Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 12 décembre 2018, 17-10.417, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article 6, I, alinéa 3, de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970, dans sa rédaction issue de la loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006 ;

Attendu qu'aucune somme d'argent n'est due, à quelque titre que ce soit, à l'agent immobilier avant que l'opération pour laquelle il a reçu un mandat écrit ait été effectivement conclue et constatée dans un seul acte contenant l'engagement des parties ; qu'un tel mandat ne permettant pas à l'intermédiaire qui l'a reçu d'engager le mandant pour l'opération envisagée à moins qu'une clause ne l'y autorise expressément, le refus de ce dernier de réaliser cette opération aux conditions convenues dans le mandat ne peut lui être imputé à faute pour justifier sa condamnation au paiement de dommages-intérêts, hormis s'il est établi que le mandant a conclu l'opération en privant le mandataire de la rémunération à laquelle il aurait pu légitimement prétendre ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, suivant contrat du 22 juin 2011, M. X... a confié à la société Immopyrénées (l'agent immobilier) un mandat exclusif de vente portant sur un terrain constructible, moyennant une rémunération de 17 400 euros à la charge du vendeur ; que, le 21 octobre 2011, l'agent immobilier l'a informé avoir trouvé un acquéreur au prix du mandat ; que, M. X... ayant refusé de signer la promesse de vente, l'agent immobilier l'a assigné en paiement de dommages-intérêts, en application de la clause pénale stipulée au mandat ;

Attendu que, pour accueillir la demande, l'arrêt retient que M. X... n'a pas fait usage de sa faculté de rétractation et a refusé de donner suite à l'offre d'achat formulée aux conditions du mandat, sans justifier d'un autre motif que sa décision de ne plus vendre le bien ;


Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que la vente n'avait pas été effectivement conclue, de sorte que l'agent immobilier ne pouvait se prévaloir des dispositions de la clause litigieuse, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 août 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;

Condamne la société Immopyrénées aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze décembre deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE au présent arrêt.

Moyen produit par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour M. X....

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué, D'AVOIR condamné Monsieur X... à payer à la société IMMOPYRENEES la somme de 5.000 € à titre de dommages-intérêts ;

AUX MOTIFS QUE, les dispositions de l'article 6-1 de la loi du 2 janvier 1970 (aux termes desquelles aucune commission ni somme d'argent quelconque ne peut être exigée par l'agent immobilier ayant concouru à une opération qui n'a pas été effectivement conclue) ne privent pas l'intermédiaire du droit de solliciter, en cas de non-respect par son mandant des clauses du mandat, le bénéfice de la clause pénale convenue et/ou de dommages-intérêts, en réparation du préjudice résultant pour lui du non-respect par son cocontractant de ses obligations contractuelles, en sorte qu'il convient de considérer que la demande de la SARL IMMOPYRENEES est, en soi, recevable ; (
) ; que le mandat liant les parties est ainsi rédigé : « Le mandant s'oblige à signer tout compromis avec l'acquéreur qui lui sera présenté par le mandataire. Une commission forfaitaire fixée à 17.400 € net calculée en sus sur le prix net propriétaire sera payée par ce dernier le jour de la signature de l'acte écrit constatant l'accord du vendeur et de l'acquéreur. Cette désignation de la partie ayant la charge de la commission ne préjudicie pas au droit pour le mandataire d'obtenir de toute partie à laquelle son éviction serait imputable, la réparation du préjudice causé au mandataire par la réalisation de l'opération sans son entremise avec toute personne ayant été informée ou présentée par ce dernier et donnera lieu au versement intégral de la commission que le mandataire aurait dû percevoir s'il n'avait été évincé et sans pouvoir être inférieure au montant ci-dessus. Par les présentes, le mandant s'engage à ratifier la vente à tout acquéreur qui lui sera présenté par le mandataire, aux conditions, prix et charges précisés par ce mandat. Le mandant s'oblige, en cas de vente réalisée par ses soins, à informer immédiatement le mandataire en lui notifiant par lettre recommandée, les noms et adresses de l'acquéreur et du notaire en charge de l'acte authentique. Cette notification mettra fin au mandat de vente. En cas de vente réalisée par le mandant, celui-ci s'engage expressément, à titre de clause pénale, à verser à la SARL IMMOPYRENEES l'intégralité de ses honoraires. Le présent mandat est donné avec exclusivité à compter de ce jour pour une durée de trois mois renouvelable, dans la limite d'une même durée (sans pouvoir excéder douze mois), sauf dénonciation par lettre recommandée avec accusé de réception avec préavis de 15 jours. » ; qu'il est par ailleurs constant que Monsieur X... qui n'a pas fait usage de la faculté de rétractation qui lui a été régulièrement offerte en application des articles L. 121-23 et suivants du code de la consommation en vigueur à la date de signature du mandat litigieux, a refusé de donner suite à une offre d'achat (aux conditions strictement conformes à celles stipulées au mandat) que lui avait notifiée la SARL IMMOPYRENEES par lettre recommandée avec accusé de réception du 21 octobre 2011), sans justifier d'un autre motif que sa décision de ne plus vendre le bien ; qu'aux termes de l'article 1152 du code civil, lorsque la convention porte que celui qui manquera de l'exécuter payera une certaine somme à titre de dommages-intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte, ni moindre mais que, néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire et que toute stipulation contraire est réputée non écrite ; que la disproportion manifeste justifiant une révision de la clause pénale doit s'apprécier, à la date à laquelle il est statué, en comparant le montant de la peine conventionnellement fixé et celui du préjudice effectivement subi ; qu'il y a lieu en l'espèce de constater que la volte-face de Monsieur X... est intervenue avant même la conclusion d'un quelconque avant-contrat et que la lecture du courrier du notaire chargé de la rédaction du compromis établit que l'offre d'achat évoquée dans le courrier du 1er décembre 2011 (qui ne précise d'ailleurs pas l'identité de l'offrant) émane d'une personne différente (Terenciel OPH) de celle ayant signé la seule offre d'acquisition versée aux débats (Mme Z...) ; qu'il résulte de cette confusion et du fait que le refus de Monsieur X... est intervenu avant la conclusion d'un engagement ferme et définitif scellant la vente, que le préjudice effectivement subi par la SARL IMMOPYRENEES ne peut être équivalent au montant intégral d'une commission dont il n'est pas établi qu'elle a été privée de manière certaine ; qu'on en déduit que la peine stipulée dans le mandat doit être considérée comme manifestement excessive au regard du préjudice effectivement subi par le mandataire en suite du refus de Monsieur X... de donner suite aux offres d'achat qui lui avaient été soumises, lequel n'est constitué que par la perte d'un gain éventuel et les frais divers exposés pour la mise en vente et les négociations avec les éventuels acquéreurs ; qu'elle sera dans ces conditions réduite à la somme de 5.000 € pour le paiement de laquelle il sera octroyé à Monsieur X... (qui justifie de revenus mensuels de 730 € environ ainsi qu'il résulte de sa déclaration de revenus et de l'attestation MSA par lui versées aux débats), en application de l'article 1244-1 du code civil, et compte tenu des besoins relatifs du créancier, professionnel de l'immobilier, un délai de paiement de 24 mois dont les modalités seront précisées dans le dispositif de la présente décision (arrêt attaqué p. 4-5) ;

1°) ALORS QU' aucune somme d'argent n'est due, à quelque titre que ce soit, à l'agent immobilier avant que l'opération pour laquelle il a reçu un mandat écrit ait été effectivement conclue et constatée dans le seul acte contenant l'engagement des parties, et ce même en présence d'une clause pénale ; qu'au cas présent, la cour d'appel a constaté que le refus de vendre du mandant, Monsieur X..., était intervenu avant la conclusion d'un engagement ferme et définitif scellant la vente, et même avant la conclusion d'un quelconque avant-contrat (arrêt attaqué, p. 5 § 5 et 6) ; qu'elle a néanmoins estimé que l'agent immobilier (mandataire) était en droit de solliciter le bénéfice de la clause pénale, aux termes de laquelle « En cas de vente réalisée par le mandant, celui-ci s'engage expressément, à titre de clause pénale, à verser à la SARL Immopyrénées l'intégralité de ses honoraires », faute pour le mandant d'avoir donné suite à l'offre d'achat qui lui avait été soumise ; qu'en ne déduisant pas les conséquences légales qui s'évinçaient pourtant de ses constatations, la cour a violé l'article 6-1, alinéa 3, de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970, dans sa rédaction issue de la loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006 ;

2°) ALORS QUE, subsidiairement, les juges ne peuvent dénaturer un acte écrit clair et précis en lui donnant un contenu ou un sens qui n'est pas le sien ; qu'au cas présent, à supposer même que l'agent immobilier ait pu se prévaloir de la clause pénale malgré les dispositions de l'article 6-1 de la loi du 2 janvier 1970, ce qui n'était pas le cas, il ressortait des termes clairs et précis du contrat signé le 22 juin 2011, versé aux débats par Monsieur X... devant la cour d'appel sous la pièce n° 1 (prod.), que si le mandant s'engageait à ratifier la vente à tout acquéreur que lui présenterait le mandataire aux conditions prix et charges précisées par ce mandat, ce n'était, en revanche, qu'en cas de vente réalisée par ses soins, qu'il s'obligeait à verser à la société IMMOPYRENEES l'intégralité de ses honoraires, à titre de clause pénale ; qu'en condamnant Monsieur X... à payer à l'agent immobilier une indemnité à titre de pénalité, faute pour le mandant d'avoir donné suite à l'offre d'achat qui lui avait été soumise, cependant qu'aucune vente n'avait été réalisée par celui-ci, le juge d'appel a appliqué la clause pénale à un manquement du mandant qu'elle ne prévoyait pas et qui n'était pas sanctionné par le contrat ; que, ce faisant, la cour a dénaturé le contrat de mandat de vente en méconnaissance de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

3°) ALORS QUE, subsidiairement, une perte de chance hypothétique ne peut donner lieu à réparation ; qu'au cas présent, pour condamner Monsieur X... à payer à la société IMMOPYRENEES une somme de 5.000 € à titre de dommages-intérêts, la cour d'appel a estimé que le préjudice effectivement subi par cette dernière ne pouvait être équivalent au montant intégral d'une commission « dont il n'était pas établi qu'elle aurait été privée de manière certaine », ajoutant que ce préjudice n'était constitué que par la perte d'un gain éventuel (arrêt attaqué, p. 5 § 4 et 6) ; qu'en statuant ainsi, après avoir constaté qu'il n'était pas établi que l'agent immobilier aurait été privé d'une commission avec certitude, la cour a indemnisé une perte de chance hypothétique et a violé, par-là, l'article 1147 du code civil.ECLI:FR:CCASS:2018:C101206
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