Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 21 novembre 2018, 17-28.551, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon le jugement attaqué, que du 2 au 23 mai 2017, ont eu lieu les premier et second tours des élections en vue du renouvellement des délégués du personnel et des représentants du personnel au comité d'entreprise au sein de l'association Les Papillons Blancs de Saint-Cloud, suivant les modalités prévues par un protocole d'accord préélectoral du 10 avril 2017 ; que par requête du 26 mai 2017, Mme A..., déléguée syndicale CGT, a saisi le tribunal d'instance en annulation de l'élection de M. Z... et de Mme Y... ;

Sur le premier moyen :

Vu les articles L. 2324-22-1 et L. 2324-23 du code du travail alors applicables, ensemble l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu que pour annuler l'élection au premier tour de M. Z... dans le deuxième collège DP IME /Siège ainsi que son élection au premier tour dans le deuxième collège CE IME /Siège et, par voie de conséquence, ordonner des élections partielles, le jugement retient qu'en l'espèce, la demanderesse produit des calculs détaillés relatifs à la répartition homme/femme au sein du collège CE Siège et au sein du collège DP IME auxquels il convient de se reporter, qu'il en résulte que la parité homme/ femme n'est pas respectée ;

Qu'en statuant ainsi, sans mentionner en quoi la composition des listes de candidatures ne correspondait pas à la proportion des hommes et des femmes dans le corps électoral, le tribunal, qui n'a pas mis la Cour en mesure d'exercer son contrôle, a violé les textes susvisés ;

Et sur le second moyen :

Vu l'article L. 2314-24 du code du travail dans sa rédaction applicable en la cause ;

Attendu que pour annuler l'élection de Mme Y... et ordonner la tenue d'élections partielles en application de l'article L. 2314-7 du code du travail, le jugement retient que les listes présentées par une organisation syndicale au premier tour sont présumées maintenues pour le second tour, qu'ayant pour objet de faciliter la présentation des listes syndicales, cette présomption ne peut être écartée par le protocole préélectoral, mais qu'un syndicat est tout à fait libre de modifier ou de retirer sa liste entre le premier et le second tour, tout comme un candidat figurant sur une liste syndicale est libre de se retirer entre les deux tours, que dans ce dernier cas toutefois, il incombe au candidat de prévenir son syndicat et à l'employeur de vérifier que le syndicat a été informé de ce retrait ; qu'il constate que Mme Y... a été présentée au premier tour des élections des délégués du personnel sur la liste syndicale Sud, que sa candidature était présumée maintenue sous cette étiquette mais que Mme Y... a été élue titulaire au second tour en qualité de candidat libre et qu'elle ne justifie pas avoir informé le syndicat Sud de son retrait de sa liste ; qu'il en déduit que cette élection est irrégulière ;

Attendu cependant que le candidat d'une liste concurrente n'est pas recevable à invoquer l'irrégularité du scrutin qui résulterait du défaut d'information de l'organisation syndicale ayant déposé une liste au premier tour, quant au retrait pour le second tour de la candidature présentée sur cette liste ;

Qu'en statuant comme il a fait, le tribunal a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 20 novembre 2017, entre les parties, par le tribunal d'instance de Boulogne-Billancourt ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d'instance de Vanves ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un novembre deux mille dix-huit. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour Mme Y... et M. Z....

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief au jugement attaqué, d'AVOIR annulé l'élection au premier tour de M. Z... au 2e collège DP IME /Siège ainsi que son élection au premier tour au 2e collège CE IME /Siège et, par voie de conséquence, d'AVOIR ordonné des élections partielles 2e collège DP IME /Siège et 2e collège CE IME /Siège ;

AUX MOTIFS QUE l'article L.2314-24-1 du code du travail dispose s'agissant des délégués du personnel : « Pour chaque collège électoral, les listes mentionnées à l'article L.2314-24 qui comportent plusieurs candidats sont composées d'un nombre de femmes et d'hommes correspondant à la part de femmes et d'hommes inscrits sur la liste électorale. Les listes sont composées alternativement d'un candidat de chaque sexe jusqu'à épuisement des candidats d'un des sexes.
Lorsque l'application du premier alinéa du présent article n'aboutit pas à un nombre entier de candidats à désigner pour chacun des deux sexes: il est procédé à l'arrondi arithmétique suivant :
1° Arrondi à l'entier supérieur en cas de décimale supérieure ou égale à 5 2° Arrondi à l'entier inférieur en cas de décimale strictement inférieure à 5.
En cas de nombre impair de sièges à pourvoir et de stricte égalité entre les lemmes et les hommes inscrits sur les listes électorales, la liste comprend indifféremment un homme ou une femme supplémentaire.
Le présent article s'applique à la liste des délégués titulaires et à la liste des délégués suppléants » ; que l'article L.2324-22-1 du code du travail précise les mêmes conditions s'agissant des candidats aux élections du comité d'entreprise ; que la sanction de cette irrégularité est prévue par l'article L.2314-25, qui dispose s'agissant des délégués du personnel :
« Les contestations relatives à l'électorat, à la composition des listes de candidats en application de l'article L.2314-24-1 et à la régularité des opérations électorales sont de la compétence du juge judiciaire. Lorsqu'une contestation rend indispensable le recours à une mesure d'instruction, les dépenses afférentes à cette mesure sont à la charge de l'Etat. La constatation par le juge, après l'élection, du non-respect par une liste de candidats des prescriptions prévues à la première phrase du premier alinéa de l'article L. 2314-24-1 entraîne l'annulation de l'élection d'un nombre d'élus du sexe surreprésenté égal au nombre de candidats du sexe surreprésenté en surnombre sur la liste de candidats au regard de la part de femmes et d'hommes que celle-ci devait respecter. Le juge annule l'élection des derniers élus du sexe surreprésenté en suivant l'ordre inverse de la liste des candidats. La constatation par le juge, après l'élection, du non-respect par une liste de candidats des prescriptions prévues à la seconde phrase du premier alinéa du même article L. 2314-24-1 entraîne l'annulation de l'élection du ou des élus dont le positionnement sur la liste de candidats ne respecte pas ces prescription » ; que la même sanction est prévue lorsqu'il s'agit des membres du comité d'entreprise, sous le visa de l'article L.2324-23 ; qu'en l'espèce, la demanderesse produit des calculs détaillés relatifs à la répartition homme/femme au sein du collège CE Siège et au sein du collège DP IME auxquels il convient de se reporter ; qu'il en résulte que la parité homme/ femme n'est pas respectée ; que l'élection de M. Z... doit être annulée s'agissant de son élection au 1er tour 2ème collège DP IME /Siège, tout comme son élection au 1er tour de M. Z... 2ème collège CE IME /Siège ;

1°) ALORS QU'en se référant exclusivement aux calculs détaillés relatifs à la répartition homme/femme au sein du collège CE Siège et au sein du collège DP IME auxquels il convient de se référer » produits par Mme A... aux débats, sans préciser quel était l'objet de ce calcul, son résultat, comment étaient répartis les candidats sur les listes électorales et en quoi l'alternance homme/femme n'aurait pas été respectée, ni procéder à aucune analyse, le tribunal d'instance n'a pas motivé sa décision et a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QU'en statuant ainsi sans avoir précisé en quoi les dispositions des articles L. 2314-24-1 et L. 2324-22-1 du code du travail auraient été en l'espèce méconnues, le tribunal d'instance a privé sa décision de toute base légale au regard de ces dispositions ;

3°) ALORS QUE les dispositions de l'article L. 2314-24-1 du code du travail n'ont pas vocation à s'appliquer aux candidatures uniques aux élections professionnelles ; qu'en jugeant l'inverse le tribunal d'instance a violé le texte précité ;

4°) ALORS QUE le principe d'une composition alternée d'hommes et de femmes sur les listes électorales postule que si le nombre de candidats de chaque sexe est apprécié au regard de la part respective d'hommes et de femmes dans le collège électoral concerné, ce calcul ne peut aboutir à l'exclusion de l'un ou l'autre sexe des listes électorales ; qu'en accueillant la thèse de Mme A... suivant laquelle aucun candidat homme n'était autorisé à se présenter aux élections professionnelles de délégués du personnel au 2e collège, IME /siège et de représentants du personnel au comité d'entreprise, 2e collège, IME /siège, le tribunal d'instance a violé les articles L. 2314-24-1 et L. 2324-22-1 du code du travail ;

5°) ALORS QUE les dispositions des articles L. 2314-24-1 et L. 2324-22-1 du code du travail font actuellement l'objet d'une QPC n°686-2017 qui a été renvoyée par la Cour de cassation au Conseil constitutionnel et qui sera examinée par celui-ci le 9 janvier 2018 ; que l'abrogation de ces dispositions qui ne manquera pas d'être prononcée par le conseil constitutionnel emportera la cassation du jugement attaqué pour perte de fondement juridique ;

6°) ALORS QUE l'annulation de l'élection d'un délégué du personnel ou d'un représentant du personnel au comité d'entreprise, ne peut donner lieu à l'obligation, à la charge de l'entreprise, d'organiser des élections professionnelles partielles ; en ordonnant l'organisation de telles élections, par voie de conséquence de l'annulation de l'élection de M. Z..., au premier tour, pour le 2e collège, DP IME / siège et CE/ IME /Siège, le tribunal d'instance a violé les articles L. 2314-7 et L. 2324-10 du code du travail, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n°2017-1386 du 22 septembre 2017 du 22 septembre 2017.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief au jugement attaqué, d'AVOIR annulé l'élection de Mme Josiane Y... et d'AVOIR ordonné la mise en place d'élections partielles pour les DP collège 1 Foyer/CITL Paul O... titulaire ;

AUX MOTIFS QUE depuis l'entrée en application de la loi du 20 août 2008, il est constant que les listes présentées par une organisation syndicale au premier tour sont présumées maintenues pour le second tour. Cette présomption a pour objet de faciliter la présentation des listes syndicales, et elle ne peut être écartée par le protocole préélectoral. Il s'agit d'une présomption, et un syndical est tout à fait libre de modifier ou de retirer sa liste entre le premier et le second tour ; tout comme un candidat figurant sur liste syndicale est également libre de se retirer entre les deux tours. Dans ce dernier cas le candidat doit prévenir son syndicat, et il incombe à l'employeur de vérifier que le syndicat a été informé de ce retrait. ; qu'en l'espèce, Mme Y... a été présentée au premier tour des élections DP collège 1 Foyer/CITL Paul O..., sur la liste syndicale Sud. Elle n'a pas été élue.
Sa candidature devait être reconduite au deuxième tour des élections au regard des principes jurisprudentiels rappelés ; qu'or, Mme Y... a été élu titulaire au second tour des élections DP collège 1 Foyer/CUL Paul O..., en qualité de candidate libre ; qu'il convient de relever que cette élection est irrégulière Mme Y... ne justifie pas avoir informé le syndicat Sud de son retrait de sa liste ; qu'en conséquence sa candidature était présumée être maintenue sous cette étiquette ; qu'en conséquence, il convient d'annuler l'élection de Mme Y... et d'ordonner la tenue d'élections partielles, conformément aux dispositions de l'article L.2314-7 du code du travail, et ce sous astreinte de 150 euros par jour de retard de mise en place des élections partielles à compter de 30 jours suivant la notification du jugement à intervenir ;

1°) ALORS QUE seul le syndicat concerné par le retrait, au second tour, d'un des candidats de la liste qu'il a présentée au premier tour des élections de délégués du personnel, a intérêt à agir en annulation des résultats de l'élection lorsqu'il n'a pas été informé de ce retrait ; qu'en décidant que Mme A..., qui se présentait sur la liste CGT aux élections de délégués du personnel collège 1 Foyer/CITL Paul O..., était recevable à demander l'annulation de l'élection de Mme Y... en qualité de déléguée du personnel titulaire, au motif qu'elle aurait retiré sa candidature de la liste du premier tour présentée par le syndicat RSS Sud santé sociaux, sans l'en avoir préalablement informé, quand le syndicat Sud n'avait pas entendu contester la loyauté du scrutin ni remettre en cause l'information reçue du retrait de sa candidature, la cour d'appel a violé l'article L. 2314-24 du code du travail ;

2°) ALORS, en tout état de cause QUE le syndicat qui n'entend pas contester la loyauté du scrutin est présumé avoir eu connaissance du retrait, au second tour, d'un des candidats présents sur sa liste du premier tour ; qu'en annulant l'élection de Mme Y... en qualité de déléguée du personnel collège 1 Foyer/CITL Paul O..., au motif qu'elle n'avait pas informé le syndicat RSS SUD Santé sociaux du retrait de son nom de leur liste électorale pour le second tour, quand, en l'absence de toute réaction du syndicat concerné, cette information devait être présumée avoir été donnée, le tribunal d'instance a violé l'article L. 2314-24 du code du travail.ECLI:FR:CCASS:2018:SO01679
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