Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 13 février 2019, 17-18.049, Publié au bulletin
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 13 février 2019, 17-18.049, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre commerciale
- N° de pourvoi : 17-18.049
- ECLI:FR:CCASS:2019:CO00198
- Publié au bulletin
- Solution : Rejet
Audience publique du mercredi 13 février 2019
Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, du 20 avril 2017- Président
- Mme Mouillard
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 20 avril 2017) rendu, en matière de référé, sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 15 décembre 2015, pourvoi n° 14-11.500) que par ordonnances des 11 juillet et 26 septembre 2012, la société FHB a été désignée mandataire ad hoc puis conciliateur des sociétés du groupe Consolis sur le fondement des articles L. 611-3 et L. 611-5 du code de commerce ; que le 18 juillet 2012, la société Mergermarket Limited, éditrice du site d'informations financières en ligne Debtwire, spécialisé dans le suivi de l'endettement des entreprises et consultable par abonnement, a publié un article commentant l'ouverture de la procédure de mandat ad hoc ; qu'elle a, par la suite, diffusé divers articles rendant compte de l'évolution des procédures en cours, exposant les négociations engagées avec les créanciers des sociétés du groupe et citant des données chiffrées sur la situation financière de ces sociétés ; que les 23 et 24 octobre 2012, plusieurs sociétés du groupe Consolis ainsi que la société FHB ont assigné la société Mergermarket Limited devant le juge des référés pour obtenir le retrait de l'ensemble des articles contenant des informations confidentielles les concernant, ainsi que l'interdiction de publier d'autres articles ;
Attendu que la société Mergermarket Limited fait grief à l'arrêt d'accueillir les demandes alors, selon le moyen :
1°/ que si la publication d'informations confidentielles par application de l'article L. 611-15 du code de commerce ne constitue pas un trouble manifestement illicite au regard de la liberté d'informer du journaliste si les informations diffusées relèvent d'un débat d'intérêt général, il est en revanche indifférent que ces informations soient en elles-mêmes conformes ou non à l'intérêt général ; qu'au contraire la liberté d'information vaut non seulement pour les informations ou idées accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent l'État ou une fraction quelconque de la population ; qu'en retenant que la société Mergermarket Limited ne justifiait pas en quoi la révélation des détails de la négociation en cours sur la restructuration de la dette du groupe Consolis dans le cadre de la procédure de conciliation était "conforme à l'intérêt général et, en particulier, à la défense de l'emploi et de l'économie", la cour d'appel a ajouté à tort une condition à la loi et a de ce seul fait violé l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles L. 611-15 du code de commerce et 873 du code de procédure civile ;
2°/ que relèvent d'un débat d'intérêt général les choix stratégiques mettant en jeu des sommes considérables opérés lors d'une procédure collective et susceptibles de jouer sur le devenir d'une entreprise ou dont les conséquences économiques et sociales peuvent être la disparition d'une entreprise de grande envergure ou d'un groupe de sociétés ; que la cour d'appel qui a constaté que le groupe Consolis occupait une place éminente dans l'économie européenne et que ses difficultés financières avaient conduit à l'engagement d'une procédure de conciliation par un mandataire ad hoc, ne pouvait refuser de considérer que les informations relatives à cette procédure diffusées par la société Mergermarket Limited relevaient nécessairement d'un débat d'intérêt général excluant que leur publication puisse constituer un trouble manifestement illicite, au regard du caractère confidentiel de ces informations, sauf à méconnaître les conséquences légales de ses propres constatations et violer à nouveau l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles L. 611-15 du code de commerce et 873 du code de procédure civile ;
3°/ que, de façon plus générale, relèvent également d'un débat d'intérêt général les difficultés rencontrées au lendemain de la crise par les entreprises ayant fait l'objet de LBO hautement spéculatifs pour restructurer leurs dettes ; que la cour d'appel qui s'est abstenue de rechercher, comme elle y était invitée par la société exposante en ses écritures d'appel, si la procédure de conciliation dont les informations contestées avaient fait état ne s'inscrivait pas dans un tel contexte et si ces informations ne relevaient pas de ce fait d'un débat d'intérêt général excluant que leur publication puisse constituer un trouble manifestement illicite au regard du caractère confidentiel de ces informations, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles L. 611-15 du code de commerce et 873 du code de procédure civile ;
4°/ que, lorsqu'ils se prononcent sur l'existence d'un débat d'intérêt général, les juges du fond doivent tenir compte du contexte spécifique des faits litigieux, dont le retentissement antérieur d'une affaire notamment auprès des médias ; qu'en ne recherchant pas, comme cela lui était demandé par la société Mergermarket Limited, si les informations diffusées par d'autres médias avant elle à propos de la procédure de conciliation avec nomination d'un mandataire ad hoc ouverte par le groupe Consolis n'étaient pas, au-delà de leur contenu, de nature à créer un contexte faisant des informations litigieuses diffusées les composantes d'un débat d'intérêt général excluant que leur publication puisse constituer un trouble manifestement illicite au regard du caractère confidentiel de ces informations, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles L. 611-15 du code de commerce et 873 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'après avoir vérifié que la mesure de retrait et d'interdiction demandée était prévue par la loi, qu'elle poursuivait un but légitime et qu'elle était proportionnée à ce but, la cour d'appel s'est attachée à examiner le contenu des articles litigieux pour déterminer si, au-delà de l'affirmation de principe selon laquelle les difficultés d'un grand groupe industriel relevaient d'un débat d'intérêt général au regard des répercussions économiques et sociales que ces difficultés pouvaient entraîner, le contenu des articles n'avait pas contribué à nourrir ce débat, et ce faisant, a vérifié si la mesure sollicitée était nécessaire dans une société démocratique au sens de l'article 10.2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Que la cour d'appel a constaté qu'avaient été mis en ligne, le 26 juillet 2012, un article relatant le déroulement d'une réunion organisée le 24 juillet par le mandataire ad hoc, citant de nombreuses données chiffrées relatives aux résultats et aux engagements financiers du groupe Consolis et exposant les demandes faites aux créanciers, le 9 août 2012, un article indiquant que des prêteurs seniors de Consolis, nommément désignés, avaient organisé un groupe de travail informel et faisant le point sur l'état des discussions relativement à la restructuration de la dette ainsi que la situation financière du groupe Consolis, le 7 septembre 2012, un article relatant l'état des négociations entre les parties à la procédure sous l'égide du mandataire ad hoc, le 25 suivant, un article mentionnant que, lors d'une réunion organisée entre les sociétés du groupe Consolis et ses prêteurs, la procédure était passée d'un mandat ad hoc à une conciliation, ainsi que l'état des négociations entre les parties, de nombreuses données chiffrées relatives à la situation financière du groupe Consolis, les intentions des parties ainsi qu'un calendrier estimatif et, enfin, le 17 octobre 2012, un dossier de huit pages concernant les sociétés du groupe Consolis, retraçant la procédure de conciliation engagée par les sociétés du groupe, citant les résultats obtenus ainsi que les négociations engagées avec les prêteurs ; qu'elle a ainsi relevé que ces articles retraçaient le déroulement, au fur et à mesure, des réunions tenues dans le cadre de la procédure de prévention amiable, divulguant le contenu des négociations en cours dans le cadre de celle-ci avec des données chiffrées très précises fournies par des sources participant à cette procédure ;
Que pour répondre au moyen soutenu par la société Mergermarket Limited selon lequel ces articles répondaient à un objectif légitime d'informer le public, dans un débat d'intérêt général, des difficultés rencontrées par un groupe de la taille de Consolis, lesquelles constitueraient une menace pour l'emploi et toute l'économie, la cour d'appel a retenu qu'il n'était pas justifié en quoi il pouvait être conforme à l'intérêt général et, en particulier, à la défense de l'emploi et de l'économie de rendre public, à tout le moins, de porter à la connaissance de ses abonnés, un compte rendu en temps réel du déroulement et du contenu des négociations de la procédure de prévention amiable ouverte au bénéfice des sociétés du groupe Consolis, tandis que les articles diffusés par d'autres sites ou organes de presse se bornaient à faire état des difficultés du groupe Consolis avant l'ouverture de la première procédure de mandat ad hoc, le résultat de celle-ci et l'existence de nouvelles difficultés en juillet 2012 ;
Qu'elle a encore relevé que le public concerné est celui des abonnés au site Debtwire, spécialisé dans le suivi de l'endettement des entreprises ;
Qu'elle a relevé, enfin, que ces articles ne pouvaient que compromettre l'issue de la procédure de prévention amiable et fragiliser la situation des sociétés du groupe Consolis et, partant, qu'ils constituaient un trouble manifestement illicite, et que la circonstance, à cet égard, que la procédure se soit terminée par une conciliation courant mars 2013 est sans incidence tant il est vrai que ce simple constat n'exclut pas que le contenu de cette conciliation soit plus défavorable aux sociétés du groupe Consolis que ce qu'il aurait été si la confidentialité avait été respectée, et que les relations des sociétés du groupe Consolis avec leurs partenaires se soient dégradées de manière significative ;
Qu'en l'état de ces constatations et appréciations, desquelles il résulte que les articles litigieux, qui ont divulgué des données chiffrées confidentielles sur les difficultés des sociétés du groupe Consolis et les détails des négociations en cours que ces dernières menaient pour restructurer leur dette dans le cadre d'une procédure de conciliation couverte par la confidentialité prévue par l'article L. 611-15 du code de commerce, n'étaient pas de nature à nourrir un débat d'intérêt général sur les difficultés d'un grand groupe industriel et ses répercussions sur l'emploi et l'économie nationale, mais tendaient principalement à satisfaire les intérêts de ses abonnés, public spécialisé dans l'endettement des entreprises, et que leur publication risquait de causer un préjudice considérable aux sociétés du groupe Consolis ainsi qu'aux parties appelées à la procédure de prévention amiable et de compromettre gravement son déroulement et son issue, la cour d'appel qui, en dépit de l'usage inapproprié de l'expression "conforme à l'intérêt général" au lieu de "conforme à l'objectif légitime d'informer le public sur une question d'intérêt général", a effectué la recherche invoquée à la quatrième branche et n'avait pas à effectuer celle invoquée à la troisième branche, a fait une juste application de l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Mergenmarket Limited aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer la somme globale de 3 000 euros aux sociétés Consolis SAS, Consolis Holding SAS, Consolis Netherlands BV, Consolis OY AB, Consolis Finance SAS, DW Betonrohre GmbH, DW Schwellen GmbH, DW Systembau GmbH, Parma OY AB, Addtek Holding International AB, Sateba Systeme Vagneux, Spenncon AS, Tonful OY AB (de droit finlandais), Tonful OY AB (de droit suédois), Vbi Huissen BV, Vbi Verenigde Bouwprodukten Industrie BV, Vbi Verkoop Maatschappij BV, Addtek International AB, Aktiebolaget Strangbetong, DW Beton GmbH, Bonna Sabla SA, Bonna Sabla SNC, Consolis Denmark A/S et société Spenncon AS, ainsi que celle de 3 000 euros à la société FHB SELARL ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du treize février deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt.
Moyen produit par la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat aux Conseils, pour la société Mergermarket Limited.
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir dit que la société Mergermarket Limited a causé un trouble manifestement illicite qu'il convient de faire cesser dans les plus brefs délais et qu'il y a lieu de prendre les mesures nécessaires pour prévenir un dommage imminent, d'avoir ordonné à la société Mergermarket Limited de retirer de son site internet Debtwire l'ensemble des articles contenant les informations couvertes par la confidentialité au titre des procédures de prévention concernant le groupe Consolis, sous astreinte de 50.000 euros par jour de retard et par article, à compter de trois jours après la signification de l'ordonnance, d'avoir interdit à la société Mergermarket Limited la publication de quelque article que ce soit relatif aux procédures de prévention concernant le groupe Consolis, sous astreinte de 50.000 euros par infraction constatée, lesdites astreintes courant jusqu'à l'issue des procédures de prévention, et d'avoir condamné la société Mergermarket Limited à verser, en application de l'article 700 du code de procédure civile aux sociétés du groupe Consolis les sommes de 10.000 et 20.000 euros, et à la société FHB les sommes de 5.000 et 5.000 euros ;
Aux motifs propres que le groupe Consolis, leader européen des produits en béton préfabriqués, a fait l'objet d'un achat à effet de levier ou LBO (Leverage buy out), c'est-à-dire d'un rachat par un holding qui finance cette opération en recourant à l'emprunt ; qu'à la suite de la crise financière de 2008 puis encore au cours de l'année 2011, le groupe Consolis a été confronté à des difficultés financières qui ont contraint ses dirigeants à vouloir obtenir des aménagements de la part des prêteurs ; qu'ils ont saisi le président du Tribunal de commerce de Nanterre qui, par ordonnance du 11 août 2010 puis du 11 juillet 2012, a désigné la Selarl FHB prise en la personne de Madame K... en qualité de mandataire ad hoc ; qu'aux termes de l'ordonnance du 11 juillet 2012, cette dernière s'est ainsi vu confier la mission de rechercher « la conclusion d'un nouvel accord avec les Prêteurs Seniors et Second lien et toute autre partie prenante, ou toute autre opération, de nature à assurer la pérennité des sociétés du groupe Consolis dans le respect équitable des intérêts en présence, et ce, en assurant la confidentialité la plus stricte de ces négociations par tout moyen de droit » ; que la société Mergermarket Limited, filiale du groupe Financial Times, est éditrice du site d'informations financières en ligne Debtwire, consultable par abonnements et spécialisé dans le suivi de l'endettement des entreprises ; que, sur ce site, une trentaine d'articles relatant les difficultés rencontrées par les sociétés du groupe Consolis et les procédures engagées par celles-ci pour tenter de les surmonter ont été publiés ; que le 18 juillet 2012, un article commentant l'ouverture de la procédure de mandat ad hoc a été mis en ligne, suivi de cinq autres rendant compte de l'évolution de celle-ci ; que, par ordonnance du 26 septembre 2012, le président du Tribunal de commerce de Nanterre a nommé la Selarl FHB prise en la personne de Maître L... K... en qualité de conciliateur ; que le 4 octobre 2012, Madame K... a adressé à Debtwire, à l'attention de Madame N... Y..., journaliste auteur des articles susvisés, un courrier dans lequel elle constatait que, de façon répétée, depuis de nombreux mois, le site publiait des informations relatives à des sociétés pour lesquelles elle s'était vu confier une mission de mandataire ad hoc ou de conciliation, lui rappelait le caractère confidentiel de celles-ci et le mettait en garde contre d'éventuelles poursuites judiciaires s'il ne cessait pas de telles diffusions ; [...] qu'aux termes de l'article 873 du Code de procédure civile, le président du Tribunal de commerce peut, dans les limites de la compréhension de ce Tribunal et même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; que dans l'affaire en examen, les sociétés du groupe Consolis et la Selarl FHB font grief à la société Mergermarket Limited d'avoir publié sur son site internet Debtwire des articles contenant les informations couvertes par la confidentialité prévue par l'article L.611-15 du Code de commerce ; que l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui consacre le droit fondamental à la liberté d'expression, lequel comprend la liberté de recevoir ou de communiquer des informations, dispose à son paragraphe 2 que l'exercice de cette liberté peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, notamment pour empêcher la divulgation d'informations confidentielles ; qu'aux articles L.611-1 et suivants du Code de commerce, le législateur a prévu une procédure en faveur des entreprises qui rencontrent des difficultés économiques ou financières susceptibles de compromettre la poursuite de leur activité leur permettant d'obtenir la désignation d'un mandataire ad hoc ou d'un conciliateur chargé de trouver un accord avec leurs créanciers ; que l'article L.611-15 du Code de commerce prévoit que toute personne qui est appelée à la procédure de conciliation ou à un mandat ad hoc ou qui, par ses fonctions, en a connaissance est tenue à la confidentialité ; que le caractère confidentiel des procédures de prévention des difficultés des entreprises imposé par cette disposition fait obstacle à leur diffusion par voie de presse à moins qu'elle ne contribue à la nécessité d'informer le public sur une question d'intérêt général ; que, contrairement à ce que l'appelante soutient, cette interprétation de la portée de l'article L.611-15, précité, ne saurait être qualifiée de contra legem ; qu'en effet, il ressort de cet article qu'il vise à conférer une caractère confidentiel aux informations qu'il couvre indépendamment des personnes qu'il cite comme étant tenues à l'obligation de confidentialité ; que l'interprétation défendue par l'appelante, selon laquelle ce texte ne viserait que les personnes qu'il cite et n'édicterait ainsi qu'une obligation à l'égard de ces personnes, irait manifestement à l'encontre du but poursuivi par ce texte ; qu'ainsi, comme les intimées l'ont fait valoir, l'obligation de confidentialité qu'il prévoit a pour objet d'assurer l'effectivité des procédures de prévention des difficultés des entreprises prévues par les articles L.611-1 et suivants du Code de commerce ; qu'elle vise ainsi, d'une part, à éviter que la situation d'une entreprise qui décide de recourir à une telle procédure ne soit connue des tiers, fournisseurs, clients et concurrents et, partant, que ses difficultés soient aggravées ; qu'elle tend, d'autre part, à favoriser le succès de la négociation en assurant aux créanciers ou partenaires que les traitements dérogatoires et les efforts qu'ils auront consentis dans le cadre de celle-ci ne puissent servir de références ultérieures ; qu'il importe donc, afin d'assurer l'effet utile de l'article L. 611-15 du Code de commerce et, partant, des procédures de mandat ad hoc et de conciliation prévues aux articles L.611-1 et suivants, que l'obligation de confidentialité qu'il énonce soit comprise comme visant également les tiers et, en particulier, les organes de presse qui, par le biais d'une violation de cette obligation, ont eu connaissance d'informations qu'elle vise à protéger ; qu'en d'autres termes, l'argumentation de l'appelante, selon laquelle le devoir de confidentialité ne serait pas attaché à l'information mais aux personnes énumérées à l'article L.611-15 n'apparaît pas pertinente dans la mesure où l'obtention, par un organe de presse, d'informations échangées dans le cadre d'une procédure de prévention, procède selon toute vraisemblance de la violation par une de ces personnes de son obligation de confidentialité ; qu'il résulte également des considérations qui précèdent qu'aucune conséquence déterminante pour la portée de l'article L.611-15 ne saurait être tirée du libellé de l'article L.2325-5 du Code du travail, qui vise expressément les « informations revêtant un caractère confidentiel » ; qu'il s'ensuit que l'article L.611-15 du Code de commerce constitue une restriction prévue par la loi pour empêcher la divulgation d'informations confidentielles au sens de l'article 10, § 2, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que l'interprétation de la portée de cet article retenue ci-dessus, selon laquelle le caractère confidentiel des procédures de prévention des difficultés des entreprises imposé par l'article L.611-15 du Code de commerce fait obstacle à leur diffusion par voie de presse à moins qu'elle ne contribue à la nécessité d'informer le public sur une question d'intérêt général, n'enfreint pas non plus l'exigence de prévisibilité à laquelle la Cour européenne des droits de l'homme a subordonné la validité d'une restriction au sens de l'article 10 ; § 2, précité ; qu'en effet, au regard du libellé de l'article L.611-15, précité, de l'objectif qu'il poursuit tel qu'il a été exposé ci-dessus et de l'enjeu qui s'attache aux procédures de prévention amiables, à savoir le sauvetage d'une entreprise avec toutes ses conséquences en matière d'emplois directs ou dérivés, il ne saurait être soutenu que ladite interprétation était imprévisible ; qu'enfin, cette interprétation de l'article L.611-15 du Code de commerce n'est pas susceptible de compromettre le résultat prescrit par la directive 2016/943/UE du 8 juin 2016 sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulguées (secrets d'affaires) contre l'obtention, l'utilisation et la divulgation illicites ; que l'objectif de cette directive, ainsi qu'il est énoncé à son onzième considérant, est d'établir des règles communes en matière de protection des secrets d'affaires et de lutter contre la divulgation illicite d'informations confidentielles ; qu'ainsi que l'appelante le souligne, il est indiqué au 19ème considérant de celle-ci qu'il est essentiel que l'exercice du droit à la liberté d'expression et d'information, qui englobe la liberté et le pluralisme des médias, ne soit pas restreint, notamment en ce qui concerne le journalisme d'investigation ; que l'article 5 de la directive prévoit, à cet égard, que les Etats membres devront veiller à ce qu'une demande ayant pour objet l'application des mesures, procédures et réparations prévues par la présente directive soit rejetée lorsque l'obtention, l'utilisation ou la divulgation alléguée du secret des affaires a eu lieu pour exercer le droit à la liberté et du pluralisme des médias ; que, cependant, le droit à la liberté d'expression et d'information consacré à l'article 11 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne est susceptible de faire l'objet de restrictions dans les conditions énoncées à l'article 52 de celle-ci, lorsqu'elles sont prévues par la loi, dans le respect du principe de proportionnalité, si elles sont nécessaires et si elles répondent effectivement à des objectifs d'intérêt général reconnus par l'Union ou au besoin de protection des droits et libertés d'autrui ; que ces conditions de validité des restrictions pouvant être apportées à la liberté de la presse ne diffèrent pas de celles qui résultent de l'article 10 § 2 de la Convention européenne et l'exigence de proportionnalité est également prise en compte dès lors qu'il est admis que la publication d'informations confidentielles par application de l'article L.611-15 du Code de commerce ne constitue pas un trouble manifestement illicite au regard de la liberté d'informer du journaliste si les informations diffusées relèvent d'un débat d'intérêt général ; que la publication par un organe de presse d'informations couvertes par l'article L.611-15 du Code de commerce est donc susceptible de constituer un trouble manifestement illicite et d'entraîner un risque de dommage imminent ; qu'il ressort ensuite de l'examen des pièces produites par les intimées que l'appelante a mis en ligne sur le site debtwire les articles suivants : - le 18 juillet 2012 à 16h08, alors que Maître K... avait été désignée mandataire ad hoc par ordonnance en date du 11 juillet, un article faisant mention de cette nouvelle désignation et comportant de nombreux résultats chiffrés du groupe Consolis, - le 26 juillet 2012 à 14h53, alors qu'une nouvelle réunion s'était tenue le 14 juillet 2012 au cours de laquelle le mandataire ad hoc avait rappelé les obligations des participants en matière de confidentialité, un article relatant le déroulement de celle-ci, citant de nombreuses données chiffrées relatives aux résultats et aux engagements financiers du groupe Consolis et exposant les demandes faites aux créanciers, - le 9 août 2012 à 18 heures 02, un article indiquant que des prêteurs seniors de Consolis nommément désignés, avaient organisé un groupe de travail informel et faisant le point sur l'état des discussions relativement à la restructuration de la dette ainsi que la situation financière de Consolis, - 7 septembre 2012 à 17 h 31, un article relatant l'état des négociations entre les parties à la procédure sous l'égide du mandataire ad hoc, - le 25 septembre 2012, dès le lendemain d'une réunion organisée entre les sociétés du groupe Consolis et ses prêteurs, un article dans lequel il est mentionné que, lors de celle-ci, la procédure est passée d'un mandat ad hoc à une conciliation, l'état des négociations entre les parties, de nombreuses données chiffrées relatives à la situation financière du groupe Consolis, les intentions des parties ainsi qu'un calendrier estimatif, - le 17 octobre 2012, malgré la mise en demeure adressée par le conciliateur le 4 octobre 2012, un dossier de huit pages concernant les sociétés du groupe Consolis, retraçant la procédure de conciliation engagée par les sociétés du groupe, citant les résultats obtenus ainsi que les négociations engagées avec les prêteurs ; qu'en outre, dans tous les articles précités, il est fait référence à des « sources » afin d'accréditer l'exactitude de leur contenu dans des termes qui donnent à penser qu'il s'agit de personnes qui participent aux négociations menées par le mandataire ad hoc puis le conciliateur ; que ces articles, au vu de leur contenu et de la proximité de la date de leur parution au regard de celle des réunions organisées par le mandataire ad hoc puis le conciliateur, enfreignent manifestement l'obligation de confidentialité prévue par l'article L.611-15 du Code de commerce ; que l'appelante conteste cette analyse au motif que de nombreuses informations relatives à la procédure de prévention litigieuse avaient été publiées antérieurement dans d'autres sites de la presse spécialisée ; que, cependant, les articles cités par Mergermarket Limited ne retracent pas comme l'ont fait les siens le déroulement, au fur et à mesure, des réunions tenues dans le cadre de la procédure de prévention amiable, des négociations en cours dans le cadre de celle-ci avec les données chiffrées très précises fournies par des « sources » participant à cette procédure ; que les articles diffusés par d'autres sites ou organes de presse cités par Mergermarket Limited font simplement état des difficultés du groupe Consolis avant l'ouverture de la première procédure de mandat ad hoc, le résultat de celle-ci et l'existence de nouvelles difficultés en juillet 2012 ; que l'appelante soutient encore que ses articles répondaient à un objectif légitime d'informer dans un débat d'intérêt général ; qu'il était légitime, selon elle, que le public soit informé des difficultés rencontrées par un groupe de la taille de Consolis, lesquelles constitueraient une menace pour l'emploi et toute l'économie ; mais que cette simple affirmation de principe, au regard des indications qui précèdent, ne saurait constituer une contestation sérieuse ; que l'appelante ne justifie pas, en effet, en quoi il pouvait être conforme à l'intérêt général et, en particulier, à la défense de l'emploi et de l'économie de rendre public, à tout le moins de porter à la connaissance de ses abonnés, un compte rendu en temps réel du déroulement et du contenu des négociations de la procédure de prévention amiable ouverte au bénéfice des sociétés du groupe Consolis ; que c'est précisément la préservation de l'emploi et la défense de l'économie que la confidentialité de la procédure de prévention amiable ouverte au bénéfice de ces sociétés visait à assure ; qu'il s'avère donc, avec l'évidence requise en référé, que ces articles ne pouvaient que compromettre l'issue de cette procédure et fragiliser la situation des sociétés du groupe Consolis et, partant, qu'ils constituaient un trouble manifestement illicite ; que la circonstance, à cet égard, que la procédure de prévention amiable s'est terminée par une conciliation courant mars 2013 ne saurait mettre en cause cette analyse, tant il est vrai que le simple constat qu'une conciliation est intervenue n'exclut pas que le contenu de celle-ci soit plus défavorable aux sociétés du groupe Consolis que ce qu'il aurait été si la confidentialité avait été respectée et que les relations des sociétés du groupe Consolis avec leurs partenaires se sont dégradées de manière significative ; qu'enfin, les mesures réclamées par les intimées et ordonnées par le premier juge ne sont pas disproportionnées dans la mesure où elles visent exclusivement les articles contenant les informations couvertes par la confidentialité au titre des procédures de prévention concernant le groupe Consolis ; que l'ordonnance attaquée a aussi débouté le groupe Consolis de ses demandes au titre du paiement d'une provision et de désignation d'un expert mais l'intimée n'a pas fait appel incident de ce chef, de sorte que la Cour, saisie d'aucune demande à ce titre, confirmera ladite ordonnance sur ce point ;
Et aux motifs, le cas échéant repris du premier juge, que toute restriction de la liberté d'expression doit être prévue par la loi, répondre à un but légitime, être nécessaire dans une société démocratique ; qu'en l'espèce, la confidentialité des informations relatives aux procédures de prévention est prévue par l'article L.611-15 du code de commerce, cette confidentialité répond à un but légitime : protéger les sociétés qui ont recours à ces procédures, ainsi que leurs partenaires ou créanciers qui y participent, cette confidentialité participe du respect dû aux personnes afin de préserver leurs droits à l'encontre de toute ingérence, et est donc nécessaire dans une société démocratique ; que la liberté d'expression reconnue aux organes de presse doit s'exercer dans le respect des droits d'autrui, et que la divulgation délibérée, par Debtwire, sur son site internet, d'informations que la loi déclare soumises à la confidentialité, est fautive, et excède les droits légitimes que peut revendiquer Mergermarket ;
Alors, de première part, que, si la publication d'informations confidentielles par application de l'article L.611-15 du Code de commerce ne constitue pas un trouble manifestement illicite au regard de la liberté d'informer du journaliste si les informations diffusées relèvent d'un débat d'intérêt général, il est en revanche indifférent que ces informations soient en elles-mêmes conformes ou non à l'intérêt général ; qu'au contraire la liberté d'information vaut non seulement pour les informations ou idées accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent l'État ou une fraction quelconque de la population ; qu'en retenant que la société Mergermarket Limited ne justifiait pas en quoi la révélation des détails de la négociation en cours sur la restructuration de la dette du groupe Consolis dans le cadre de la procédure de conciliation était « conforme à l'intérêt général et, en particulier, à la défense de l'emploi et de l'économie », la Cour d'appel a ajouté à tort une condition à la loi et a de ce seul fait violé l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles L.611-15 du Code de commerce et 873 du Code de procédure civile
Alors, en outre, de deuxième part, que relèvent d'un débat d'intérêt général les choix stratégiques mettant en jeu des sommes considérables opérés lors d'une procédure collective et susceptibles de jouer sur le devenir d'une entreprise ou dont les conséquences économiques et sociales peuvent être la disparition d'une entreprise de grande envergure ou d'un groupe de sociétés ; que la cour d'appel qui a constaté que le groupe Consolis occupait une place éminente dans l'économie européenne et que ses difficultés financières avaient conduit à l'engagement d'une procédure de conciliation par un mandataire ad hoc, ne pouvait refuser de considérer que les informations relatives à cette procédure diffusées par la société Mergermarket Limited relevaient nécessairement d'un débat d'intérêt général excluant que leur publication puisse constituer un trouble manifestement illicite, au regard du caractère confidentiel de ces informations, sauf à méconnaître les conséquences légales de ses propres constatations et violer à nouveau l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles L.611-15 du Code de commerce et 873 du Code de procédure civile ;
Alors, de troisième part que, de façon plus générale, relèvent également d'un débat d'intérêt général les difficultés rencontrées au lendemain de la crise par les entreprises ayant fait l'objet de LBO hautement spéculatifs pour restructurer leurs dettes ; que la Cour d'appel qui s'est abstenue de rechercher, comme elle y était invitée par la société exposante en ses écritures d'appel (conclusions devant la Cour de renvoi, p. 33 et 34), si la procédure de conciliation dont les informations contestées avaient fait état ne s'inscrivait pas dans un tel contexte et si ces informations ne relevaient pas de ce fait d'un débat d'intérêt général excluant que leur publication puisse constituer un trouble manifestement illicite au regard du caractère confidentiel de ces informations, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles L. 611-15 du Code de commerce et 873 du Code de procédure civile ;
Alors, en tout état de cause, de quatrième part, que, lorsqu'ils se prononcent sur l'existence d'un débat d'intérêt général, les juges du fond doivent tenir compte du contexte spécifique des faits litigieux, dont le retentissement antérieur d'une affaire notamment auprès des médias ; qu'en ne recherchant pas, comme cela lui était demandé par la société Mergermarket Limited (conclusions devant la Cour de renvoi, p. 27 et p. 28), si les informations diffusées par d'autres médias avant elle à propos de la procédure de conciliation avec nomination d'un mandataire ad hoc ouverte par le groupe Consolis n'étaient pas, au-delà de leur contenu, de nature à créer un contexte faisant des informations litigieuses diffusées les composantes d'un débat d'intérêt général excluant que leur publication puisse constituer un trouble manifestement illicite au regard du caractère confidentiel de ces informations, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles L.611-15 du Code de commerce et 873 du Code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2019:CO00198
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 20 avril 2017) rendu, en matière de référé, sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 15 décembre 2015, pourvoi n° 14-11.500) que par ordonnances des 11 juillet et 26 septembre 2012, la société FHB a été désignée mandataire ad hoc puis conciliateur des sociétés du groupe Consolis sur le fondement des articles L. 611-3 et L. 611-5 du code de commerce ; que le 18 juillet 2012, la société Mergermarket Limited, éditrice du site d'informations financières en ligne Debtwire, spécialisé dans le suivi de l'endettement des entreprises et consultable par abonnement, a publié un article commentant l'ouverture de la procédure de mandat ad hoc ; qu'elle a, par la suite, diffusé divers articles rendant compte de l'évolution des procédures en cours, exposant les négociations engagées avec les créanciers des sociétés du groupe et citant des données chiffrées sur la situation financière de ces sociétés ; que les 23 et 24 octobre 2012, plusieurs sociétés du groupe Consolis ainsi que la société FHB ont assigné la société Mergermarket Limited devant le juge des référés pour obtenir le retrait de l'ensemble des articles contenant des informations confidentielles les concernant, ainsi que l'interdiction de publier d'autres articles ;
Attendu que la société Mergermarket Limited fait grief à l'arrêt d'accueillir les demandes alors, selon le moyen :
1°/ que si la publication d'informations confidentielles par application de l'article L. 611-15 du code de commerce ne constitue pas un trouble manifestement illicite au regard de la liberté d'informer du journaliste si les informations diffusées relèvent d'un débat d'intérêt général, il est en revanche indifférent que ces informations soient en elles-mêmes conformes ou non à l'intérêt général ; qu'au contraire la liberté d'information vaut non seulement pour les informations ou idées accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent l'État ou une fraction quelconque de la population ; qu'en retenant que la société Mergermarket Limited ne justifiait pas en quoi la révélation des détails de la négociation en cours sur la restructuration de la dette du groupe Consolis dans le cadre de la procédure de conciliation était "conforme à l'intérêt général et, en particulier, à la défense de l'emploi et de l'économie", la cour d'appel a ajouté à tort une condition à la loi et a de ce seul fait violé l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles L. 611-15 du code de commerce et 873 du code de procédure civile ;
2°/ que relèvent d'un débat d'intérêt général les choix stratégiques mettant en jeu des sommes considérables opérés lors d'une procédure collective et susceptibles de jouer sur le devenir d'une entreprise ou dont les conséquences économiques et sociales peuvent être la disparition d'une entreprise de grande envergure ou d'un groupe de sociétés ; que la cour d'appel qui a constaté que le groupe Consolis occupait une place éminente dans l'économie européenne et que ses difficultés financières avaient conduit à l'engagement d'une procédure de conciliation par un mandataire ad hoc, ne pouvait refuser de considérer que les informations relatives à cette procédure diffusées par la société Mergermarket Limited relevaient nécessairement d'un débat d'intérêt général excluant que leur publication puisse constituer un trouble manifestement illicite, au regard du caractère confidentiel de ces informations, sauf à méconnaître les conséquences légales de ses propres constatations et violer à nouveau l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles L. 611-15 du code de commerce et 873 du code de procédure civile ;
3°/ que, de façon plus générale, relèvent également d'un débat d'intérêt général les difficultés rencontrées au lendemain de la crise par les entreprises ayant fait l'objet de LBO hautement spéculatifs pour restructurer leurs dettes ; que la cour d'appel qui s'est abstenue de rechercher, comme elle y était invitée par la société exposante en ses écritures d'appel, si la procédure de conciliation dont les informations contestées avaient fait état ne s'inscrivait pas dans un tel contexte et si ces informations ne relevaient pas de ce fait d'un débat d'intérêt général excluant que leur publication puisse constituer un trouble manifestement illicite au regard du caractère confidentiel de ces informations, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles L. 611-15 du code de commerce et 873 du code de procédure civile ;
4°/ que, lorsqu'ils se prononcent sur l'existence d'un débat d'intérêt général, les juges du fond doivent tenir compte du contexte spécifique des faits litigieux, dont le retentissement antérieur d'une affaire notamment auprès des médias ; qu'en ne recherchant pas, comme cela lui était demandé par la société Mergermarket Limited, si les informations diffusées par d'autres médias avant elle à propos de la procédure de conciliation avec nomination d'un mandataire ad hoc ouverte par le groupe Consolis n'étaient pas, au-delà de leur contenu, de nature à créer un contexte faisant des informations litigieuses diffusées les composantes d'un débat d'intérêt général excluant que leur publication puisse constituer un trouble manifestement illicite au regard du caractère confidentiel de ces informations, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles L. 611-15 du code de commerce et 873 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'après avoir vérifié que la mesure de retrait et d'interdiction demandée était prévue par la loi, qu'elle poursuivait un but légitime et qu'elle était proportionnée à ce but, la cour d'appel s'est attachée à examiner le contenu des articles litigieux pour déterminer si, au-delà de l'affirmation de principe selon laquelle les difficultés d'un grand groupe industriel relevaient d'un débat d'intérêt général au regard des répercussions économiques et sociales que ces difficultés pouvaient entraîner, le contenu des articles n'avait pas contribué à nourrir ce débat, et ce faisant, a vérifié si la mesure sollicitée était nécessaire dans une société démocratique au sens de l'article 10.2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Que la cour d'appel a constaté qu'avaient été mis en ligne, le 26 juillet 2012, un article relatant le déroulement d'une réunion organisée le 24 juillet par le mandataire ad hoc, citant de nombreuses données chiffrées relatives aux résultats et aux engagements financiers du groupe Consolis et exposant les demandes faites aux créanciers, le 9 août 2012, un article indiquant que des prêteurs seniors de Consolis, nommément désignés, avaient organisé un groupe de travail informel et faisant le point sur l'état des discussions relativement à la restructuration de la dette ainsi que la situation financière du groupe Consolis, le 7 septembre 2012, un article relatant l'état des négociations entre les parties à la procédure sous l'égide du mandataire ad hoc, le 25 suivant, un article mentionnant que, lors d'une réunion organisée entre les sociétés du groupe Consolis et ses prêteurs, la procédure était passée d'un mandat ad hoc à une conciliation, ainsi que l'état des négociations entre les parties, de nombreuses données chiffrées relatives à la situation financière du groupe Consolis, les intentions des parties ainsi qu'un calendrier estimatif et, enfin, le 17 octobre 2012, un dossier de huit pages concernant les sociétés du groupe Consolis, retraçant la procédure de conciliation engagée par les sociétés du groupe, citant les résultats obtenus ainsi que les négociations engagées avec les prêteurs ; qu'elle a ainsi relevé que ces articles retraçaient le déroulement, au fur et à mesure, des réunions tenues dans le cadre de la procédure de prévention amiable, divulguant le contenu des négociations en cours dans le cadre de celle-ci avec des données chiffrées très précises fournies par des sources participant à cette procédure ;
Que pour répondre au moyen soutenu par la société Mergermarket Limited selon lequel ces articles répondaient à un objectif légitime d'informer le public, dans un débat d'intérêt général, des difficultés rencontrées par un groupe de la taille de Consolis, lesquelles constitueraient une menace pour l'emploi et toute l'économie, la cour d'appel a retenu qu'il n'était pas justifié en quoi il pouvait être conforme à l'intérêt général et, en particulier, à la défense de l'emploi et de l'économie de rendre public, à tout le moins, de porter à la connaissance de ses abonnés, un compte rendu en temps réel du déroulement et du contenu des négociations de la procédure de prévention amiable ouverte au bénéfice des sociétés du groupe Consolis, tandis que les articles diffusés par d'autres sites ou organes de presse se bornaient à faire état des difficultés du groupe Consolis avant l'ouverture de la première procédure de mandat ad hoc, le résultat de celle-ci et l'existence de nouvelles difficultés en juillet 2012 ;
Qu'elle a encore relevé que le public concerné est celui des abonnés au site Debtwire, spécialisé dans le suivi de l'endettement des entreprises ;
Qu'elle a relevé, enfin, que ces articles ne pouvaient que compromettre l'issue de la procédure de prévention amiable et fragiliser la situation des sociétés du groupe Consolis et, partant, qu'ils constituaient un trouble manifestement illicite, et que la circonstance, à cet égard, que la procédure se soit terminée par une conciliation courant mars 2013 est sans incidence tant il est vrai que ce simple constat n'exclut pas que le contenu de cette conciliation soit plus défavorable aux sociétés du groupe Consolis que ce qu'il aurait été si la confidentialité avait été respectée, et que les relations des sociétés du groupe Consolis avec leurs partenaires se soient dégradées de manière significative ;
Qu'en l'état de ces constatations et appréciations, desquelles il résulte que les articles litigieux, qui ont divulgué des données chiffrées confidentielles sur les difficultés des sociétés du groupe Consolis et les détails des négociations en cours que ces dernières menaient pour restructurer leur dette dans le cadre d'une procédure de conciliation couverte par la confidentialité prévue par l'article L. 611-15 du code de commerce, n'étaient pas de nature à nourrir un débat d'intérêt général sur les difficultés d'un grand groupe industriel et ses répercussions sur l'emploi et l'économie nationale, mais tendaient principalement à satisfaire les intérêts de ses abonnés, public spécialisé dans l'endettement des entreprises, et que leur publication risquait de causer un préjudice considérable aux sociétés du groupe Consolis ainsi qu'aux parties appelées à la procédure de prévention amiable et de compromettre gravement son déroulement et son issue, la cour d'appel qui, en dépit de l'usage inapproprié de l'expression "conforme à l'intérêt général" au lieu de "conforme à l'objectif légitime d'informer le public sur une question d'intérêt général", a effectué la recherche invoquée à la quatrième branche et n'avait pas à effectuer celle invoquée à la troisième branche, a fait une juste application de l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Mergenmarket Limited aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer la somme globale de 3 000 euros aux sociétés Consolis SAS, Consolis Holding SAS, Consolis Netherlands BV, Consolis OY AB, Consolis Finance SAS, DW Betonrohre GmbH, DW Schwellen GmbH, DW Systembau GmbH, Parma OY AB, Addtek Holding International AB, Sateba Systeme Vagneux, Spenncon AS, Tonful OY AB (de droit finlandais), Tonful OY AB (de droit suédois), Vbi Huissen BV, Vbi Verenigde Bouwprodukten Industrie BV, Vbi Verkoop Maatschappij BV, Addtek International AB, Aktiebolaget Strangbetong, DW Beton GmbH, Bonna Sabla SA, Bonna Sabla SNC, Consolis Denmark A/S et société Spenncon AS, ainsi que celle de 3 000 euros à la société FHB SELARL ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du treize février deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt.
Moyen produit par la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat aux Conseils, pour la société Mergermarket Limited.
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir dit que la société Mergermarket Limited a causé un trouble manifestement illicite qu'il convient de faire cesser dans les plus brefs délais et qu'il y a lieu de prendre les mesures nécessaires pour prévenir un dommage imminent, d'avoir ordonné à la société Mergermarket Limited de retirer de son site internet Debtwire l'ensemble des articles contenant les informations couvertes par la confidentialité au titre des procédures de prévention concernant le groupe Consolis, sous astreinte de 50.000 euros par jour de retard et par article, à compter de trois jours après la signification de l'ordonnance, d'avoir interdit à la société Mergermarket Limited la publication de quelque article que ce soit relatif aux procédures de prévention concernant le groupe Consolis, sous astreinte de 50.000 euros par infraction constatée, lesdites astreintes courant jusqu'à l'issue des procédures de prévention, et d'avoir condamné la société Mergermarket Limited à verser, en application de l'article 700 du code de procédure civile aux sociétés du groupe Consolis les sommes de 10.000 et 20.000 euros, et à la société FHB les sommes de 5.000 et 5.000 euros ;
Aux motifs propres que le groupe Consolis, leader européen des produits en béton préfabriqués, a fait l'objet d'un achat à effet de levier ou LBO (Leverage buy out), c'est-à-dire d'un rachat par un holding qui finance cette opération en recourant à l'emprunt ; qu'à la suite de la crise financière de 2008 puis encore au cours de l'année 2011, le groupe Consolis a été confronté à des difficultés financières qui ont contraint ses dirigeants à vouloir obtenir des aménagements de la part des prêteurs ; qu'ils ont saisi le président du Tribunal de commerce de Nanterre qui, par ordonnance du 11 août 2010 puis du 11 juillet 2012, a désigné la Selarl FHB prise en la personne de Madame K... en qualité de mandataire ad hoc ; qu'aux termes de l'ordonnance du 11 juillet 2012, cette dernière s'est ainsi vu confier la mission de rechercher « la conclusion d'un nouvel accord avec les Prêteurs Seniors et Second lien et toute autre partie prenante, ou toute autre opération, de nature à assurer la pérennité des sociétés du groupe Consolis dans le respect équitable des intérêts en présence, et ce, en assurant la confidentialité la plus stricte de ces négociations par tout moyen de droit » ; que la société Mergermarket Limited, filiale du groupe Financial Times, est éditrice du site d'informations financières en ligne Debtwire, consultable par abonnements et spécialisé dans le suivi de l'endettement des entreprises ; que, sur ce site, une trentaine d'articles relatant les difficultés rencontrées par les sociétés du groupe Consolis et les procédures engagées par celles-ci pour tenter de les surmonter ont été publiés ; que le 18 juillet 2012, un article commentant l'ouverture de la procédure de mandat ad hoc a été mis en ligne, suivi de cinq autres rendant compte de l'évolution de celle-ci ; que, par ordonnance du 26 septembre 2012, le président du Tribunal de commerce de Nanterre a nommé la Selarl FHB prise en la personne de Maître L... K... en qualité de conciliateur ; que le 4 octobre 2012, Madame K... a adressé à Debtwire, à l'attention de Madame N... Y..., journaliste auteur des articles susvisés, un courrier dans lequel elle constatait que, de façon répétée, depuis de nombreux mois, le site publiait des informations relatives à des sociétés pour lesquelles elle s'était vu confier une mission de mandataire ad hoc ou de conciliation, lui rappelait le caractère confidentiel de celles-ci et le mettait en garde contre d'éventuelles poursuites judiciaires s'il ne cessait pas de telles diffusions ; [...] qu'aux termes de l'article 873 du Code de procédure civile, le président du Tribunal de commerce peut, dans les limites de la compréhension de ce Tribunal et même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; que dans l'affaire en examen, les sociétés du groupe Consolis et la Selarl FHB font grief à la société Mergermarket Limited d'avoir publié sur son site internet Debtwire des articles contenant les informations couvertes par la confidentialité prévue par l'article L.611-15 du Code de commerce ; que l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui consacre le droit fondamental à la liberté d'expression, lequel comprend la liberté de recevoir ou de communiquer des informations, dispose à son paragraphe 2 que l'exercice de cette liberté peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, notamment pour empêcher la divulgation d'informations confidentielles ; qu'aux articles L.611-1 et suivants du Code de commerce, le législateur a prévu une procédure en faveur des entreprises qui rencontrent des difficultés économiques ou financières susceptibles de compromettre la poursuite de leur activité leur permettant d'obtenir la désignation d'un mandataire ad hoc ou d'un conciliateur chargé de trouver un accord avec leurs créanciers ; que l'article L.611-15 du Code de commerce prévoit que toute personne qui est appelée à la procédure de conciliation ou à un mandat ad hoc ou qui, par ses fonctions, en a connaissance est tenue à la confidentialité ; que le caractère confidentiel des procédures de prévention des difficultés des entreprises imposé par cette disposition fait obstacle à leur diffusion par voie de presse à moins qu'elle ne contribue à la nécessité d'informer le public sur une question d'intérêt général ; que, contrairement à ce que l'appelante soutient, cette interprétation de la portée de l'article L.611-15, précité, ne saurait être qualifiée de contra legem ; qu'en effet, il ressort de cet article qu'il vise à conférer une caractère confidentiel aux informations qu'il couvre indépendamment des personnes qu'il cite comme étant tenues à l'obligation de confidentialité ; que l'interprétation défendue par l'appelante, selon laquelle ce texte ne viserait que les personnes qu'il cite et n'édicterait ainsi qu'une obligation à l'égard de ces personnes, irait manifestement à l'encontre du but poursuivi par ce texte ; qu'ainsi, comme les intimées l'ont fait valoir, l'obligation de confidentialité qu'il prévoit a pour objet d'assurer l'effectivité des procédures de prévention des difficultés des entreprises prévues par les articles L.611-1 et suivants du Code de commerce ; qu'elle vise ainsi, d'une part, à éviter que la situation d'une entreprise qui décide de recourir à une telle procédure ne soit connue des tiers, fournisseurs, clients et concurrents et, partant, que ses difficultés soient aggravées ; qu'elle tend, d'autre part, à favoriser le succès de la négociation en assurant aux créanciers ou partenaires que les traitements dérogatoires et les efforts qu'ils auront consentis dans le cadre de celle-ci ne puissent servir de références ultérieures ; qu'il importe donc, afin d'assurer l'effet utile de l'article L. 611-15 du Code de commerce et, partant, des procédures de mandat ad hoc et de conciliation prévues aux articles L.611-1 et suivants, que l'obligation de confidentialité qu'il énonce soit comprise comme visant également les tiers et, en particulier, les organes de presse qui, par le biais d'une violation de cette obligation, ont eu connaissance d'informations qu'elle vise à protéger ; qu'en d'autres termes, l'argumentation de l'appelante, selon laquelle le devoir de confidentialité ne serait pas attaché à l'information mais aux personnes énumérées à l'article L.611-15 n'apparaît pas pertinente dans la mesure où l'obtention, par un organe de presse, d'informations échangées dans le cadre d'une procédure de prévention, procède selon toute vraisemblance de la violation par une de ces personnes de son obligation de confidentialité ; qu'il résulte également des considérations qui précèdent qu'aucune conséquence déterminante pour la portée de l'article L.611-15 ne saurait être tirée du libellé de l'article L.2325-5 du Code du travail, qui vise expressément les « informations revêtant un caractère confidentiel » ; qu'il s'ensuit que l'article L.611-15 du Code de commerce constitue une restriction prévue par la loi pour empêcher la divulgation d'informations confidentielles au sens de l'article 10, § 2, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que l'interprétation de la portée de cet article retenue ci-dessus, selon laquelle le caractère confidentiel des procédures de prévention des difficultés des entreprises imposé par l'article L.611-15 du Code de commerce fait obstacle à leur diffusion par voie de presse à moins qu'elle ne contribue à la nécessité d'informer le public sur une question d'intérêt général, n'enfreint pas non plus l'exigence de prévisibilité à laquelle la Cour européenne des droits de l'homme a subordonné la validité d'une restriction au sens de l'article 10 ; § 2, précité ; qu'en effet, au regard du libellé de l'article L.611-15, précité, de l'objectif qu'il poursuit tel qu'il a été exposé ci-dessus et de l'enjeu qui s'attache aux procédures de prévention amiables, à savoir le sauvetage d'une entreprise avec toutes ses conséquences en matière d'emplois directs ou dérivés, il ne saurait être soutenu que ladite interprétation était imprévisible ; qu'enfin, cette interprétation de l'article L.611-15 du Code de commerce n'est pas susceptible de compromettre le résultat prescrit par la directive 2016/943/UE du 8 juin 2016 sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulguées (secrets d'affaires) contre l'obtention, l'utilisation et la divulgation illicites ; que l'objectif de cette directive, ainsi qu'il est énoncé à son onzième considérant, est d'établir des règles communes en matière de protection des secrets d'affaires et de lutter contre la divulgation illicite d'informations confidentielles ; qu'ainsi que l'appelante le souligne, il est indiqué au 19ème considérant de celle-ci qu'il est essentiel que l'exercice du droit à la liberté d'expression et d'information, qui englobe la liberté et le pluralisme des médias, ne soit pas restreint, notamment en ce qui concerne le journalisme d'investigation ; que l'article 5 de la directive prévoit, à cet égard, que les Etats membres devront veiller à ce qu'une demande ayant pour objet l'application des mesures, procédures et réparations prévues par la présente directive soit rejetée lorsque l'obtention, l'utilisation ou la divulgation alléguée du secret des affaires a eu lieu pour exercer le droit à la liberté et du pluralisme des médias ; que, cependant, le droit à la liberté d'expression et d'information consacré à l'article 11 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne est susceptible de faire l'objet de restrictions dans les conditions énoncées à l'article 52 de celle-ci, lorsqu'elles sont prévues par la loi, dans le respect du principe de proportionnalité, si elles sont nécessaires et si elles répondent effectivement à des objectifs d'intérêt général reconnus par l'Union ou au besoin de protection des droits et libertés d'autrui ; que ces conditions de validité des restrictions pouvant être apportées à la liberté de la presse ne diffèrent pas de celles qui résultent de l'article 10 § 2 de la Convention européenne et l'exigence de proportionnalité est également prise en compte dès lors qu'il est admis que la publication d'informations confidentielles par application de l'article L.611-15 du Code de commerce ne constitue pas un trouble manifestement illicite au regard de la liberté d'informer du journaliste si les informations diffusées relèvent d'un débat d'intérêt général ; que la publication par un organe de presse d'informations couvertes par l'article L.611-15 du Code de commerce est donc susceptible de constituer un trouble manifestement illicite et d'entraîner un risque de dommage imminent ; qu'il ressort ensuite de l'examen des pièces produites par les intimées que l'appelante a mis en ligne sur le site debtwire les articles suivants : - le 18 juillet 2012 à 16h08, alors que Maître K... avait été désignée mandataire ad hoc par ordonnance en date du 11 juillet, un article faisant mention de cette nouvelle désignation et comportant de nombreux résultats chiffrés du groupe Consolis, - le 26 juillet 2012 à 14h53, alors qu'une nouvelle réunion s'était tenue le 14 juillet 2012 au cours de laquelle le mandataire ad hoc avait rappelé les obligations des participants en matière de confidentialité, un article relatant le déroulement de celle-ci, citant de nombreuses données chiffrées relatives aux résultats et aux engagements financiers du groupe Consolis et exposant les demandes faites aux créanciers, - le 9 août 2012 à 18 heures 02, un article indiquant que des prêteurs seniors de Consolis nommément désignés, avaient organisé un groupe de travail informel et faisant le point sur l'état des discussions relativement à la restructuration de la dette ainsi que la situation financière de Consolis, - 7 septembre 2012 à 17 h 31, un article relatant l'état des négociations entre les parties à la procédure sous l'égide du mandataire ad hoc, - le 25 septembre 2012, dès le lendemain d'une réunion organisée entre les sociétés du groupe Consolis et ses prêteurs, un article dans lequel il est mentionné que, lors de celle-ci, la procédure est passée d'un mandat ad hoc à une conciliation, l'état des négociations entre les parties, de nombreuses données chiffrées relatives à la situation financière du groupe Consolis, les intentions des parties ainsi qu'un calendrier estimatif, - le 17 octobre 2012, malgré la mise en demeure adressée par le conciliateur le 4 octobre 2012, un dossier de huit pages concernant les sociétés du groupe Consolis, retraçant la procédure de conciliation engagée par les sociétés du groupe, citant les résultats obtenus ainsi que les négociations engagées avec les prêteurs ; qu'en outre, dans tous les articles précités, il est fait référence à des « sources » afin d'accréditer l'exactitude de leur contenu dans des termes qui donnent à penser qu'il s'agit de personnes qui participent aux négociations menées par le mandataire ad hoc puis le conciliateur ; que ces articles, au vu de leur contenu et de la proximité de la date de leur parution au regard de celle des réunions organisées par le mandataire ad hoc puis le conciliateur, enfreignent manifestement l'obligation de confidentialité prévue par l'article L.611-15 du Code de commerce ; que l'appelante conteste cette analyse au motif que de nombreuses informations relatives à la procédure de prévention litigieuse avaient été publiées antérieurement dans d'autres sites de la presse spécialisée ; que, cependant, les articles cités par Mergermarket Limited ne retracent pas comme l'ont fait les siens le déroulement, au fur et à mesure, des réunions tenues dans le cadre de la procédure de prévention amiable, des négociations en cours dans le cadre de celle-ci avec les données chiffrées très précises fournies par des « sources » participant à cette procédure ; que les articles diffusés par d'autres sites ou organes de presse cités par Mergermarket Limited font simplement état des difficultés du groupe Consolis avant l'ouverture de la première procédure de mandat ad hoc, le résultat de celle-ci et l'existence de nouvelles difficultés en juillet 2012 ; que l'appelante soutient encore que ses articles répondaient à un objectif légitime d'informer dans un débat d'intérêt général ; qu'il était légitime, selon elle, que le public soit informé des difficultés rencontrées par un groupe de la taille de Consolis, lesquelles constitueraient une menace pour l'emploi et toute l'économie ; mais que cette simple affirmation de principe, au regard des indications qui précèdent, ne saurait constituer une contestation sérieuse ; que l'appelante ne justifie pas, en effet, en quoi il pouvait être conforme à l'intérêt général et, en particulier, à la défense de l'emploi et de l'économie de rendre public, à tout le moins de porter à la connaissance de ses abonnés, un compte rendu en temps réel du déroulement et du contenu des négociations de la procédure de prévention amiable ouverte au bénéfice des sociétés du groupe Consolis ; que c'est précisément la préservation de l'emploi et la défense de l'économie que la confidentialité de la procédure de prévention amiable ouverte au bénéfice de ces sociétés visait à assure ; qu'il s'avère donc, avec l'évidence requise en référé, que ces articles ne pouvaient que compromettre l'issue de cette procédure et fragiliser la situation des sociétés du groupe Consolis et, partant, qu'ils constituaient un trouble manifestement illicite ; que la circonstance, à cet égard, que la procédure de prévention amiable s'est terminée par une conciliation courant mars 2013 ne saurait mettre en cause cette analyse, tant il est vrai que le simple constat qu'une conciliation est intervenue n'exclut pas que le contenu de celle-ci soit plus défavorable aux sociétés du groupe Consolis que ce qu'il aurait été si la confidentialité avait été respectée et que les relations des sociétés du groupe Consolis avec leurs partenaires se sont dégradées de manière significative ; qu'enfin, les mesures réclamées par les intimées et ordonnées par le premier juge ne sont pas disproportionnées dans la mesure où elles visent exclusivement les articles contenant les informations couvertes par la confidentialité au titre des procédures de prévention concernant le groupe Consolis ; que l'ordonnance attaquée a aussi débouté le groupe Consolis de ses demandes au titre du paiement d'une provision et de désignation d'un expert mais l'intimée n'a pas fait appel incident de ce chef, de sorte que la Cour, saisie d'aucune demande à ce titre, confirmera ladite ordonnance sur ce point ;
Et aux motifs, le cas échéant repris du premier juge, que toute restriction de la liberté d'expression doit être prévue par la loi, répondre à un but légitime, être nécessaire dans une société démocratique ; qu'en l'espèce, la confidentialité des informations relatives aux procédures de prévention est prévue par l'article L.611-15 du code de commerce, cette confidentialité répond à un but légitime : protéger les sociétés qui ont recours à ces procédures, ainsi que leurs partenaires ou créanciers qui y participent, cette confidentialité participe du respect dû aux personnes afin de préserver leurs droits à l'encontre de toute ingérence, et est donc nécessaire dans une société démocratique ; que la liberté d'expression reconnue aux organes de presse doit s'exercer dans le respect des droits d'autrui, et que la divulgation délibérée, par Debtwire, sur son site internet, d'informations que la loi déclare soumises à la confidentialité, est fautive, et excède les droits légitimes que peut revendiquer Mergermarket ;
Alors, de première part, que, si la publication d'informations confidentielles par application de l'article L.611-15 du Code de commerce ne constitue pas un trouble manifestement illicite au regard de la liberté d'informer du journaliste si les informations diffusées relèvent d'un débat d'intérêt général, il est en revanche indifférent que ces informations soient en elles-mêmes conformes ou non à l'intérêt général ; qu'au contraire la liberté d'information vaut non seulement pour les informations ou idées accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent l'État ou une fraction quelconque de la population ; qu'en retenant que la société Mergermarket Limited ne justifiait pas en quoi la révélation des détails de la négociation en cours sur la restructuration de la dette du groupe Consolis dans le cadre de la procédure de conciliation était « conforme à l'intérêt général et, en particulier, à la défense de l'emploi et de l'économie », la Cour d'appel a ajouté à tort une condition à la loi et a de ce seul fait violé l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles L.611-15 du Code de commerce et 873 du Code de procédure civile
Alors, en outre, de deuxième part, que relèvent d'un débat d'intérêt général les choix stratégiques mettant en jeu des sommes considérables opérés lors d'une procédure collective et susceptibles de jouer sur le devenir d'une entreprise ou dont les conséquences économiques et sociales peuvent être la disparition d'une entreprise de grande envergure ou d'un groupe de sociétés ; que la cour d'appel qui a constaté que le groupe Consolis occupait une place éminente dans l'économie européenne et que ses difficultés financières avaient conduit à l'engagement d'une procédure de conciliation par un mandataire ad hoc, ne pouvait refuser de considérer que les informations relatives à cette procédure diffusées par la société Mergermarket Limited relevaient nécessairement d'un débat d'intérêt général excluant que leur publication puisse constituer un trouble manifestement illicite, au regard du caractère confidentiel de ces informations, sauf à méconnaître les conséquences légales de ses propres constatations et violer à nouveau l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles L.611-15 du Code de commerce et 873 du Code de procédure civile ;
Alors, de troisième part que, de façon plus générale, relèvent également d'un débat d'intérêt général les difficultés rencontrées au lendemain de la crise par les entreprises ayant fait l'objet de LBO hautement spéculatifs pour restructurer leurs dettes ; que la Cour d'appel qui s'est abstenue de rechercher, comme elle y était invitée par la société exposante en ses écritures d'appel (conclusions devant la Cour de renvoi, p. 33 et 34), si la procédure de conciliation dont les informations contestées avaient fait état ne s'inscrivait pas dans un tel contexte et si ces informations ne relevaient pas de ce fait d'un débat d'intérêt général excluant que leur publication puisse constituer un trouble manifestement illicite au regard du caractère confidentiel de ces informations, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles L. 611-15 du Code de commerce et 873 du Code de procédure civile ;
Alors, en tout état de cause, de quatrième part, que, lorsqu'ils se prononcent sur l'existence d'un débat d'intérêt général, les juges du fond doivent tenir compte du contexte spécifique des faits litigieux, dont le retentissement antérieur d'une affaire notamment auprès des médias ; qu'en ne recherchant pas, comme cela lui était demandé par la société Mergermarket Limited (conclusions devant la Cour de renvoi, p. 27 et p. 28), si les informations diffusées par d'autres médias avant elle à propos de la procédure de conciliation avec nomination d'un mandataire ad hoc ouverte par le groupe Consolis n'étaient pas, au-delà de leur contenu, de nature à créer un contexte faisant des informations litigieuses diffusées les composantes d'un débat d'intérêt général excluant que leur publication puisse constituer un trouble manifestement illicite au regard du caractère confidentiel de ces informations, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles L.611-15 du Code de commerce et 873 du Code de procédure civile.