe susvisé ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 24 mai 2017, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix-neuf février deux mille dix-neuf ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.ECLI:FR:CCASS:2019:CR00031
N° T 17-85.115 FS-P+B
N° 31
SM12
19 FÉVRIER 2019
CASSATION
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :
CASSATION sur le pourvoi formé par M. Gabriel O..., partie civile, contre l'arrêt n° 2 de la cour d'appel de Paris, chambre 2-7, en date du 24 mai 2017, qui, dans la procédure suivie contre MM. Etienne M..., Nicolas Y... et Daniel K... pour diffamation publique envers une personne dépositaire de l'autorité publique, a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 8 janvier 2019 où étaient présents : M. Soulard, président, Mme Ménotti, conseiller rapporteur, M. Straehli, Mme Durin-Karsenty, MM. Ricard, Parlos, Bonnal, Maziau, conseillers de la chambre, M. Barbier, Mme de-Lamarzelle, conseillers référendaires ;
Avocat général : M.Desportes ;
Greffier de chambre : Mme Hervé ;
Sur le rapport de Mme le conseiller Ménotti, les observations de la société civile professionnelle BORÉ, SALVE DE BRUNETON et MÉGRET, de la société civile professionnelle DE CHAISEMARTIN, DOUMIC-SEILLER, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DESPORTES, les avocats des parties ayant eu la parole en dernier ;
Vu les mémoires en demande, en défense et les observations complémentaires produits ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 23, alinéa 1, 29, alinéa 1, 30 et 31, alinéa 1, de la loi du 29 juillet 1881, des articles 35 à 37 de la loi n° 2006-450 du 18 avril 2006 de programme pour la recherche, des décrets n° 2007-810 et 2007-811 du 11 mai 2007 portant respectivement approbation du règlement général et du règlement financier de l'Institut de France et des académies, de l'article L. 252 A du livre des procédures fiscales, et des articles 591 et 593 du code de procédure pénale :
"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé le jugement en ses dispositions civiles et débouté M. Gabriel O... de ses demandes en raison de la relaxe prononcée au bénéfice de MM. K... et F... ;
"aux motifs propres que le ministère public n'ayant pas interjeté appel, la décision de relaxe est définitive ; qu'il doit donc être apprécié si les propos, tels qu'ils sont visés et qualifiés dans l'acte de poursuite sont constitutifs d'une faute ouvrant droit à réparation à la partie civile et à en fixer éventuellement les conséquences dommageables ; que sur le bien-fondé de la qualification, la partie civile fait valoir qu'il résulte des articles 35 et 36 de la loi du 18 avril 2006 de programme pour la recherche que l'Institut gère un service public administratif et qu'il dispose "ipso facto" de la capacité d'édicter des administratifs unilatéraux, pour gérer ce service, que les contrat relatifs à la gestion de ce service sont des contrats administratifs qui contiennent des clauses portant la marque de l'exercice par l'institution de prérogatives de puissance publique, comme le pouvoir de résilier le contrat pour un motif d'intérêt général, que la soumission de l'Institut à la comptabilité publique ne fait aucun doute ; que l'appréciation de l'exercice de prérogatives de puissance publique résulte, selon la jurisprudence, de l'existence ou non d'un faisceau d'indices (soumission de l'établissement aux règles de la comptabilité publique, la mission d'intérêt général exercée par l'établissement, le statut de l'agent et ses modalités de nomination, etc.) et qu'à ce titre, la soumission aux règles de la comptabilité publique est un élément déterminant caractérisant l'exercice de telles prérogatives ; que la partie civile soutient donc qu'en qualité d'ordonnateur des dépenses et des recettes de l'institut, selon l'article 4 du décret numéro 2007-811, le chancelier gère à ce titre des deniers publics et qu'il bénéficie de la capacité d'émettre des titres exécutoires c'est-à-dire d'émettre des titres constatant l'existence d'une créance sans décision de justice, capacité symbole de l'autorité publique, qu'il peut également créer des régies d'avances et de recettes, c'est-à-dire habiliter une personne à gérer des deniers publics, que l'Institut de France est bien doté d'un comptable public puisque, selon l'article 16 du règlement de l'Institut, les académies disposent d'un receveur des fondations qui exerce ses missions en tant que comptable public et qui peut effectuer la compensation légale des créances et des dettes ; que le tribunal ne pouvait considérer que le chancelier ne pouvait pas émettre de titre exécutoire puisqu'il n'était pas visé par les dispositions de l'article L. 111-3 du code de procédure civile d'exécution alors que selon les dispositions de l'article L. 252 A du livre des procédures fiscales : "Constituent des titres exécutoires, les arrêtes, états, rôles, avis de mise en recouvrement, titre de perception ou de recettes que... les établissements publics dotés d'un comptable public délivrent pour le recouvrement des recettes de toute nature qu'ils sont habilités à recevoir" ; qu'il est soutenu, en outre, qu'il n'est pas contestable, notamment aux termes de l'article 2 du code général de la propriété des personnes publiques ainsi que du règlement général de l'Institut, que celui-ci dispose d'un patrimoine soumis au régime de la domanialité publique, que le chancelier est chargé d'administrer les propriétés de l'institut et qu'à ce titre il exerce de prérogatives de puissance publique ; qu'il dispose d'un véritable pouvoir exécutif en tant que chef de service, ainsi qu'il résulte de l'article 26 du règlement général de l'Institut ; qu'il exerce un véritable pouvoir réglementaire, étant en charge de l'exécution de l'ensemble des délibérations de l'assemblée générale de l'Institut et de la commission administrative centrale, et qu'enfin il exerce un pouvoir hiérarchique sur l'ensemble du personnel de l'Institut lequel relève du droit public et dont les contestations liées à leur situation sont soumises aux tribunaux administratifs ; que la partie civile soutient que les actes critiqués ont été accomplis dans l'exercice des fonctions et qu'il suffit que les faits diffamatoires soient en lien, non pas avec les prérogatives de puissance publique, ainsi que le tribunal l'a estimé, mais avec la fonction et qu'en l'espèce il est indéniable que les faits reprochés au chancelier de l'Institut sont directement liés à la fonction qu'il exerce à la tête de l'institution ; que si l'application de l'article 31 paraît certes s'imposer dès lors que l'imputation vise la fonction exercée, soit, comme en l'espèce, celle de dépositaire de l'autorité publique, sans pour autant exiger que le fait imputé relève lui-même de l'exercice de prérogative de puissance publique, il doit néanmoins être déterminé en premier lieu si M. O..., exerce dans le cadre de ses fonctions de chancelier de l'Institut de telles prérogatives ; que l'Institut de France est une institution publique devenue, depuis la loi de programme pour la recherche du 18 avril 2006, une personne morale de droit public à statut particulier ; qu'ainsi, selon l'article 36 de la même loi, "l'Institut et les académies s'administrent librement ; que leurs décisions entrent en vigueur sans autorisation préalable ; qu'ils bénéficient de l'autonomie financière sous le seul contrôle de la cour des comptes ; que l'administration de l'Institut est assurée par la commission administrative centrale qui élit parmi ses membres le chancelier de l'Institut, et par l'assemblée générale" ; que le chancelier de l'Institut de France est donc élu, parmi ses pairs, par la commission administrative centrale, dite CAC, laquelle est composée des secrétaires perpétuels et de deux membres de chacune des cinq académies ; que son élection est soumise à l'approbation du président de la République ; que le chancelier de l'Institut n'est donc pas un fonctionnaire public, ni un agent de l'autorité publique et que la qualité de dépositaire de l'autorité publique ne peut résulter que de ce qu'il disposerait de prérogatives de puissance publique pour exercer la mission d'intérêt général qui lui est dévolue ; qu'aux termes du décret 2007-810 du 11 mai 2007 portant approbation du règlement général de l'Institut de France et les académies "Le chancelier a autorité sur les services de l'Institut ; qu' il pourvoit à l'exécution des décisions prises par l'assemblée générale et par la commission administrative centrale, par les commissions spéciales et par les commissions des fondations" ; qu'ainsi que le précise le décret précité, il exerce les compétences pour l'Institut, notamment en exécutant le budget de l'Institut conformément au règlement financier, en concluant et en signant les contrats en son nom, en assurant l'administration des propriétés de l'Institut ou en fixant le montant des droits d'entrée dans les musées, monuments et bibliothèques ainsi que le montant de toute redevance ; que, comme le soutient la défense, il ne résulte nullement de ces dispositions que le chancelier, du seul fait qu'il est en charge de l'exécution de l'ensemble des délibérations de l'assemblée générale de l'Institut et de la commission administrative centrale, exercerait un véritable pouvoir réglementaire, alors qu'il n'est qu'un exécutant des décisions prises par les différentes commissions ; qu'il ne dispose pas lui-même de la capacité d'édicter des actes administratifs unilatéraux, ni de pouvoir modifier l'état du droit par simple décision unilatérale ni du pouvoir de modifier ou de résilier unilatéralement les contrats, même si les contrats relatifs à la gestion qu'il conclut sont des contrats administratifs ; que les seules décisions versées aux débats, soit la décision portant concession de logement par nécessité absolue de service du 21 avril 2006, prise par le directeur de l'Institut de France, contresignée par la directrice des services fiscaux, ainsi que la décision portant révocation de cette concession, certes signée par le chancelier mais cosignée par le responsable des projets et de l'activité de l'Etat, ne sauraient suffire à démontrer que le chancelier dispose du pouvoir d'attribuer et de révoquer seul la concession d'un logement de fonction, pas plus qu'il ne justifie disposer dans le domaine de l'administration des biens d'un pouvoir réglementaire comme d'un pouvoir d'expulsion, de réquisition ou de préemption ; que si le chancelier a certes autorité sur les services de l'Institut, il n'est nullement établi qu'il disposerait d'un véritable pouvoir exécutif, exorbitant du droit commun, l'établissement d'une note de service fixant les jours de fermeture du palais, signée du directeur des services administratifs, ne paraissant pas suffire à démontrer l'exercice de prérogatives de puissance publique excédant les pouvoirs de direction et de discipline que détient tout chef d'entreprise pour fixer et l'organisation du travail et la sécurité des locaux ; qu'il en est de même du pouvoir hiérarchique exercé sur l'ensemble des agents de l'Institut, le fait que ceux-ci soient des agents publics, fonctionnaire ou contractuels et que les litiges relèvent du contentieux administratif ne suffisant pas à démontrer que ce pouvoir exercé par le directeur des services administratifs, sous son contrôle, relève de l'exercice de prérogatives de puissance publique ; que le pouvoir d'autoriser les actes de déclassement et de disposition des biens de l'Institut est dévolu à la CAC et non au chancelier et que le principe d'insaisissabilité des biens, s'il s'applique à l'Institut de France, ne constitue pas une prérogative dont le chancelier serait lui-même détenteur, aucune disposition ne l'habilitant expressément à gérer le domaine public de l'Institut de France ; que la partie civile avait fait valoir, à titre principal sinon exclusif, devant le tribunal qu'en sa qualité d'ordonnateur des recettes et des dépenses de l'Institut et des fondations prévu par l'article 4 du règlement financier de l'Institut de France et des académies, elle disposait nécessairement de prérogatives de puissance publique puisque disposant à ce titre du droit d'émettre des titres exécutoires ; que toutefois, comme le souligne la défense, l'article 5 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique portant sur le champ d'application de ce décret exclut qu'il soit applicable à l'Institut de France et aux académies qui le composent ; que ces dispositions doivent être rapprochées de l'autonomie financière dont dispose cette institution, sous le seul contrôle de la cour des comptes, devenue depuis la loi du 18 avril 2006 une personne morale de droit public à statut particulier ; que si le règlement financier de l'Institut de France, s'agissant d'un établissement public, adopte des règles de la comptabilité publique, le receveur des fondations étant "responsable personnellement et pécuniairement dans les conditions applicables aux comptables publics...", il n'en résulte néanmoins pas que l'ordonnateur de l'Institut dispose des mêmes prérogatives que celles définies par le décret du 7 novembre 2012 et, notamment, que, comme le soutient la partie civile, il puisse émettre des titres exécutoires ; qu'ainsi que le tribunal l'a souligné, l'article L. 111-3 du code des procédures civiles d'exécution ne s'applique qu'aux "titres délivrés par des personnes morales de droit public qualifiés comme tels par la loi" ; que l'on ne peut déduire des dispositions de l'article L. 252 A du livre des procédures fiscales qui dispose que "constituent des titres exécutoires les arrêtés, états, rôles, avis de mise en recouvrement, titres de perception ou de recettes que l'Etat, les collectivités territoriales ou les établissements publics doté d'un comptable public délivrent pour le recouvrement des recettes de toutes natures qu'ils sont habilitées à recevoir", que l'ordonnateur de l'Institut de France pourrait émettre des titres exécutoires, cet article étant demeuré inchangé depuis 1992 et ne pouvait donc tenir compte du statut particulier de l'établissement ; qu'enfin, les seuls les éléments versés aux débats, à savoir les courriers de relances adressés par le chancelier de l'Institut à M. Jean-Pierre W... aux fins d'obtenir le règlement du montant d'indemnités d'occupation et de charges dues au titre de l'occupation d'un logement occupé par celui-ci depuis son licenciement, ou la compensation opérée, selon la lettre adressée au conseil de ce dernier, entre la somme dont ce dernier était débiteur et la somme à laquelle l'Institut a été condamnée, par la cour administrative d'appel, en réparation du préjudice résultant de la décision illégale de licenciement, ne sont pas plus démonstratifs du pouvoir du chancelier de l'Institut d'émettre des titres exécutoires et donc de l'exercice par celui-ci de prérogatives de puissance publique ; que le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a estimé que la qualification retenue ne correspondait pas aux conditions posées par l'article 31 de la loi du 29 juillet 1881 et a débouté en conséquence la partie civile de ses demandes ;
"et aux motifs adoptés qu'il n'est pas contestable, ni d'ailleurs contesté, que les fonctions de chancelier de l'Institut de France s'inscrivent dans le cadre d'une mission d'intérêt général, l'Institut de France et les Académies ayant pour mission de contribuer au rayonnement des lettres, des sciences et des arts et jouant, à ce titre, un rôle de premier plan en matière culturelle et scientifique ; que s'agissant de l'exercice par M. O... de prérogatives de puissance publique, les conseils de l'intéressé soutiennent qu'il découle nécessairement de sa qualité d'ordonnateur des dépenses et recettes de l'Institut - personne publique gérant un service public administratif - qui lui est conférée par l'article 4 du décret du 11 mai 2007, qualité qui lui permet notamment, aux termes des articles 15 et 27 dudit décret, de nommer l'agent comptable de l'Institut et de créer une régie d'avances et de recettes et, par application d'un arrêté du 5 septembre 2005, de fixer des droits d'entrées et redevances et d'émettre des titres exécutoires ; que toutefois, la qualité d'ordonnateur, personne habilitée à décider des dépenses et recettes, ne saurait à elle seule caractériser l'exercice par toute personne investie de cette fonction de prérogatives de puissance publique, lesdites prérogatives consistant notamment à émettre un titre exécutoire constituant unilatéralement un tiers débiteur de la personne publique, conditions non remplies en l'espèce, la loi de programme du 18 avril 2006 ne comportant pas de disposition permettant aux titres émis par l'Institut d'être considérés comme des titres exécutoires au sens de l'article L. 111-3 du code des procédures civiles d'exécution, le décret précité du 11 mai 2007 ne prévoyant nullement un tel pouvoir au profit du chancelier et les arrêtés du 5 septembre 2005 étant afférents à l'institution de comités techniques paritaires centraux et aux modalités de consultation du personnel ; qu'il y a lieu de considérer que la qualification retenue par la partie civile ne répond pas aux conditions posées par l'article 31 de la loi du 29 juillet 1881 et, partant, de renvoyer des fins de la poursuite MM. V... et K... ;
"1°) alors que les attributions du chancelier de l'Institut de France telles qu'énumérées notamment au titre IV de l'annexe du décret n° 2007-810 du 11 mai 2007 portant approbation du règlement général de l'Institut de France et des Académies en font le pouvoir exécutif de l'Institut et lui confèrent comme tel la qualité de dépositaire de l'autorité publique ; qu'en relevant, pour affirmer le contraire, qu'il n'était lui-même titulaire d'aucun pouvoir de décision, ne disposait pas d'une prérogative d'action de puissance publique, et ne serait qu'un exécutant des décisions prises par les différentes commissions de l'Institut, bien qu'il en soit à l'origine, qu'il ait autorité sur les services de celui-ci, qu'il soit en charge de l'exécution des décisions prises par l'assemblée générale, la commission administrative centrale, les commissions spéciales et les commission des fondations, lesquelles entrent en vigueur à compter de sa signature, de l'exécution du budget de l'Institut, de la conclusion de contrats administratifs au nom de l'Institut, de la fixation du montant des droits d'entrée dans les musées, monuments et bibliothèques de l'Institut ouverts au public et du montant de toutes les redevances, qu'il lui revienne de traiter avec les pouvoirs publics de toutes les questions relatives à l'Institut, ses propriétés foncières, fondations ou dotations, et que les personnels affectés à l'Institut par toute institution publique ne soient nommés qu'après son avis conforme, ce dont il résulte qu'il bénéficie bien, en tant que pouvoir exécutif de l'Institut, de prérogatives de puissance publique, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen ;
"2°) alors que l'annexe du décret n° 2007-811 du 11 mai 2007 portant approbation du règlement financier de l'Institut de France et des académies soumet l'Institut de France à des règles de comptabilité publique et confère à son chancelier la qualité d'ordonnateur, ce qui en fait un dépositaire de l'autorité publique ; qu'en relevant, pour affirmer le contraire, que le chancelier n'avait pas le pouvoir d'émettre des titres exécutoires quand la qualité d'ordonnateur du chancelier de l'Institut suffisait, à elle seule, à lui conférer des prérogatives de puissance publique telles que le pouvoir d'émettre des attestations de service fait et des ordres de payer, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen ;
"3°) alors qu'en toute hypothèse constituent des titres exécutoires les titres délivrés par les personnes morales de droit public soumises aux règles de la comptabilité publique et dotées d'un comptable public ; qu'en affirmant que le chancelier de l'Institut de France ne pouvait pas émettre des titres exécutoires bien que celui-ci ait la qualité de personne morale de droit public soumise aux règles de la comptabilité publique et dotée d'un comptable public, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen" ;
Vu l'article 31 de la loi du 29 juillet 1881 ;
Attendu que la qualité de dépositaire ou agent de l'autorité publique ou de citoyen chargé d'un service ou d'un mandat public, au sens de ce texte, est reconnue à celui qui accomplit une mission d'intérêt général en exerçant des prérogatives de puissance publique ; que tel est le cas de l'organe exécutif d'un établissement public administratif ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué, du jugement qu'il confirme et des pièces de la procédure que M. O..., chancelier de l'Institut de France, a porté plainte et s'est constitué partie civile du chef de diffamation publique envers une personne dépositaire de l'autorité publique sur le fondement de l'article 31 de la loi du 29 juillet 1881, en raison de la publication, le 29 mars 2014, sur le site internet du journal Le Point, dont le directeur de la publication est M. M..., d'un article sous la signature de M. Y... intitulé "La face cachée de l'Académie française", comportant une interview de M. K... au sujet de la parution, le 13 février précédent, de son ouvrage titré "Coupole et dépendances - enquête sur l'Académie française" ; que les juges du premier degré ont relaxé les prévenus et débouté la partie civile de ses demandes, après avoir estimé que M. O... n'avait pas la qualité de dépositaire de l'autorité publique au sens de l'article 31 de la loi sur la presse ; que celui-ci a relevé appel de cette décision ;
Attendu que, pour confirmer le jugement sur les intérêts civils, l'arrêt énonce que le chancelier de l'Institut, élu par la commission administrative centrale parmi ses pairs, n'est ni un fonctionnaire public, ni un agent de l'autorité publique et que la qualité de dépositaire de l'autorité publique ne peut donc résulter que de l'exercice de prérogatives de puissance publique ; que les juges relèvent qu'il ne résulte nullement du décret du 11 mai 2007 que le chancelier exercerait un véritable pouvoir réglementaire alors qu'il n'est qu'un exécutant des décisions prises par les différentes commissions, qu'il ne dispose pas de la capacité d'édicter des actes administratifs unilatéraux, ni du pouvoir de modifier l'état du droit par simple décision unilatérale, ni du pouvoir de modifier ou de résilier unilatéralement les contrats ; que les juges retiennent que si le chancelier a autorité sur les services de l'Institut, il n'est nullement établi qu'il disposerait d'un véritable pouvoir exécutif exorbitant du droit commun, que le pouvoir d'autoriser les actes de déclassement et de disposition des biens de l'Institut est dévolu non au chancelier mais à la commission administrative et qu'aucune disposition ne l'habilite à gérer le domaine public de l'Institut ; qu'ils ajoutent que l'Institut est exclu du champ d'application du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique et que, si le receveur des fondations est responsable dans les conditions applicables au comptable public, il n'en résulte pas que l'ordonnateur de l'Institut dispose du droit d'émettre des titres exécutoires ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'Institut de France présente les caractères d'un établissement public administratif, ce dont il se déduit que son organe exécutif, le chancelier, est dépositaire de l'autorité publique au sens de l'article 31 de la loi sur la liberté de la presse, la cour d'appel a méconnu ce texte et le principe susvisé ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 24 mai 2017, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix-neuf février deux mille dix-neuf ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.