Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 30 janvier 2019, 17-31.121, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 23 octobre 2017), que des travaux de surélévation avec aménagement des combles d'une maison d'habitation ont été confiés à la société AJ construction, assurée auprès de la société Aviva assurances au titre de l'activité déclarée de « contractant général, unique locateur d'ouvrage avec le maître de l'ouvrage, dans le cadre de l'aménagement de combles et greniers selon le procédé Harnois, assumant la maîtrise d'oeuvre de conception et d'exécution et tout ou partie de l'exécution des travaux » ; que, des infiltrations d'eaux pluviales étant apparues, la société AJ construction a assigné en garantie son assureur ;

Attendu que la société AJ construction fait grief à l'arrêt de dire que la société Aviva assurances ne doit pas sa garantie, alors, selon le moyen, que toute personne physique ou morale, dont la responsabilité peut être engagée sur le fondement de la présomption établie par les articles 1792 et suivants du code civil à propos des travaux de bâtiment, doit être couverte par une assurance ; que tout contrat d'assurance souscrit par une personne assujettie à l'obligation d'assurance est, nonobstant toute clause contraire, réputé comporter des garanties au moins équivalentes à celles figurant dans les clauses types prévues par l'article A. 243-1 du code des assurances ; qu'il en résulte qu'aucune stipulation d'un contrat d'assurance ne peut avoir pour effet d'amoindrir d'une manière quelconque le contenu de ces garanties et que toute clause d'un contrat d'assurance faisant échec aux règles d'ordre public relatives à l'étendue de l'assurance de responsabilité obligatoire en matière de construction doit être réputée non écrite ; que si la garantie de l'assureur ne concerne que le secteur d'activité professionnelle déclaré par le constructeur, la clause limitant la garantie des travaux réalisés, dans ce secteur d'activité, par une personne assujettie à l'obligation d'assurance à ceux effectués selon des modalités d'exécution particulières, fait échec aux règles d'ordre public relatives à l'étendue de l'assurance de responsabilité obligatoire en matière de construction et doit, par suite, être réputée non écrite ; qu'en énonçant, par conséquent, pour dire que la société Aviva assurances ne devait pas sa garantie à la société AJ construction et pour débouter la société AJ construction de ses demandes formulées à l'encontre de la société Aviva assurances, que le contrat d'assurance liant la société Aviva assurances et la société AJ construction avait pour objet une activité de « contractant général, unique locateur d'ouvrage avec le maître de l'ouvrage, dans le cadre de l'aménagement de combles et greniers selon le procédé Harnois, assumant la maîtrise d'oeuvre de conception et d'exécution et tout ou partie de l'exécution des travaux », que le procédé Harnois était décrit dans le cahier des charges accepté par l'entreprise Socotec comme permettant d'aménager les combles des maisons particulières et même d'effectuer une surélévation de la toiture afin de rendre utilisable l'espace existant entre la couverture et les plafonds considéré a priori comme perdu par suppression d'une multitude des barres de fermettes en bois ou métalliques créant un volume libre à toute circulation et accessible à toute forme d'aménagement, que la surface supplémentaire ainsi constituée pouvait aller jusqu'à 70 % de la surface habitable et être aménagée en pièces d'habitation et qu'au regard de la réalisation de ce type de travaux conformément à des techniques particulières nécessitant des compétences spécifiques que l'entrepreneur était supposé détenir à la date de la souscription de son contrat d'assurance, les parties avaient entendu limiter la garantie de l'assureur en sorte que le recours au procédé Harnois contenu dans la clause relative à l'objet du contrat ne constituait pas une simple modalité d'exécution de l'activité déclarée mais bien cette activité elle-même, quand, en se déterminant de la sorte, elle se fondait sur une modalité d'exécution particulière de l'activité d'aménagement de combles et de greniers déclarée par la société AJ construction, et non sur son objet, et quand la clause du contrat d'assurance liant la société Aviva assurances et la société AJ construction, en ce qu'elle subordonnait la garantie au recours au procédé Harnois, et, donc, à une modalité d'exécution particulière de l'activité d'aménagement de combles et de greniers déclarée par la société AJ construction, faisait échec aux règles d'ordre public relatives à l'étendue de l'assurance de responsabilité obligatoire en matière de construction et devait, par suite, être réputée non écrite, la cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 241-1, L. 243-8 et A. 243-1 du code des assurances ;

Mais attendu qu'ayant relevé que le procédé Harnois permettait d'aménager les combles et d'effectuer une surélévation de la toiture afin de rendre utilisable l'espace existant entre la couverture et les plafonds considéré a priori comme perdu par suppression d'une multitude des barres de fermettes en bois ou métalliques, créant un volume libre à toute circulation et accessible à toute forme d'aménagement, la surface supplémentaire ainsi constituée pouvant être aménagée en pièces d'habitation, la cour d'appel a exactement retenu qu'au regard de la réalisation de ce type de travaux, conformément à des techniques particulières nécessitant des compétences spécifiques que l'entrepreneur était supposé détenir à la date de la souscription de son contrat d'assurance, les parties avaient entendu limiter la garantie de l'assureur en sorte que le recours au procédé Harnois contenu dans la clause relative à l'objet du contrat ne constituait pas une simple modalité d'exécution de l'activité déclarée, mais cette activité elle-même ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société AJ construction aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente janvier deux mille dix-neuf. MOYEN ANNEXE au présent arrêt.

Moyen produit par la SCP Yves et Blaise Capron, avocat aux Conseils, pour la société AJ construction.

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR dit que la société Aviva assurances ne devait pas sa garantie à la société Aj construction et D'AVOIR débouté la société Aj construction de ses demandes formulées à l'encontre de la société Aviva assurances ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « la Sas Aj construction a limité son appel aux dispositions du jugement ayant rejeté sa demande de garantie à l'encontre de la compagnie Aviva assurances. / Attendu que la société Aviva assurances n'a pas contesté l'engagement de la responsabilité décennale de son assurée. / Attendu que si le contrat d'assurance de responsabilité obligatoire ne peut pas comporter d'autres clauses et exclusions que celles prévues par l'annexe I à l'article A. 243-1 du code des assurances, la garantie de l'assureur de responsabilité décennale ne porte que sur les seules activités déclarées par l'assuré lors de la souscription du contrat ; que, toutefois, un assureur ne peut refuser à un constructeur la garantie résultant d'un contrat d'assurance obligatoire en se fondant sur les modalités d'exécution de l'activité déclarée et non sur son objet. / Attendu qu'il est admis par les parties que la clause du contrat liant la compagnie Aviva assurances à la Sas Aj construction, résultant de la police signée le 2 avril 1997 à effet du 1er janvier 1997 avec la compagnie Abeille assurances, a pour objet une activité de : " contractant général, unique locateur d'ouvrage avec le maître de l'ouvrage, dans le cadre de l'aménagement de combles et greniers selon le procédé Harnois, assumant la maîtrise d'oeuvre de conception et d'exécution et tout ou partie de l'exécution des travaux ". / Attendu que le procédé Harnois est décrit dans le cahier des charges accepté par Socotec, que la Sas Aj construction a versé aux débats, comme permettant d'aménager les combles des maisons particulières et même d'effectuer une surélévation de la toiture afin de rendre utilisable l'espace existant entre la couverture et les plafonds considéré a priori comme perdu par suppression d'une multitude des barres de fermettes en bois ou métalliques créant un volume libre à toute circulation et accessible à toute forme d'aménagement, la surface supplémentaire ainsi constituée pouvant aller jusqu'à 70 % de la surface habitable et être aménagée en pièces d'habitation. / Attendu qu'au regard de la réalisation de ce type de travaux conformément à des techniques particulières nécessitant des compétences spécifiques que l'entrepreneur était supposé détenir à la date de la souscription de son contrat d'assurance, les parties ont entendu limiter la garantie de l'assureur en sorte que le recours au procédé Harnois contenu dans le clause relative à l'objet du contrat ne constituait pas une simple modalité d'exécution de l'activité déclarée mais bien cette activité elle-même. / Attendu que, comme l'a relevé le premier juge, aucun des éléments des rapports d'expertise ne permet de retenir que le procédé constructif mis en oeuvre en l'espèce a bien été celui défini par la société Harnois qui n'a nullement été évoqué au cours des opérations d'expertise alors qu'aucune pièce contractuelle versée aux débats ne s'y réfère ni n'en fait mention ; que si la Sas Aj construction soutient dans ses écritures qu'elle bénéficie d'une licence délivrée par la société Harnois le 4 août 1994 démontrant qu'elle était habilitée à se prévaloir de la mise en oeuvre du procédé litigieux, elle n'en rapporte nullement la preuve ; qu'elle n'établit pas non plus, comme elle aurait pu le faire par la production d'une attestation de la société Harnois, que la surélévation du bâtiment des époux A... a été réalisée conformément aux procédés conçus par cette dernière. / Attendu enfin que les moyens articulés par référence à un litige distinct, et notamment aux opérations d'expertise conduites à leur occasion, concernant un autre chantier sont inopérants. / Attendu en conséquence que c'est à bon droit que la société Aviva assurances a dénié sa garantie s'agissant d'une activité non assurée et que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a dit que la compagnie Aviva ne doit pas sa garantie à la Sas Aj construction et a débouté cette dernière des demandes formulées envers son assureur de ce chef » (cf., arrêt attaqué, p. 3 et 4) ;

ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE « la police produite vise l'activité suivante : activités de contractant général, unique locateur d'ouvrage avec le maître de l'ouvrage, dans le cadre de l'aménagement de combles et greniers selon le procédé Harnois, assumant la maîtrise d'oeuvre de conception et d'exécution et tout ou partie de l'exécution des travaux. / Si les parties n'ont pas sollicité l'expert judiciaire Witt sur le procédé de surélévation lui-même, il convient cependant de constater qu'aucun document ne vise ledit procédé de surélévation, correspondant à l'activité d'aménagement garantie par l'assureur. / En conséquence, l'assureur ne doit pas sa garantie, l'activité exercée n'étant pas assurée. / Les demandes formulées à son encontre seront rejetées » (cf., jugement entrepris, p. 13 et 14) ;

ALORS QUE toute personne physique ou morale, dont la responsabilité peut être engagée sur le fondement de la présomption établie par les articles 1792 et suivants du code civil à propos des travaux de bâtiment, doit être couverte par une assurance ; que tout contrat d'assurance souscrit par une personne assujettie à l'obligation d'assurance est, nonobstant toute clause contraire, réputé comporter des garanties au moins équivalentes à celles figurant dans les clauses types prévues par l'article A. 243-1 du code des assurances ; qu'il en résulte qu'aucune stipulation d'un contrat d'assurance ne peut avoir pour effet d'amoindrir d'une manière quelconque le contenu de ces garanties et que toute clause d'un contrat d'assurance faisant échec aux règles d'ordre public relatives à l'étendue de l'assurance de responsabilité obligatoire en matière de construction doit être réputée non écrite ; que si la garantie de l'assureur ne concerne que le secteur d'activité professionnelle déclaré par le constructeur, la clause limitant la garantie des travaux réalisés, dans ce secteur d'activité, par une personne assujettie à l'obligation d'assurance à ceux effectués selon des modalités d'exécution particulières, fait échec aux règles d'ordre public relatives à l'étendue de l'assurance de responsabilité obligatoire en matière de construction et doit, par suite, être réputée non écrite ; qu'en énonçant, par conséquent, pour dire que la société Aviva assurances ne devait pas sa garantie à la société Aj construction et pour débouter la société Aj construction de ses demandes formulées à l'encontre de la société Aviva assurances, que le contrat d'assurance liant la société Aviva assurances et la société Aj construction avait pour objet une activité de « contractant général, unique locateur d'ouvrage avec le maître de l'ouvrage, dans le cadre de l'aménagement de combles et greniers selon le procédé Harnois, assumant la maîtrise d'oeuvre de conception et d'exécution et tout ou partie de l'exécution des travaux », que le procédé Harnois était décrit dans le cahier des charges accepté par l'entreprise Socotec comme permettant d'aménager les combles des maisons particulières et même d'effectuer une surélévation de la toiture afin de rendre utilisable l'espace existant entre la couverture et les plafonds considéré a priori comme perdu par suppression d'une multitude des barres de fermettes en bois ou métalliques créant un volume libre à toute circulation et accessible à toute forme d'aménagement, que la surface supplémentaire ainsi constituée pouvait aller jusqu'à 70 % de la surface habitable et être aménagée en pièces d'habitation et qu'au regard de la réalisation de ce type de travaux conformément à des techniques particulières nécessitant des compétences spécifiques que l'entrepreneur était supposé détenir à la date de la souscription de son contrat d'assurance, les parties avaient entendu limiter la garantie de l'assureur en sorte que le recours au procédé Harnois contenu dans le clause relative à l'objet du contrat ne constituait pas une simple modalité d'exécution de l'activité déclarée mais bien cette activité elle-même, quand, en se déterminant de la sorte, elle se fondait sur une modalité d'exécution particulière de l'activité d'aménagement de combles et de greniers déclarée par la société Aj construction, et non sur son objet, et quand la clause du contrat d'assurance liant la société Aviva assurances et la société Aj construction, en ce qu'elle subordonnait la garantie au recours au procédé Harnois, et, donc, à une modalité d'exécution particulière de l'activité d'aménagement de combles et de greniers déclarée par la société Aj construction, faisait échec aux règles d'ordre public relatives à l'étendue de l'assurance de responsabilité obligatoire en matière de construction et devait, par suite, être réputée non écrite, la cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 241-1, L. 243-8 et A. 243-1 du code des assurances.ECLI:FR:CCASS:2019:C300052
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