Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 17 janvier 2019, 17-28.861, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

JT

COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 17 janvier 2019


Rejet


M. SAVATIER, conseiller doyen
faisant fonction de président


Arrêt n° 60 F-P+B

Pourvoi n° X 17-28.861



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

1°/ Mme Judith Y..., domiciliée [...],

2°/ la société Filia-Maif, société anonyme, dont le siège est 200 avenue Salvador Allende, 79000 Niort, contre l'arrêt rendu le 5 octobre 2017 par la cour d'appel de Lyon (6e chambre civile), dans le litige les opposant :

1°/ à Mme Audrey E...,

2°/ à M. Alain E...,

3°/ à Mme Christiane E..., domiciliés [...],

4°/ à Mme Ghislaine Z..., domiciliée [...],

5°/ à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ain, dont le siège est 1 place de la Grenouillère, 01015 Bourg-en-Bresse cedex,,

6°/ à la société Mutuelle de l'Est la Bresse assurances SAM, dont le siège est 8 avenue Louis Jourdan, 01000 Bourg-en-Bresse, défendeurs à la cassation ;

Mme Z... et la société Mutuelle de l'Est la Bresse assurances SAM ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt ;

Les demanderesses au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Les demanderesses au pourvoi incident invoquent, à l'appui de leur recours, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 5 décembre 2018, où étaient présents : M. SAVATIER, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bohnert, conseiller référendaire rapporteur, M. Besson, conseiller, Mme Rosette, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Bohnert, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de Mme Y... et de la société Filia-Maif, de la SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller, avocat de Mme Z... et de la société Mutuelle de l'Est la Bresse assurances SAM, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mmes Audrey et Christiane E... et de M. Alain E... , l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal et du pourvoi incident qui sont identiques :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 5 octobre 2017), que le [...], Mme E... a été victime d'une chute de cheval alors qu'elle se promenait avec un autre cavalier et que les chiens de Mme Y... et de Mme Z... se sont trouvés sur leur chemin ; qu'avec ses parents, M. Alain E... et Mme Christiane E... , elle a assigné Mme Y... et son assureur, la société Filia-Maif, et Mme Z... et son assureur, la société Mutuelle de l'Est la Bresse assurances, en indemnisation de leurs préjudices, en présence de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ain ;

Attendu que Mme Y..., Mme Z... et leurs assureurs font grief à l'arrêt de les déclarer responsables in solidum de l'accident dont a été victime Mme E..., de les déclarer tenues in solidum à réparer les dommages causés à Mme Audrey E..., ainsi qu'Alain E... et Christiane E..., alors, selon le moyen :

1°/ que la responsabilité du propriétaire d'un animal suppose la preuve du rôle actif de cet animal dans la survenance du dommage ; qu'en l'absence de contact avec la victime, le rôle actif de l'animal résulte soit de l'anomalie de sa position, soit de son comportement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le chien de Mme Y... comme celui de Mme Z... ne se sont pas approchés à moins de dix mètres des chevaux ; qu'il résultait ainsi des propres constatations de la cour d'appel qu'il n'y avait eu aucun contact matériel entre le chien de Mme Y... et la victime ou son cheval ; qu'en affirmant pour retenir la responsabilité de Mme Y..., que l'engagement de la responsabilité du gardien de l'animal n'est pas subordonnée au caractère anormal du comportement de celui-ci, la cour d'appel a violé l'article 1385, devenu 1243, du code civil ;

2°/ que la responsabilité du propriétaire d'un animal suppose la preuve du rôle actif de cet animal dans la survenance du dommage ; qu'en l'absence de contact avec la victime, le rôle actif de l'animal résulte soit de l'anomalie de sa position, soit de son comportement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que les chiens ne se sont pas approchés à moins de dix mètres des chevaux, qu'ils n'ont pas eu un comportement exceptionnel ou inhabituel et, en particulier, qu'ils n'ont pas montré une quelconque agressivité à l'encontre des chevaux et ne se sont pas trouvés en état de divagation ; qu'en affirmant néanmoins que le rôle actif des chiens dans la réalisation du dommage est démontré, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé l'article 1385, devenu 1243, du code civil ;

3°/ que la responsabilité du propriétaire d'un animal suppose la preuve du rôle actif de cet animal dans la survenance du dommage ; qu'en l'absence de contact avec la victime, le rôle actif de l'animal résulte soit de l'anomalie de sa position, soit de son comportement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que les chiens ne se sont pas approchés à moins de dix mètres des chevaux, que, courant dans le chemin, ils n'ont pas eu un comportement exceptionnel ou inhabituel et, en particulier, n'ont pas montré une quelconque agressivité à l'encontre des chevaux et ne se sont pas trouvés en état de divagation ; qu'en affirmant que la seule circonstance qu'à la vue des chiens, le cheval de Mme E... ait pu être apeuré ou se soit affolé sous l'effet de l'emballement du cheval de M. F... qui le précédait, suffisait à établir le rôle actif des chiens dans la réalisation du dommage, la cour d'appel a violé l'article 1385, devenu 1243, du code civil ;

Mais attendu qu'ayant relevé d'une part qu'alors que les deux cavaliers avaient fait une vingtaine de mètres dans l'impasse dans laquelle ils s'étaient engagés au pas, deux gros chiens qui jouaient ensemble se sont soudain mis à courir vers eux, d'autre part que ces deux chiens de grosse taille, débouchant du talus en surplomb en courant en direction des chevaux, ont manifestement affolé celui de M. F..., quand bien même ils ne se sont pas approchés à moins de dix mètres des chevaux et n'ont montré aucune agressivité et que la chute de Mme E..., cavalière confirmée et de très bon niveau, ne peut s'expliquer que par l'emballement de son propre cheval, soit du fait des chiens, soit du fait du cheval de M. F... lui-même affolé par les chiens et enfin souligné que le fait que ces deux gros chiens non tenus en laisse soient arrivés en courant d'un talus en surplomb non visible a accentué l'effet de surprise et de peur au moins pour le premier cheval, la cour d'appel, qui a ainsi caractérisé le comportement anormal des chiens a pu, par ces seuls motifs et abstraction faite des motifs surabondants critiqués par la première branche du moyen, retenir que Mme Y... et Mme Z..., propriétaires des chiens à l'origine du dommage, devaient indemniser les consorts E... ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Condamne Mme Y..., la société Filia-Maif, Mme Z... et la société Mutuelle de l'Est la Bresse assurances aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme Y... et la société Filia Maif ; condamne Mme Y..., la société Filia-Maif, Mme Z... et la société Mutuelle de l'Est la Bresse assurances in solidum à payer à Mmes Audrey et Christiane E... et M. Alain E... la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept janvier deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour Mme Y... et la société Filia-Maif, demanderesses au pourvoi principal

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR déclaré Judith Y... responsable in solidum avec Ghislaine Z... de l'accident survenu le [...] à [...] dont a été victime Audrey E... , d'AVOIR déclaré Judith Y... et la société Filia-Maif tenues in solidum avec Ghislaine Z... et la compagnie la Mutuelle de l'Est – La Bresse Assurances à réparer les dommages causés à Audrey E... , ainsi qu'Alain E... et Christiane E... et d'AVOIR condamné Judith Y... et la société Filia-Maif in solidum avec Ghislaine Z... et la compagnie la Mutuelle de l'Est – La Bresse Assurances à payer à Audrey E... 23.364,44 euros au titre de ses préjudices patrimoniaux temporaires, 615.658,28 euros au titre de ses préjudices patrimoniaux permanents, 33.969,05 euros au titre de ses préjudices extrapatrimoniaux temporaires, 136.750 euros au titre de ses préjudices extrapatrimoniaux permanents et 11.488,71 euros au titre de son préjudice matériel et à Alain E... et Christiane E... la somme de 3.000 euros chacun au titre de leur préjudice moral et d'accompagnement ;

AUX MOTIFS QUE Sur les circonstances de l'accident. Il est constant que l'accident est survenu en l'absence de tout témoin visuel et Mme E... n'a pas conservé le souvenir de sa chute. Pour autant, celle-ci n'est pas survenue dans des circonstances indéterminées. Il résulte, en effet, du procès-verbal d'enquête, que les chevaux de M. F... et Mme E... se déplaçaient au pas, venant de quitter le poney club de [...] tout proche. Les cavaliers venaient du [...] avant de tourner sur leur droite dans l'impasse du même nom. Romain F... , dont rien ne permet de mettre en doute les déclarations faites aux enquêteurs, a indiqué que son cheval précédait celui de Mme E... . Après avoir fait une vingtaine de mètres dans l'impasse [...], deux gros chiens qui jouaient ensemble se sont soudains mis à courir vers les cavaliers. Le cheval de M. F... s'est emballé, est parti au galop en ressortant de l'impasse et a fini par se prendre les pieds dans une clôture, provoquant la chute de son cavalier dans le [...]. Durant cet épisode, M. F... , qui essayait de maîtriser son cheval, n'a manifestement pas pu prêter attention à Mme E... et n'a pas vu sa chute. Mme E... a été retrouvée allongée dans le [...], ce qui induit que son cheval, comme celui de M. F... , est reparti en arrière en quittant l'impasse. Ghislaine Z... et Laetitia C..., dont les déclarations aux enquêteurs ne sont pas non plus sujettes à caution, se promenaient dans l'impasse, dans le même sens que celui suivi par les cavaliers. Elles étaient accompagnées du chien de Mme Z..., de race Landseer, qui a été rejoint par un autre chien. Tous deux s'amusaient ensemble sur le talus et faisaient des allers et retours dans l'impasse. A hauteur d'un enclos qui borde l'impasse, tournant la tête pour surveiller les chiens, Mme Z... a aperçu la tête d'un cheval. Elle avait précédemment aperçu les chevaux dans le chemin au niveau du centre équestre. Mme C... s'est retournée et a aperçu aussi furtivement les chevaux. Mme Z... a rappelé les chiens et les a enfermés dans l'enclos tandis que Mme C... partait en direction des cavaliers pour leur dire qu'ils pouvaient passer. L'impasse d'[...] comporte un coude qui, de la position de Mmes Z..., ne leur permettait pas de voir les cavaliers lorsque les chevaux ont fait demi-tour vers le chemin. Elles n'ont donc pas pu assister à la chute de Mme E... . Selon le plan des lieux établi par les services de la gendarmerie, ce coude ne permettait pas, lorsque les cavaliers étaient au début de l'impasse, qu'ils voient les chiens sur le talus. Ces deux chiens de grosse taille, débouchant du talus en courant en direction des chevaux, ont manifestement affolé celui de M. F... , quand même ils ne sont pas approchés à moins de dix mètres des chevaux et n'ont montré aucune agressivité, selon l'attestation de Mme C.... Quant à la chute de Mme E... , cavalière confirmée et de très bon niveau (niveau galop 7), sa chute ne peut s'expliquer que par l'emballement de son propre cheval, soit du fait des chiens, soit du fait du cheval de M. F... lui-même affolé par les chiens. Etant observé que M. F... est aussi un cavalier confirmé et du même niveau que la victime. Les déclarations respectives de M. F... , Mme Z... et Mme C... concordent quant aux positions respectives des cavaliers, des promeneuses et des chiens, ces derniers étant bien entre les cavaliers et les promeneuses avant d'être rappelés par Mme Z.... Les témoignages de Ghislaine Z... et Laetitia C... montrent qu'elles ont eu, toutes deux simultanément, conscience que l'agitation des deux chiens était de nature à présenter un danger pour les chevaux : Mme Z... explique qu'après avoir aperçu la tête d'un cheval, elle a rappelé les chiens et les a enfermés dans un parc clôturé. Elle ajoute : « J'ai dit à Laetitia qu'elle pouvait dire aux cavaliers qu'ils pouvaient passer ». Mme C... : « Au niveau d'une maison qui fait l'angle, j'ai aperçu furtivement les chevaux, en une fraction de seconde, je les ai perdus de vue. Du coup, Ghislaine a rappelé les chiens et les a rentrés dans l'enclos. J'ai dit à Ghislaine que je redescendais pour leur dire qu'ils pouvaient passer, car les chiens n'étaient plus là, l'espace était libre. Je ne sais pas si Ghislaine m'a entendu car elle était plus haut ». Tatiana D..., directrice du poney-club de [...], a d'ailleurs indiqué que le chien Atlas (de Mme Y...) avait déjà coursé les chevaux et sa propriétaire le rentrait habituellement lorsque les chevaux passaient. Sur la participation du chien Atlas de Judith Y... Les déclarations de Mme Z... sont explicites quant au fait que le second chien est bien Atlas, propriété de Mme Y..., que Mme Z... connaît tous deux visiblement : « à ce moment-là, Atlas nous a rejoints au moment ou nous passions devant la maison de Judith ». La maison de Mme Y... étant effectivement située au début de l'impasse d'[...], précédant l'enclos où les chiens ont été enfermés par Mme Z.... Mme C... a, quant à elle, donné une description de l'animal « un autre chien noir », « une espèce de Labrador » qui correspond à celle du chien Atlas donnée par Mme D... « un chien noir avec une tache blanche dans le cou, type croisé labrador ». Au demeurant, Mme C... a confirmé que c'était bien le chien Atlas qui était dehors. Il est ainsi établi que c'est bien le chien de Mme Y... qui accompagnait celui de Mme Z.... Sur les responsabilités L'article 1385 (devenu 1243) du code civil dispose que le propriétaire d'un animal ou celui qui s'en sert, pendant qu'il est à son usage, est responsable du dommage que l'animal a causé, soit que l'animal soit sous sa garde, soit qu'il fût égaré ou échappé. Ce texte édicte une présomption de responsabilité du propriétaire et/ou du gardien de l'animal dont le comportement actif ou passif a causé l'accident. Il ne saurait être discuté que le chien de Mme Z... était bien sous sa garde et celui de Mme Y..., bien qu'accompagnant provisoirement le premier, est resté sous la garde effective de sa propriétaire. Le texte précité ne subordonne pas l'engagement de la responsabilité du gardien de l'animal au caractère anormal du comportement de celui-ci, il suffit que celui-ci ait joué un rôle actif dans la survenance du dommage. Il importe peu que les chiens, courant dans le chemin, n'aient pas eu un comportement exceptionnel ou inhabituel et, en particulier, n'aient pas montré une quelconque agressivité à l'encontre des chevaux, ni ne se soient trouvés en état de divagation, au sens pénal du terme. Contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, le rôle actif des chiens dans la réalisation du dommage est démontré, soit que la vue des chiens courant ait apeuré le cheval de Mme E... , soit que celui-ci se soit affolé sous l'effet de l'emballement du cheval de M. F... qui le précédait. En effet, dans la seconde hypothèse, le comportement perturbateur du premier cheval étant la résultante de la course des chiens, il existe bien un lien de causalité entre celle-ci et l'emballement du cheval de la victime. Par ailleurs, la jurisprudence rappelle qu'hors le cas de situations particulières, telles que les compétitions sportives, la victime ne saurait se voir opposer son acceptation des risques. En l'espèce, les deux cavaliers se promenant au pas dans au pas dans une voie normalement ouverte au passage des chevaux, n'ont pas pris de risques particuliers de nature à exonérer les gardiennes des chiens de leur responsabilité résultant de la présomption édictée par l'ancien article 1385 du code civil. En effet, contrairement à ce que plaident les intimées, le fait que les cavaliers aient précédemment remarqué la présence des chiens dans l'impasse et qu'ils se soient néanmoins engagés dans celle-ci ne constitue pas une prise de risque particulière. Au demeurant, sauf à imaginer que chacun devrait renoncer à toute promenade du seul fait de la présence de chiens pouvant avoir un comportement perturbateur, l'acceptation des risques normaux de la part d'un cavalier ne s'étend pas à la rencontre avec deux gros chiens non tenus en laisse et courant en direction des chevaux, en provenance d'un talus en surplomb non visible, situation qui a accentué l'effet de surprise ou de peur au moins pour le premier cheval. En réalité, il appartient bien aux gardiens des chiens de faire en sorte qu'ils n'effrayent pas les animaux ou les personnes rencontrés sur la voie publique, ce que Mme Z... avait d'ailleurs parfaitement appréhendé en décidant spontanément d'enfermer les chiens en attente du passage des chevaux. Enfin, il n'est allégué d'aucune faute de la victime de nature à réduire son droit à indemnisation. Ainsi qu'il a été dit, les chevaux étaient au pas et Mme E... avait un niveau de compétence hippique l'autorisant à monter sa jument ; en outre, elle portait un casque. Les deux chiens ayant concouru à la même action dommageable, Mmes Z... et Y... sont responsables in solidum de ses conséquences. Dans ces conditions, le jugement doit être infirmé, Mme E... étant fondée à obtenir la réparation intégrale de son préjudice à la charge des propriétaires et gardiennes des deux chiens, Mmes Z... et Y..., ainsi que de leurs assureurs respectifs, la Mutuelle de l'Est – Bresse Assurances et la Filia-Maif, garantissant leur responsabilité civile ;

1) ALORS QUE la responsabilité du propriétaire d'un animal suppose la preuve du rôle actif de cet animal dans la survenance du dommage ; qu'en l'absence de contact avec la victime, le rôle actif de l'animal résulte soit de l'anomalie de sa position, soit de son comportement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le chien de Mme Y... comme celui de Mme Z... ne se sont pas approchés à moins de dix mètres des chevaux ; qu'il résultait ainsi des propres constatations de la cour d'appel qu'il n'y avait eu aucun contact matériel entre le chien de Mme Y... et la victime ou son cheval ; qu'en affirmant pour retenir la responsabilité de Mme Y..., que l'engagement de la responsabilité du gardien de l'animal n'est pas subordonnée au caractère anormal du comportement de celui-ci, la cour d'appel a violé l'article 1385, devenu 1243, du code civil ;

2) ALORS QUE la responsabilité du propriétaire d'un animal suppose la preuve du rôle actif de cet animal dans la survenance du dommage ; qu'en l'absence de contact avec la victime, le rôle actif de l'animal résulte soit de l'anomalie de sa position, soit de son comportement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que les chiens ne se sont pas approchés à moins de dix mètres des chevaux, qu'ils n'ont pas eu un comportement exceptionnel ou inhabituel et, en particulier, qu'ils n'ont pas montré une quelconque agressivité à l'encontre des chevaux et ne se sont pas trouvés en état de divagation ; qu'en affirmant néanmoins que le rôle actif des chiens dans la réalisation du dommage est démontré, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé l'article 1385, devenu 1243, du code civil ;

3) ALORS QUE la responsabilité du propriétaire d'un animal suppose la preuve du rôle actif de cet animal dans la survenance du dommage ; qu'en l'absence de contact avec la victime, le rôle actif de l'animal résulte soit de l'anomalie de sa position, soit de son comportement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que les chiens ne se sont pas approchés à moins de dix mètres des chevaux, que, courant dans le chemin, ils n'ont pas eu un comportement exceptionnel ou inhabituel et, en particulier, n'ont pas montré une quelconque agressivité à l'encontre des chevaux et ne se sont pas trouvés en état de divagation ; qu'en affirmant que la seule circonstance qu'à la vue des chiens, le cheval de Mme E... ait pu être apeuré ou se soit affolé sous l'effet de l'emballement du cheval de M. F... qui le précédait, suffisait à établir le rôle actif des chiens dans la réalisation du dommage, la cour d'appel a violé l'article 1385, devenu 1243, du code civil.
Moyen produit par la SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller, avocat de Mme Z... et de la société Mutuelle de l'Est la Bresse assurances SAM, demanderesse au pourvoi incident

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR déclaré Judith Y... responsable in solidum avec Ghislaine Z... de l'accident survenu le [...] à [...] dont a été victime Audrey E... , d'AVOIR déclaré Judith Y... et la société Filia-Maif tenues in solidum avec Ghislaine Z... et la compagnie la Mutuelle de l'Est – La Bresse Assurances à réparer les dommages causés à Audrey E... , ainsi qu'Alain E... et Christiane E... et d'AVOIR condamné Judith Y... et la société Filia-Maif in solidum avec Ghislaine Z... et la compagnie la Mutuelle de l'Est – La Bresse Assurances à payer à Audrey E... 23.364,44 euros au titre de ses préjudices patrimoniaux temporaires, 615.658,28 euros au titre de ses préjudices patrimoniaux permanents, 33.969,05 euros au titre de ses préjudices extrapatrimoniaux temporaires, 136.750 euros au titre de ses préjudices extrapatrimoniaux permanents et 11.488,71 euros au titre de son préjudice matériel et à Alain E... et Christiane E... la somme de 3.000 euros chacun au titre de leur préjudice moral et d'accompagnement ;

AUX MOTIFS QUE Sur les circonstances de l'accident. Il est constant que l'accident est survenu en l'absence de tout témoin visuel et Mme E... n'a pas conservé le souvenir de sa chute. Pour autant, celle-ci n'est pas survenue dans des circonstances indéterminées. Il résulte, en effet, du procès-verbal d'enquête, que les chevaux de M. F... et Mme E... se déplaçaient au pas, venant de quitter le poney club de [...] tout proche. Les cavaliers venaient du [...] avant de tourner sur leur droite dans l'impasse du même nom. Romain F... , dont rien ne permet de mettre en doute les déclarations faites aux enquêteurs, a indiqué que son cheval précédait celui de Mme E... . Après avoir fait une vingtaine de mètres dans l'impasse [...], deux gros chiens qui jouaient ensemble se sont soudains mis à courir vers les cavaliers. Le cheval de M. F... s'est emballé, est parti au galop en ressortant de l'impasse et a fini par se prendre les pieds dans une clôture, provoquant la chute de son cavalier dans le [...]. Durant cet épisode, M. F... , qui essayait de maîtriser son cheval, n'a manifestement pas pu prêter attention à Mme E... et n'a pas vu sa chute. Mme E... a été retrouvée allongée dans le [...], ce qui induit que son cheval, comme celui de M. F... , est reparti en arrière en quittant l'impasse. Ghislaine Z... et Laetitia C..., dont les déclarations aux enquêteurs ne sont pas non plus sujettes à caution, se promenaient dans l'impasse, dans le même sens que celui suivi par les cavaliers. Elles étaient accompagnées du chien de Mme Z..., de race Landseer, qui a été rejoint par un autre chien. Tous deux s'amusaient ensemble sur le talus et faisaient des allers et retours dans l'impasse. A hauteur d'un enclos qui borde l'impasse, tournant la tête pour surveiller les chiens, Mme Z... a aperçu la tête d'un cheval. Elle avait précédemment aperçu les chevaux dans le chemin au niveau du centre équestre. Mme C... s'est retournée et a aperçu aussi furtivement les chevaux. Mme Z... a rappelé les chiens et les a enfermés dans l'enclos tandis que Mme C... partait en direction des cavaliers pour leur dire qu'ils pouvaient passer. L'impasse d'[...] comporte un coude qui, de la position de Mmes Z..., ne leur permettait pas de voir les cavaliers lorsque les chevaux ont fait demitour vers le chemin. Elles n'ont donc pas pu assister à la chute de Mme E... . Selon le plan des lieux établi par les services de la gendarmerie, ce coude ne permettait pas, lorsque les cavaliers étaient au début de l'impasse, qu'ils voient les chiens sur le talus. Ces deux chiens de grosse taille, débouchant du talus en courant en direction des chevaux, ont manifestement affolé celui de M. F... , quand même ils ne sont pas approchés à moins de dix mètres des chevaux et n'ont montré aucune agressivité, selon l'attestation de Mme C.... Quant à la chute de Mme E... , cavalière confirmée et de très bon niveau (niveau galop 7), sa chute ne peut s'expliquer que par l'emballement de son propre cheval, soit du fait des chiens, soit du fait du cheval de M. F... lui-même affolé par les chiens. Etant observé que M. F... est aussi un cavalier confirmé et du même niveau que la victime. Les déclarations respectives de M. F... , Mme Z... et Mme C... concordent quant aux positions respectives des cavaliers, des promeneuses et des chiens, ces derniers étant bien entre les cavaliers et les promeneuses avant d'être rappelés par Mme Z.... Les témoignages de Ghislaine Z... et Laetitia C... montrent qu'elles ont eu, toutes deux simultanément, conscience que l'agitation des deux chiens était de nature à présenter un danger pour les chevaux : Mme Z... explique qu'après avoir aperçu la tête d'un cheval, elle a rappelé les chiens et les a enfermés dans un parc clôturé. Elle ajoute : « J'ai dit à Laetitia qu'elle pouvait dire aux cavaliers qu'ils pouvaient passer ». Mme C... : « Au niveau d'une maison qui fait l'angle, j'ai aperçu furtivement les chevaux, en une fraction de seconde, je les ai perdus de vue. Du coup, Ghislaine a rappelé les chiens et les a rentrés dans l'enclos. J'ai dit à Ghislaine que je redescendais pour leur dire qu'ils pouvaient passer, car les chiens n'étaient plus là, l'espace était libre. Je ne sais pas si Ghislaine m'a entendu car elle était plus haut ». Tatiana D..., directrice du poney-club de [...], a d'ailleurs indiqué que le chien Atlas (de Mme Y...) avait déjà coursé les chevaux et sa propriétaire le rentrait habituellement lorsque les chevaux passaient. Sur la participation du chien Atlas de Judith Y... Les déclarations de Mme Z... sont explicites quant au fait que le second chien est bien Atlas, propriété de Mme Y..., que Mme Z... connaît tous deux visiblement : « à ce moment-là, Atlas nous a rejoints au moment où nous passions devant la maison de Judith ». La maison de Mme Y... étant effectivement située au début de l'impasse d'[...], précédant l'enclos où les chiens ont été enfermés par Mme Z.... Mme C... a, quant à elle, donné une description de l'animal « un autre chien noir », « une espèce de Labrador » qui correspond à celle du chien Atlas donnée par Mme D... « un chien noir avec une tache blanche dans le cou, type croisé labrador ». Au demeurant, Mme C... a confirmé que c'était bien le chien Atlas qui était dehors. Il est ainsi établi que c'est bien le chien de Mme Y... qui accompagnait celui de Mme Z.... Sur les responsabilités L'article 1385 (devenu 1243) du code civil dispose que le propriétaire d'un animal ou celui qui s'en sert, pendant qu'il est à son usage, est responsable du dommage que l'animal a causé, soit que l'animal soit sous sa garde, soit qu'il fût égaré ou échappé. Ce texte édicte une présomption de responsabilité du propriétaire et/ou du gardien de l'animal dont le comportement actif ou passif a causé l'accident. Il ne saurait être discuté que le chien de Mme Z... était bien sous sa garde et celui de Mme Y..., bien qu'accompagnant provisoirement le premier, est resté sous la garde effective de sa propriétaire. Le texte précité ne subordonne pas l'engagement de la responsabilité du gardien de l'animal au caractère anormal du comportement de celui-ci, il suffit que celui-ci ait joué un rôle actif dans la survenance du dommage. Il importe peu que les chiens, courant dans le chemin, n'aient pas eu un comportement exceptionnel ou inhabituel et, en particulier, n'aient pas montré une quelconque agressivité à l'encontre des chevaux, ni ne se soient trouvés en état de divagation, au sens pénal du terme. Contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, le rôle actif des chiens dans la réalisation du dommage est démontré, soit que la vue des chiens courant ait apeuré le cheval de Mme E... , soit que celui-ci se soit affolé sous l'effet de l'emballement du cheval de M. F... qui le précédait. En effet, dans la seconde hypothèse, le comportement perturbateur du premier cheval étant la résultante de la course des chiens, il existe bien un lien de causalité entre celle-ci et l'emballement du cheval de la victime. Par ailleurs, la jurisprudence rappelle qu'hors le cas de situations particulières, telles que les compétitions sportives, la victime ne saurait se voir opposer son acceptation des risques. En l'espèce, les deux cavaliers se promenant au pas dans une voie normalement ouverte au passage des chevaux, n'ont pas pris de risques particuliers de nature à exonérer les gardiennes des chiens de leur responsabilité résultant de la présomption édictée par l'ancien article 1385 du code civil. En effet, contrairement à ce que plaident les intimées, le fait que les cavaliers aient précédemment remarqué la présence des chiens dans l'impasse et qu'ils se soient néanmoins engagés dans celle-ci ne constitue pas une prise de risque particulière. Au demeurant, sauf à imaginer que chacun devrait renoncer à toute promenade du seul fait de la présence de chiens pouvant avoir un comportement perturbateur, l'acceptation des risques normaux de la part d'un cavalier ne s'étend pas à la rencontre avec deux gros chiens non tenus en laisse et courant en direction des chevaux, en provenance d'un talus en surplomb non visible, situation qui a accentué l'effet de surprise ou de peur au moins pour le premier cheval. En réalité, il appartient bien aux gardiens des chiens de faire en sorte qu'ils n'effrayent pas les animaux ou les personnes rencontrés sur la voie publique, ce que Mme Z... avait d'ailleurs parfaitement appréhendé en décidant spontanément d'enfermer les chiens en attente du passage des chevaux. Enfin, il n'est allégué d'aucune faute de la victime de nature à réduire son droit à indemnisation. Ainsi qu'il a été dit, les chevaux étaient au pas et Mme E... avait un niveau de compétence hippique l'autorisant à monter sa jument ; en outre, elle portait un casque. Les deux chiens ayant concouru à la même action dommageable, Mmes Z... et Y... sont responsables in solidum de ses conséquences. Dans ces conditions, le jugement doit être infirmé, Mme E... étant fondée à obtenir la réparation intégrale de son préjudice à la charge des propriétaires et gardiennes des deux chiens, Mmes Z... et Y..., ainsi que de leurs assureurs respectifs, la Mutuelle de l'Est – Bresse Assurances et la Filia-Maif, garantissant leur responsabilité civile ;

1) ALORS QUE la responsabilité du propriétaire d'un animal suppose la preuve du rôle actif de cet animal dans la survenance du dommage ; qu'en l'absence de contact avec la victime, le rôle actif de l'animal résulte soit de l'anomalie de sa position, soit de son comportement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le chien de Mme Y... comme celui de Mme Z... ne se sont pas approchés à moins de dix mètres des chevaux ; qu'il résultait ainsi des propres constatations de la cour d'appel qu'il n'y avait eu aucun contact matériel entre le chien de Mme Y... et la victime ou son cheval ; qu'en affirmant pour retenir la responsabilité de Mme Y..., que l'engagement de la responsabilité du gardien de l'animal n'est pas subordonnée au caractère anormal du comportement de celui-ci, la cour d'appel a violé l'article 1385, devenu 1243, du code civil ;

2) ALORS QUE la responsabilité du propriétaire d'un animal suppose la preuve du rôle actif de cet animal dans la survenance du dommage ; qu'en l'absence de contact avec la victime, le rôle actif de l'animal résulte soit de l'anomalie de sa position, soit de son comportement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que les chiens ne se sont pas approchés à moins de dix mètres des chevaux, qu'ils n'ont pas eu un comportement exceptionnel ou inhabituel et, en particulier, qu'ils n'ont pas montré une quelconque agressivité à l'encontre des chevaux et ne se sont pas trouvés en état de divagation ; qu'en affirmant néanmoins que le rôle actif des chiens dans la réalisation du dommage est démontré, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé l'article 1385, devenu 1243, du code civil ;

3) ALORS QUE la responsabilité du propriétaire d'un animal suppose la preuve du rôle actif de cet animal dans la survenance du dommage ; qu'en l'absence de contact avec la victime, le rôle actif de l'animal résulte soit de l'anomalie de sa position, soit de son comportement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que les chiens ne se sont pas approchés à moins de dix mètres des chevaux, que, courant dans le chemin, ils n'ont pas eu un comportement exceptionnel ou inhabituel et, en particulier, n'ont pas montré une quelconque agressivité à l'encontre des chevaux et ne se sont pas trouvés en état de divagation ; qu'en affirmant que la seule circonstance qu'à la vue des chiens, le cheval de Mme E... ait pu être apeuré ou se soit affolé sous l'effet de l'emballement du cheval de M. F... qui le précédait, suffisait à établir le rôle actif des chiens dans la réalisation du dommage, la cour d'appel a violé l'article 1385, devenu 1243, du code civil. ECLI:FR:CCASS:2019:C200060
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