Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 6 décembre 2018, 17-27.634, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'ordonnance attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel (Montpellier, 31 octobre 2017), que par jugement du 28 septembre 2012, un tribunal de commerce a prononcé la liquidation judiciaire simplifiée de la société Groupe checkpoint expertises (la société), décision ensuite rétractée par ce même tribunal, dans une autre formation ; que faisant l'objet d'une demande d'ouverture d'une procédure collective devant cette même juridiction, la société a déposé, le 5 octobre 2017, une requête à fin de renvoi pour cause de suspicion légitime contre trois des juges la composant, en raison d'une requête en autorisation de prise à partie qu'elle avait précédemment déposée contre eux en raison de l'absence de motivation de leur précédente décision rendue le 28 septembre 2012 ;

Attendu que la société fait grief à l'ordonnance de rejeter sa requête tendant au renvoi de l'affaire devant le tribunal de commerce de Castres pour cause de suspicion légitime alors, selon le moyen :

1°/ que constitue un procès un litige soumis au tribunal ; qu'en retenant que le dépôt d'une requête aux fins d'autorisation de procédure de prise à partie visant nommément plusieurs magistrats du tribunal de commerce de Montpellier, dont il a constaté qu'elle avait été rejetée par une ordonnance rendue par le premier président de la cour d'appel le 20 octobre 2017, n'était pas de nature à qualifier l'existence d'un procès au sens des dispositions de l'article L. 111-6 4° du code de l'organisation judiciaire, le premier président a violé ces dispositions ;

2°/ qu'en toute hypothèse, l'article L. 111-6 du code de l'organisation judiciaire n'épuise pas l'exigence d'impartialité requise de toute juridiction par l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme elle y était invitée, si le dépôt d'une requête aux fins d'autorisation de procédure de prise à partie visant personnellement plusieurs magistrats du tribunal de commerce de Montpellier, dont son président, ne faisait pas peser un soupçon légitime sur l'impartialité de cette juridiction à l'égard du requérant, aux motifs inopérants que le dépôt d'une requête visant les magistrats en cause n'était pas de nature à qualifier l'existence d'un procès au sens des dispositions de l'article L. 111-6 4° du code de l'organisation judiciaire, le premier président de la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu que le premier président de la cour d'appel, après avoir relevé qu'une requête à fin d'autorisation de prise à partie avait été déposée par la société Groupe checkpoint expertises visant les magistrats en cause, en a exactement déduit que cette seule circonstance n'était pas de nature à qualifier l'existence d'un procès au sens de l'article L. 111-6, 4° du code de l'organisation judiciaire ;

Que par ailleurs, en l'absence d'allégation de nature à constituer une cause permettant de douter de l'impartialité des juges, la simple circonstance qu'une requête aux fins de procédure de prise à partie ait été déposée contre les juges n'étant pas de telle nature, le premier président de la cour d'appel n'était pas tenu de procéder d'office à la recherche prétendument omise ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Groupe checkpoint expertises aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six décembre deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour la société Groupe checkpoint expertises.

Il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'AVOIR rejeté la requête de la société Groupe Checkpoint Expertises tendant au renvoi de l'affaire devant le tribunal de commerce de Castres pour cause de suspicion légitime ;

AUX MOTIFS QUE la SARL Groupe Checkpoint Expertises soutient pour l'essentiel, à l'appui de sa requête, que par jugement du 28 septembre 2012, le tribunal de commerce de Montpellier, composé de Messieurs Z..., A... et B..., a prononcé sa liquidation judiciaire immédiate, et ce à la demande de la SAS Aptitudes Services, ce même jugement désignant Monsieur C... en qualité de juge commissaire ; qu'elle fait observer que la motivation de ce jugement était « extrêmement légère et confinait à une absence de motivation » et qu'à la suite d'une tierce-opposition, le tribunal de commerce de Montpellier, autrement composé, a, par jugement du 18 octobre 2012, rétracté le jugement du 28 septembre 2012 ; qu'elle ajoute que, par jugement du 18 janvier 2017, le tribunal de commerce de Montpellier, autrement composé, a débouté la SAS Aptitudes Services de ses demandes en paiement ; qu'elle estime, au visa de l'article L. 116-6, 4°, 5° et 8° du code de l'organisation judiciaire et en se référant à une procédure de prise à partie mise en oeuvre par elle à l'encontre de Messieurs Z..., A..., B... et C... aux fins de paiement de dommages et intérêts, qu'il existe « un procès en cours entre certains juges du tribunal de commerce de Montpellier et l'une des parties au procès ainsi qu'une inimitié notaire entre cette même partie et les juges précités », soulignant en outre les fonctions occupés par Monsieur Jean-Marc B..., actuel président du tribunal de commerce de Montpellier ; qu'il convient en liminaire d'observer que, par ordonnance du 20 octobre 2017, la requête aux fins d'autorisation de procédure de prise à partie déposée par la SARL Groupe Checkpoint Expertises a été rejetée et qu'il ne saurait ainsi être affirmé qu'existeraient un procès entre les magistrats visés par la requête et la SARL Groupe Checkpoint Expertises, la seule circonstance que cette dernière ait déposé une requête visant expressément les magistrats en cause n'étant pas de nature à qualifier l'existence d'un procès au sens des dispositions de l'article L. 111-6 4° du code de l'organisation judiciaire et pas davantage une inimité notoire au sens des dispositions de l'article L. 111-6 8° du même code, laquelle ne peut pas plus résulter du seul constat d'une motivation qualifiée d'« extrêmement légère », quelle que soit l'opinion que l'on puisse exprimer sur cette affirmation ; qu'il ne peut davantage être retenu qu'en ayant siégé dans le cadre de la procédure collective initiée par la SAS Aptitudes Services à l'encontre de la SARL Groupe Checkpoint Expertises les magistrats visés par la requête, ainsi au demeurant que les autres magistrats du tribunal de commerce, auraient ainsi connu de l'affaire, alors que le créancier poursuivant n'est pas le même, et pas davantage la créance invoquée par ce dernier ; qu'il ne peut ainsi être affirmé qu'existe une quelconque identité entre les deux affaires au sens des dispositions de l'article L. 111-6 5° du code de l'organisation judiciaire, laquelle ne peut résulter du seul fait que deux assignations aux mêmes fins aient été délivrées, pour des causes différentes et par des créanciers différents, entre 2012 puis, cinq années plus tard, en 2017 ; que la requête aux fins de renvoi pour suspicion légitime ne peut, par voie de conséquence, qu'être rejetée ;

1° ALORS QUE constitue un procès un litige soumis au tribunal ; qu'en retenant que le dépôt d'une requête aux fins d'autorisation de procédure de prise à partie visant nommément plusieurs magistrats du tribunal de commerce de Montpellier, dont il a constaté qu'elle avait été rejetée par une ordonnance rendue par le premier président de la cour d'appel le 20 octobre 2017, n'était pas de nature à qualifier l'existence d'un procès au sens des dispositions de l'article L. 111-6 4° du code de l'organisation judiciaire, le premier président a violé ces dispositions ;

2°ALORS QU'en toute hypothèse, l'article L. 111-6 du code de l'organisation judiciaire n'épuise pas l'exigence d'impartialité requise de toute juridiction par l'article 6 §1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme elle y était invitée, si le dépôt d'une requête aux fins d'autorisation de procédure de prise à partie visant personnellement plusieurs magistrats du tribunal de commerce de Montpellier, dont son président, ne faisait pas peser un soupçon légitime sur l'impartialité de cette juridiction à l'égard du requérant, aux motifs inopérants que le dépôt d'une requête visant les magistrats en cause n'était pas de nature à qualifier l'existence d'un procès au sens des dispositions de l'article L. 111-6 4° du code de l'organisation judiciaire, le premier président de la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 6 §1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.ECLI:FR:CCASS:2018:C201493
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