Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 30 janvier 2019, 17-23.194, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 1er juin 2017), qu'à la suite du décès de Didier Y..., M. X..., généalogiste, a identifié MM. Frédéric et Sébastien Y..., neveux du défunt, comme héritiers ; que ceux-ci ayant refusé de souscrire au contrat de révélation de succession qu'il leur avait proposé, il les a assignés, sur le fondement de la gestion d'affaires, en paiement d'une somme correspondant à 35 % hors taxes, taxe sur la valeur ajoutée à 19,60 % en sus, des sommes perçues ou à percevoir par eux au terme du règlement de la succession ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande, alors, selon le moyen :

1°/ que le généalogiste qui est parvenu par son activité professionnelle à découvrir les héritiers d'une succession peut prétendre, en l'absence de tout contrat, à une rémunération de ses travaux et au remboursement de ses dépenses, sur le fondement de la gestion d'affaires, s'il a rendu service à l'héritier ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a expressément relevé que M. X... avait utilement géré les affaires de MM. Y... en les identifiant comme étant les héritiers de leur oncle et en les avisant de ce décès, ce qui leur avait permis de prendre attache auprès de M. B..., notaire chargé du règlement de la succession ; qu'en déboutant M. X... de sa demande en paiement de ses frais et diligences, dont elle avait constaté l'existence et l'utilité, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales s'évinçant de ses propres constatations, a violé les articles 1371 et suivants anciens du code civil, dans leur rédaction applicable à l'espèce ;

2°/ que, sous peine de se rendre coupable d'un déni de justice, les juges du fond doivent ordonner toutes les mesures d'instruction légalement admissibles dès lors qu'ils les estiment de nature à les éclairer sur la solution du litige ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que M. X... avait utilement géré les affaires de MM. Y... en les identifiant comme étant les héritiers de leur oncle et en les avisant de ce décès, ce qui leur avait permis de prendre attache auprès de M. B..., notaire chargé du règlement de la succession ; qu'en relevant, pour le débouter de sa demande en règlement de ses frais et rémunération, que calculée sur le pourcentage d'une somme non déterminable, elle présentait un caractère indéterminé et ne permettait pas au tribunal d'apprécier si elle pouvait correspondre à des frais ou des dépenses utiles, ce qu'aucune pièce ne permettait de justifier, la cour, en se refusant ainsi à fixer toute rémunération et indemnisation des diligences et frais exposés, dont elle avait reconnu l'utilité, au besoin en diligentant une expertise, a violé l'article 4 du code civil, ensemble l'article 100 du code de procédure civile ;

3°/ que, les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en se bornant à relever que le seul arbre généalogique et les courriers échangés entre les consorts Y... et M. X... étaient insuffisants à justifier des dépenses utiles et nécessaires exposées par ce dernier, ni du montant de ses engagements personnels, sans examiner le compte-rendu de l'étude X... à M. B... et la note de synthèse en date du 23 août 2016 relative à la méthodologie et aux diligences effectuées, régulièrement communiqués aux débats, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant relevé que M. X... se bornait à solliciter, à titre de rémunération et d'indemnisation de ses frais, une somme forfaitaire, non chiffrée, sans fournir aucun élément relatif au montant des sommes perçues ou à recevoir par les héritiers de nature à en déterminer le montant, de sorte qu'il lui était impossible d'apprécier si elle pouvait correspondre à des frais ou des dépenses utiles et nécessaires, la cour d'appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente janvier deux mille dix-neuf. MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour M. X...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'Avoir débouté M. X... de l'ensemble de ses demandes dirigées contre MM. Sébastien et Frédéric Y... ;

Aux motifs propres que, sur la demande en paiement, l'appelant fonde sa demande sur les articles 1301 et suivants du code civil, notamment 1301-2 ; qu'il s'agit des textes qui prévoient et réglementent la gestion d'affaires ; qu'ils disposent que celui qui, sans y être tenu, gère sciemment et utilement l'affaire d'autrui, à l'insu ou sans opposition du maître de cette affaire, est soumis, dans l'accomplissement des actes juridiques et matériels de sa gestion, à toutes les obligations d'un mandataire et que celui dont l'affaire a été utilement gérée doit remplir les engagements contractés dans son intérêt par le gérant ; il rembourse au gérant les dépenses faites dans son intérêt et l'indemnise des dommages qu'il a subis en raison de sa gestion ; que M. X... a bien géré sciemment les affaires d'autrui en recherchant l'identité de ceux qui pouvaient hériter de M. Didier Y... et en les informant du décès de celui-ci ; qu'il l'a fait utilement dès lors que les intimés ont pris contact avec le notaire en charge de la succession après avoir été avisés du décès de leur oncle par l'appelant, sans que l'on puisse lui opposer un reproche qui ne vise que le notaire, dont MM. Y... estiment qu'il pouvait seul et sans difficulté, trouver leur trace ; que par ailleurs il importe peu que les consorts Y... n'aient pas à ce jour, accepté la succession puisque ce sont leurs affaires que M. X... a gérées et non celles 'des héritiers', en les mettant en mesure d'accepter, ou non, une succession sur laquelle ils disposent d'un droit d'option ; que M. X... sollicite une somme indéterminée, à titre de 'rémunération et indemnisation de ses frais' ; qu'ainsi qu'il a été vu ci-dessus, l'article 1301-2 du code civil impose à celui dont les affaires ont été utilement gérées de rembourser au gérant ses dépenses et d'indemniser son préjudice ; que si la valeur du temps passé par le gérant pour les affaires du bénéficiaire donne la mesure du préjudice indemnisable, il appartient à ce dernier d'en justifier ainsi que de ses dépenses ; qu'or M. X... n'apporte sur ce point aucun élément et ne fait même aucun commentaire, se contentant de revendiquer 'les honoraires correspondant à ceux auxquels il aurait pu prétendre à l'égard d'héritiers de bonne foi', alors même que l'on ne saurait juger fautif le fait pour les consorts Y..., d'avoir refusé de ratifier un contrat encadrant une intervention qu'ils n'ont pas sollicitée ; que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté M. X de sa demande en paiement ;

Et aux motifs adoptés que, c'est manifestement à tort que les consorts Y... affirment que M. X... ne pourrait plus agir sur le fondement de la gestion d‘affaire depuis l'entrée en vigueur de la loi du 23 juin 2006, alors même que celui-ci justifie avoir été mandaté le 28 mars 2013 par le notaire en charge de la succession de M. Didier Y... pour rechercher ses héritiers, sans qu'un contrat n'ait ensuite été signé par les parties ; que c'est par ailleurs bien de manière volontaire – et non par suite d'une erreur- qu'il a exécuté la mission qui lui a été confiée et M. X... est en conséquence bien fondé à sollicite le remboursement de ses frais et dépenses sur le fondement de la gestion d‘affaires à défaut de convention régissant les conditions de sa rémunération ; qu'en outre, c'est de manière inopérante que les défendeurs invoquent une éventuelle insuffisance des recherches préalablement effectuées par le notaire - qui n'est pas dans la cause - laquelle ne peut être reprochée au généalogiste qui a agi par suite du mandat qui lui a été donné par cet officier ministériel ; qu'il est tout aussi inopérant pour ces derniers d'invoquer l'application de l'article L.121-21 du code de la consommation ou l'existence de clauses abusives en l'absence de tout contrat signé entre les parties ; que ces points étant précisés, il est établi que M. X... a informé chacun des défendeurs du décès de leur oncle, M. Didier Y..., par un courrier du 29 avril 2013 – lequel fait référence à un appel téléphonique du 26 avril précédent ; que par ce même courrier, le généalogiste leur transmettait un contrat de révélation de succession ; que le 14 mai 2013, le généalogiste réitérait la révélation de la succession et relançait les héritiers sur la signature du contrat de révélation ; que par un courrier du 27 mai 2013, Me B... l'informait avoir été directement contacté par les consorts Y... et la chronologie de ces faits tend à établir que ce n'est qu'après l'intervention de M. X... que les héritiers se sont manifestés auprès du notaire chargé du règlement de la succession de leur oncle ; que ces derniers ne produisent aucune pièce établissant qu'ils avaient eu connaissance du décès de M. Didier Y... indépendamment de la révélation qui leur a été faite par le demandeur et qu'ils avaient entrepris des démarches auprès de M. B... avant d'avoir été informés de son décès par M. X... ; qu'en effet, les défendeurs ne produisent qu'une attestation du directeur de l'ABEJ solidarité exposant leur avoir transmis en 2009, par suite de leurs démarches pour recueillir des informations sur leur famille, l'adresse de leur oncle et les coordonnées de son curateur, laquelle est toutefois insuffisante à établir que l'intervention du généalogiste n'aurait pu être utile, et même en l'espèce déterminante, à la révélation de son décès, l'existence de sa succession et à leur rapprochement auprès du notaire en charge de son règlement ; que dès lors, au regard de ces éléments, M. X..., qui rapporte la preuve non contredite de l'utilité de son intervention pour MM. Sébastien et Frédéric Y..., peut prétendre, conformément aux dispositions de l'article 1375 du code civil sus évoqué, à l'indemnisation de ses dépenses utiles et nécessaires, ainsi qu'à l'indemnisation de ses engagements personnels ; que ces dispositions excluent toutefois la possibilité pour le gérant de solliciter une rémunération forfaitaire et il appartient au généalogiste d'établir la réalité des dépenses exposées ; qu'en l'espèce, M. X... sollicite l'octroi d'une somme correspondant à « 35%, TVA à 19, 6% en plus, des sommes perçues ou à recevoir » par les défendeurs au terme du règlement de la succession en cause après l'ensemble des déductions fiscales, en ce y compris tous éventuels capitaux d'assurance-vie ; qu'il sera observé qu'il ne produit aucun document relatif au montant des sommes perçues ou à recevoir par les héritiers en sorte que sa demande, calculée sur le pourcentage d'une somme non déterminable, présente de ce fait un caractère indéterminé et ne permet pas au tribunal d'apprécier si elle peut correspondre à des frais ou des dépenses utiles et nécessaires exposées ; qu'en outre, il ne verse aucune pièce permettant de justifier du montant desdites dépenses utiles et nécessaires exposées et/ou du montant de ses engagements personnels – le seul arbre généalogique et les courriers échangés étant insuffisants pour éclairer le tribunal sur ce point ; qu'en conséquence, et à défaut pour le demandeur de rapporter la preuve des dépenses utiles et nécessaires exposées et/ou des engagements personnels pris, il convient de le débouter de sa demande en paiement ;

1°) Alors que, le généalogiste qui est parvenu par son activité professionnelle à découvrir les héritiers d'une succession peut prétendre, en l'absence de tout contrat, à une rémunération de ses travaux et au remboursement de ses dépenses, sur le fondement de la gestion d'affaires, s'il a rendu service à l'héritier ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a expressément relevé M. X... avait utilement géré les affaires de MM. Y... en les identifiant comme étant les héritiers de leur oncle et en les avisant de ce décès, ce qui leur avait permis de prendre attache auprès de Me B..., notaire chargé du règlement de la succession ; qu'en déboutant M. X... de sa demande en paiement de ses frais et diligences, dont elle avait constaté l'existence et l'utilité, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales s'évinçant de ses propres constatations, a violé les articles 1371 et suivants anciens du code civil, dans leur rédaction applicable à l'espèce ;

2°) Alors que, sous peine de se rendre coupable d'un déni de justice, les juges du fond doivent ordonner toutes les mesures d'instruction légalement admissibles dès lors qu'ils les estiment de nature à les éclairer sur la solution du litige ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que M. X... avait utilement géré les affaires de MM. Y... en les identifiant comme étant les héritiers de leur oncle et en les avisant de ce décès, ce qui leur avait permis de prendre attache auprès de Me B..., notaire chargé du règlement de la succession ; qu'en relevant, pour le débouter de sa demande en règlement de ses frais et rémunération, que calculée sur le pourcentage d'une somme non déterminable, elle présentait un caractère indéterminé et ne permettait pas au tribunal d'apprécier si elle pouvait correspondre à des frais ou des dépenses utiles, ce qu'aucune pièce ne permettait de justifier, la cour, en se refusant ainsi à fixer toute rémunération et indemnisation des diligences et frais exposés, dont elle avait reconnu l'utilité, au besoin en diligentant une expertise, a violé l'article 4 du code civil, ensemble l'article 100 du code de procédure civile ;

3°) Alors que, les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en se bornant à relever que le seul arbre généalogique et les courriers échangés entre les consorts Y... et M. X... étaient insuffisants à justifier des dépenses utiles et nécessaires exposées par ce dernier, ni du montant de ses engagements personnels, sans examiner le compte-rendu de l'étude X... à Me B... et la note de synthèse en date du 23 août 2016 relative à la méthodologie et aux diligences effectuées, régulièrement communiqués aux débats (bordereau de communication de pièces, n°16 et 19), la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 455 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2019:C100106
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