Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 7 novembre 2018, 17-87.424, Publié au bulletin
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 7 novembre 2018, 17-87.424, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre criminelle
- N° de pourvoi : 17-87.424
- ECLI:FR:CCASS:2018:CR02493
- Publié au bulletin
- Solution : Cassation
Audience publique du mercredi 07 novembre 2018
Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, du 05 décembre 2017- Président
- M. Soulard
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° C 17-87.424 FS-P+B+R+I
N° 2493
VD1
7 NOVEMBRE 2018
CASSATION
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :
CASSATION sur le pourvoi formé par Mme Lydie X..., contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 5-12, en date du 5 décembre 2017, qui a rejeté sa requête en restitution ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 26 septembre 2018 où étaient présents : M. Soulard, président, Mme Fouquet, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, M. Germain, Mme Planchon, M. Larmanjat, Mme Zerbib, MM. d'Huy, Wyon, conseillers de la chambre, Mmes Chauchis, Pichon, M. Ascensi, conseillers référendaires ;
Avocat général : Mme Moracchini ;
Greffier de chambre : Mme Hervé ;
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire Fouquet, les observations de Me HAAS, de la société civile professionnelle SPINOSI et SUREAU, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général MORACCHINI ;
Vu les mémoires en demande, en défense et les observations complémentaires produits ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles premier du Protocole additionnel n° 1 à la Convention européenne des droits de l'homme, 6 de la directive européenne 2014/42/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014, 481, 482, 591 et 593 du code de procédure pénale :
"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la demande de restitution formée par Mme Lydie X... ;
"aux motifs propres que l'appel porte sur la décision de refus de restitution prise par le tribunal correctionnel à l'égard de Mme X... en qualité de partie intervenante ; que selon l'article 479 du code de procédure pénale "toute personne qui prétend avoir des droits sur les objets placés sous main de justice peut en demander restitution au tribunal saisi de la poursuite" ; que l'article 481 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016, prévoit que "si le tribunal estime que les objets placés sous la main de la justice sont utiles à la manifestation de la vérité ou susceptibles de confiscation, il surseoit à statuer jusqu'à sa décision sur le fond ; que dans ce cas, le jugement n'est susceptible d'aucun recours ; que le tribunal peut refuser la restitution lorsque celle-ci présente un danger pour les personnes ou les biens ou lorsque le bien saisi est l'instrument ou le produit direct ou indirect de l'infraction" ; que ces dispositions, en ce qu'elles fixent les règles de procédure liées aux demandes de restitution formées par un tiers à la procédure en cours devant le tribunal correctionnel saisi du fond de l'affaire, sont d'application immédiate ; que le tribunal a refusé la restitution en relevant à juste titre que les biens saisis avaient été acquis par la requérante avec les fonds obtenus frauduleusement par M. Z... et qu'il constituait les produits directs des infractions ; que Mme X... ne conteste pas avoir fait l'acquisition de ses biens, au moins partiellement, par l'utilisation des fonds recelés par Mme A... et provenant des escroqueries commises par M. Z... ; que, statuant sur l'action publique, les premiers juges, conformément aux dispositions de l'article 131-21 du code pénal qui, dans sa version applicable à l'époque des faits, prévoyait la possibilité de confisquer les biens constituant le produit direct ou indirect de l'infraction à l'exception des biens susceptibles de restitution à la victime, ont ordonné, à titre de peines complémentaires prévues par les articles 313-7 et 321-9 du même code à l'encontre de M. Z... et de Mme A... respectivement déclarés coupables d'escroquerie et de recel, la confiscation des biens dont la restitution est sollicitée, sans en limiter la portée à la valeur estimée du produit de l'infraction ; que cette décision est devenue définitive à l'égard de M. Z... et de Mme A..., lesquels n'ont pas interjeté appel du jugement, seul M. B... ayant contesté la décision dans son ensemble ; qu'il s'ensuit que l'autorité de chose jugée qui s'attache à la condamnation prononcée par le tribunal fait obstacle à la demande de restitution présentée par Mme X... qui, si elle revendique à juste titre la qualité de tiers de bonne foi, ne saurait, quelles que soient les conséquences patrimoniales résultant pour elle de la confiscation ordonnée, être considérée comme la victime des infractions ;
"et aux motifs adoptés que, vu la requête présentée par courrier du 24 juin 2015 par l'avocat de Mme X... aux fins de restitution des biens saisis à savoir un véhicule Mercedes-Benz immatriculé [...] (scellé n° 33 séquestre de Rennes), le certificat d'immatriculation saisi (scellé n° 34) et la clé de contact (scellé n° 35), mais également un appartement situé sur la commune de Rennes au [...] (section [...] à [...], n° de lot [...]), un parking au [...] portant le n° [...] (section [...] et n° de lot 40) et enfin un autre bien immobilier situé sur la commune de Rennes au [...], (section [...], n° de lot [...]), bien acquis le 5 juin 2009 par acte de Me Soulie, notaire à Rennes, et publié sous la référence 26 juin 2009, volume 2009P n° 4733 ; qu'il ressort de l'instruction et des déclarations de Mme X... que l'ensemble des biens ont été acquis par cette dernière avec les fonds obtenus frauduleusement par M. Z... ; que le tribunal rejette donc la demande susvisée compte- enu du fait que l'ensemble des biens mobiliers et immobiliers saisis et visés dans la requête constituent les produits directs des infractions ;
"1°) alors que le jugement qui rejette une demande de restitution est susceptible d'appel de la part de la personne qui a formé cette demande ; que, dès lors, la cour d'appel ne pouvait pas opposer à la demande de restitution présentée par Mme X... l'autorité de chose jugée attachée à la décision, définitive à l'égard des prévenus, par laquelle les premiers juges avaient, sur l'action publique, ordonné à titre de peine complémentaire la confiscation des biens faisant l'objet de la demande de restitution ;
"2°) alors que la déclaration d'inconstitutionnalité ou la réserve d'interprétation des dispositions de l'article 481 du code de procédure pénale, dans leur rédaction issue de la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016, en ce qu'elles refusent la restitution du bien saisi lorsque celui-ci est le produit direct ou indirect de l'infraction, dont la cour d'appel a fait application pour trancher le litige, qui sera prononcée, après renvoi au Conseil constitutionnel de la question prioritaire de constitutionnalité posée dans un mémoire distinct et motivé, privera l'arrêt attaqué de son fondement juridique ;
"3°) alors que porte une atteinte disproportionnée au droit de propriété le juge qui refuse la restitution au propriétaire de bonne foi d'un objet placé sous main de justice constituant le produit direct ou indirect de l'infraction ; qu'en rejetant la demande de restitution de Mme X..., après avoir pourtant constaté que celle-ci était propriétaire de bonne foi, la cour d'appel a porté une atteinte disproportionnée au droit de propriété de cette dernière ;
"4°) alors que le juge saisi d'une demande de restitution d'un bien placé sous main de justice doit apprécier la proportionnalité de l'atteinte portée au droit de propriété au regard de la situation personnelle et de la bonne foi de son propriétaire ; qu'en considérant que dès lors qu'elle n'avait pas la qualité de victime des infractions, Mme X... ne pouvait obtenir la restitution des biens lui appartenant quelles que soient les conséquences patrimoniales résultant pour elle de la confiscation ordonnée, et, partant, en refusant de rechercher si l'atteinte portée au droit de propriété de cette dernière était proportionnée au regard de sa situation personnelle et, plus particulièrement, de sa qualité de propriétaire de bonne foi, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés ;
"5°) alors que la loi pénale est d'interprétation stricte ; que, si le juge peut refuser la restitution d'un objet placé sous la main de la justice lorsque le bien saisi est le produit direct ou indirect de l'infraction, ce n'est qu'à concurrence de la valeur estimée de ce produit ; qu'en considérant, pour rejeter dans son intégralité la demande de restitution, que Mme X... ne contestait pas avoir fait l'acquisition des biens saisis, au moins partiellement, avec des fonds recelés, sans limiter la confiscation à la stricte valeur du produit de l'infraction, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;
Vu l'article 6, § 2, de la directive 2014/42/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014, les articles 481 et 482 du code de procédure pénale, ensemble l'article 131-21 du code pénal ;
Attendu qu'il se déduit du troisième de ces textes que le jugement qui rejette une demande de restitution est susceptible d'appel de la part de la personne qui a formulé cette demande, sans que puisse lui être opposée l'autorité de la chose jugée de la décision ordonnant la confiscation ;
Attendu que, si la demande de restitution doit être examinée sur le fondement de l'article 481 du code de procédure pénale lorsque les biens placés sous main de justice n'ont pas été confisqués, il doit être statué sur cette demande en faisant application des dispositions de l'article 131-21 du code pénal lorsque les biens ont été confisqués ;
Attendu que, conformément aux dispositions précises et inconditionnelles de l'article 6, § 2, de la directive 2014/42/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014, les droits du propriétaire de bonne foi doivent être réservés, même lorsque le bien constitue le produit direct ou indirect de l'infraction ;
Attendu qu'il ressort de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que les investigations menées sur commission rogatoire, à la suite de la plainte de la société Generali Iard, ont permis d'établir que Mme Colette A... a bénéficié, en connaissance de cause, de détournements de fonds opérés par M. Pierre José Z..., gestionnaire en assurance employé par la dite société et en a fait bénéficier Mme X..., à laquelle elle a remis des chèques de banque tirés de ses comptes bancaires personnels ; que Mme X... a ainsi pu acquérir un véhicule, ainsi qu'un studio et un appartement situés à Rennes ; que le véhicule a fait l'objet d'une ordonnance de remise aux domaines et les immeubles ont été saisis ; que, placée sous le statut de témoin assisté au cours de l'instruction, Mme X... a bénéficié d'un non-lieu, tandis que Mme A... et deux co-auteurs ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel, qui, par jugement en date du 25 mars 2016, les a reconnus coupables, notamment, des délits d'escroquerie et recel et a prononcé à l'encontre de chacun d'entre eux, à titre de peine complémentaire, la confiscation des scellés et des biens mobiliers et immobiliers saisis au profit de l'AGRASC ; que les premiers juges ont également rejeté la demande de restitution présentée par Mme X... portant sur ses immeubles et son véhicule ; que Mme X... a formé appel de cette décision ;
Attendu que, pour rejeter la demande de restitution, l'arrêt énonce, après avoir rappelé les termes de l'article 481 du code de procédure pénale, que les premiers juges ont refusé la restitution en relevant, à juste titre, que les biens saisis avaient été acquis par la requérante avec les fonds obtenus frauduleusement et qu'ils constituaient les produits directs des infractions ; que les juges ajoutent que, se conformant aux dispositions de l'article 131-21 du code pénal, qui prévoit la possibilité de confisquer les biens constituant le produit direct ou indirect de l'infraction à l'exception des biens susceptibles de restitution à la victime, le tribunal correctionnel a ordonné, à titre de peine complémentaire, à l'encontre des prévenus la confiscation des biens dont la restitution est sollicitée, sans en limiter la portée à la valeur estimée du produit de l'infraction et que cette décision est devenue définitive à leur égard ; que la cour d'appel en conclut que l'autorité de chose jugée qui s'attache à la condamnation prononcée par le tribunal fait obstacle à la demande de restitution présentée par Mme X..., qui, si elle revendique à juste titre la qualité de tiers de bonne foi, ne saurait, quelles que soient les conséquences patrimoniales résultant pour elle de la confiscation ordonnée, être considérée comme la victime des infractions ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes susvisés et des principes ci-dessus rappelés ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 5 décembre 2017, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le sept novembre deux mille dix-huit ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.ECLI:FR:CCASS:2018:CR02493
N° C 17-87.424 FS-P+B+R+I
N° 2493
VD1
7 NOVEMBRE 2018
CASSATION
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :
CASSATION sur le pourvoi formé par Mme Lydie X..., contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 5-12, en date du 5 décembre 2017, qui a rejeté sa requête en restitution ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 26 septembre 2018 où étaient présents : M. Soulard, président, Mme Fouquet, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, M. Germain, Mme Planchon, M. Larmanjat, Mme Zerbib, MM. d'Huy, Wyon, conseillers de la chambre, Mmes Chauchis, Pichon, M. Ascensi, conseillers référendaires ;
Avocat général : Mme Moracchini ;
Greffier de chambre : Mme Hervé ;
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire Fouquet, les observations de Me HAAS, de la société civile professionnelle SPINOSI et SUREAU, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général MORACCHINI ;
Vu les mémoires en demande, en défense et les observations complémentaires produits ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles premier du Protocole additionnel n° 1 à la Convention européenne des droits de l'homme, 6 de la directive européenne 2014/42/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014, 481, 482, 591 et 593 du code de procédure pénale :
"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la demande de restitution formée par Mme Lydie X... ;
"aux motifs propres que l'appel porte sur la décision de refus de restitution prise par le tribunal correctionnel à l'égard de Mme X... en qualité de partie intervenante ; que selon l'article 479 du code de procédure pénale "toute personne qui prétend avoir des droits sur les objets placés sous main de justice peut en demander restitution au tribunal saisi de la poursuite" ; que l'article 481 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016, prévoit que "si le tribunal estime que les objets placés sous la main de la justice sont utiles à la manifestation de la vérité ou susceptibles de confiscation, il surseoit à statuer jusqu'à sa décision sur le fond ; que dans ce cas, le jugement n'est susceptible d'aucun recours ; que le tribunal peut refuser la restitution lorsque celle-ci présente un danger pour les personnes ou les biens ou lorsque le bien saisi est l'instrument ou le produit direct ou indirect de l'infraction" ; que ces dispositions, en ce qu'elles fixent les règles de procédure liées aux demandes de restitution formées par un tiers à la procédure en cours devant le tribunal correctionnel saisi du fond de l'affaire, sont d'application immédiate ; que le tribunal a refusé la restitution en relevant à juste titre que les biens saisis avaient été acquis par la requérante avec les fonds obtenus frauduleusement par M. Z... et qu'il constituait les produits directs des infractions ; que Mme X... ne conteste pas avoir fait l'acquisition de ses biens, au moins partiellement, par l'utilisation des fonds recelés par Mme A... et provenant des escroqueries commises par M. Z... ; que, statuant sur l'action publique, les premiers juges, conformément aux dispositions de l'article 131-21 du code pénal qui, dans sa version applicable à l'époque des faits, prévoyait la possibilité de confisquer les biens constituant le produit direct ou indirect de l'infraction à l'exception des biens susceptibles de restitution à la victime, ont ordonné, à titre de peines complémentaires prévues par les articles 313-7 et 321-9 du même code à l'encontre de M. Z... et de Mme A... respectivement déclarés coupables d'escroquerie et de recel, la confiscation des biens dont la restitution est sollicitée, sans en limiter la portée à la valeur estimée du produit de l'infraction ; que cette décision est devenue définitive à l'égard de M. Z... et de Mme A..., lesquels n'ont pas interjeté appel du jugement, seul M. B... ayant contesté la décision dans son ensemble ; qu'il s'ensuit que l'autorité de chose jugée qui s'attache à la condamnation prononcée par le tribunal fait obstacle à la demande de restitution présentée par Mme X... qui, si elle revendique à juste titre la qualité de tiers de bonne foi, ne saurait, quelles que soient les conséquences patrimoniales résultant pour elle de la confiscation ordonnée, être considérée comme la victime des infractions ;
"et aux motifs adoptés que, vu la requête présentée par courrier du 24 juin 2015 par l'avocat de Mme X... aux fins de restitution des biens saisis à savoir un véhicule Mercedes-Benz immatriculé [...] (scellé n° 33 séquestre de Rennes), le certificat d'immatriculation saisi (scellé n° 34) et la clé de contact (scellé n° 35), mais également un appartement situé sur la commune de Rennes au [...] (section [...] à [...], n° de lot [...]), un parking au [...] portant le n° [...] (section [...] et n° de lot 40) et enfin un autre bien immobilier situé sur la commune de Rennes au [...], (section [...], n° de lot [...]), bien acquis le 5 juin 2009 par acte de Me Soulie, notaire à Rennes, et publié sous la référence 26 juin 2009, volume 2009P n° 4733 ; qu'il ressort de l'instruction et des déclarations de Mme X... que l'ensemble des biens ont été acquis par cette dernière avec les fonds obtenus frauduleusement par M. Z... ; que le tribunal rejette donc la demande susvisée compte- enu du fait que l'ensemble des biens mobiliers et immobiliers saisis et visés dans la requête constituent les produits directs des infractions ;
"1°) alors que le jugement qui rejette une demande de restitution est susceptible d'appel de la part de la personne qui a formé cette demande ; que, dès lors, la cour d'appel ne pouvait pas opposer à la demande de restitution présentée par Mme X... l'autorité de chose jugée attachée à la décision, définitive à l'égard des prévenus, par laquelle les premiers juges avaient, sur l'action publique, ordonné à titre de peine complémentaire la confiscation des biens faisant l'objet de la demande de restitution ;
"2°) alors que la déclaration d'inconstitutionnalité ou la réserve d'interprétation des dispositions de l'article 481 du code de procédure pénale, dans leur rédaction issue de la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016, en ce qu'elles refusent la restitution du bien saisi lorsque celui-ci est le produit direct ou indirect de l'infraction, dont la cour d'appel a fait application pour trancher le litige, qui sera prononcée, après renvoi au Conseil constitutionnel de la question prioritaire de constitutionnalité posée dans un mémoire distinct et motivé, privera l'arrêt attaqué de son fondement juridique ;
"3°) alors que porte une atteinte disproportionnée au droit de propriété le juge qui refuse la restitution au propriétaire de bonne foi d'un objet placé sous main de justice constituant le produit direct ou indirect de l'infraction ; qu'en rejetant la demande de restitution de Mme X..., après avoir pourtant constaté que celle-ci était propriétaire de bonne foi, la cour d'appel a porté une atteinte disproportionnée au droit de propriété de cette dernière ;
"4°) alors que le juge saisi d'une demande de restitution d'un bien placé sous main de justice doit apprécier la proportionnalité de l'atteinte portée au droit de propriété au regard de la situation personnelle et de la bonne foi de son propriétaire ; qu'en considérant que dès lors qu'elle n'avait pas la qualité de victime des infractions, Mme X... ne pouvait obtenir la restitution des biens lui appartenant quelles que soient les conséquences patrimoniales résultant pour elle de la confiscation ordonnée, et, partant, en refusant de rechercher si l'atteinte portée au droit de propriété de cette dernière était proportionnée au regard de sa situation personnelle et, plus particulièrement, de sa qualité de propriétaire de bonne foi, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés ;
"5°) alors que la loi pénale est d'interprétation stricte ; que, si le juge peut refuser la restitution d'un objet placé sous la main de la justice lorsque le bien saisi est le produit direct ou indirect de l'infraction, ce n'est qu'à concurrence de la valeur estimée de ce produit ; qu'en considérant, pour rejeter dans son intégralité la demande de restitution, que Mme X... ne contestait pas avoir fait l'acquisition des biens saisis, au moins partiellement, avec des fonds recelés, sans limiter la confiscation à la stricte valeur du produit de l'infraction, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;
Vu l'article 6, § 2, de la directive 2014/42/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014, les articles 481 et 482 du code de procédure pénale, ensemble l'article 131-21 du code pénal ;
Attendu qu'il se déduit du troisième de ces textes que le jugement qui rejette une demande de restitution est susceptible d'appel de la part de la personne qui a formulé cette demande, sans que puisse lui être opposée l'autorité de la chose jugée de la décision ordonnant la confiscation ;
Attendu que, si la demande de restitution doit être examinée sur le fondement de l'article 481 du code de procédure pénale lorsque les biens placés sous main de justice n'ont pas été confisqués, il doit être statué sur cette demande en faisant application des dispositions de l'article 131-21 du code pénal lorsque les biens ont été confisqués ;
Attendu que, conformément aux dispositions précises et inconditionnelles de l'article 6, § 2, de la directive 2014/42/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014, les droits du propriétaire de bonne foi doivent être réservés, même lorsque le bien constitue le produit direct ou indirect de l'infraction ;
Attendu qu'il ressort de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que les investigations menées sur commission rogatoire, à la suite de la plainte de la société Generali Iard, ont permis d'établir que Mme Colette A... a bénéficié, en connaissance de cause, de détournements de fonds opérés par M. Pierre José Z..., gestionnaire en assurance employé par la dite société et en a fait bénéficier Mme X..., à laquelle elle a remis des chèques de banque tirés de ses comptes bancaires personnels ; que Mme X... a ainsi pu acquérir un véhicule, ainsi qu'un studio et un appartement situés à Rennes ; que le véhicule a fait l'objet d'une ordonnance de remise aux domaines et les immeubles ont été saisis ; que, placée sous le statut de témoin assisté au cours de l'instruction, Mme X... a bénéficié d'un non-lieu, tandis que Mme A... et deux co-auteurs ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel, qui, par jugement en date du 25 mars 2016, les a reconnus coupables, notamment, des délits d'escroquerie et recel et a prononcé à l'encontre de chacun d'entre eux, à titre de peine complémentaire, la confiscation des scellés et des biens mobiliers et immobiliers saisis au profit de l'AGRASC ; que les premiers juges ont également rejeté la demande de restitution présentée par Mme X... portant sur ses immeubles et son véhicule ; que Mme X... a formé appel de cette décision ;
Attendu que, pour rejeter la demande de restitution, l'arrêt énonce, après avoir rappelé les termes de l'article 481 du code de procédure pénale, que les premiers juges ont refusé la restitution en relevant, à juste titre, que les biens saisis avaient été acquis par la requérante avec les fonds obtenus frauduleusement et qu'ils constituaient les produits directs des infractions ; que les juges ajoutent que, se conformant aux dispositions de l'article 131-21 du code pénal, qui prévoit la possibilité de confisquer les biens constituant le produit direct ou indirect de l'infraction à l'exception des biens susceptibles de restitution à la victime, le tribunal correctionnel a ordonné, à titre de peine complémentaire, à l'encontre des prévenus la confiscation des biens dont la restitution est sollicitée, sans en limiter la portée à la valeur estimée du produit de l'infraction et que cette décision est devenue définitive à leur égard ; que la cour d'appel en conclut que l'autorité de chose jugée qui s'attache à la condamnation prononcée par le tribunal fait obstacle à la demande de restitution présentée par Mme X..., qui, si elle revendique à juste titre la qualité de tiers de bonne foi, ne saurait, quelles que soient les conséquences patrimoniales résultant pour elle de la confiscation ordonnée, être considérée comme la victime des infractions ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes susvisés et des principes ci-dessus rappelés ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 5 décembre 2017, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le sept novembre deux mille dix-huit ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.