Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 6 décembre 2018, 17-23.321, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué (Fort-de-France, 25 avril 2017), que Mme X... est bénéficiaire d'un pacte de préférence consenti par M. Z... le 28 octobre 1999, pour une durée de dix ans, et portant sur deux lots dans un immeuble en copropriété ; que, M. Z... ayant vendu ces lots à M. F... par acte notarié du 16 novembre 2009, précédé d'une promesse unilatérale de vente par acte notarié du 2 septembre 2009, Mme X..., estimant que la vente était intervenue en violation du pacte de préférence, les a assignés, ainsi que les notaires et l'agence immobilière Archipel immobilier, en annulation de la vente, substitution dans les droits de l'acquéreur, expulsion de celui-ci et paiement de dommages-intérêts ;

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le deuxième moyen :

Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Attendu que, pour rejeter les demandes de Mme X..., l'arrêt retient que la lettre du pacte de préférence ne permet pas de conclure qu'en cas d'intention de vendre l'obligation de laisser la préférence à la bénéficiaire grève le pré-contrat, que seule la date de l'échange des consentements est à prendre en considération et que, l'acte signé entre M. Z... et M. F... le 2 septembre 2009 étant une promesse unilatérale de vente, la vente ne pouvait prendre effet qu'à la levée de l'option, intervenue postérieurement à la date d'échéance du pacte ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le pacte de préférence implique l'obligation, pour le promettant, de donner préférence au bénéficiaire lorsqu'il décide de vendre le bien, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sur le troisième moyen :

Vu l'article 625 du code de procédure civile ;

Attendu que la cassation sur le deuxième moyen entraîne, par voie de conséquence, l'annulation de l'arrêt en ses dispositions relatives à l'indemnisation du préjudice de Mme X... ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 avril 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Fort-de-France ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Fort-de-France, autrement composée ;

Condamne M. Z..., M. F... , la SCP Belhumeur Hayot et Tripet, la SCP Michel L..., André A..., Anne-Claire G... et la société Archipel immobilier aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. Z... à payer la somme de 3 000 euros à Mme X... et rejette les autres demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six décembre deux mille dix-huit. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour Mme X....

PREMIER MOYEN DE CASSATION

L'arrêt attaqué encourt la censure EN CE QU'il a ayant infirmé le jugement, débouté Mme X... de toutes ses demandes ;

AUX MOTIFS QUE « l'affaire a été débattue à l'audience publique du 24 février 2017 sur le rapport de Mme Caroline Deryckere, conseillère, devant la cour composée de : président, M. Jean-Christophe Bruyère, président de chambre, assesseur, Mme Caroline Deryckere, conseillère, assesseur, Mme Emmanuelle Triol, conseillère, en présence de Mme G. Buseine, conseillère stagiaire, qui en ont délibéré » (arrêt, p. 2) ;

ALORS QUE, premièrement, sauf disposition particulière, les juges statuent en nombre impair ; que quatre magistrats, c'est-à-dire un nombre pair, ont délibéré ; que l'arrêt encourt la nullité pour avoir été rendu en méconnaissance de l'article L 121-2 du code de l'organisation judiciaire ensemble l'article 430 du code de procédure civile ;

ALORS QUE, deuxièmement, les auditeurs de justice peuvent siéger en surnombre et participer avec voix consultative aux délibérés des juridictions civiles ; qu'au cas d'espèce, Mme Buseine, conseiller stagiaire, a participé au délibéré avec voix délibérative ; que l'arrêt encourt la nullité pour avoir été rendu en méconnaissance de l'article 19 de l'ordonnance n°58-1270 du 22 décembre 1958 ;

ALORS QUE, à tout le moins, les auditeurs de justice peuvent siéger en surnombre et participer avec voix consultative aux délibérés des juridictions civiles ; qu'en indiquant que Mme Buseine, conseiller stagiaire, a participé au délibéré sans indiquer si cela était avec voix consultative ou délibérative les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 19 de l'ordonnance n°58-1270 du 22 décembre 1958.

DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION

L'arrêt attaqué encourt la censure

EN CE QU'il a ayant infirmé le jugement, débouté Mme X... de sa demande tendant au prononcé de la nullité de la vente du 16 novembre 2009, subsidiairement à sa substitution aux droits de M. F... , plus subsidiairement encore à réparation de son préjudice ;

AUX MOTIFS QUE « il doit être rappelé que le pacte de préférence avait été conclu pour une durée de dix ans, à échéance du 28 octobre 2009 ; qu'il était donc parfaitement loisible à M. Z... d'attendre l'expiration de ce délai pour céder les lots qu'il détenait dans la copropriété sans encourir aucun reproche de fraude aux droits de Mme X... ; qu'en réalité, il démontre très bien que dès la séparation du couple, il a envisagé de se dessaisir de ces biens, et a tenté de connaître l'intention de cette dernière quant à la reprise des lots ; que cette dernière ne dément pas n'avoir jamais répondu à aucun des courriers reçus en ce sens, ni n'offre de démontrer qu'elle ait exprimé sa volonté dans un sens ou dans l'autre par quelque moyen que ce soit ; que si les approches de M. Z... tentées les premières fois ne revêtaient pas les formes prévues au pacte de préférence, tel n'est pas le cas de l'initiative de la société Orpi archipel immobilier en date du 29 juillet 2008, que Mme X... a laissée sans réponse ; qu'il n'est pas précisé pour quelles raisons le compromis signé à cette époque n'a pas été réitéré, mais s'il l'avait été, Mme X... n'aurait en aucun cas pu se plaindre de cette vente ; que quoi qu'il en soit, il est parfaitement admissible au vu de cette attitude de Mme X..., que pour garantir l'efficacité de son acte, et éviter de placer un autre candidat acquéreur en insécurité juridique, à un an de l'échéance du pacte, M. Z... ait préféré attendre l'expiration du droit de Mme X... ; que la lettre du pacte de préférence ne permet pas de conclure qu'en cas d'intention de vendre, l'obligation de laisser la préférence à la bénéficiaire grève le précontrat ; que par conséquent, à moins d'une promesse synallagmatique de vente valant vente dont la date serait incluse dans la période de validité du pacte, seule la date de l'échange définitif des consentements est à prendre en considération ; qu'en l'espèce, la promesse de vente signée entre M. Z... et M. F... le 2 septembre 2009 constitue une promesse de vente irrévocable de M. Z..., à des conditions spécifiées, consentie pour une durée limitée au 13 novembre 009, comprenant un certain nombre de conditions suspensives, et précisant que le bénéficiaire est libre d'en user si bon lui semble à son profit ; que s'il existe une clause d'indemnité d'immobilisation celle-ci d'un montant modique de 3 500 euros n'est pas de nature à influer sur le consentement du bénéficiaire, de sorte que l'acte du 2 septembre 2009 doit être qualifié de promesse unilatérale de vente ; que la vente en elle-même ne pourrait prendre effet que lors de la levée de l'option du bénéficiaire, manifestant la rencontre des volontés du vendeur et de l'acquéreur ; que M. F... ayant exercé la levée de l'option postérieurement au 28 octobre 2009, et antérieurement au 13 novembre 2009 il n'y a eu aucune violation du pacte de préférence, ni fraude aux droits de Mme X..., laquelle ne peut qu'être déboutée de l'ensemble de ses demandes ; que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a débouté Mme X... de ses demandes d'annulation de la vente, de substitution et d'expulsion et infirmé en toutes ses autres dispositions » (arrêt, pp. 6-7) ;

ALORS QUE, premièrement, le pacte de préférence oblige le promettant à offrir au bénéficiaire de contracter aux conditions auxquelles il se propose de s'engager ; que le promettant à un pacte de préférence ne peut consentir une promesse unilatérale de vente sans l'offrir au bénéficiaire du pacte de préférence ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé l'article 1134 devenu 1103 et 1123 du code civil ;

ALORS QUE, deuxièmement, la fraude suppose l'intention d'éluder un engagement ; qu'en écartant toute fraude de M. Z... aux droits de Mme X..., alors qu'elle constatait que M. Z... avait consenti une promesse unilatérale de vente à une date où le pacte de préférence produisait effet, laissant au bénéficiaire de la promesse la possibilité de lever l'option postérieurement à l'expiration du pacte de préférence, privant ainsi Mme X... du bénéfice du pacte, la cour d'appel de Fort-de-France a violé l'article 1134 devenu 1103 et 1123 du même code.

TROISIÈME MOYEN DE CASSATION

L'arrêt attaqué encourt la censure

EN CE QU'il a ayant infirmé le jugement, débouté Mme X... de sa demande tendant au prononcé de la nullité de la vente du 16 novembre 2009, subsidiairement à sa substitution aux droits de M. F... , plus subsidiairement encore à réparation de son préjudice ;

AUX MOTIFS QUE « il doit être rappelé que le pacte de préférence avait été conclu pour une durée de dix ans, à échéance du 28 octobre 2009 ; qu'il était donc parfaitement loisible à M. Z... d'attendre l'expiration de ce délai pour céder les lots qu'il détenait dans la copropriété sans encourir aucun reproche de fraude aux droits de Mme X... ; qu'en réalité, il démontre très bien que dès la séparation du couple, il a envisagé de se dessaisir de ces biens, et a tenté de connaître l'intention de cette dernière quant à la reprise des lots ; que cette dernière ne dément pas n'avoir jamais répondu à aucun des courriers reçus en ce sens, ni n'offre de démontrer qu'elle ait exprimé sa volonté dans un sens ou dans l'autre par quelque moyen que ce soit ; que si les approches de M. Z... tentées les premières fois ne revêtaient pas les formes prévues au pacte de préférence, tel n'est pas le cas de l'initiative de la société Orpi archipel immobilier en date du 29 juillet 2008, que Mme X... a laissée sans réponse ; qu'il n'est pas précisé pour quelles raisons le compromis signé à cette époque n'a pas été réitéré, mais s'il l'avait été, Mme X... n'aurait en aucun cas pu se plaindre de cette vente ; que quoi qu'il en soit, il est parfaitement admissible au vu de cette attitude de Mme X..., que pour garantir l'efficacité de son acte, et éviter de placer un autre candidat acquéreur en insécurité juridique, à un an de l'échéance du pacte, M. Z... ait préféré attendre l'expiration du droit de Mme X... ; que la lettre du pacte de préférence ne permet pas de conclure qu'en cas d'intention de vendre, l'obligation de laisser la préférence à la bénéficiaire grève le précontrat ; que par conséquent, à moins d'une promesse synallagmatique de vente valant vente dont la date serait incluse dans la période de validité du pacte, seule la date de l'échange définitif des consentements est à prendre en considération ; qu'en l'espèce, la promesse de vente signée entre M. Z... et M. F... le 2 septembre 2009 constitue une promesse de vente irrévocable de M. Z..., à des conditions spécifiées, consentie pour une durée limitée au 13 novembre 009, comprenant un certain nombre de conditions suspensives, et précisant que le bénéficiaire est libre d'en user si bon lui semble à son profit ; que s'il existe une clause d'indemnité d'immobilisation celle-ci d'un montant modique de 3 500 euros n'est pas de nature à influer sur le consentement du bénéficiaire, de sorte que l'acte du 2 septembre 2009 doit être qualifié de promesse unilatérale de vente ; que la vente en elle-même ne pourrait prendre effet que lors de la levée de l'option du bénéficiaire, manifestant la rencontre des volontés du vendeur et de l'acquéreur ; que M. F... ayant exercé la levée de l'option postérieurement au 28 octobre 2009, et antérieurement au 13 novembre 2009 il n'y a eu aucune violation du pacte de préférence, ni fraude aux droits de Mme X..., laquelle ne peut qu'être déboutée de l'ensemble de ses demandes ; que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a débouté Mme X... de ses demandes d'annulation de la vente, de substitution et d'expulsion et infirmé en toutes ses autres dispositions » (arrêt, pp. 6-7) ;

ALORS QUE le jugement doit être motivé ; que Mme X... demandait la réparation du préjudice éprouvé du fait de devoir partager une villa avec une autre famille (conclusions, p. 8) ; que faute de motiver l'infirmation du jugement et le rejet de cette demande, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2018:C301055
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