Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 14 novembre 2018, 17-20.659, Publié au bulletin
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 14 novembre 2018, 17-20.659, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre sociale
- N° de pourvoi : 17-20.659
- ECLI:FR:CCASS:2018:SO01652
- Publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
Audience publique du mercredi 14 novembre 2018
Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, du 02 juin 2017- Président
- M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Vu l'article L. 3171-4 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Sungard consulting services aux droits de laquelle vient la société Softeam cadextan a engagé M. Y... le 3 janvier 2005 en qualité de consultant ; que le 10 mars 2010, invoquant le non paiement d'heures supplémentaires et de sa rémunération variable, il a pris acte de la rupture du contrat de travail ;
Attendu que pour débouter le salarié de sa demande en paiement des heures supplémentaires, congés payés afférents, repos compensateur et indemnité de travail dissimulé, l'arrêt retient qu'il est établi que l'employeur a indiqué dans plusieurs lettres ou courriers électroniques adressés au salarié qu'il devait respecter la durée de travail de 35 heures par semaine et que les heures supplémentaires devaient faire l'objet d'un accord préalable avec le supérieur hiérarchique, qu'à l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour le déboute de toutes ses demandes relatives aux heures supplémentaires au motif que seules les heures supplémentaires demandées par l'employeur ou effectuées avec son accord, donnent lieu à paiement et que c'est à bon droit que l'employeur a refusé de payer les heures supplémentaires alléguées par le salarié dès lors qu'elle prouve, comme elle en a la charge que s'il a effectué des heures supplémentaires, cela s'est fait contre son avis, qu'en effet la mise en place des heures supplémentaires relève du pouvoir de direction de l'employeur, et, à supposer qu'il a effectué des heures supplémentaires, le salarié n'a pas à placer l'employeur qui subordonne l'exécution des heures supplémentaires à son accord préalable, devant le fait accompli, sauf abus de sa part, lequel n'est ni établi ni même allégué, que l'employeur a subordonné l'exécution des heures supplémentaires chez le client auprès duquel le salarié intervenait, à l'accord préalable de son supérieur hiérarchique de façon légitime pour pouvoir, le cas échéant, renégocier ses conditions d'intervention ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si, ainsi qu'il le lui était demandé, les heures de travail accomplies avaient été rendues nécessaires à la réalisation des tâches confiées au salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
Et attendu que la cassation sur le premier moyen entraîne, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif critiqué par le second moyen, pris d'une cassation par voie de conséquence ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il condamne la société Softeam cadextan à verser à M. Y... une certaine somme à titre de rappel sur rémunération variable et déboute la société Softeam cadextan de sa demande de condamnation de M. Y... à lui verser une indemnité de préavis, l'arrêt rendu le 2 juin 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur les autres points restant en litige, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Softeam cadextan aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Softeam cadextan à payer à M. Y... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze novembre deux mille dix-huit.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour M. Y....
PREMIER MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. Y... de sa demande en paiement d'un rappel d'heures supplémentaires ;
AUX MOTIFS QUE : « Monsieur Rémi Y... demande à la cour de lui allouer les sommes suivantes :
- Rappel d'heures supplémentaires de juin 2005 à septembre 2009 : 48.238 euros bruts. - Indemnité compensatrice de congés payés afférents : 4.823,80 euros bruts.
- Repos compensateur pour heures supplémentaires au-delà de 41 heures et en dessous du contingent de juin 2005 à août 2008 : 807,15 euros bruts.
- Repos compensateur obligatoire pour les heures accomplies au-delà du contingent : 9.034,44 euros bruts.
- Dommages et intérêts pour travail dissimulé : 29.778 euros.
Aux termes de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.
En l'espèce, Monsieur Rémi Y... expose que pour la période d'activité chez CA LYON (janvier 2005 à janvier 2007), puis pour la période d'activité chez SGAM AI du 12 février 2007 au 30 septembre 2009, les horaires du client étaient 8h30-18h30, soit 10 heures d'amplitude dont une heure de pause déjeuner, en sorte qu'il effectuait 2 heures supplémentaires par jour.
Pour étayer ses dires, Monsieur Rémi Y... produit notamment les ordres de missions (pièces n° 24 et 27 salarié), des justificatifs des horaires applicables chez CA LYON et chez SGAM AI (pièces n° 25, 26, 29 salarié), un compte rendu du 28 février 2005 (pièce n° 23 salarié), des rapports d'activité mensuels (pièce n° 28 salarié) et des comptes rendus d'activité mensuels (pièces n° 43, 44, 45 salarié), des décomptes d'heures supplémentaires (pièces n° 31, 32 salarié), des courriers électroniques (pièces n° 33, 34, 35 salarié) et des courriers adressés à l'employeur (pièces n° 6, 8, 13, 15, 17, 18 salarié)
Le salarié produit ainsi des éléments préalables qui peuvent être discutés par l'employeur et qui sont de nature à étayer sa demande.
En défense, la société Softam Cadextan expose que :
- Monsieur Rémi Y... a formulé sa première demande de paiement d'heures supplémentaires par courrier en date du 9 janvier 2010 (pièce n° 13 salarié)
- les éléments de preuve fournis par Monsieur Rémi Y... sont dépourvus de valeur probante pour être des comptes rendus et rapports non contresignés par le client ou des courriers électroniques qu'il s'est envoyés à lui même
- enfin et surtout, l'employeur a indiqué dans plusieurs lettres ou courriers électroniques adressés à Monsieur Rémi Y... les 5 septembre 2007, 12 octobre 2007 notamment qu'il devait respecter la durée de travail de 35 heures par semaine et que les heures supplémentaires devaient faire l'objet d'un accord préalable avec le supérieur hiérarchique (pièces n° 10, 11 salarié)
Le conseil de prud'hommes a rejeté les moyens relatifs aux heures supplémentaires.
La cour constate qu'il est établi que Monsieur Rémi Y... a formulé sa première demande de paiement d'heures supplémentaires par courrier en date du 9 janvier 2010 (pièce n° 13 salarié) les autres courriers mentionnés par Monsieur Rémi B... des demandes postérieures (pièces n° 15, 17, 18 salarié) ou ne contenant pas de demande relative aux heures supplémentaires pour ceux qui sont antérieurs (pièces n° 6, 8 salarié).
La cour retient aussi qu'il est établi que l'employeur a indiqué dans plusieurs lettres ou courriers électroniques adressés à Monsieur Rémi Y... les 5 septembre 2007, 12 octobre 2007 notamment qu'il devait respecter la durée de travail de 35 heures par semaine et que les heures supplémentaires devaient faire l'objet d'un accord préalable avec le supérieur hiérarchique (pièces n° 10, 11 salarié).
A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour déboute Monsieur Rémi Y... de toutes ses demandes relatives aux heures supplémentaires au motif que seules les heures supplémentaires demandées par l'employeur ou effectuées avec son accord, donnent lieu à paiement et que c'est à bon droit que la société Softam Cadextan a refusé de payer les heures supplémentaires alléguées par Monsieur Rémi Y... dès lors qu'elle prouve, comme elle en a la charge que si Monsieur Rémi Y... a effectué des heures supplémentaires, cela s'est fait contre son avis ; en effet la mise en place des heures supplémentaires relève du pouvoir de direction de l'employeur, et, à supposer qu'il a effectué des heures supplémentaires, le salarié n'a pas à placer l'employeur qui subordonne l'exécution des heures supplémentaires à son accord préalable, devant le fait accompli, sauf abus de sa part, lequel n'est ni établi ni même allégué en l'espèce ; en l'espèce, la société Softam Cadextan a subordonné l'exécution des heures supplémentaires chez le client auprès duquel Monsieur Rémi Y... intervenait, à l'accord préalable de son supérieur hiérarchique de façon illégitime pour pouvoir, le cas échéant, renégocier les conditions d'intervention de Monsieur Rémi Y....
Par suite, le jugement déféré est confirmé en ce qu'il -a débouté Monsieur Rémi Y... de ses demandes formées au titre des heures supplémentaires » » ;
1°/ ALORS QUE le non-respect par le salarié de l'obligation de solliciter l'accord préalable de l'employeur, ne peut suffire à écarter son accord au moins implicite à la réalisation d'heures supplémentaires rendues nécessaires par les tâches à accomplir ; qu'en déboutant M. Y... de sa demande en paiement d'heures supplémentaires, au motif que l'obligation qui lui avait été faite par société Softeam Cadextan et qu'il n'avait pas respectée, de solliciter son accord préalable à leur accomplissement, n'était pas abusive quand le caractère abusif ou non d'une telle demande était un critère indifférent à la question de savoir si, nonobstant cette obligation, l'employeur avait pu donner son accord, au moins implicite, à l'accomplissement des heures supplémentaires, la cour d'appel qui a statué par des motifs inopérants, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3171-4 du code du travail ;
2°/ ALORS QUE toutes les heures de travail réalisées par le salarié et rendues nécessaires par les tâches à accomplir, doivent lui être rémunérées et ce, quand bien même l'employeur aurait subordonné l'accomplissement des heures supplémentaires à son accord préalable ; qu'en déboutant M. Y... de sa demande en paiement d'heures supplémentaires, après avoir pourtant constaté qu'il fournissait des éléments de nature à l'étayer, sans avoir recherché si, comme il le soutenait dans ses conclusions d'appel, l'ensemble des heures de travail dont il sollicitait le paiement, n'avait pas été rendu nécessaire par l'importance des tâches à accomplir, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3171-4 du code du travail.
3°/ ALORS, AU SURPLUS, QUE l'employeur qui, après avoir indiqué au salarié qu'il subordonnait l'accomplissement d'heures supplémentaires à son accord préalable, laisse pourtant celui-ci travailler durant plusieurs années au-delà de la durée légale du temps de travail ne saurait utilement invoquer, contre la demande de rappel d'heures supplémentaires qui lui est ensuite formulée, l'absence de demande préalable à l'accomplissement des heures supplémentaires ; qu'en déboutant le salarié de sa demande d'heures supplémentaires motifs pris de ce que l'employeur avait subordonné l'accomplissement des heures supplémentaires à son accord préalable quand il résulte des motifs de son arrêt que les lettres de l'employeur notifiant au salarié l'obligation de solliciter l'autorisation d'accomplir des heures supplémentaires dataient des 5 septembre et 12 octobre 2007, ce dont il résultait que celui-ci, qui l'avait laissé accomplir, pendant plusieurs années des heures supplémentaires sans réagir, ne pouvait plus utilement invoquer cette obligation, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article L. 3171-4 du code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. Y... de sa demande visant à ce que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail produise les effets d'un licenciement sans cause réelle ;
AUX MOTIFS QUE : « Il est constant que le contrat de travail de Monsieur Rémi Y... a été rompu par la prise d'acte de la rupture du 10 mars 2010.
Il entre dans l'office du juge, dans le contentieux de la prise d'acte de la rupture, de rechercher si les faits invoqués justifient ou non la rupture du contrat et de décider par la suite si cette dernière produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou d'une démission.
Il résulte de la combinaison des articles L. 1231-1, L. 1237-2 et L. 1235-1 du code du travail que la prise d'acte ne permet au salarié de rompre le contrat de travail aux torts de l'employeur qu'en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur qui empêche la poursuite du contrat de travail.
Il appartient au salarié d'établir les faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur.
En ce qui concerne le risque de la preuve, lorsque le juge constate qu'il subsiste un doute sur la réalité des faits invoqués par le salarié à l'appui de sa prise d'acte, il peut estimer à bon droit que le salarié n'a pas établi les faits qu'il alléguait à l'encontre de l'employeur comme cela lui incombait ; en effet, c'est au salarié d'apporter la preuve des faits réels et suffisamment graves justifiant la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur ; il appartient donc au juge de se prononcer sur la réalité et la gravité des faits allégués par le salarié à l'appui de sa prise d'acte et non de statuer "au bénéfice du doute".
L'écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur ne fixe pas les limites du litige ; le juge est tenu d'examiner les manquements de l'employeur invoqué devant lui par le salarié, même si celui-ci ne les a pas mentionnées dans cet écrit.
A l'appui de sa demande de prise d'acte aux torts de l'employeur, Monsieur Rémi Y... soutient que la société Softam Cadextan a commis les manquements suivants : le non paiement des heures supplémentaires le non paiement de la rémunération variable.
La cour a précédemment jugé que les moyens relatifs aux heures supplémentaires n'étaient pas fondés ; le manquement invoqué à l'encontre de la société Softam Cadextan relativement aux heures supplémentaires est donc mal fondé.
En revanche, la cour retient que le non paiement de la rémunération variable est établi. Mais il n'est pas établi par les pièces du dossier et les moyens débattus que ce manquement est suffisamment grave pour faire obstacle à la poursuite du contrat de travail ; en effet dans les circonstances où il est intervenu, le non paiement de la rémunération variable de 1.666,66 € ne constitue pas un manquement suffisamment grave de l'employeur qui empêche la poursuite du contrat de travail.
Il ressort de ce qui précède que Monsieur Rémi Y... n'établit pas suffisamment la gravité des manquements allégués à l'encontre de la société Softam Cadextan ; sa demande de prise d'acte aux torts de l'employeur est donc rejetée ainsi que les demandes indemnitaires qui en découlent.
Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a jugé que la rupture du contrat de travail de Monsieur Rémi Y... n'est pas imputable à faute à la société Softam Cadextan et qu'elle produit les effets d'une démission »
1°/ ALORS QUE la cassation qui ne manquera pas d'intervenir sur le premier moyen, en ce qu'il critique le chef de dispositif de l'arrêt attaqué qui a débouté M. Y... de sa demande en paiement d'un rappel d'heures supplémentaires emportera, par voie de conséquence, la censure du chef de dispositif qui l'a débouté de sa demande au titre de la rupture de son contrat de travail et ce, par simple application des dispositions de l'article 624 du code de procédure civile ;
2°/ ALORS QUE constitue une faute suffisamment grave justifiant la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur, le refus réitéré de ce dernier de lui fournir les éléments objectifs lui permettant d'obtenir le paiement de la part variable de sa rémunération ;
qu'en jugeant l'inverse, la cour d'appel a violé les articles L. 1231-1, L. 1237-2 et L. 1235-1 du Code du travail.
3°/ ALORS, à tout le moins, QU'en jugeant que le non-paiement de la part variable de rémunération due à M. Y... n'était pas suffisamment grave au vu des « circonstances où il est intervenu », sans avoir précisé quelles étaient les circonstances permettant de disqualifier la faute commise par l'employeur, la cour d'appel qui a statué par voie de simple affirmation, a violé l'article 455 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2018:SO01652
Sur le premier moyen :
Vu l'article L. 3171-4 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Sungard consulting services aux droits de laquelle vient la société Softeam cadextan a engagé M. Y... le 3 janvier 2005 en qualité de consultant ; que le 10 mars 2010, invoquant le non paiement d'heures supplémentaires et de sa rémunération variable, il a pris acte de la rupture du contrat de travail ;
Attendu que pour débouter le salarié de sa demande en paiement des heures supplémentaires, congés payés afférents, repos compensateur et indemnité de travail dissimulé, l'arrêt retient qu'il est établi que l'employeur a indiqué dans plusieurs lettres ou courriers électroniques adressés au salarié qu'il devait respecter la durée de travail de 35 heures par semaine et que les heures supplémentaires devaient faire l'objet d'un accord préalable avec le supérieur hiérarchique, qu'à l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour le déboute de toutes ses demandes relatives aux heures supplémentaires au motif que seules les heures supplémentaires demandées par l'employeur ou effectuées avec son accord, donnent lieu à paiement et que c'est à bon droit que l'employeur a refusé de payer les heures supplémentaires alléguées par le salarié dès lors qu'elle prouve, comme elle en a la charge que s'il a effectué des heures supplémentaires, cela s'est fait contre son avis, qu'en effet la mise en place des heures supplémentaires relève du pouvoir de direction de l'employeur, et, à supposer qu'il a effectué des heures supplémentaires, le salarié n'a pas à placer l'employeur qui subordonne l'exécution des heures supplémentaires à son accord préalable, devant le fait accompli, sauf abus de sa part, lequel n'est ni établi ni même allégué, que l'employeur a subordonné l'exécution des heures supplémentaires chez le client auprès duquel le salarié intervenait, à l'accord préalable de son supérieur hiérarchique de façon légitime pour pouvoir, le cas échéant, renégocier ses conditions d'intervention ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si, ainsi qu'il le lui était demandé, les heures de travail accomplies avaient été rendues nécessaires à la réalisation des tâches confiées au salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
Et attendu que la cassation sur le premier moyen entraîne, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif critiqué par le second moyen, pris d'une cassation par voie de conséquence ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il condamne la société Softeam cadextan à verser à M. Y... une certaine somme à titre de rappel sur rémunération variable et déboute la société Softeam cadextan de sa demande de condamnation de M. Y... à lui verser une indemnité de préavis, l'arrêt rendu le 2 juin 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur les autres points restant en litige, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Softeam cadextan aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Softeam cadextan à payer à M. Y... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze novembre deux mille dix-huit.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour M. Y....
PREMIER MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. Y... de sa demande en paiement d'un rappel d'heures supplémentaires ;
AUX MOTIFS QUE : « Monsieur Rémi Y... demande à la cour de lui allouer les sommes suivantes :
- Rappel d'heures supplémentaires de juin 2005 à septembre 2009 : 48.238 euros bruts. - Indemnité compensatrice de congés payés afférents : 4.823,80 euros bruts.
- Repos compensateur pour heures supplémentaires au-delà de 41 heures et en dessous du contingent de juin 2005 à août 2008 : 807,15 euros bruts.
- Repos compensateur obligatoire pour les heures accomplies au-delà du contingent : 9.034,44 euros bruts.
- Dommages et intérêts pour travail dissimulé : 29.778 euros.
Aux termes de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.
En l'espèce, Monsieur Rémi Y... expose que pour la période d'activité chez CA LYON (janvier 2005 à janvier 2007), puis pour la période d'activité chez SGAM AI du 12 février 2007 au 30 septembre 2009, les horaires du client étaient 8h30-18h30, soit 10 heures d'amplitude dont une heure de pause déjeuner, en sorte qu'il effectuait 2 heures supplémentaires par jour.
Pour étayer ses dires, Monsieur Rémi Y... produit notamment les ordres de missions (pièces n° 24 et 27 salarié), des justificatifs des horaires applicables chez CA LYON et chez SGAM AI (pièces n° 25, 26, 29 salarié), un compte rendu du 28 février 2005 (pièce n° 23 salarié), des rapports d'activité mensuels (pièce n° 28 salarié) et des comptes rendus d'activité mensuels (pièces n° 43, 44, 45 salarié), des décomptes d'heures supplémentaires (pièces n° 31, 32 salarié), des courriers électroniques (pièces n° 33, 34, 35 salarié) et des courriers adressés à l'employeur (pièces n° 6, 8, 13, 15, 17, 18 salarié)
Le salarié produit ainsi des éléments préalables qui peuvent être discutés par l'employeur et qui sont de nature à étayer sa demande.
En défense, la société Softam Cadextan expose que :
- Monsieur Rémi Y... a formulé sa première demande de paiement d'heures supplémentaires par courrier en date du 9 janvier 2010 (pièce n° 13 salarié)
- les éléments de preuve fournis par Monsieur Rémi Y... sont dépourvus de valeur probante pour être des comptes rendus et rapports non contresignés par le client ou des courriers électroniques qu'il s'est envoyés à lui même
- enfin et surtout, l'employeur a indiqué dans plusieurs lettres ou courriers électroniques adressés à Monsieur Rémi Y... les 5 septembre 2007, 12 octobre 2007 notamment qu'il devait respecter la durée de travail de 35 heures par semaine et que les heures supplémentaires devaient faire l'objet d'un accord préalable avec le supérieur hiérarchique (pièces n° 10, 11 salarié)
Le conseil de prud'hommes a rejeté les moyens relatifs aux heures supplémentaires.
La cour constate qu'il est établi que Monsieur Rémi Y... a formulé sa première demande de paiement d'heures supplémentaires par courrier en date du 9 janvier 2010 (pièce n° 13 salarié) les autres courriers mentionnés par Monsieur Rémi B... des demandes postérieures (pièces n° 15, 17, 18 salarié) ou ne contenant pas de demande relative aux heures supplémentaires pour ceux qui sont antérieurs (pièces n° 6, 8 salarié).
La cour retient aussi qu'il est établi que l'employeur a indiqué dans plusieurs lettres ou courriers électroniques adressés à Monsieur Rémi Y... les 5 septembre 2007, 12 octobre 2007 notamment qu'il devait respecter la durée de travail de 35 heures par semaine et que les heures supplémentaires devaient faire l'objet d'un accord préalable avec le supérieur hiérarchique (pièces n° 10, 11 salarié).
A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour déboute Monsieur Rémi Y... de toutes ses demandes relatives aux heures supplémentaires au motif que seules les heures supplémentaires demandées par l'employeur ou effectuées avec son accord, donnent lieu à paiement et que c'est à bon droit que la société Softam Cadextan a refusé de payer les heures supplémentaires alléguées par Monsieur Rémi Y... dès lors qu'elle prouve, comme elle en a la charge que si Monsieur Rémi Y... a effectué des heures supplémentaires, cela s'est fait contre son avis ; en effet la mise en place des heures supplémentaires relève du pouvoir de direction de l'employeur, et, à supposer qu'il a effectué des heures supplémentaires, le salarié n'a pas à placer l'employeur qui subordonne l'exécution des heures supplémentaires à son accord préalable, devant le fait accompli, sauf abus de sa part, lequel n'est ni établi ni même allégué en l'espèce ; en l'espèce, la société Softam Cadextan a subordonné l'exécution des heures supplémentaires chez le client auprès duquel Monsieur Rémi Y... intervenait, à l'accord préalable de son supérieur hiérarchique de façon illégitime pour pouvoir, le cas échéant, renégocier les conditions d'intervention de Monsieur Rémi Y....
Par suite, le jugement déféré est confirmé en ce qu'il -a débouté Monsieur Rémi Y... de ses demandes formées au titre des heures supplémentaires » » ;
1°/ ALORS QUE le non-respect par le salarié de l'obligation de solliciter l'accord préalable de l'employeur, ne peut suffire à écarter son accord au moins implicite à la réalisation d'heures supplémentaires rendues nécessaires par les tâches à accomplir ; qu'en déboutant M. Y... de sa demande en paiement d'heures supplémentaires, au motif que l'obligation qui lui avait été faite par société Softeam Cadextan et qu'il n'avait pas respectée, de solliciter son accord préalable à leur accomplissement, n'était pas abusive quand le caractère abusif ou non d'une telle demande était un critère indifférent à la question de savoir si, nonobstant cette obligation, l'employeur avait pu donner son accord, au moins implicite, à l'accomplissement des heures supplémentaires, la cour d'appel qui a statué par des motifs inopérants, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3171-4 du code du travail ;
2°/ ALORS QUE toutes les heures de travail réalisées par le salarié et rendues nécessaires par les tâches à accomplir, doivent lui être rémunérées et ce, quand bien même l'employeur aurait subordonné l'accomplissement des heures supplémentaires à son accord préalable ; qu'en déboutant M. Y... de sa demande en paiement d'heures supplémentaires, après avoir pourtant constaté qu'il fournissait des éléments de nature à l'étayer, sans avoir recherché si, comme il le soutenait dans ses conclusions d'appel, l'ensemble des heures de travail dont il sollicitait le paiement, n'avait pas été rendu nécessaire par l'importance des tâches à accomplir, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3171-4 du code du travail.
3°/ ALORS, AU SURPLUS, QUE l'employeur qui, après avoir indiqué au salarié qu'il subordonnait l'accomplissement d'heures supplémentaires à son accord préalable, laisse pourtant celui-ci travailler durant plusieurs années au-delà de la durée légale du temps de travail ne saurait utilement invoquer, contre la demande de rappel d'heures supplémentaires qui lui est ensuite formulée, l'absence de demande préalable à l'accomplissement des heures supplémentaires ; qu'en déboutant le salarié de sa demande d'heures supplémentaires motifs pris de ce que l'employeur avait subordonné l'accomplissement des heures supplémentaires à son accord préalable quand il résulte des motifs de son arrêt que les lettres de l'employeur notifiant au salarié l'obligation de solliciter l'autorisation d'accomplir des heures supplémentaires dataient des 5 septembre et 12 octobre 2007, ce dont il résultait que celui-ci, qui l'avait laissé accomplir, pendant plusieurs années des heures supplémentaires sans réagir, ne pouvait plus utilement invoquer cette obligation, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article L. 3171-4 du code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. Y... de sa demande visant à ce que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail produise les effets d'un licenciement sans cause réelle ;
AUX MOTIFS QUE : « Il est constant que le contrat de travail de Monsieur Rémi Y... a été rompu par la prise d'acte de la rupture du 10 mars 2010.
Il entre dans l'office du juge, dans le contentieux de la prise d'acte de la rupture, de rechercher si les faits invoqués justifient ou non la rupture du contrat et de décider par la suite si cette dernière produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou d'une démission.
Il résulte de la combinaison des articles L. 1231-1, L. 1237-2 et L. 1235-1 du code du travail que la prise d'acte ne permet au salarié de rompre le contrat de travail aux torts de l'employeur qu'en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur qui empêche la poursuite du contrat de travail.
Il appartient au salarié d'établir les faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur.
En ce qui concerne le risque de la preuve, lorsque le juge constate qu'il subsiste un doute sur la réalité des faits invoqués par le salarié à l'appui de sa prise d'acte, il peut estimer à bon droit que le salarié n'a pas établi les faits qu'il alléguait à l'encontre de l'employeur comme cela lui incombait ; en effet, c'est au salarié d'apporter la preuve des faits réels et suffisamment graves justifiant la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur ; il appartient donc au juge de se prononcer sur la réalité et la gravité des faits allégués par le salarié à l'appui de sa prise d'acte et non de statuer "au bénéfice du doute".
L'écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur ne fixe pas les limites du litige ; le juge est tenu d'examiner les manquements de l'employeur invoqué devant lui par le salarié, même si celui-ci ne les a pas mentionnées dans cet écrit.
A l'appui de sa demande de prise d'acte aux torts de l'employeur, Monsieur Rémi Y... soutient que la société Softam Cadextan a commis les manquements suivants : le non paiement des heures supplémentaires le non paiement de la rémunération variable.
La cour a précédemment jugé que les moyens relatifs aux heures supplémentaires n'étaient pas fondés ; le manquement invoqué à l'encontre de la société Softam Cadextan relativement aux heures supplémentaires est donc mal fondé.
En revanche, la cour retient que le non paiement de la rémunération variable est établi. Mais il n'est pas établi par les pièces du dossier et les moyens débattus que ce manquement est suffisamment grave pour faire obstacle à la poursuite du contrat de travail ; en effet dans les circonstances où il est intervenu, le non paiement de la rémunération variable de 1.666,66 € ne constitue pas un manquement suffisamment grave de l'employeur qui empêche la poursuite du contrat de travail.
Il ressort de ce qui précède que Monsieur Rémi Y... n'établit pas suffisamment la gravité des manquements allégués à l'encontre de la société Softam Cadextan ; sa demande de prise d'acte aux torts de l'employeur est donc rejetée ainsi que les demandes indemnitaires qui en découlent.
Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a jugé que la rupture du contrat de travail de Monsieur Rémi Y... n'est pas imputable à faute à la société Softam Cadextan et qu'elle produit les effets d'une démission »
1°/ ALORS QUE la cassation qui ne manquera pas d'intervenir sur le premier moyen, en ce qu'il critique le chef de dispositif de l'arrêt attaqué qui a débouté M. Y... de sa demande en paiement d'un rappel d'heures supplémentaires emportera, par voie de conséquence, la censure du chef de dispositif qui l'a débouté de sa demande au titre de la rupture de son contrat de travail et ce, par simple application des dispositions de l'article 624 du code de procédure civile ;
2°/ ALORS QUE constitue une faute suffisamment grave justifiant la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur, le refus réitéré de ce dernier de lui fournir les éléments objectifs lui permettant d'obtenir le paiement de la part variable de sa rémunération ;
qu'en jugeant l'inverse, la cour d'appel a violé les articles L. 1231-1, L. 1237-2 et L. 1235-1 du Code du travail.
3°/ ALORS, à tout le moins, QU'en jugeant que le non-paiement de la part variable de rémunération due à M. Y... n'était pas suffisamment grave au vu des « circonstances où il est intervenu », sans avoir précisé quelles étaient les circonstances permettant de disqualifier la faute commise par l'employeur, la cour d'appel qui a statué par voie de simple affirmation, a violé l'article 455 du code de procédure civile.