Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 23 janvier 2019, 17-21.550, Publié au bulletin
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 23 janvier 2019, 17-21.550, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre sociale
- N° de pourvoi : 17-21.550
- ECLI:FR:CCASS:2019:SO00092
- Publié au bulletin
- Solution : Cassation
Audience publique du mercredi 23 janvier 2019
Décision attaquée : Cour d'appel de Bastia, du 17 mai 2017- Président
- M. Cathala (président)
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 1237-11, L. 1152-1 et L. 1152-3 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme Z... a été engagée par la société Cordirom en qualité d'agent administratif et commercial le 10 juin 2011 ; que les parties ont signé une convention de rupture du contrat de travail le 28 avril 2014 ; que la salariée a saisi la juridiction prud'homale ;
Attendu que pour déclarer nulle la rupture conventionnelle, l'arrêt retient qu'un salarié peut obtenir l'annulation de la rupture de son contrat de travail dès lors qu'il établit qu'elle est intervenue dans un contexte de harcèlement moral, sans avoir à prouver un vice du consentement, que la salariée n'invoque en l'espèce aucun vice du consentement mais que, le harcèlement moral étant constitué, il convient de constater la nullité de la rupture conventionnelle ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'en l'absence de vice du consentement, l'existence de faits de harcèlement moral n'affecte pas en elle-même la validité de la convention de rupture intervenue en application de l'article L. 1237-11 du code du travail, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 mai 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bastia, autrement composée ;
Condamne Mme Z... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et
prononcé et signé par M. Cathala, président et par Mme Piquot, greffier de chambre présente lors de la mise à disposition de l'arrêt le vingt-trois janvier deux mille dix-neuf. MOYEN ANNEXE au présent arrêt.
Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour la société Cordirom et MM. X... et Y..., ès qualités.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré nulle la rupture conventionnelle du contrat de travail du 28 avril 2014 et condamné la société Cordirom à payer à Mme Z... les sommes de 14.404 euros pour rupture abusive du contrat de travail et 3.600 euros à titre d'indemnité de préavis ;
AUX MOTIFS QUE sur le harcèlement moral : par application de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que l'article L. 1152-3 du même code dispose que toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance de ces dispositions, toute disposition ou tout acte contraire est nul ; qu'un salarié peut donc obtenir l'annulation de la rupture de son contrat de travail dès lors qu'il établit qu'elle est intervenue dans un contexte de harcèlement moral, sans avoir à prouver un vice du consentement ; que la salariée n'invoque d'ailleurs en l'espèce, dans ses écritures d'appel, aucun vice du consentement ; que Mme Z... est recevable à contester la validité de la rupture conventionnelle de son contrat de travail, en date du 28 avril 2014 sur le fondement de ces dispositions, puisqu'elle a saisi le conseil de prud'hommes le 16 juillet 2014, c'est-à-dire dans le délai d'un an prévu à l'article L. 1237-14 dernier alinéa du code du travail ; que lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments pris dans leur ensemble permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que Mme Z... produit tout d'abord un courrier qui lui a été adressé le 26 février 2014 par M. A... le dirigeant de l'entreprise, aux termes duquel son bulletin de paie de janvier 2014 allait devoir être rectifié dans la mesure où la prime exceptionnelle de 200 euros avait par erreur été intégrée dans son salaire horaire brut, cette rectification s'opérant sans changement du montant de la rémunération ; que la salariée n'établit pas qu'elle était la seule à connaître cette rectification, ni que pour d'autres motifs, elle a été privée de la prime de 200 euros alors que celle-ci avait été promise à tous les cadres ; qu'à compter de juin 2013, elle a d'ailleurs perçu chaque mois une prime exceptionnelle de 378 euros, 403 euros ou 225 euros, qui n'était prévue ni dans le contrat de travail initial, ni dans l'avenant du 1er octobre 2011, ni dans aucun document opposable émanant de l'employeur et versé aux débats ; qu'elle produit en second lieu un mail de son employeur du lundi 14 octobre 2013 qui lui demande d'établir avant la fin de la semaine son planning prévisionnel de congés payés et de récupérations ; que cette demande n'avait cependant rien d'illégitime, ni de vexatoire, puisqu'elle était nécessaire à l'établissement du planning de travail du personnel ; que par courrier du 13 juin 2014, postérieur à la rupture du contrat de travail, l'employeur a reproché à Mme Z... d'avoir à plusieurs reprises dénigré l'entreprise de façon mensongère à l'égard de tiers (vis-à-vis d'un candidat à l'embauche, et dans une boutique) ; que là encore, une telle demande, quel que soit le caractère conflictuel des relations entre les parties, ne peut être considérée comme constitutive de harcèlement puisque si le salarié ou l'ancien salarié bénéficie de la liberté d'expression, il ne peut en abuser pour nuire à l'employeur ; que Mme Z... verse toutefois aux débats des attestations d'anciens collègues de travail au sein de la société Cordirom, qui font état des faits suivants : - qu'elle devait consigner par écrit sur un cahier toutes les tâches qu'elle accomplissait pendant sa journée de travail, (attestation de Mme B..., de M. C..., de Mme I...), y compris ses pauses pour aller aux toilettes (attestation de M. C...) ; - qu'elle devait soumettre ses mails à Mme D... ou même à sa stagiaire, avant de les envoyer (attestation de Mme I...) ; - qu'elle était dénigrée pour incompétence par son employeur (attestation de M. C..., de Mme Sonia E...) ; que M. A... le gérant avait demandé à plusieurs salariés si Laurence Z... prenait des médicaments (attestation de Mme Stéphanie B..., de Mme J... F...) ; - que M. A... surveillait Mme Z... grâce au système de vidéo-surveillance de la société (attestation de M. C...) ; que si le contenu de ces attestations n'est pas corroboré par des éléments de preuve matériels (cahier tenue par la salariée, validation de ses mails avant envoi), les faits relatés sont corrélés avec une dégradation progressive de l'état de santé de Mme Z..., qui s'est échelonnée de mars 2013 jusqu'à son arrêt maladie de mars 2014 : - Le 22 mars 2013 elle consultait le docteur G... médecin du travail, voulant faire état de tensions avec son directeur. Le médecin du travail envisageait d'organiser en septembre ou en octobre 2013 une visite dans la société, avec relevé des accidents du travail et de l'absentéisme des derniers mois, et les comparer « pour faire avancer les sujets » ; - qu'à compter du 21 juin 2013, elle consultait le docteur H... psychiatre à [...], évoquant une souffrance au travail, des rapports difficiles avec son employeur ; que le 22 juillet 2013, elle était en arrêt de travail pour deux semaines pour "surmenage professionnel, asthénie, manifestations fonctionnelles, tensions nerveuses, irritabilité » ; - qu'à compter de septembre 2013, le docteur H... constatant un état anxio-dépressif avec épuisement de type « burn out » lui prescrivait un traitement antidépresseur ; que Mme Z... occupait un poste de « responsable de ressources humaines », ainsi qu'il ressort de sa fiche de poste d'octobre 2012, et de son bilan d'évaluation de janvier 2014, alors qu'elle était désignée sur son bulletin comme « employée administrative et commerciale » ; que par ailleurs, ses relevés de pointeuse montrent qu'elle a effectué de nombreuses heures supplémentaires en 2013 qui n'apparaissent pas sur ses bulletins de paie, lesquels mentionnent seulement des « primes exceptionnelles » pouvant aller jusqu'à plus de 400 euros bruts par mois ; que ces éléments laissent penser qu'elle n'était pas reconnue dans son poste et dans le volume de travail qu'elle accomplissait ; que ces faits précis et concordants pris dans leur ensemble permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral ; que face à eux, l'employeur fait valoir d'une part que c'est Mme Z... qui a librement sollicité la rupture conventionnelle, et qu'elle a bénéficié dans ce cadre d'un conseiller syndical, et d'autre part qu'elle allègue une souffrance au travail à compter de mars 2013, alors qu'elle n'a été arrêtée pour maladie qu'en mars 2014, ce qui laisse supposer un état préexistant ; que toutefois, les modalités et l'initiative de la rupture ne sont pas significatifs de l'existence ou non d'un harcèlement moral, étant précisé que dans sa lettre demandant une rupture conventionnelle, la salariée évoquait le fait que M. A... gérant de la société Cordirom ne voulait plus selon elle « travailler avec elle » faisait référence aux « accusations lors de l'entretien du 03.03.2014 », et estimait préférable de quitter l'entreprise « de votre souhait et pour ma santé » ; qu'en second lieu, il a été exposé précédemment que Mme Z... a commencé à exprimer sa souffrance psychique auprès des médecins qui la suivaient à compter du printemps 2013 ; qu'enfin, l'employeur produit une copie (incomplète) du bilan d'évaluation 2013, réalisé le 07.10.2014 ; que contrairement à ce qu'indique la société Cordirom cette évaluation ne reflète pas un respect et une satisfaction mutuels ; que la notation de Mme Z... ne peut être qualifiée de bonne, puisque si sa fonction est « bien tenue », « ses objectifs n'ont pas été réalisés » selon l'employeur, et « des aspects importants de la fonction ne sont pas remplis » ; que les commentaires et souhaits exprimés par la salariée sont les suivants : « (être une) force de proposition, prise de responsabilité, besoin de connaître la position de Marie, Envie de maîtriser le poste, transmettre du positif dans l'entreprise, et : mieux connaître ses propres responsabilités » ; que la salariée exprimait donc le besoin de voir ses responsabilités clairement identifiées ; que l'employeur indiquait quant à lui que « Laurence a un esprit positif et constructif, le souhait de voir le service fonctionner du mieux possible. J'ai conscience de la volonté de Laurence de s'intégrer dans la nouvelle organisation », ce qui signifie a contrario que Mme Z... n'était toujours pas intégrée à cette date dans cette nouvelle organisation ; que cette pièce ne permet pas à l'employeur d'établir que les faits établis à son encontre n'étaient pas constitutifs de harcèlement moral mais fondés sur des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement ; qu'il convient en conséquence de constater la nullité de la rupture conventionnelle du contrat de travail, en infirmant le jugement de ce chef ; que sur les demandes pécuniaires présentées par Mme Z... : aucune des parties ne sollicitant la réintégration, l'invalidation de la rupture doit en application de l'article L. 1235-3-1 du code du travail, être sanctionnée par la condamnation de la société Cordirom à payer à Mme Z... une indemnité ne pouvant être inférieure aux salaires bruts des six derniers mois, soit en l'espèce la somme de 14.404 euros bruts, Mme Z... ne justifiant pas d'un préjudice supplémentaire ; que la moyenne des salaires bruts des douze mois précédant le licenciement s'élève à 2.467 euros ; qu'il convient de condamner l'employeur à payer également à Mme Z... : - une indemnité de préavis de deux mois de salaire brut, soit la somme réclamée de 3.600 euros ; - que des dommages-intérêts pour préjudice moral distinct qu'il convient de fixer à 1.500 euros, le quantum de 200 euros retenu par le conseil de prud'hommes étant insuffisant à réparer le préjudice subi ; qu'il résulte des articles L. 1235-2 et L. 1235-5 du code du travail que lorsque le salarié a au moins deux ans d'ancienneté dans une entreprise employant habituellement au moins onze salariés, l'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement ne se cumule pas avec l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'or Mme Z... ne rapporte pas la preuve que la société Cordirom employait habituellement moins de onze salariés ; qu'elle sera donc déboutée de cette demande ; que le jugement sera donc confirmé de ce seul chef, par substitution de motifs, et infirmé des autres chefs ;
1°) ALORS QUE, sauf à procéder d'une fraude ou d'un vice du consentement, l'existence d'un différend entre les parties au contrat de travail n'affecte pas en elle-même la validité de la convention de rupture conclue en application de l'article L. 1237-11 du code du travail ; qu'en décidant qu'il résulte de la combinaison des articles L. 1152-1 et L. 1152-3 du même code qu'« un salarié peut obtenir l'annulation de la rupture conventionnelle de son contrat de travail dès lors qu'il établit qu'elle est intervenue dans un contexte de harcèlement moral, sans avoir à prouver un vice du consentement », la cour d'appel a violé les articles L. 1237-11, L. 1152-1 et L. 1152-3 du code du travail ;
2°) ALORS QU'en jugeant que le harcèlement moral subi par Mme Z... justifiait l'annulation de la rupture conventionnelle du contrat de travail, quand elle constatait que « la salariée n'invoque (
) aucun vice du consentement », la cour d'appel a violé l'article L. 1237-11 du code du travail ;
3°) ET ALORS, subsidiairement, QU'en statuant comme elle a fait, sans caractériser l'existence de contraintes ou de pressions exercées sur Mme Z... l'ayant incitée à demander la rupture amiable du contrat de travail, puis à conclure une rupture conventionnelle, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé l'existence de violence ayant vicié le consentement de la salariée, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1237-11 du code du travail.ECLI:FR:CCASS:2019:SO00092
Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 1237-11, L. 1152-1 et L. 1152-3 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme Z... a été engagée par la société Cordirom en qualité d'agent administratif et commercial le 10 juin 2011 ; que les parties ont signé une convention de rupture du contrat de travail le 28 avril 2014 ; que la salariée a saisi la juridiction prud'homale ;
Attendu que pour déclarer nulle la rupture conventionnelle, l'arrêt retient qu'un salarié peut obtenir l'annulation de la rupture de son contrat de travail dès lors qu'il établit qu'elle est intervenue dans un contexte de harcèlement moral, sans avoir à prouver un vice du consentement, que la salariée n'invoque en l'espèce aucun vice du consentement mais que, le harcèlement moral étant constitué, il convient de constater la nullité de la rupture conventionnelle ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'en l'absence de vice du consentement, l'existence de faits de harcèlement moral n'affecte pas en elle-même la validité de la convention de rupture intervenue en application de l'article L. 1237-11 du code du travail, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 mai 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bastia, autrement composée ;
Condamne Mme Z... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et
prononcé et signé par M. Cathala, président et par Mme Piquot, greffier de chambre présente lors de la mise à disposition de l'arrêt le vingt-trois janvier deux mille dix-neuf. MOYEN ANNEXE au présent arrêt.
Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour la société Cordirom et MM. X... et Y..., ès qualités.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré nulle la rupture conventionnelle du contrat de travail du 28 avril 2014 et condamné la société Cordirom à payer à Mme Z... les sommes de 14.404 euros pour rupture abusive du contrat de travail et 3.600 euros à titre d'indemnité de préavis ;
AUX MOTIFS QUE sur le harcèlement moral : par application de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que l'article L. 1152-3 du même code dispose que toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance de ces dispositions, toute disposition ou tout acte contraire est nul ; qu'un salarié peut donc obtenir l'annulation de la rupture de son contrat de travail dès lors qu'il établit qu'elle est intervenue dans un contexte de harcèlement moral, sans avoir à prouver un vice du consentement ; que la salariée n'invoque d'ailleurs en l'espèce, dans ses écritures d'appel, aucun vice du consentement ; que Mme Z... est recevable à contester la validité de la rupture conventionnelle de son contrat de travail, en date du 28 avril 2014 sur le fondement de ces dispositions, puisqu'elle a saisi le conseil de prud'hommes le 16 juillet 2014, c'est-à-dire dans le délai d'un an prévu à l'article L. 1237-14 dernier alinéa du code du travail ; que lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments pris dans leur ensemble permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que Mme Z... produit tout d'abord un courrier qui lui a été adressé le 26 février 2014 par M. A... le dirigeant de l'entreprise, aux termes duquel son bulletin de paie de janvier 2014 allait devoir être rectifié dans la mesure où la prime exceptionnelle de 200 euros avait par erreur été intégrée dans son salaire horaire brut, cette rectification s'opérant sans changement du montant de la rémunération ; que la salariée n'établit pas qu'elle était la seule à connaître cette rectification, ni que pour d'autres motifs, elle a été privée de la prime de 200 euros alors que celle-ci avait été promise à tous les cadres ; qu'à compter de juin 2013, elle a d'ailleurs perçu chaque mois une prime exceptionnelle de 378 euros, 403 euros ou 225 euros, qui n'était prévue ni dans le contrat de travail initial, ni dans l'avenant du 1er octobre 2011, ni dans aucun document opposable émanant de l'employeur et versé aux débats ; qu'elle produit en second lieu un mail de son employeur du lundi 14 octobre 2013 qui lui demande d'établir avant la fin de la semaine son planning prévisionnel de congés payés et de récupérations ; que cette demande n'avait cependant rien d'illégitime, ni de vexatoire, puisqu'elle était nécessaire à l'établissement du planning de travail du personnel ; que par courrier du 13 juin 2014, postérieur à la rupture du contrat de travail, l'employeur a reproché à Mme Z... d'avoir à plusieurs reprises dénigré l'entreprise de façon mensongère à l'égard de tiers (vis-à-vis d'un candidat à l'embauche, et dans une boutique) ; que là encore, une telle demande, quel que soit le caractère conflictuel des relations entre les parties, ne peut être considérée comme constitutive de harcèlement puisque si le salarié ou l'ancien salarié bénéficie de la liberté d'expression, il ne peut en abuser pour nuire à l'employeur ; que Mme Z... verse toutefois aux débats des attestations d'anciens collègues de travail au sein de la société Cordirom, qui font état des faits suivants : - qu'elle devait consigner par écrit sur un cahier toutes les tâches qu'elle accomplissait pendant sa journée de travail, (attestation de Mme B..., de M. C..., de Mme I...), y compris ses pauses pour aller aux toilettes (attestation de M. C...) ; - qu'elle devait soumettre ses mails à Mme D... ou même à sa stagiaire, avant de les envoyer (attestation de Mme I...) ; - qu'elle était dénigrée pour incompétence par son employeur (attestation de M. C..., de Mme Sonia E...) ; que M. A... le gérant avait demandé à plusieurs salariés si Laurence Z... prenait des médicaments (attestation de Mme Stéphanie B..., de Mme J... F...) ; - que M. A... surveillait Mme Z... grâce au système de vidéo-surveillance de la société (attestation de M. C...) ; que si le contenu de ces attestations n'est pas corroboré par des éléments de preuve matériels (cahier tenue par la salariée, validation de ses mails avant envoi), les faits relatés sont corrélés avec une dégradation progressive de l'état de santé de Mme Z..., qui s'est échelonnée de mars 2013 jusqu'à son arrêt maladie de mars 2014 : - Le 22 mars 2013 elle consultait le docteur G... médecin du travail, voulant faire état de tensions avec son directeur. Le médecin du travail envisageait d'organiser en septembre ou en octobre 2013 une visite dans la société, avec relevé des accidents du travail et de l'absentéisme des derniers mois, et les comparer « pour faire avancer les sujets » ; - qu'à compter du 21 juin 2013, elle consultait le docteur H... psychiatre à [...], évoquant une souffrance au travail, des rapports difficiles avec son employeur ; que le 22 juillet 2013, elle était en arrêt de travail pour deux semaines pour "surmenage professionnel, asthénie, manifestations fonctionnelles, tensions nerveuses, irritabilité » ; - qu'à compter de septembre 2013, le docteur H... constatant un état anxio-dépressif avec épuisement de type « burn out » lui prescrivait un traitement antidépresseur ; que Mme Z... occupait un poste de « responsable de ressources humaines », ainsi qu'il ressort de sa fiche de poste d'octobre 2012, et de son bilan d'évaluation de janvier 2014, alors qu'elle était désignée sur son bulletin comme « employée administrative et commerciale » ; que par ailleurs, ses relevés de pointeuse montrent qu'elle a effectué de nombreuses heures supplémentaires en 2013 qui n'apparaissent pas sur ses bulletins de paie, lesquels mentionnent seulement des « primes exceptionnelles » pouvant aller jusqu'à plus de 400 euros bruts par mois ; que ces éléments laissent penser qu'elle n'était pas reconnue dans son poste et dans le volume de travail qu'elle accomplissait ; que ces faits précis et concordants pris dans leur ensemble permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral ; que face à eux, l'employeur fait valoir d'une part que c'est Mme Z... qui a librement sollicité la rupture conventionnelle, et qu'elle a bénéficié dans ce cadre d'un conseiller syndical, et d'autre part qu'elle allègue une souffrance au travail à compter de mars 2013, alors qu'elle n'a été arrêtée pour maladie qu'en mars 2014, ce qui laisse supposer un état préexistant ; que toutefois, les modalités et l'initiative de la rupture ne sont pas significatifs de l'existence ou non d'un harcèlement moral, étant précisé que dans sa lettre demandant une rupture conventionnelle, la salariée évoquait le fait que M. A... gérant de la société Cordirom ne voulait plus selon elle « travailler avec elle » faisait référence aux « accusations lors de l'entretien du 03.03.2014 », et estimait préférable de quitter l'entreprise « de votre souhait et pour ma santé » ; qu'en second lieu, il a été exposé précédemment que Mme Z... a commencé à exprimer sa souffrance psychique auprès des médecins qui la suivaient à compter du printemps 2013 ; qu'enfin, l'employeur produit une copie (incomplète) du bilan d'évaluation 2013, réalisé le 07.10.2014 ; que contrairement à ce qu'indique la société Cordirom cette évaluation ne reflète pas un respect et une satisfaction mutuels ; que la notation de Mme Z... ne peut être qualifiée de bonne, puisque si sa fonction est « bien tenue », « ses objectifs n'ont pas été réalisés » selon l'employeur, et « des aspects importants de la fonction ne sont pas remplis » ; que les commentaires et souhaits exprimés par la salariée sont les suivants : « (être une) force de proposition, prise de responsabilité, besoin de connaître la position de Marie, Envie de maîtriser le poste, transmettre du positif dans l'entreprise, et : mieux connaître ses propres responsabilités » ; que la salariée exprimait donc le besoin de voir ses responsabilités clairement identifiées ; que l'employeur indiquait quant à lui que « Laurence a un esprit positif et constructif, le souhait de voir le service fonctionner du mieux possible. J'ai conscience de la volonté de Laurence de s'intégrer dans la nouvelle organisation », ce qui signifie a contrario que Mme Z... n'était toujours pas intégrée à cette date dans cette nouvelle organisation ; que cette pièce ne permet pas à l'employeur d'établir que les faits établis à son encontre n'étaient pas constitutifs de harcèlement moral mais fondés sur des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement ; qu'il convient en conséquence de constater la nullité de la rupture conventionnelle du contrat de travail, en infirmant le jugement de ce chef ; que sur les demandes pécuniaires présentées par Mme Z... : aucune des parties ne sollicitant la réintégration, l'invalidation de la rupture doit en application de l'article L. 1235-3-1 du code du travail, être sanctionnée par la condamnation de la société Cordirom à payer à Mme Z... une indemnité ne pouvant être inférieure aux salaires bruts des six derniers mois, soit en l'espèce la somme de 14.404 euros bruts, Mme Z... ne justifiant pas d'un préjudice supplémentaire ; que la moyenne des salaires bruts des douze mois précédant le licenciement s'élève à 2.467 euros ; qu'il convient de condamner l'employeur à payer également à Mme Z... : - une indemnité de préavis de deux mois de salaire brut, soit la somme réclamée de 3.600 euros ; - que des dommages-intérêts pour préjudice moral distinct qu'il convient de fixer à 1.500 euros, le quantum de 200 euros retenu par le conseil de prud'hommes étant insuffisant à réparer le préjudice subi ; qu'il résulte des articles L. 1235-2 et L. 1235-5 du code du travail que lorsque le salarié a au moins deux ans d'ancienneté dans une entreprise employant habituellement au moins onze salariés, l'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement ne se cumule pas avec l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'or Mme Z... ne rapporte pas la preuve que la société Cordirom employait habituellement moins de onze salariés ; qu'elle sera donc déboutée de cette demande ; que le jugement sera donc confirmé de ce seul chef, par substitution de motifs, et infirmé des autres chefs ;
1°) ALORS QUE, sauf à procéder d'une fraude ou d'un vice du consentement, l'existence d'un différend entre les parties au contrat de travail n'affecte pas en elle-même la validité de la convention de rupture conclue en application de l'article L. 1237-11 du code du travail ; qu'en décidant qu'il résulte de la combinaison des articles L. 1152-1 et L. 1152-3 du même code qu'« un salarié peut obtenir l'annulation de la rupture conventionnelle de son contrat de travail dès lors qu'il établit qu'elle est intervenue dans un contexte de harcèlement moral, sans avoir à prouver un vice du consentement », la cour d'appel a violé les articles L. 1237-11, L. 1152-1 et L. 1152-3 du code du travail ;
2°) ALORS QU'en jugeant que le harcèlement moral subi par Mme Z... justifiait l'annulation de la rupture conventionnelle du contrat de travail, quand elle constatait que « la salariée n'invoque (
) aucun vice du consentement », la cour d'appel a violé l'article L. 1237-11 du code du travail ;
3°) ET ALORS, subsidiairement, QU'en statuant comme elle a fait, sans caractériser l'existence de contraintes ou de pressions exercées sur Mme Z... l'ayant incitée à demander la rupture amiable du contrat de travail, puis à conclure une rupture conventionnelle, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé l'existence de violence ayant vicié le consentement de la salariée, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1237-11 du code du travail.