Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 14 novembre 2018, 16-19.038, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 1242-12 du code du travail ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'entre le 31 mars 2009 et le 19 mars 2012, la société La Poste a engagé Mme Y... par douze contrats à durée déterminée de remplacement, en qualité d'agent rouleur distribution ; que la salariée a saisi la juridiction prud'homale aux fins de requalification de la relation de travail en un contrat à durée indéterminée et en réclamant diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail ;

Attendu que pour fixer au 16 décembre 2010 la date de la requalification qu'elle prononce, en raison de l'irrégularité du contrat à durée déterminée conclu entre les parties, à cette date, la cour d'appel retient que, s'agissant de l'absence de signature des contrats par l'employeur, il convient de relever qu'il ne s'agit pas d'une irrégularité pouvant entraîner la requalification de la relation contractuelle, d'autant plus qu'il n'est pas contesté que les contrats ont été conclus avec celui dont la signature fait défaut et qu'ils ont été exécutés conformément aux dispositions qui y étaient contenues ;

Qu'en statuant ainsi, alors que, faute de comporter la signature de l'une des parties, les contrats à durée déterminée ne pouvaient être considérés comme ayant été établis par écrit et qu'ils étaient, par suite, réputés conclus pour une durée indéterminée, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il fixe les effets de la requalification de la relation de travail à la date du 16 décembre 2010 et limite aux sommes de 4 000,00 euros l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de 1 404,93 euros l'indemnité compensatrice de préavis, de 140,49 euros l'indemnité de congés payés afférents, de 855 euros l'indemnité de licenciement, de 2 215,21 euros le complément Poste et de 221,52 euros l'indemnité de congés payés afférents, l'arrêt rendu le 13 avril 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;

Condamne La Poste aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société La Poste à payer la somme de 3 000 euros à la SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, à charge pour cette dernière de renoncer à percevoir l'indemnité prévue par l'Etat ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze novembre deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, avocat aux Conseils, pour Mme Y... et le syndicat SUD Postaux 95

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir requalifié la relation de travail entre La Poste et Mme Y... en un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 16 décembre 2010 seulement et partant d'avoir limité le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à 4 000 €, limité le montant de l'indemnité compensatrice de préavis à 1 404,93 € et celui des congés payés afférents à 140,49 €, limité le montant de l'indemnité de licenciement à 855 €, en prenant en considération une ancienneté de la salariée inférieure à deux ans, et d'avoir condamné l'employeur à appliquer à l'ensemble des salaires versés depuis le 16 décembre 2010 seulement le point correspondant à l'ancienneté de la salariée ;

AUX MOTIFS QUE Sur la requalification des contrats à durée déterminée selon l'article L. 1242-1 du code du travail, un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise ; que l'article L. 124 2-2 du même code dispose que, sous réserve des contrats spéciaux prévus à l'article L. 1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire et seulement dans les cinq cas qu'il énumère, parmi lesquels figurent le remplacement d'un salarié (1), l'accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise (2) et les emplois saisonniers ou pour lesquels, dans certains secteurs d'activité définis par décret ou par convention ou accord collectif étendu, il est d'usage de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois (3 ) ; qu'aux termes de l'article L. 1242-12 du code du travail, le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif, et notamment les mentions énumérées par ce texte ; qu'à défaut, il est réputé être conclu pour une durée indéterminée ; que selon l'article L. 1245-1 du code du travail, est réputé à durée indéterminée tout contrat conclu en méconnaissance des dispositions des articles L. 1242-1 à L. 1242-4, L. 1242-6 à L. 1242-8, L. 1242-12 alinéa 1, L. 1243-11 alinéa 1, L. 1243-13, L. 1244-3 et L. 1244-4 du même code ; qu'aux termes des articles L. 122-3-1 ancien et L. 1242-13 nouveau du code du travail, le contrat de travail doit être transmis au salarié, au plus tard dans les deux jours suivant l'embauche ; que les effets de la requalification, lorsqu'elle est prononcée, remontent à la date du premier contrat à durée déterminée irrégulier ; que Mme Y... soutient que les contrats à durée déterminée signés avec l'employeur sont irréguliers, notamment en raison du défaut de signature de l'employeur, du manque de respect des délais de carence entre deux contrats, de leur transmission tardive, de l'absence de mentions obligatoires notamment sur la répartition des horaires de travail pour les temps partiels, de la poursuite de la relation de travail au-delà du terme des contrats et parce qu'ils auraient été conclus pour pourvoir un emploi permanent de l'entreprise ; que la SA La Poste soutient au contraire que les contrats ont été régulièrement conclus pour pourvoir au remplacement d'un salarié absent et que les délais de carence ont été respectés ; que s'agissant de la signature, elle rappelle que le contrat de travail comporte une signature électronique, dont la légalité est prévue par les articles 1316-1 et suivants du code civil ; qu'à titre subsidiaire, si une requalification devait être ordonnée, la société demande qu'elle le soit à compter de ce contrat litigieux ; que Sur la succession des contrats et leur objet : qu'il ressort de l'examen des divers contrats jusqu'au 16 décembre 2010 que : - le premier contrat à durée déterminée, a été signé le 2 avril 2009 à effet du 31 mars au 25 avril 2009, pour occuper le poste d'agent rouleur distribution en remplacement de M. C... employé en qualité de facteur en raison de son absence pour maladie ; que ce contrat de travail a été renouvelé le 15 avril 2009 à effet du 26 avril jusqu'au 2 mai 2009 ; - les troisième et quatrième contrats ont été conclus respectivement le 17 mars 2010 et 11 août 2010 pour assurer le remplacement de M. D..., lui-même remplaçant de Mme E..., absente pour congé maternité ; - le cinquième contrat de travail a été conclu le 08 septembre 2010 en remplacement de Mme F..., absente pour maladie ; - le sixième contrat, conclu le 28 octobre 2010, et prolongé par avenant du 05 novembre 2010, l'a été en remplacement de M. G..., en congé maladie ; - le septième contrat a été conclu le 16 décembre 2010 pour le remplacement de M. H... ; - les cinq contrats suivants ont été conclus pour assurer le remplacement de Mme E... absente pour maladie et congé maternité ; que l'ensemble de ces contrats respectent les conditions de recours au contrat de travail à durée déterminée puisqu'ils ont été conclus pour pourvoir à l'absence de salariés malades et que sont mentionnées l'indication du nom et la qualification de la personne absente de l'entreprise ainsi que la raison de son absence ; que ces contrats respectent également le délai de carence prévu à l'article L. 1244-3 du code du travail puisqu'on peut constater que le délai séparant deux contrats sont de : - plus de neuf mois entre le premier contrat de travail à durée déterminée de 33 jours et le second ; - plus de 4 mois entre le second contrat de travail à durée déterminée d'une durée de 4 jours, et le troisième ; puis respectivement pour les suivants de : - 17 jours après un contrat de travail à durée déterminée de 11 jours, - 46 jours après un contrat de travail à durée déterminée de 4 jours, - 33 jours après un contrat de travail à durée déterminée de 17 jours, - 20 jours après un contrat de travail à durée déterminée de 16 jours ; que par ailleurs, contrairement aux allégations de Mme Y..., aucun élément ne permet de dire que les contrats auraient été transmis à la salariée au-delà du délai de deux jours ni que les avenants auraient été rédigés postérieurement à la fin du contrat de travail auxquels il se rattachaient ; qu'enfin, s'agissant de l'absence de signature des contrats par l'employeur, il convient de relever qu'il ne s'agit pas d'une irrégularité pouvant entraîner la requalification de la relation contractuelle, d'autant plus qu'il n'est pas contesté de la salariée que les contrats ont bien été conclus avec celui dont la signature fait défaut et qu'ils ont été exécutés conformément aux dispositions qui y étaient contenues ; que par contre, il ressort de la rédaction du contrat de travail conclu le 16 décembre 2010 qu'il a été conclu pour remplacer un salarié qui avait fait valoir ses droits à la retraite, ce qui est confirmé par l'intéressé dans une attestation remise à Mme Y... ; qu'à défaut pour La Poste d'alléguer et de démontrer que ce poste allait être supprimé ou qu'il allait être pourvu par un autre salarié, il en résulte que Mme Y... a été engagée pour pourvoir à un emploi durable et permanent ; que dès lors, la relation de travail doit être requalifiée en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 16 décembre 2010 sans qu'il ne soit utile d'étudier les autres irrégularités soulevées par Mme Y... pour les contrats conclus postérieurement à celui-ci ; (
) Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qu'aux termes de l'article L. 1235-3 du code du travail, si un licenciement intervient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse et qu'il n'y a pas réintégration du salarié dans l'entreprise, il est octroyé au salarié à la charge de l'employeur une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois ; qu'aux termes de l'article L. 1235-5 du code du travail ne sont pas applicables au licenciement d'un salarié de moins de deux ans d'ancienneté et au licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés les dispositions relatives à l'absence de cause réelle et sérieuse prévues à l'article L. 1235-3 du même code selon lequel il est octroyé au salarié qui n'est pas réintégré une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois, et, en cas de licenciement abusif, le salarié peut prétendre à une indemnité correspondant au préjudice subi ; que Mme Y... justifie être sans emploi depuis son licenciement et ne plus bénéficier d'indemnités chômage ; qu'elle est mariée et a un enfant à charge ; que compte tenu par ailleurs de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à Mme Y..., de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle, il y a lieu de lui allouer, en application de l'article L. 1235-3 du code du travail, une somme de 4 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que le jugement entrepris doit être infirmé en ce sens ; Sur l'indemnité de préavis qu'au terme de l'article 69 de la convention commune d'entreprise des agents contractuels de droit privé, l'indemnité compensatrice de préavis est égale à un mois de salaire pour les salariés ayant entre six mois et deux ans d'ancienneté ; que par conséquent, le licenciement étant sans cause réelle et sérieuse, l'employeur doit payer au titre du préavis la somme de 1.404,93 euros ainsi que les congés payés afférents à hauteur de 1/10ème de l'indemnité, soit la somme de 140,49 euros ; que le jugement entrepris doit être infirmé en ce sens ; Sur l'indemnité de licenciement que la convention applicable en l'espèce ne prévoyant une indemnité de licenciement que pour les salariés justifiant d'une présence dans l'entreprise de deux ans, il convient d'appliquer le droit commun prévue par l'article L. 1234-9 du code du travail plus favorable ; qu'en l'espèce, la salariée bénéficiait d'une ancienneté de 15 mois ; que par conséquent, l'employeur doit lui payer une indemnité de licenciement d'un montant de 855 euros ; que le jugement entrepris doit être infirmé en ce sens ; (
) Sur les rappels de salaire au titre de l'ancienneté que Mme Y... soutient également qu'elle n'a pas été rémunérée à hauteur de la grille salariale de l'entreprise, celle-ci dépendant de l'ancienneté acquise ; qu'elle prétend que sa rémunération en fin de contrat était sous-évaluée au regard de son ancienneté et verse un tableau récapitulatif des sommes qu'elle aurait dû percevoir ; que la SA La Poste conteste la légitimité de cette demande, indiquant que la salariée ne s'étant pas tenue à disposition de l'entreprise entre les contrats de travail à durée déterminée elle ne peut prétendre à une ancienneté qui remonterait au premier contrat conclu ; qu'en l'espèce, la relation de travail ayant été requalifiée en un contrat de travail à durée indéterminée, Mme Y... doit bénéficier d'un salaire en rapport avec une ancienneté au 16 décembre 2010 ; que par conséquent, l'employeur doit être condamné à appliquer à l'ensemble des salaires versés à compter de cette date, le point correspondant à son ancienneté ; que le jugement entrepris doit être infirmé en ce sens ;

1°) ALORS QUE la signature du contrat de travail à durée déterminée par les parties a le caractère d'une prescription d'ordre public dont l'omission entraîne, à la demande du salarié, la requalification en contrat à durée indéterminée ; qu'en jugeant au contraire que l'absence de signature des contrats par l'employeur ne constituait pas une irrégularité pouvant entraîner la requalification de la relation contractuelle, la cour d'appel a manifestement violé l'article L. 1242-12 du code du travail ;

2°) ALORS QUE la signature du contrat de travail à durée déterminée par les parties a le caractère d'une prescription d'ordre public dont l'omission entraîne, à la demande du salarié, la requalification en contrat à durée indéterminée ; qu'en retenant, pour débouter la salariée de sa demande de requalification, que les contrats à durée déterminée avaient bien été conclus avec celui dont la signature faisait défaut et qu'ils avaient été exécutés conformément aux dispositions qui y étaient contenues, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants, en violation de l'article L. 1242-12 du code du travail ;

3°) ALORS QUE la cassation qui ne manquera pas d'intervenir sur les deux premières branches du moyen relatif à la date de la requalification de la relation contractuelle en un contrat de travail à durée indéterminée emportera par voie de conséquence et en application de l'article 624 du code de procédure civile, la censure des chefs de l'arrêt attaqué ayant fixé les conséquences indemnitaires de la rupture du contrat de travail et l'étendue du rappel de salaires dont doit bénéficier la salariée en tendant compte d'une ancienneté erronée. ECLI:FR:CCASS:2018:SO01647
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