Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 30 janvier 2019, 18-13.526, Publié au bulletin
Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 30 janvier 2019, 18-13.526, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre civile 1
- N° de pourvoi : 18-13.526
- ECLI:FR:CCASS:2019:C100087
- Publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
Audience publique du mercredi 30 janvier 2019
Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, du 11 mai 2017- Président
- Mme Batut (président)
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 767 du code civil ;
Attendu, selon ce texte, que la succession de l'époux prédécédé doit une pension au conjoint successible qui est dans le besoin et que cette pension alimentaire est prélevée sur la succession ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Karim X... Y... est décédé le [...] , en l'état d'un testament olographe instituant ses deux frères, MM. Z... et Samir X... Y..., légataires universels et exhérédant Mme C... X... Y..., son épouse, de ses droits légaux dans la succession ; que celle-ci, se prévalant d'un état de besoin, les a assignés le 12 mai 2015 en fixation d'une pension alimentaire à la charge de la succession, sur le fondement de l'article 767 du code civil ;
Attendu que, pour rejeter sa demande, après avoir constaté l'état de besoin de l'épouse, l'arrêt relève que la déclaration de succession laisse apparaître un actif net de 17 611,50 euros, composé principalement des droits indivis de MM. Z... et Samir X... Y... sur un immeuble dont l'un d'eux jouit actuellement pour y loger sa famille, que la succession se trouve ainsi détentrice de droits sur un bien non mobilisable et qu'il s'évince de ces éléments que les ressources de la succession ne permettent pas à celle-ci de régler la pension sollicitée ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a ajouté une condition à la loi, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande principale de Mme C... X... Y..., l'arrêt rendu le 11 mai 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;
Condamne MM. Z... et Samir X... Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, les condamne à payer in solidum à la SCP Potier de la Varde, Buk-Lament et Robillot la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente janvier deux mille dix-neuf. MOYEN ANNEXE au présent arrêt.
Moyen produit par la SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, avocat aux Conseils, pour Mme X... Y....
Mme X... Y... fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée de sa demande tendant à mettre à la charge de la succession de Karim X... Y... une pension alimentaire à son bénéfice, en sa qualité de conjointe survivante dans le besoin, du 3 juin 2014, date d'ouverture de la succession au 30 avril 2015 date qui précède le 1er versement de l'allocation veuvage ;
AUX MOTIFS QUE la pension prévue par l'article 767 du code civil est fixée en fonction des besoins du conjoint survivant et des forces de la succession au jour de l'ouverture de celle-ci ; qu'en l'espèce, Mme C... X... Y... soumet à la cour une attestation de droits de la caisse d'allocations familiales qui montre qu'en juin 2014 elle percevait l'allocation adulte handicapé à hauteur de 790,18 euros, outre une allocation logement de 316,81 euros et une majoration pour la vie autonome de 104,77 euros, soit au total 1211,76 euros par mois ; qu'elle établit que ces prestations étaient versées sur le compte bancaire du mari qui a été bloqué au décès de celui-ci ; qu'elle prétend avoir été sans ressource de juin 2014 à mai 2015 ; qu'or, elle produit une attestation de la caisse d'allocations familiales indiquant qu'elle ne perçoit plus aucune prestation depuis le 1er septembre 2014, ce qui montre que ses droits ont été maintenus jusqu'à cette date ; qu'elle verse également aux débats la notification d'attribution de l'allocation de veuvage par la Carsat, établissant qu'elle a reçu en mai 2015 un rappel d'allocation veuvage de 6.623,32 euros et une allocation mensuelle 602,12 euros à compter de cette date, qui a été supprimée le 1er février 2016 ; que Mme C... X... Y... a, en effet, bénéficié d'un contrat à durée déterminée du 1er septembre 2015 au 31 août 2016, pour un emploi de couturière, moyennant un salaire mensuel moyen de 874 euros ; qu'au moment du décès du mari, Mme C... X... Y... résidait au domicile conjugal, [...] , immeuble reçu par le mari par donation de ses parents, le 30 mai 2012, pour un tiers indivis ; qu'elle déclare avoir été contrainte de quitter les lieux et s'être réfugiée en foyer d'hébergement ; qu'elle ne justifie toutefois de cet hébergement en foyer qu'à compter du 8 janvier 2015 ; qu'il résulte de ces constatations que Mme C... X... Y... se trouvait dans une situation de besoin pour la période du 1er septembre 2014 au 1er mai 2015, dès lors qu'aucune des prestations auxquelles elle avait droit ne lui était versée ; que la déclaration de succession laisse apparaitre un actif net de succession de 17.611,50 euros, composé principalement des droits indivis de M. Z... X... et M. Samir X... sur l'immeuble susvisé, le défunt n'étant détenteur que d'un compte chèque dont le solde créditeur s'élevait, au jour du décès, à 685,62 euros et d‘un livret A de 15,81 euros ; que la succession se trouve ainsi détentrice de droits sur un bien non mobilisable, s'agissant d'un immeuble indivis dont M. Z... X... jouit actuellement pour y loger sa famille, composée de son épouse et de trois enfants ; qu'il s'évince de ces éléments que les ressources de la succession ne permettent pas à celle-ci de régler la pension sollicitée ;
ALORS QUE la succession bénéficiaire de l'époux prédécédé doit des aliments à l'époux survivant qui est dans le besoin ; que la cour d'appel, en jugeant, pour débouter Mme X... Y... de sa demande tendant à mettre à la charge de la succession de Karim X... Y... une pension alimentaire à son bénéfice, après avoir pourtant constaté qu'elle se trouvait dans une situation de besoin pour la période du 1er septembre 2014 au 1er mai 2015 et que la déclaration de succession laissait apparaitre un actif net de succession de 17.611,50 euros, composé principalement des droits indivis des légataires universels sur un immeuble, que la succession se trouvant détentrice de droits sur un immeuble indivis non mobilisable, les ressources de la succession ne permettent pas à celle-ci de régler la pension sollicitée, la cour d'appel a violé l'article 767 du code civil.ECLI:FR:CCASS:2019:C100087
Sur le moyen unique :
Vu l'article 767 du code civil ;
Attendu, selon ce texte, que la succession de l'époux prédécédé doit une pension au conjoint successible qui est dans le besoin et que cette pension alimentaire est prélevée sur la succession ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Karim X... Y... est décédé le [...] , en l'état d'un testament olographe instituant ses deux frères, MM. Z... et Samir X... Y..., légataires universels et exhérédant Mme C... X... Y..., son épouse, de ses droits légaux dans la succession ; que celle-ci, se prévalant d'un état de besoin, les a assignés le 12 mai 2015 en fixation d'une pension alimentaire à la charge de la succession, sur le fondement de l'article 767 du code civil ;
Attendu que, pour rejeter sa demande, après avoir constaté l'état de besoin de l'épouse, l'arrêt relève que la déclaration de succession laisse apparaître un actif net de 17 611,50 euros, composé principalement des droits indivis de MM. Z... et Samir X... Y... sur un immeuble dont l'un d'eux jouit actuellement pour y loger sa famille, que la succession se trouve ainsi détentrice de droits sur un bien non mobilisable et qu'il s'évince de ces éléments que les ressources de la succession ne permettent pas à celle-ci de régler la pension sollicitée ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a ajouté une condition à la loi, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande principale de Mme C... X... Y..., l'arrêt rendu le 11 mai 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;
Condamne MM. Z... et Samir X... Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, les condamne à payer in solidum à la SCP Potier de la Varde, Buk-Lament et Robillot la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente janvier deux mille dix-neuf. MOYEN ANNEXE au présent arrêt.
Moyen produit par la SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, avocat aux Conseils, pour Mme X... Y....
Mme X... Y... fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée de sa demande tendant à mettre à la charge de la succession de Karim X... Y... une pension alimentaire à son bénéfice, en sa qualité de conjointe survivante dans le besoin, du 3 juin 2014, date d'ouverture de la succession au 30 avril 2015 date qui précède le 1er versement de l'allocation veuvage ;
AUX MOTIFS QUE la pension prévue par l'article 767 du code civil est fixée en fonction des besoins du conjoint survivant et des forces de la succession au jour de l'ouverture de celle-ci ; qu'en l'espèce, Mme C... X... Y... soumet à la cour une attestation de droits de la caisse d'allocations familiales qui montre qu'en juin 2014 elle percevait l'allocation adulte handicapé à hauteur de 790,18 euros, outre une allocation logement de 316,81 euros et une majoration pour la vie autonome de 104,77 euros, soit au total 1211,76 euros par mois ; qu'elle établit que ces prestations étaient versées sur le compte bancaire du mari qui a été bloqué au décès de celui-ci ; qu'elle prétend avoir été sans ressource de juin 2014 à mai 2015 ; qu'or, elle produit une attestation de la caisse d'allocations familiales indiquant qu'elle ne perçoit plus aucune prestation depuis le 1er septembre 2014, ce qui montre que ses droits ont été maintenus jusqu'à cette date ; qu'elle verse également aux débats la notification d'attribution de l'allocation de veuvage par la Carsat, établissant qu'elle a reçu en mai 2015 un rappel d'allocation veuvage de 6.623,32 euros et une allocation mensuelle 602,12 euros à compter de cette date, qui a été supprimée le 1er février 2016 ; que Mme C... X... Y... a, en effet, bénéficié d'un contrat à durée déterminée du 1er septembre 2015 au 31 août 2016, pour un emploi de couturière, moyennant un salaire mensuel moyen de 874 euros ; qu'au moment du décès du mari, Mme C... X... Y... résidait au domicile conjugal, [...] , immeuble reçu par le mari par donation de ses parents, le 30 mai 2012, pour un tiers indivis ; qu'elle déclare avoir été contrainte de quitter les lieux et s'être réfugiée en foyer d'hébergement ; qu'elle ne justifie toutefois de cet hébergement en foyer qu'à compter du 8 janvier 2015 ; qu'il résulte de ces constatations que Mme C... X... Y... se trouvait dans une situation de besoin pour la période du 1er septembre 2014 au 1er mai 2015, dès lors qu'aucune des prestations auxquelles elle avait droit ne lui était versée ; que la déclaration de succession laisse apparaitre un actif net de succession de 17.611,50 euros, composé principalement des droits indivis de M. Z... X... et M. Samir X... sur l'immeuble susvisé, le défunt n'étant détenteur que d'un compte chèque dont le solde créditeur s'élevait, au jour du décès, à 685,62 euros et d‘un livret A de 15,81 euros ; que la succession se trouve ainsi détentrice de droits sur un bien non mobilisable, s'agissant d'un immeuble indivis dont M. Z... X... jouit actuellement pour y loger sa famille, composée de son épouse et de trois enfants ; qu'il s'évince de ces éléments que les ressources de la succession ne permettent pas à celle-ci de régler la pension sollicitée ;
ALORS QUE la succession bénéficiaire de l'époux prédécédé doit des aliments à l'époux survivant qui est dans le besoin ; que la cour d'appel, en jugeant, pour débouter Mme X... Y... de sa demande tendant à mettre à la charge de la succession de Karim X... Y... une pension alimentaire à son bénéfice, après avoir pourtant constaté qu'elle se trouvait dans une situation de besoin pour la période du 1er septembre 2014 au 1er mai 2015 et que la déclaration de succession laissait apparaitre un actif net de succession de 17.611,50 euros, composé principalement des droits indivis des légataires universels sur un immeuble, que la succession se trouvant détentrice de droits sur un immeuble indivis non mobilisable, les ressources de la succession ne permettent pas à celle-ci de régler la pension sollicitée, la cour d'appel a violé l'article 767 du code civil.