Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 14 novembre 2018, 17-11.103, Inédit
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 14 novembre 2018, 17-11.103, Inédit
Cour de cassation - Chambre commerciale
- N° de pourvoi : 17-11.103
- ECLI:FR:CCASS:2018:CO00905
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
Audience publique du mercredi 14 novembre 2018
Décision attaquée : Cour d'appel de Besançon, du 22 novembre 2016- Président
- Mme Mouillard (président)
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société par actions simplifiée Amtis, dont M. X... était président, était détenue à 88,59 % par la société Neda ; que les statuts de la société Amtis prévoyaient que le président pouvait être révoqué par décision collective des associés et que si la révocation était décidée sans juste motif, elle pouvait donner lieu à des dommages-intérêts ; qu'estimant que sa révocation, survenue le 28 mai 2010, était intervenue en violation des statuts, sans juste motif et dans des conditions vexatoires, M. X... a assigné les sociétés Amtis et Neda en paiement de dommages-intérêts au titre de son préjudice moral et de sa perte de revenus ;
Sur le premier moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le second moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil, ensemble l'article L. 227-5 du code de commerce ;
Attendu que pour dire que la révocation de M. X... est fondée sur un juste motif et rejeter sa demande indemnitaire à ce titre, l'arrêt retient que nonobstant les bons résultats de la société de 2006 à 2010 sous sa présidence, la perte de confiance des actionnaires à son égard, pour subjective qu'elle puisse être, apparaît bien réelle et constitue un motif légitime de révocation ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si cette perte de confiance était de nature à compromettre l'intérêt social de la société, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Et sur le second moyen, pris en sa seconde branche :
Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil, ensemble l'article L. 227-5 du code de commerce ;
Attendu que pour rejeter les demandes indemnitaires de M. X..., l'arrêt retient aussi que s'agissant du préjudice financier invoqué quant à la perte de revenus consécutive à sa révocation, il ne conteste pas qu'il tirait l'essentiel de ses revenus de ses fonctions de directeur financier de la société Amte appartenant au groupe Neda, en contrepartie desquelles il percevait une rémunération moyenne de l'ordre de 7 525 euros bruts par mois auxquels ne s'ajoutaient que 1 000 euros brut mensuels au titre de son mandat social au sein de la société Amtis ;
Qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à exclure l'existence d'un préjudice subi par M. X..., la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes indemnitaires de M. X... formées au titre de l'absence de juste motif de révocation et statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 22 novembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Dijon ;
Condamne les sociétés Amtis et X... Microtechnic Group aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer la somme globale de 3 000 euros à M. X... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze novembre deux mille dix-huit. MOYENS ANNEXES au présent arrêt.
Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour M. X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR déclaré l'appel des sociétés Amtis et Neda bien fondé, d'AVOIR débouté M. David X... de sa demande en annulation des 5ème et 6ème résolutions portées sur le procès-verbal d'assemblée générale du 29 juin 2010 relatives à la modification de l'article 18 des statuts de la SAS Amtis et, en conséquence, d'AVOIR condamné M. David X... à payer aux sociétés Amtis et Neda la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE « le 29 juin 2010, l'assemblée générale des associés était réunie, sur convocation de M. David X..., en vue de l'approbation des comptes de l'exercice clos au 31 décembre 2009. Mme Simone X..., présidente de la Sas Neda, associé majoritaire, a voulu soumettre lors de cette assemblée générale, alors que ce n'était pas prévu à l'ordre du jour, une proposition de modification de l'article 18 des statuts pour permettre aux associés de modifier les statuts, cette compétence étant jusque là, de fait, réservée au président de la société. C'est ainsi qu'ont été portées au procès-verbal de l'assemblée générale une 5ème résolution, aux termes de laquelle était adoptée à l'unanimité la modification des statuts dans toutes leurs dispositions, et une 6ème résolution, également adoptée à l'unanimité, ayant trait aux pouvoirs à donner à l'effet de procéder aux formalités subséquentes, avec cette particularité que ces deux résolutions sont manuscrites (alors que les autres sont dactylographiées) et figurent au-dessous de la signature du président (en l'occurrence M. David X...), et ce, sans paraphe. M. David X... laisse entendre que ledit procès-verbal a été falsifié et soutient qu'il n'a pas accepté les deux résolutions litigieuses. La Sas Amtis et la Sas Neda font valoir, quant à elles, que le procès-verbal de l'assemblée générale du 29 juin 2010 comporte, mentionné avant la signature, un renvoi aux deux résolutions ajoutées de façon manuscrites dans la mesure où elles ne faisaient pas partie de l'ordre du jour initial et n'avaient, par suite, pas été prévues dans le projet dactylographié de procès-verbal pré-établi pour faciliter la conduite de l'assemblée. Les Sas Amtis et Neda affirment que, contrairement à ce que prétend M. David X..., l'exemplaire en sa possession lui a été remis à l'issue de l'assemblée générale du 29 juin 2010 et comporte bien les délibérations manuscrites litigieuses. Elles n'ont donc, selon les appelantes, pas été rajoutées à l'insu de M. David X.... Elles soulignent que le commissaire aux comptes était présent lors de l'assemblée générale du 29 juin 2010 et qu'il n'aurait pas manqué de relever toute irrégularité dont il aurait eu connaissance conformément aux dispositions de l'article L. 823-12 alinéa 2 du code commerce. Elles précisent qu'il s'agissait pour la société Amtis de corriger une situation extraordinaire qui voyait l'actionnaire majoritaire totalement dépossédé de ses pouvoirs les plus élémentaires en faveur d'un actionnaire minoritaire, M. David X..., alors que celui-ci ne possédait que 1,41 % du capital, situation qui donnera lieu à une lettre ouverte des actionnaires minoritaires d'Amtis du 23 juillet 2010, aux termes de laquelle ces derniers déclaraient souhaiter se retirer et vendre leurs actions. Faute par lui d'expliquer comment il a pu se trouver en possession du procès-verbal de l'assemblée générale du 29 juin 2010 comportant non seulement la mention des deux résolutions manuscrites critiquées mais aussi sa signature alors que ledit procès-verbal aurait, selon lui, été falsifié à son insu sans appeler de réaction de la part du commissaire aux comptes présent lors de ladite assemblée générale, M. David X... doit être débouté de sa demande d'annulation des 5ème et 6ème résolutions de l'assemblée générale du 29 juin 2010 et le jugement déféré sera infirmé sur ce point. En effet, les appelantes produisent des attestations de MM Roland A... et Louis B... qui confirment l'approbation, lors de ladite assemblée générale, des deux résolutions litigieuses par l'ensemble des associés, y compris de M. David X.... Et c'est sur convocation du commissaire aux comptes en raison du refus de M. David X... de convoquer une telle assemblée que, le 21 juillet 2010, les associés de la Sas Amtis se sont à nouveau réunis en assemblée générale. Compte tenu de l'opposition de M. David X..., ladite assemblée générale a, cependant, été ajournée et les associés ont été à nouveau réunis en assemblée générale le 29 juillet 2010 sur convocation du commissaire aux comptes à la demande de l'associé majoritaire, la Sas Neda, pour statuer sur la révocation de M. David X... en sa qualité de président de la Sas Amtis, notamment en raison du blocage exercé par celui-ci s'agissant de la modification des statuts » ;
1. ALORS QU' aux termes de l'article 19.2 des statuts de la SAS Amtis, « seules les questions inscrites à l'ordre du jour sont mises en délibération à moins que les associés soient tous présents et décident d'un commun accord de statuer sur d'autres questions » ; que l'arrêt attaqué a relevé que les cinquième et sixième résolutions proposées lors de l'assemblée générale des associés de la SAS Amtis du 29 juin 2010 n'étaient pas prévues à l'ordre du jour ; qu'il était acquis aux débats que lors de cette assemblée, certains associés de cette société n'étaient pas présents, étant seulement représentés (cf. les conclusions récapitulatives des appelantes, p. 6, § 5) ; qu'en refusant néanmoins d'annuler ces résolutions, quand seule la présence de tous les associés à l'assemblée générale autorisait la délibération sur une question qui n'était pas inscrite à l'ordre du jour, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
2. ALORS QUE le juge ne peut pas dénaturer les documents de la cause ; que dans son attestation du 6 juillet 2010, M. B... avait affirmé que, lors de l'assemblée générale de la SAS Amtis du 29 juin 2010, il avait voté la résolution relative aux conditions de modification des statuts de la société Amtis « solidairement de l'ensemble de l'assistance », ce qui excluait les associés absents ; qu'en affirmant qu'il résultait de l'attestation de M. B... que celui-ci avait confirmé l'approbation, lors de cette assemblée, des deux résolutions litigieuses par l'ensemble des associés, la cour d'appel a méconnu l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause ;
3. ALORS QUE le juge ne peut pas dénaturer les documents de la cause ; que dans son attestation du 22 février 2016, M. A... se bornait à affirmer que M. X... « avait accepté de son plein gré de signer le ou les résolutions ajoutées si madame Simone X... les signait elle-même », sans à aucun moment énoncer que, lors de l'assemblée générale du 29 juin 2010, les deux résolutions litigieuses avaient été approuvées par l'ensemble des associés ; qu'en affirmant pourtant qu'il résultait de l'attestation de M. A... que celui-ci avait confirmé l'approbation, lors de cette assemblée, des deux résolutions litigieuses par l'ensemble des associés, la cour d'appel a méconnu l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause ;
4. ALORS QUE nul ne peut se contredire au détriment d'autrui ; qu'en l'espèce, il résulte du jugement du tribunal de commerce de Besançon du 24 juin 2015 que les SAS Amtis et Neda avaient demandé au Tribunal de prendre acte de ce que la première société s'en remettait à la décision du tribunal concernant la demande d'annulation des cinquième et sixième résolutions inscrites au procès-verbal d'assemblée du 29 juin 2010 ; que, dès lors, en faisant droit, en cause d'appel, aux prétentions des SAS Amtis et Neda qui tendaient à voir infirmer le jugement entrepris en ce qu'il avait annulé ces résolutions, la cour d'appel a violé le principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui, ensemble l'article 122 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR déclaré l'appel des sociétés Amtis et Neda bien fondé, d'AVOIR dit que la révocation de M. David X... de ses fonctions de président de la société Amtis intervenue lors de l'assemblée générale du 29 juillet 2010, ne peut être qualifiée d'abusive et vexatoire et, en conséquence, d'AVOIR débouté M. David X... de ses demandes indemnitaires et d'AVOIR condamné M. David X... à payer aux sociétés Amtis et Neda la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE « l'article 15 alinéa 2 des statuts de la Sas Amtis prévoit que le président peut être révoqué par décision collective des associés et que si la révocation est décidée sans juste motif, elle peut donner lieu à des dommages et intérêts. Les appelantes exposent que la révocation de M. David X... a été motivée par la perte de confiance de l'associé majoritaire en son président, dans la mesure où celui-ci se serait opposé à la politique industrielle que le groupe souhaitait développer chez Amtis, entre autres en bloquant un projet d'extension immobilière, l'inertie de M. David X... sur ce projet ayant, selon elles, induit un retard dans l'avancée du chantier et un alourdissement de son coût. Elles reprochent également à M. David X... d'avoir tenté de rallier à sa cause le personnel en essayant de l'instrumentaliser tout en discréditant la direction comme cela ressort des attestations de MM Christophe C..., Patrice D... et Eric E... ainsi que de la pétition du personnel en date du 21 juillet 2010. Dès lors, nonobstant les bons résultats de la société de 2006 à 2010 sous la présidence de M. David X..., la perte de confiance des actionnaires à son égard, pour subjective qu'elle puisse être, apparaît bien réelle et constitue un motif légitime de révocation. En outre, les sociétés Amtis et Neda soutiennent que celle-ci est intervenue dans le respect du contradictoire, dans la mesure où M. David X... a été convoqué à l'assemblée générale réunie pour se prononcer sur sa révocation et où il a eu connaissance du rapport de l'associé majoritaire contenant les motifs invoqués à l'appui de la demande de révocation, ce qui n'est pas contesté par M. David X... non plus le fait qu'il ait pu, lors de ladite assemblée générale, donner lecture du rapport qu'il avait préparé en réponse et qui est demeuré annexé au procès-verbal de l'assemblée générale du 29 juillet 2010. Dans ces conditions, pour blessante qu'elle ait pu être ressentie par M. David X..., sa révocation de ses fonctions de président de la société Amtis ne peut être considérée comme abusive et vexatoire. Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef. Au surplus, s'agissant du préjudice financier invoqué quant à la perte de revenus consécutive à sa révocation, M. David X... ne conteste pas qu'il tirait l'essentiel de ses revenus de ses fonctions de directeur financier de la société Amte appartenant au groupe Neda, en contrepartie desquelles il percevait une rémunération moyenne de l'ordre de 7.525 € bruts par mois auxquels ne s'ajoutaient que 1.000 € bruts mensuels au titre de son mandat social au sein de la Sas Amtis. En conséquence, M. David X... ne peut qu'être débouté de ses demandes indemnitaires, le jugement querellé étant infirmé également sur ce point » ;
1. ALORS QUE la perte de confiance de l'associé majoritaire dans le président d'une société révocable pour juste motif n'autorise pas la révocation de celui-ci si elle n'est pas à l'origine d'une mésentente de nature à compromettre l'intérêt social ; qu'aux termes de l'article 15, alinéa 2, des statuts de la SAS Amtis, si la révocation du président de la société « est décidée sans juste motif, elle peut donner lieu à dommages-intérêts » ; qu'en affirmant que, nonobstant les bons résultats de la SAS Amtis de 2006 à 2010 sous la présidence de M. X..., la perte de confiance des actionnaires à son égard, pour subjective qu'elle puisse être, apparaît bien réelle et constitue un motif légitime de sa révocation le 29 juillet 2010, sans constater que cette perte de confiance était à l'origine d'une mésentente de nature à compromettre l'intérêt social, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble l'article L. 227-5 du code de commerce ;
2. ALORS QU' aux termes de l'article 15, alinéa 2, des statuts de la SAS Amtis, si la révocation du président de la société « est décidée sans juste motif, elle peut donner lieu à dommages-intérêts » ; que pour débouter M. X... de sa demande formée au titre du préjudice financier consécutif à sa révocation, l'arrêt attaqué a relevé que M. X... ne conteste pas qu'il tirait l'essentiel de ses revenus de ses fonctions de directeur financier de la société Amte ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il s'évinçait que M. X... percevait la somme de 1 000 euros bruts mensuels au titre de son mandat social au sein de la SAS Amtis, violant par-là même l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.ECLI:FR:CCASS:2018:CO00905
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société par actions simplifiée Amtis, dont M. X... était président, était détenue à 88,59 % par la société Neda ; que les statuts de la société Amtis prévoyaient que le président pouvait être révoqué par décision collective des associés et que si la révocation était décidée sans juste motif, elle pouvait donner lieu à des dommages-intérêts ; qu'estimant que sa révocation, survenue le 28 mai 2010, était intervenue en violation des statuts, sans juste motif et dans des conditions vexatoires, M. X... a assigné les sociétés Amtis et Neda en paiement de dommages-intérêts au titre de son préjudice moral et de sa perte de revenus ;
Sur le premier moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le second moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil, ensemble l'article L. 227-5 du code de commerce ;
Attendu que pour dire que la révocation de M. X... est fondée sur un juste motif et rejeter sa demande indemnitaire à ce titre, l'arrêt retient que nonobstant les bons résultats de la société de 2006 à 2010 sous sa présidence, la perte de confiance des actionnaires à son égard, pour subjective qu'elle puisse être, apparaît bien réelle et constitue un motif légitime de révocation ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si cette perte de confiance était de nature à compromettre l'intérêt social de la société, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Et sur le second moyen, pris en sa seconde branche :
Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil, ensemble l'article L. 227-5 du code de commerce ;
Attendu que pour rejeter les demandes indemnitaires de M. X..., l'arrêt retient aussi que s'agissant du préjudice financier invoqué quant à la perte de revenus consécutive à sa révocation, il ne conteste pas qu'il tirait l'essentiel de ses revenus de ses fonctions de directeur financier de la société Amte appartenant au groupe Neda, en contrepartie desquelles il percevait une rémunération moyenne de l'ordre de 7 525 euros bruts par mois auxquels ne s'ajoutaient que 1 000 euros brut mensuels au titre de son mandat social au sein de la société Amtis ;
Qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à exclure l'existence d'un préjudice subi par M. X..., la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes indemnitaires de M. X... formées au titre de l'absence de juste motif de révocation et statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 22 novembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Dijon ;
Condamne les sociétés Amtis et X... Microtechnic Group aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer la somme globale de 3 000 euros à M. X... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze novembre deux mille dix-huit. MOYENS ANNEXES au présent arrêt.
Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour M. X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR déclaré l'appel des sociétés Amtis et Neda bien fondé, d'AVOIR débouté M. David X... de sa demande en annulation des 5ème et 6ème résolutions portées sur le procès-verbal d'assemblée générale du 29 juin 2010 relatives à la modification de l'article 18 des statuts de la SAS Amtis et, en conséquence, d'AVOIR condamné M. David X... à payer aux sociétés Amtis et Neda la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE « le 29 juin 2010, l'assemblée générale des associés était réunie, sur convocation de M. David X..., en vue de l'approbation des comptes de l'exercice clos au 31 décembre 2009. Mme Simone X..., présidente de la Sas Neda, associé majoritaire, a voulu soumettre lors de cette assemblée générale, alors que ce n'était pas prévu à l'ordre du jour, une proposition de modification de l'article 18 des statuts pour permettre aux associés de modifier les statuts, cette compétence étant jusque là, de fait, réservée au président de la société. C'est ainsi qu'ont été portées au procès-verbal de l'assemblée générale une 5ème résolution, aux termes de laquelle était adoptée à l'unanimité la modification des statuts dans toutes leurs dispositions, et une 6ème résolution, également adoptée à l'unanimité, ayant trait aux pouvoirs à donner à l'effet de procéder aux formalités subséquentes, avec cette particularité que ces deux résolutions sont manuscrites (alors que les autres sont dactylographiées) et figurent au-dessous de la signature du président (en l'occurrence M. David X...), et ce, sans paraphe. M. David X... laisse entendre que ledit procès-verbal a été falsifié et soutient qu'il n'a pas accepté les deux résolutions litigieuses. La Sas Amtis et la Sas Neda font valoir, quant à elles, que le procès-verbal de l'assemblée générale du 29 juin 2010 comporte, mentionné avant la signature, un renvoi aux deux résolutions ajoutées de façon manuscrites dans la mesure où elles ne faisaient pas partie de l'ordre du jour initial et n'avaient, par suite, pas été prévues dans le projet dactylographié de procès-verbal pré-établi pour faciliter la conduite de l'assemblée. Les Sas Amtis et Neda affirment que, contrairement à ce que prétend M. David X..., l'exemplaire en sa possession lui a été remis à l'issue de l'assemblée générale du 29 juin 2010 et comporte bien les délibérations manuscrites litigieuses. Elles n'ont donc, selon les appelantes, pas été rajoutées à l'insu de M. David X.... Elles soulignent que le commissaire aux comptes était présent lors de l'assemblée générale du 29 juin 2010 et qu'il n'aurait pas manqué de relever toute irrégularité dont il aurait eu connaissance conformément aux dispositions de l'article L. 823-12 alinéa 2 du code commerce. Elles précisent qu'il s'agissait pour la société Amtis de corriger une situation extraordinaire qui voyait l'actionnaire majoritaire totalement dépossédé de ses pouvoirs les plus élémentaires en faveur d'un actionnaire minoritaire, M. David X..., alors que celui-ci ne possédait que 1,41 % du capital, situation qui donnera lieu à une lettre ouverte des actionnaires minoritaires d'Amtis du 23 juillet 2010, aux termes de laquelle ces derniers déclaraient souhaiter se retirer et vendre leurs actions. Faute par lui d'expliquer comment il a pu se trouver en possession du procès-verbal de l'assemblée générale du 29 juin 2010 comportant non seulement la mention des deux résolutions manuscrites critiquées mais aussi sa signature alors que ledit procès-verbal aurait, selon lui, été falsifié à son insu sans appeler de réaction de la part du commissaire aux comptes présent lors de ladite assemblée générale, M. David X... doit être débouté de sa demande d'annulation des 5ème et 6ème résolutions de l'assemblée générale du 29 juin 2010 et le jugement déféré sera infirmé sur ce point. En effet, les appelantes produisent des attestations de MM Roland A... et Louis B... qui confirment l'approbation, lors de ladite assemblée générale, des deux résolutions litigieuses par l'ensemble des associés, y compris de M. David X.... Et c'est sur convocation du commissaire aux comptes en raison du refus de M. David X... de convoquer une telle assemblée que, le 21 juillet 2010, les associés de la Sas Amtis se sont à nouveau réunis en assemblée générale. Compte tenu de l'opposition de M. David X..., ladite assemblée générale a, cependant, été ajournée et les associés ont été à nouveau réunis en assemblée générale le 29 juillet 2010 sur convocation du commissaire aux comptes à la demande de l'associé majoritaire, la Sas Neda, pour statuer sur la révocation de M. David X... en sa qualité de président de la Sas Amtis, notamment en raison du blocage exercé par celui-ci s'agissant de la modification des statuts » ;
1. ALORS QU' aux termes de l'article 19.2 des statuts de la SAS Amtis, « seules les questions inscrites à l'ordre du jour sont mises en délibération à moins que les associés soient tous présents et décident d'un commun accord de statuer sur d'autres questions » ; que l'arrêt attaqué a relevé que les cinquième et sixième résolutions proposées lors de l'assemblée générale des associés de la SAS Amtis du 29 juin 2010 n'étaient pas prévues à l'ordre du jour ; qu'il était acquis aux débats que lors de cette assemblée, certains associés de cette société n'étaient pas présents, étant seulement représentés (cf. les conclusions récapitulatives des appelantes, p. 6, § 5) ; qu'en refusant néanmoins d'annuler ces résolutions, quand seule la présence de tous les associés à l'assemblée générale autorisait la délibération sur une question qui n'était pas inscrite à l'ordre du jour, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
2. ALORS QUE le juge ne peut pas dénaturer les documents de la cause ; que dans son attestation du 6 juillet 2010, M. B... avait affirmé que, lors de l'assemblée générale de la SAS Amtis du 29 juin 2010, il avait voté la résolution relative aux conditions de modification des statuts de la société Amtis « solidairement de l'ensemble de l'assistance », ce qui excluait les associés absents ; qu'en affirmant qu'il résultait de l'attestation de M. B... que celui-ci avait confirmé l'approbation, lors de cette assemblée, des deux résolutions litigieuses par l'ensemble des associés, la cour d'appel a méconnu l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause ;
3. ALORS QUE le juge ne peut pas dénaturer les documents de la cause ; que dans son attestation du 22 février 2016, M. A... se bornait à affirmer que M. X... « avait accepté de son plein gré de signer le ou les résolutions ajoutées si madame Simone X... les signait elle-même », sans à aucun moment énoncer que, lors de l'assemblée générale du 29 juin 2010, les deux résolutions litigieuses avaient été approuvées par l'ensemble des associés ; qu'en affirmant pourtant qu'il résultait de l'attestation de M. A... que celui-ci avait confirmé l'approbation, lors de cette assemblée, des deux résolutions litigieuses par l'ensemble des associés, la cour d'appel a méconnu l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause ;
4. ALORS QUE nul ne peut se contredire au détriment d'autrui ; qu'en l'espèce, il résulte du jugement du tribunal de commerce de Besançon du 24 juin 2015 que les SAS Amtis et Neda avaient demandé au Tribunal de prendre acte de ce que la première société s'en remettait à la décision du tribunal concernant la demande d'annulation des cinquième et sixième résolutions inscrites au procès-verbal d'assemblée du 29 juin 2010 ; que, dès lors, en faisant droit, en cause d'appel, aux prétentions des SAS Amtis et Neda qui tendaient à voir infirmer le jugement entrepris en ce qu'il avait annulé ces résolutions, la cour d'appel a violé le principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui, ensemble l'article 122 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR déclaré l'appel des sociétés Amtis et Neda bien fondé, d'AVOIR dit que la révocation de M. David X... de ses fonctions de président de la société Amtis intervenue lors de l'assemblée générale du 29 juillet 2010, ne peut être qualifiée d'abusive et vexatoire et, en conséquence, d'AVOIR débouté M. David X... de ses demandes indemnitaires et d'AVOIR condamné M. David X... à payer aux sociétés Amtis et Neda la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE « l'article 15 alinéa 2 des statuts de la Sas Amtis prévoit que le président peut être révoqué par décision collective des associés et que si la révocation est décidée sans juste motif, elle peut donner lieu à des dommages et intérêts. Les appelantes exposent que la révocation de M. David X... a été motivée par la perte de confiance de l'associé majoritaire en son président, dans la mesure où celui-ci se serait opposé à la politique industrielle que le groupe souhaitait développer chez Amtis, entre autres en bloquant un projet d'extension immobilière, l'inertie de M. David X... sur ce projet ayant, selon elles, induit un retard dans l'avancée du chantier et un alourdissement de son coût. Elles reprochent également à M. David X... d'avoir tenté de rallier à sa cause le personnel en essayant de l'instrumentaliser tout en discréditant la direction comme cela ressort des attestations de MM Christophe C..., Patrice D... et Eric E... ainsi que de la pétition du personnel en date du 21 juillet 2010. Dès lors, nonobstant les bons résultats de la société de 2006 à 2010 sous la présidence de M. David X..., la perte de confiance des actionnaires à son égard, pour subjective qu'elle puisse être, apparaît bien réelle et constitue un motif légitime de révocation. En outre, les sociétés Amtis et Neda soutiennent que celle-ci est intervenue dans le respect du contradictoire, dans la mesure où M. David X... a été convoqué à l'assemblée générale réunie pour se prononcer sur sa révocation et où il a eu connaissance du rapport de l'associé majoritaire contenant les motifs invoqués à l'appui de la demande de révocation, ce qui n'est pas contesté par M. David X... non plus le fait qu'il ait pu, lors de ladite assemblée générale, donner lecture du rapport qu'il avait préparé en réponse et qui est demeuré annexé au procès-verbal de l'assemblée générale du 29 juillet 2010. Dans ces conditions, pour blessante qu'elle ait pu être ressentie par M. David X..., sa révocation de ses fonctions de président de la société Amtis ne peut être considérée comme abusive et vexatoire. Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef. Au surplus, s'agissant du préjudice financier invoqué quant à la perte de revenus consécutive à sa révocation, M. David X... ne conteste pas qu'il tirait l'essentiel de ses revenus de ses fonctions de directeur financier de la société Amte appartenant au groupe Neda, en contrepartie desquelles il percevait une rémunération moyenne de l'ordre de 7.525 € bruts par mois auxquels ne s'ajoutaient que 1.000 € bruts mensuels au titre de son mandat social au sein de la Sas Amtis. En conséquence, M. David X... ne peut qu'être débouté de ses demandes indemnitaires, le jugement querellé étant infirmé également sur ce point » ;
1. ALORS QUE la perte de confiance de l'associé majoritaire dans le président d'une société révocable pour juste motif n'autorise pas la révocation de celui-ci si elle n'est pas à l'origine d'une mésentente de nature à compromettre l'intérêt social ; qu'aux termes de l'article 15, alinéa 2, des statuts de la SAS Amtis, si la révocation du président de la société « est décidée sans juste motif, elle peut donner lieu à dommages-intérêts » ; qu'en affirmant que, nonobstant les bons résultats de la SAS Amtis de 2006 à 2010 sous la présidence de M. X..., la perte de confiance des actionnaires à son égard, pour subjective qu'elle puisse être, apparaît bien réelle et constitue un motif légitime de sa révocation le 29 juillet 2010, sans constater que cette perte de confiance était à l'origine d'une mésentente de nature à compromettre l'intérêt social, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble l'article L. 227-5 du code de commerce ;
2. ALORS QU' aux termes de l'article 15, alinéa 2, des statuts de la SAS Amtis, si la révocation du président de la société « est décidée sans juste motif, elle peut donner lieu à dommages-intérêts » ; que pour débouter M. X... de sa demande formée au titre du préjudice financier consécutif à sa révocation, l'arrêt attaqué a relevé que M. X... ne conteste pas qu'il tirait l'essentiel de ses revenus de ses fonctions de directeur financier de la société Amte ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il s'évinçait que M. X... percevait la somme de 1 000 euros bruts mensuels au titre de son mandat social au sein de la SAS Amtis, violant par-là même l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.