Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 17 janvier 2019, 17-21.507, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 20 juin 2017), que, en 2005, la société civile immobilière du Lautaret (la SCI du Lautaret) a confié à la société Murprotec des travaux d'étanchéité des murs intérieurs d'une maison à usage d'habitation qu'elle a, le 29 juin 2011, vendue à la société civile immobilière Bephy (la SCI Bephy) ; que, se plaignant de problèmes d'humidité, cette dernière a, après expertise, assigné la SCI du Lautaret et la société Murprotec en indemnisation de ses préjudices sur le fondement de la garantie des vices cachés du vendeur et de la responsabilité contractuelle de l'entreprise ;

Attendu que la société Murprotec fait grief à l'arrêt de la condamner in solidum avec la SCI du Lautaret à payer à la SCI Bephy une certaine somme au titre de travaux de réparation ;

Mais attendu, d'une part, que, la critique relative au défaut de réponse aux conclusions invoquant une déchéance de la garantie étant sans lien avec le grief visant la condamnation de la SCI du Lautaret et de la société Murprotec in solidum au paiement d'une somme à la SCI Bephy, le moyen est inopérant ;

Attendu, d'autre part, qu'ayant relevé que le traitement effectué par la société Murprotec, qui avait commis des manquements aux règles de l'art et était intervenue sur un support inapte à toute intervention sans expliquer que le traitement ne pouvait pas avoir d'effet sur un mur aussi dégradé et qu'il convenait préalablement de supprimer la source d'humidité, avait été inefficace, la cour d'appel, qui a procédé à la recherche prétendument omise et a pu en déduire que les désordres, dus aux malfaçons dans la mise en oeuvre des travaux et au manquement au devoir d'information et de conseil de la société Murprotec, engageaient sa responsabilité contractuelle, a légalement justifié sa décision ;


PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Murprotec aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Murprotec et la condamne à payer à la SCI Bephy la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept janvier deux mille dix-neuf. MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour la société Murprotec

Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné in solidum le vendeur d'un immeuble (la SCI du Lautaret) et un entrepreneur (la société Murprotec, l'exposante) à payer à l'acquéreur (la SCI Bephy) la somme de 13 836 € au titre des travaux de réparation de l'appartement du rez-de-chaussée ;

AUX MOTIFS QUE plusieurs clients de la société d'expertise comptable qui louait les locaux (avant la vente) attestaient avoir constaté la présence d'humidité ; qu'il était établi que les lieux étaient affectés, préalablement à la vente, de désordres dont la société Bephy n'avait été en mesure de se rendre compte de l'ampleur qu'après la prise de possession effective des lieux, et qu'il avait été nécessaire de recourir à une expertise pour en connaître l'origine et l'étendue ; que l'expert attribuait la cause des désordres à des remontées d'eau par capillarité et constatait que le traitement effectué par la société Murprotec en 2005 n'avait pas eu d'effet ; qu'il notait que les zones traitées étaient toujours particulièrement humides et que le procédé effectué par la société Murprotec en 2005 n'avait pas fonctionné ; qu'outre ces différents manquements aux règles de l'art, l'expert estimait, au vu de la dégradation d'une partie importante des enduits extérieurs et de plusieurs points pouvant apporter de l'eau dans les murs – compteurs EDF grossièrement encastrés, grille VMC, sortie de tuyau – que la société Murprotec était intervenue sur un support inapte à toute intervention et qu'elle aurait dû expliquer que le traitement ne pouvait avoir aucun effet sur un mur aussi dégradé et qu'il convenait, avant tout traitement, de supprimer la source d'humidité ; que la preuve était rapportée de l'existence de malfaçons dans la mise en oeuvre des travaux et d'un manquement de l'entreprise, spécialiste du traitement de l'humidité, à son devoir d'information et de conseil ; que la société Bephy, qui exerçait les droits de son vendeur, était donc fondée en sa demande d'indemnisation du préjudice subi au titre des travaux de reprise de l'appartement du rez-de-chaussée ; qu'en effet, l'expert estimait qu'il n'était « pas possible d'empêcher les remontées par capillarité sur ce site, avec des maisons mitoyennes et une ruelle étroite, ou à des coûts astronomiques », préconisant par conséquent des travaux de doublage des parois verticales pour un coût de 13 836 € ; que les travaux réalisés par la société Murprotec avaient été réceptionnés le 13 octobre 2005 et avaient donné lieu à un certificat de garantie trentenaire ; que, s'il n'était pas contesté qu'aucun contrôle d'assèchement n'avait été effectué, il était établi que les travaux de peinture, facturés à la société locataire des lieux par "Artisanat Décoration Rénovation" le 30 août 2009, avaient été réalisés bien postérieurement au délai de séchage contractuellement fixé à douze mois ; que la société Murprotec n'était donc pas fondée à invoquer une faute à l'encontre de son cocontractant pour s'exonérer de sa responsabilité et devait supporter l'entière charge des condamnations prononcées au profit de la société Bephy ;

ALORS QUE la mise en oeuvre de la responsabilité contractuelle suppose la preuve d'un lien causal entre l'inexécution reprochée et le préjudice allégué ; que l'arrêt infirmatif attaqué a énoncé que, en 2005, lors de l'intervention du locateur d'ouvrage, le mur siège des désordres, totalement dégradé, était inapte à toute intervention permettant de traiter son humidité, ajoutant qu'il n'était pas possible d'empêcher les remontées par capillarité sur ce site, avec des maisons mitoyennes et une ruelle étroite ; qu'il résulte de ces énonciations que les désordres étaient survenus avant l'intervention de l'entrepreneur, ce qui excluait l'existence d'un quelconque lien de causalité entre le préjudice allégué et la prétendue faute du locateur d'ouvrage ; qu'en déclarant néanmoins que l'exposante avait concouru à l'entier dommage de l'actuel propriétaire de l'immeuble, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

ALORS QUE, à tout le moins, l'exposante contestait l'existence d'un quelconque rapport de causalité entre sa prétendue faute et le préjudice allégué par l'actuel propriétaire de la maison ; qu'en retenant que l'entrepreneur avait concouru à l'entier dommage sans caractériser, comme il lui était demandé, le lien causal entre l'inexécution contractuelle et le préjudice invoqué, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

ALORS QUE, enfin l'exposante rappelait (v. ses conclusions notifiées le 28 mai 2015, pp. 17 à 19), au soutien de sa demande d'exonération, qu'il était stipulé dans le certificat de garantie trentenaire (point n° 3) que la garantie était subordonnée à la notification sans délai de la réapparition des désordres que les travaux garantis avaient pour objet de traiter, la sanction du non-respect de cette obligation (point n° 5) étant la déchéance automatique de la garantie ; qu'elle soulignait que les problèmes d'humidité étaient antérieurs à la vente de l'immeuble intervenue le 29 juin 2011 et étaient connus du vendeur qui ne l'en avait pas immédiatement avisé, ce dont elle déduisait que l'ancienneté du désordre non notifié immédiatement à l'entrepreneur excluait la mise en oeuvre de la garantie ; que l'arrêt infirmatif attaqué a constaté que les lieux étaient affectés, préalablement à la vente, de désordres d'humidité et que l'acquéreur en avait connaissance au jour de la vente bien qu'il en eût ignoré la cause ; qu'en décidant que l'entrepreneur n'était pas fondé à invoquer une faute de son cocontractant, le vendeur initial, sans répondre au moyen tiré de la déchéance de la garantie en l'absence de notification sans délai par le maître de l'ouvrage à l'entrepreneur de la réapparition des désordres, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2019:C300015
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