Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 6 février 2019, 18-11.217, Publié au bulletin
Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 6 février 2019, 18-11.217, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre civile 1
- N° de pourvoi : 18-11.217
- ECLI:FR:CCASS:2019:C100135
- Publié au bulletin
- Solution : Cassation sans renvoi
Audience publique du mercredi 06 février 2019
Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, du 28 novembre 2017- Président
- Mme Batut (président)
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Attendu que, sauf dispositions législatives contraires, la responsabilité qui peut incomber à l'Etat ou aux autres personnes morales de droit public, en raison des dommages imputés à leurs services publics administratifs, est soumise à un régime de droit public et relève, en conséquence, de la compétence de la juridiction administrative ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, reprochant à Mme X... (le praticien), chirurgien, d'avoir cessé son activité au sein des locaux de la société Clinique Richelieu (la clinique), sans respecter les clauses de préavis et de non-réinstallation contenues dans le contrat d'exercice qui l'aurait liée à cet établissement, et soutenant que les centres hospitaliers de Saintonge et de Saint-Jean-d'Angély (les centres hospitaliers) avaient commis une faute, constitutive de concurrence déloyale, en embauchant le praticien alors qu'ils avaient connaissance de ses manquements contractuels, la clinique les a assignés en paiement de dommages-intérêts ; que les centres hospitaliers ont soulevé une exception d'incompétence au profit de la juridiction administrative ;
Attendu que, pour déclarer la juridiction judiciaire compétente pour connaître de la demande dirigée contre les centres hospitaliers, l'arrêt énonce que les faits reprochés et les préjudices invoqués n'ont de lien ni avec la mission de service public administratif confiée à ces établissements publics de santé ni avec la nature administrative du contrat qu'ils ont conclu avec le praticien ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et vu les articles L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire et 1015 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 novembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Déclare la juridiction judiciaire incompétente pour connaître de la demande formée par la société Clinique Richelieu à l'encontre des centres hospitaliers de Saintonge et de Saint-Jean-d'Angély ;
Renvoie les parties à mieux se pourvoir de ce chef ;
Condamne la société Clinique Richelieu aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six février deux mille dix-neuf. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par Me Le Prado , avocat aux Conseils, pour les centres hospitaliers de Saintonge et de Saint-Jean-d'Angély.
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué :
D'AVOIR rejeté « l'exception d'irrecevabilité » [d'incompétence] soulevée par le centre hospitalier de Saintonge et le centre hospitalier de Saint-Jean-d'Angély, et D'AVOIR déclaré le tribunal de grande instance de Saintes compétent pour examiner les demandes de la clinique Richelieu dirigées contre le centre hospitalier de Saintonge et le centre hospitalier de Saint-Jean-d'Angély,
AUX MOTIFS QUE « la demande dirigée par la Clinique Richelieu contre les deux établissements publics hospitaliers est formulée ainsi dans l'assignation ainsi que dans ses dernières conclusions au fond : "condamnner solidairement Mme X... et les Centres Hospitalier de Saintonge et de Saint Jean d'Angély à lui payer la somme de 254.900 € à titre de dommages-intérêts pour concurrence déloyale." ; qu'il en découle que l'objet du litige existant entre les deux établissements publics hospitaliers et la Clinique est fondé sur la responsabilité délictuelle à raison d'une faute constitutive selon eux de concurrence déloyale sur le fondement des articles 1382 et 1383 anciens du civil ; qu'il est constant que la Clinique Richelieu est une personne morale de droit privé liée par un contrat de droit privé au Dr X... ; qu'il est avéré que le contrat conclu entre le Docteur X... et chacun des deux Centres Hospitaliers personnes morales de droit public est de nature administrative ; qu'au vu des critères rappelés par les appelantes tout litige lié à l'exécution de ce contrat relève de la juridiction administrative s'il s'agit d'un litige entre les personnes qu'il lie, même si une des parties est une personne de droit privé et tout dommage résultant de l'exécution de ce contrat relève de la juridiction administrative dans la mesure où le litige s'inscrit dans le contexte de la mission de service public ou bien résulte d'un acte se rattachant à cette mission ; qu'en l'espèce il est reproché aux établissements hospitaliers une faute que la Clinique Richelieu qualifie de concurrence déloyale ayant consisté à signer avec le Docteur X... un contrat d'embauche alors qu'elle était toujours en lien contractuel avec elle et que les centre hospitaliers connaissaient cette situation. La Clinique argue d'éléments de nature à démontrer que les deux Centres Hospitaliers ont contracté avec le Dr X... en pleine connaissance du litige opposant celle-ci à la Clinique Richelieu ; que la Clinique Richelieu ne critique pas le contrat d'embauche du Docteur X... au regard de son contenu ni de sa validité sur le plan administratif, ce qui relèverait à l'évidence de la juridiction administrative. Les préjudices invoqués par la Clinique Richelieu ont trait non à l'accomplissement de leurs missions de service public par les centres hospitaliers mais essentiellement aux conséquences de la conclusion de ce contrat sur le fonctionnement de la Clinique, personne morale de droit privé ; qu'il en résulte que ni les faits reprochés ni les préjudices invoqués n'ont de lien avec la mission de service public confiée aux centres hospitaliers ni avec la nature administrative du contrat qu'ils ont conclu avec le Dr X.... S'ils trouvent leur origine dans ce contrat administratif ils ne sont rattachables ni au caractère administratif de ce contrat ni à la mission de service public dans le cadre de laquelle il a été conclu, ils procèdent de la violation de ses obligations contractuelles envers la Clinique Richelieu par le Dr X..., avec la participation en connaissance de cause des centres hospitaliers ; que les demandes de la clinique Richelieu relèvent donc de la compétence du juge judiciaire ; que c'est pour le surplus par les motifs adoptés du juge de la mise en état que l'ordonnance sera confirmée en toutes ses dispositions » ;
ET AUX MOTIFS DE L'ORDONNANCE CONFIRMÉE QUE « pour soulever l'incompétence du Tribunal de Grande Instance de SAINTES au profit de la juridiction administrative, les centres hospitaliers rappellent le principe consacré par différentes jurisprudences administratives dont l'arrêt BLANCO rendu par le Tribunal des Conflits le 08 février 1873 de la responsabilité de l'État à raison des dommages causés par des services publics qui relève de la juridiction administrative ; que s'agissant plus précisément de la responsabilité d'un établissement public hospitalier, les requérants invoquent différentes décisions qui ont consacré la compétence de la juridiction administrative à raison des dommages causés par l'activité médicale et des actes s'y rattachant, par exemple la transmission d'informations médicales erronées, des actes de concurrence déloyale ; que par assimilation, les Centres Hospitaliers soutiennent que la décision de recruter le Docteur X... est une mesure administrative susceptible d'engager leur responsabilité et relève par conséquent de la juridiction administrative ; qu'en effet, le contrat de travail conclu suite à cette décision est bien un acte administratif ; qu'ils ajoutent enfin que, s'agissant d'un contrat passé dans le cadre de l'activité de service des centres hospitaliers, la Clinique RICHELIEU pouvait à tout le moins saisir l'Autorité de Concurrence ; que l'exception d'irrecevabilité soulevée par les deux Centres Hospitaliers, la Clinique RICHELIEU soutient que : - son action contre les centres hospitaliers n'est pas fondée sur leur activité médicale ou bien des actes médicaux s'y rattachant, ce qui conduit à exclure toute comparaison avec la jurisprudence citée par les défendeurs (Tconflits, 23 avril 2007) ; - son action n'est pas non plus à rapprocher de celle qui serait fondée sur les règles du droit de la concurrence (L. 410-1 du code du commerce) à raison d'une activité de "production, de distribution et de services", mais fait référence à un comportement déloyal des Centres Hospitaliers ayant consisté à embaucher un médecin qui ne respectait pas les termes du contrat conclu avec la Clinique RICHELIEU sans avoir vérifié la liberté contractuelle du Docteur X... ; - son action ne trouve pas son origine dans l'accomplissement par le centre hospitalier d'une mission de service public ni dans le contrat qu'ils ont signé avec le Docteur X... mais dans celui qui liait la clinique au Docteur X..., qui est un contrat de droit privé qui relève exclusivement de la compétence du juge judiciaire ; - par la "théorie de l'accessoire", le juge judiciaire est également compétent pour connaître de l'action en responsabilité contractuelle et quasi-délictuelle contre une personne de droit public qui trouve son origine dans le domaine privé ; mais qu'il ressort des différentes jurisprudences produites de part et d'autre que la compétence de la juridiction administrative est déterminée au regard notamment des critères suivants : * dommages causés à l'occasion de l'exécution d'une mission de service public, * dommages causés par les établissements publics hospitaliers à raison de dommages causés dans le cadre de leur activité médicale et des actes qui s'y rattachent, * dommage résultant d'une activité de service public à caractère administratif, * interprétation d'un acte administratif et appréciation de la responsabilité en découlant, * exécution d'un contrat administratif auquel est partie une personne publique ; qu'en l'espèce, il est constant que le contrat conclu entre le Docteur X... et chacun des deux centres hospitaliers est de nature administrative ; qu'ainsi, au vu des critères ci-dessus évoqués; sans contestation possible, tout litige lié à l'exécution de ce contrat relève de la juridiction administrative s'il s'agit d'un litige entre les personnes qu'il lie même si une des parties est une personne de droit privé ; que même, tout dommage résultant de l'exécution de ce contrat relève de la juridiction administrative dans la mesure où le litige s'inscrit dans le contexte de la mission de service public ou bien résulte d'un acte se rattachant à cette mission ; qu'il résulte de la lecture attentive de l'acte introductif d'instance et des dernières écritures au fond de la Clinique RICHELIEU que cette dernière met en cause la responsabilité délictuelle des centres hospitaliers sur le fondement des articles 1382 et 1383 du code civil ; qu'elle estime qu'ils ont commis une faute qu'elle qualifie de concurrence déloyale ayant consisté à signer avec le Docteur X... un contrat d'embauche alors qu'elle était toujours en lien avec la Clinique RICHELIEU ; qu'elle soutient que cette faute est avérée dans la mesure où : * les Centres Hospitaliers avaient connaissance d'un litige entre le Docteur X... et la clinique RICHELIEU au sujet de la rupture du contrat les liant, * le Docteur X... avait pris contact avec les centres hospitaliers dès juin 2015, * la Clinique RICHELIEU, par le biais du Dr A..., avait écrit au directeur des deux centres hospitaliers le 08 juillet 2015 pour faire part du départ possible du Docteur X... vers ces établissements, "transfert qui se ferait au mépris de toutes les règles déontologiques et contractuelles", * les Centres Hospitaliers admettent eux-m8mes que l'embauche du Docteur X... s'est décidée dès le 08 juillet 2015 ; qu'elle en déduit que les centres hospitaliers ont dès lors procédé au recrutement du Docteur X... en toute connaissance de cause (en faisant fi de la clause de non-réinstallation, de l'absence de préavis donné par te Docteur X... à la clinique RICHELIEU, de la lettre adressée par le Docteur A...) alors qu'ils auraient dû au contraire prendre toute précaution et garantie quant au respect préalable par le Docteur X... de ses engagements envers son employeur actuel ; qu'elle estime que ce comportement est déloyal envers elle ; que cette absence de loyauté est, selon elle, caractérisée en dehors même du contexte du contrat liant le Docteur X... et la clinique RICHELIEU, mais aussi eu égard aux obligations déontologiques prescrites par le code de la santé publique transposables aux praticiens du privé qui s'en vont exercer en milieu hospitalier ; que la Clinique RICHELIEU ne critique pas le contrat d'embauche du Docteur X... ni s'agissant de son contenu ni s'agissant de sa validité intrinsèque sur le plan administratif, questions qui relèveraient de la juridiction administrative ; que ce qui est soulevé, c'est le contexte et les conditions dans lesquelles il a été conclu vis à vis de la Clinique RICHELIEU, personne de droit privé ; que ces questions n'ont aucun lien avec la mission de service public confiée aux centres hospitaliers ni avec la nature administrative elle-même du contrat ; que de même, s'agissant des préjudices invoqués par la Clinique RICHELIEU, ils ont trait non pas aux conséquences sur le déroulement du service public rendu par les centres hospitaliers mais essentiellement aux conséquences dans le fonctionnement de la Clinique, personne morale de droit privé ; qu'au total, tant les fautes reprochées que les préjudices invoqués par la Clinique RICHELIEU, qui, selon elles, trouvent leur origine dans le contrat conclu entre les Centres Hospitaliers et le Docteur X..., ne sont rattachables ni au caractère administratif de ce contrat ni à la mission de service public dans le cadre de laquelle il a été conclu, ce qui exclut la compétence de la juridiction administrative » ;
ALORS QUE la responsabilité qui peut incomber à l'État ou aux autres personnes morales de droit public en raison des dommages imputés à leurs services publics administratifs est soumise à un régime de droit public et relève en conséquence de la juridiction administrative ; que la cour d'appel, qui a rejeté l'exception soulevée par le centre hospitalier de Saintonge et le centre hospitalier de Saint-Jean-d'Angély, et déclaré le tribunal de grande instance de Saintes compétent pour examiner les demandes de la clinique Richelieu dirigées contre les centres hospitaliers, à raison d'une faute constitutive de concurrence déloyale sur le fondement des articles 1382 et 1383 anciens du civil, a violé la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
ALORS QUE le recrutement de praticiens par les établissements publics de santé, qui sont des personnes morales de droit public dotées de l'autonomie administrative et financière, dont l'objet principal n'est ni industriel ni commercial, relève de leur mission de service public ; que la cour d'appel pour rejeter l'exception soulevée par le centre hospitalier de Saintonge et le centre hospitalier de Saint-Jean-d'Angély, et déclarer le tribunal de grande instance de Saintes compétent pour examiner les demandes de la clinique Richelieu dirigées contre les centres hospitaliers, à raison d'une faute constitutive de concurrence déloyale sur le fondement des articles 1382 et 1383 anciens du civil, a retenu que ni les faits reprochés aux centres hospitaliers ni les préjudices invoqués n'avaient de lien avec leur mission de service public ni avec la nature du contrat conclu avec le Dr X... ; qu'en statuant ainsi, et tout en relevant que le contrat conclu entre le Dr X... et chacun des deux centres Hospitaliers personnes morales de droit public était de nature administrative, la cour d'appel a violé l'article L. 6141-1 du code de la santé publique et la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III.ECLI:FR:CCASS:2019:C100135
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Attendu que, sauf dispositions législatives contraires, la responsabilité qui peut incomber à l'Etat ou aux autres personnes morales de droit public, en raison des dommages imputés à leurs services publics administratifs, est soumise à un régime de droit public et relève, en conséquence, de la compétence de la juridiction administrative ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, reprochant à Mme X... (le praticien), chirurgien, d'avoir cessé son activité au sein des locaux de la société Clinique Richelieu (la clinique), sans respecter les clauses de préavis et de non-réinstallation contenues dans le contrat d'exercice qui l'aurait liée à cet établissement, et soutenant que les centres hospitaliers de Saintonge et de Saint-Jean-d'Angély (les centres hospitaliers) avaient commis une faute, constitutive de concurrence déloyale, en embauchant le praticien alors qu'ils avaient connaissance de ses manquements contractuels, la clinique les a assignés en paiement de dommages-intérêts ; que les centres hospitaliers ont soulevé une exception d'incompétence au profit de la juridiction administrative ;
Attendu que, pour déclarer la juridiction judiciaire compétente pour connaître de la demande dirigée contre les centres hospitaliers, l'arrêt énonce que les faits reprochés et les préjudices invoqués n'ont de lien ni avec la mission de service public administratif confiée à ces établissements publics de santé ni avec la nature administrative du contrat qu'ils ont conclu avec le praticien ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et vu les articles L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire et 1015 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 novembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Déclare la juridiction judiciaire incompétente pour connaître de la demande formée par la société Clinique Richelieu à l'encontre des centres hospitaliers de Saintonge et de Saint-Jean-d'Angély ;
Renvoie les parties à mieux se pourvoir de ce chef ;
Condamne la société Clinique Richelieu aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six février deux mille dix-neuf. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par Me Le Prado , avocat aux Conseils, pour les centres hospitaliers de Saintonge et de Saint-Jean-d'Angély.
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué :
D'AVOIR rejeté « l'exception d'irrecevabilité » [d'incompétence] soulevée par le centre hospitalier de Saintonge et le centre hospitalier de Saint-Jean-d'Angély, et D'AVOIR déclaré le tribunal de grande instance de Saintes compétent pour examiner les demandes de la clinique Richelieu dirigées contre le centre hospitalier de Saintonge et le centre hospitalier de Saint-Jean-d'Angély,
AUX MOTIFS QUE « la demande dirigée par la Clinique Richelieu contre les deux établissements publics hospitaliers est formulée ainsi dans l'assignation ainsi que dans ses dernières conclusions au fond : "condamnner solidairement Mme X... et les Centres Hospitalier de Saintonge et de Saint Jean d'Angély à lui payer la somme de 254.900 € à titre de dommages-intérêts pour concurrence déloyale." ; qu'il en découle que l'objet du litige existant entre les deux établissements publics hospitaliers et la Clinique est fondé sur la responsabilité délictuelle à raison d'une faute constitutive selon eux de concurrence déloyale sur le fondement des articles 1382 et 1383 anciens du civil ; qu'il est constant que la Clinique Richelieu est une personne morale de droit privé liée par un contrat de droit privé au Dr X... ; qu'il est avéré que le contrat conclu entre le Docteur X... et chacun des deux Centres Hospitaliers personnes morales de droit public est de nature administrative ; qu'au vu des critères rappelés par les appelantes tout litige lié à l'exécution de ce contrat relève de la juridiction administrative s'il s'agit d'un litige entre les personnes qu'il lie, même si une des parties est une personne de droit privé et tout dommage résultant de l'exécution de ce contrat relève de la juridiction administrative dans la mesure où le litige s'inscrit dans le contexte de la mission de service public ou bien résulte d'un acte se rattachant à cette mission ; qu'en l'espèce il est reproché aux établissements hospitaliers une faute que la Clinique Richelieu qualifie de concurrence déloyale ayant consisté à signer avec le Docteur X... un contrat d'embauche alors qu'elle était toujours en lien contractuel avec elle et que les centre hospitaliers connaissaient cette situation. La Clinique argue d'éléments de nature à démontrer que les deux Centres Hospitaliers ont contracté avec le Dr X... en pleine connaissance du litige opposant celle-ci à la Clinique Richelieu ; que la Clinique Richelieu ne critique pas le contrat d'embauche du Docteur X... au regard de son contenu ni de sa validité sur le plan administratif, ce qui relèverait à l'évidence de la juridiction administrative. Les préjudices invoqués par la Clinique Richelieu ont trait non à l'accomplissement de leurs missions de service public par les centres hospitaliers mais essentiellement aux conséquences de la conclusion de ce contrat sur le fonctionnement de la Clinique, personne morale de droit privé ; qu'il en résulte que ni les faits reprochés ni les préjudices invoqués n'ont de lien avec la mission de service public confiée aux centres hospitaliers ni avec la nature administrative du contrat qu'ils ont conclu avec le Dr X.... S'ils trouvent leur origine dans ce contrat administratif ils ne sont rattachables ni au caractère administratif de ce contrat ni à la mission de service public dans le cadre de laquelle il a été conclu, ils procèdent de la violation de ses obligations contractuelles envers la Clinique Richelieu par le Dr X..., avec la participation en connaissance de cause des centres hospitaliers ; que les demandes de la clinique Richelieu relèvent donc de la compétence du juge judiciaire ; que c'est pour le surplus par les motifs adoptés du juge de la mise en état que l'ordonnance sera confirmée en toutes ses dispositions » ;
ET AUX MOTIFS DE L'ORDONNANCE CONFIRMÉE QUE « pour soulever l'incompétence du Tribunal de Grande Instance de SAINTES au profit de la juridiction administrative, les centres hospitaliers rappellent le principe consacré par différentes jurisprudences administratives dont l'arrêt BLANCO rendu par le Tribunal des Conflits le 08 février 1873 de la responsabilité de l'État à raison des dommages causés par des services publics qui relève de la juridiction administrative ; que s'agissant plus précisément de la responsabilité d'un établissement public hospitalier, les requérants invoquent différentes décisions qui ont consacré la compétence de la juridiction administrative à raison des dommages causés par l'activité médicale et des actes s'y rattachant, par exemple la transmission d'informations médicales erronées, des actes de concurrence déloyale ; que par assimilation, les Centres Hospitaliers soutiennent que la décision de recruter le Docteur X... est une mesure administrative susceptible d'engager leur responsabilité et relève par conséquent de la juridiction administrative ; qu'en effet, le contrat de travail conclu suite à cette décision est bien un acte administratif ; qu'ils ajoutent enfin que, s'agissant d'un contrat passé dans le cadre de l'activité de service des centres hospitaliers, la Clinique RICHELIEU pouvait à tout le moins saisir l'Autorité de Concurrence ; que l'exception d'irrecevabilité soulevée par les deux Centres Hospitaliers, la Clinique RICHELIEU soutient que : - son action contre les centres hospitaliers n'est pas fondée sur leur activité médicale ou bien des actes médicaux s'y rattachant, ce qui conduit à exclure toute comparaison avec la jurisprudence citée par les défendeurs (Tconflits, 23 avril 2007) ; - son action n'est pas non plus à rapprocher de celle qui serait fondée sur les règles du droit de la concurrence (L. 410-1 du code du commerce) à raison d'une activité de "production, de distribution et de services", mais fait référence à un comportement déloyal des Centres Hospitaliers ayant consisté à embaucher un médecin qui ne respectait pas les termes du contrat conclu avec la Clinique RICHELIEU sans avoir vérifié la liberté contractuelle du Docteur X... ; - son action ne trouve pas son origine dans l'accomplissement par le centre hospitalier d'une mission de service public ni dans le contrat qu'ils ont signé avec le Docteur X... mais dans celui qui liait la clinique au Docteur X..., qui est un contrat de droit privé qui relève exclusivement de la compétence du juge judiciaire ; - par la "théorie de l'accessoire", le juge judiciaire est également compétent pour connaître de l'action en responsabilité contractuelle et quasi-délictuelle contre une personne de droit public qui trouve son origine dans le domaine privé ; mais qu'il ressort des différentes jurisprudences produites de part et d'autre que la compétence de la juridiction administrative est déterminée au regard notamment des critères suivants : * dommages causés à l'occasion de l'exécution d'une mission de service public, * dommages causés par les établissements publics hospitaliers à raison de dommages causés dans le cadre de leur activité médicale et des actes qui s'y rattachent, * dommage résultant d'une activité de service public à caractère administratif, * interprétation d'un acte administratif et appréciation de la responsabilité en découlant, * exécution d'un contrat administratif auquel est partie une personne publique ; qu'en l'espèce, il est constant que le contrat conclu entre le Docteur X... et chacun des deux centres hospitaliers est de nature administrative ; qu'ainsi, au vu des critères ci-dessus évoqués; sans contestation possible, tout litige lié à l'exécution de ce contrat relève de la juridiction administrative s'il s'agit d'un litige entre les personnes qu'il lie même si une des parties est une personne de droit privé ; que même, tout dommage résultant de l'exécution de ce contrat relève de la juridiction administrative dans la mesure où le litige s'inscrit dans le contexte de la mission de service public ou bien résulte d'un acte se rattachant à cette mission ; qu'il résulte de la lecture attentive de l'acte introductif d'instance et des dernières écritures au fond de la Clinique RICHELIEU que cette dernière met en cause la responsabilité délictuelle des centres hospitaliers sur le fondement des articles 1382 et 1383 du code civil ; qu'elle estime qu'ils ont commis une faute qu'elle qualifie de concurrence déloyale ayant consisté à signer avec le Docteur X... un contrat d'embauche alors qu'elle était toujours en lien avec la Clinique RICHELIEU ; qu'elle soutient que cette faute est avérée dans la mesure où : * les Centres Hospitaliers avaient connaissance d'un litige entre le Docteur X... et la clinique RICHELIEU au sujet de la rupture du contrat les liant, * le Docteur X... avait pris contact avec les centres hospitaliers dès juin 2015, * la Clinique RICHELIEU, par le biais du Dr A..., avait écrit au directeur des deux centres hospitaliers le 08 juillet 2015 pour faire part du départ possible du Docteur X... vers ces établissements, "transfert qui se ferait au mépris de toutes les règles déontologiques et contractuelles", * les Centres Hospitaliers admettent eux-m8mes que l'embauche du Docteur X... s'est décidée dès le 08 juillet 2015 ; qu'elle en déduit que les centres hospitaliers ont dès lors procédé au recrutement du Docteur X... en toute connaissance de cause (en faisant fi de la clause de non-réinstallation, de l'absence de préavis donné par te Docteur X... à la clinique RICHELIEU, de la lettre adressée par le Docteur A...) alors qu'ils auraient dû au contraire prendre toute précaution et garantie quant au respect préalable par le Docteur X... de ses engagements envers son employeur actuel ; qu'elle estime que ce comportement est déloyal envers elle ; que cette absence de loyauté est, selon elle, caractérisée en dehors même du contexte du contrat liant le Docteur X... et la clinique RICHELIEU, mais aussi eu égard aux obligations déontologiques prescrites par le code de la santé publique transposables aux praticiens du privé qui s'en vont exercer en milieu hospitalier ; que la Clinique RICHELIEU ne critique pas le contrat d'embauche du Docteur X... ni s'agissant de son contenu ni s'agissant de sa validité intrinsèque sur le plan administratif, questions qui relèveraient de la juridiction administrative ; que ce qui est soulevé, c'est le contexte et les conditions dans lesquelles il a été conclu vis à vis de la Clinique RICHELIEU, personne de droit privé ; que ces questions n'ont aucun lien avec la mission de service public confiée aux centres hospitaliers ni avec la nature administrative elle-même du contrat ; que de même, s'agissant des préjudices invoqués par la Clinique RICHELIEU, ils ont trait non pas aux conséquences sur le déroulement du service public rendu par les centres hospitaliers mais essentiellement aux conséquences dans le fonctionnement de la Clinique, personne morale de droit privé ; qu'au total, tant les fautes reprochées que les préjudices invoqués par la Clinique RICHELIEU, qui, selon elles, trouvent leur origine dans le contrat conclu entre les Centres Hospitaliers et le Docteur X..., ne sont rattachables ni au caractère administratif de ce contrat ni à la mission de service public dans le cadre de laquelle il a été conclu, ce qui exclut la compétence de la juridiction administrative » ;
ALORS QUE la responsabilité qui peut incomber à l'État ou aux autres personnes morales de droit public en raison des dommages imputés à leurs services publics administratifs est soumise à un régime de droit public et relève en conséquence de la juridiction administrative ; que la cour d'appel, qui a rejeté l'exception soulevée par le centre hospitalier de Saintonge et le centre hospitalier de Saint-Jean-d'Angély, et déclaré le tribunal de grande instance de Saintes compétent pour examiner les demandes de la clinique Richelieu dirigées contre les centres hospitaliers, à raison d'une faute constitutive de concurrence déloyale sur le fondement des articles 1382 et 1383 anciens du civil, a violé la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
ALORS QUE le recrutement de praticiens par les établissements publics de santé, qui sont des personnes morales de droit public dotées de l'autonomie administrative et financière, dont l'objet principal n'est ni industriel ni commercial, relève de leur mission de service public ; que la cour d'appel pour rejeter l'exception soulevée par le centre hospitalier de Saintonge et le centre hospitalier de Saint-Jean-d'Angély, et déclarer le tribunal de grande instance de Saintes compétent pour examiner les demandes de la clinique Richelieu dirigées contre les centres hospitaliers, à raison d'une faute constitutive de concurrence déloyale sur le fondement des articles 1382 et 1383 anciens du civil, a retenu que ni les faits reprochés aux centres hospitaliers ni les préjudices invoqués n'avaient de lien avec leur mission de service public ni avec la nature du contrat conclu avec le Dr X... ; qu'en statuant ainsi, et tout en relevant que le contrat conclu entre le Dr X... et chacun des deux centres Hospitaliers personnes morales de droit public était de nature administrative, la cour d'appel a violé l'article L. 6141-1 du code de la santé publique et la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III.