Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 24 octobre 2018, 16-23.214, Inédit
Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 24 octobre 2018, 16-23.214, Inédit
Cour de cassation - Chambre civile 1
- N° de pourvoi : 16-23.214
- ECLI:FR:CCASS:2018:C100990
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
Audience publique du mercredi 24 octobre 2018
Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, du 30 juin 2016- Président
- Mme Batut (président)
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'alléguant que la société Cergy location services (la société CLS) commercialisait une gamme d'articles reproduisant les caractéristiques originales d'un service de table dénommé "Hémisphère", dont elle déclarait être titulaire des droits d'auteur, la société Etablissements Coquet a assigné en contrefaçon et en concurrence déloyale la société CLS, qui a appelé en garantie la société Soler Hispania, venant aux droits de la société Viejo Valle, auprès de laquelle elle s'était fournie ;
Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu que la société CLS fait grief à l'arrêt de retenir qu'en important et en commercialisant sous les dénominations Nilo ou Diva des assiettes et soucoupes reprenant la combinaison des caractéristiques originales des modèles d'assiettes et soucoupes de la gamme "Hémisphère", elle a, avec la société Soler Hispania, commis des actes de contrefaçon ;
Attendu qu'après avoir énoncé, à bon droit, que la notion de nouveauté est indifférente à la caractérisation de l'originalité d'une oeuvre, l'arrêt constate, au vu des pièces produites aux débats et, notamment, du modèle de petite coupe réalisé par Mme Z..., que, si chacun des éléments de la combinaison revendiquée par la société Etablissements Coquet était connu de longue date, en revanche, la combinaison de ceux-ci ne l'était pas et conférait aux modèles d'assiettes et de soucoupes de la gamme "Hémisphère", un aspect d'ensemble traduisant un effort créatif porteur de leur originalité ; que la cour d'appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision de ce chef ;
Mais sur le deuxième moyen, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 1382, devenu 1240 du code civil ;
Attendu que, pour dire que la société CLS a commis des actes de concurrence déloyale, l'arrêt retient qu'elle a commercialisé les articles contrefaisants dans les mêmes formats que ceux de la société Etablissements Coquet en créant un effet de gamme et qu'une telle déclinaison des articles contrefaisants susceptible d'accroître la confusion dans l'esprit de la clientèle caractérise des actes distincts de concurrence déloyale ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la commercialisation d'une même gamme de produits est insuffisante à caractériser la commission d'actes de concurrence déloyale distincts de ceux sanctionnés au titre de la contrefaçon, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le troisième moyen, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 16 du code de procédure civile ;
Attendu que, pour rejeter la demande de garantie formée par la société CLS à l'encontre de la société Soler Hispania, l'arrêt retient qu'elle a poursuivi, en toute connaissance de cause, la commercialisation des produits contrefaisants, notamment après la saisie-contrefaçon pratiquée à son encontre ;
Qu'en statuant ainsi, sans avoir invité les parties à présenter leurs observations sur le moyen de droit tiré d'une faute propre à la société CLS, non invoqué par la société Soler Hispania, la cour d'appel a méconnu les exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que la société Cergy location services et la société Soler Hispania ont commis des actes de concurrence déloyale et qu'il condamne la société Cergy location services, pour moitié in solidum avec la société Soler Hispania, à payer la somme de 50 000 euros à la société Etablissements Coquet en réparation d'actes de concurrence déloyale, et en ce qu'il rejette la demande de garantie de la société Cergy location services dirigée contre la société Soler Hispania, l'arrêt rendu le 30 juin 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne la société Etablissements Coquet aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre octobre deux mille dix-huit.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat aux Conseils, pour la société Cergy location services
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir dit qu'en important et commercialisant, sous les dénominations Nilo ou Diva, des assiettes ou soucoupes reprenant la combinaison de caractéristiques originales des modèles d'assiettes et de soucoupes de la gamme Hémisphère, les sociétés CLS et Soler Hispania ont commis des actes de contrefaçon, et d'avoir, en conséquence, ayant condamné la société Soler Hispania à payer à la société les établissements Coquet la somme de 300 000 euros à ce titre, condamné la société CLS pour moitié, in solidum avec la société Soler Hispania, au paiement de ces dommages-intérêts, d'avoir débouté la société CLS de ses demandes de dommages-intérêts et de garantie, d'avoir interdit à la société CLS et à la société Soler Hispania de poursuivre leurs agissements sous astreinte de 500 euros par infraction constatée passé le délai de quinze jours à compter de la signification du présent arrêt, d'avoir ordonné la confiscation, aux fins de destruction sous contrôle d'huissier de justice aux frais in solidum de la société CLS et de la société Soler Hispania, de l'intégralité des stocks de produits, conditionnements, étiquettes, supports de vente ou de publicité de la gamme Diva/Nilo dont les dites sociétés se trouveraient en possession passé le délai de quinze jours à compter de la signification du présent arrêt, d'avoir autorisé la société les établissements Coquet à publier le dispositif du présent arrêt, en entier ou par extraits, dans trois journaux ou revues de son choix aux frais in solidum de la société CLS et de la société Soler Hispania sans que le coût global de ces publications n'excède la somme de 21 000 euros HT et d'avoir condamné « solidairement » la société CLS et la société Soler Hispania à payer à la société les établissements Coquet la somme de 15 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'instance et d'appel ;
AUX MOTIFS QUE « sur les droits d'auteur : la société Établissements Coquet revendique des droits d'auteur sur les assiettes plates, les assiettes creuses à grande aile et les tasses et soucoupe à café de sa gamme d'articles de table 'Hémisphère' ; que devant la cour, la société Établissements Coquet justifie de la divulgation et de la commercialisation sous son nom des articles revendiqués, à partir d'octobre 1999, pour l'assiette plate déclinée par la suite en assiette de présentation ou de mise en bouche et en assiette à pain, à partir de la fin de l'année 2000, pour la tasse et soucoupe à café et depuis 2002, pour l'assiette creuse à grande aile, ainsi que le prouvent les articles de presse et publicitaires figurant sous sa pièce 6 et les factures qu'elle produit en pièce 16 ; que contrairement à ce que soutiennent les intimées, la société Établissements Coquet individualise les modèles qu'elle revendique et en caractérise l'originalité alléguée comme résultant du choix de la combinaison de différents éléments à savoir : - pour le décor : une aile mate en biscuit gravée de fines stries concentriques, avec un espacement minimal entre elles et un relief marqué ; un bassin lisse et brillant ou émaillé ; un effet de contraste entre un pourtour mat et strié et une partie 'contenante' brillante et lisse, - pour la forme : la proportion inhabituelle entre un bassin de taille réduite et des ailes larges, les assiettes creuses, en ce compris les assiettes de mise en bouche, présentant en outre un bassin reproduisant la forme du bol intérieur, créant ainsi un effet de cassure au niveau de l'aile placé à l'horizontale ; que les premiers juges ont, à bon droit, dit que la notion de nouveauté est indifférente à celle d'originalité d'une oeuvre de l'esprit laquelle doit révéler la personnalité de l'auteur et indiqué que cette originalité doit s'apprécier au regard de la combinaison des éléments de l'oeuvre considérée dans son ensemble ; qu'ils se sont toutefois attachés au détail de l'un ou l'autre des éléments connus de la combinaison revendiquée pour estimer, à tort, que cette combinaison n'était pas originale ; qu'en effet, si le rapport daté du 27 octobre 2010 de l'Instituto de tecnologia versé aux débats par la société Soler Hispania montre que les fines nervures à l'extérieur d'une pièce en porcelaine qu'elles soient ou non combinées avec un 'intérieur' lisse et la largeur disproportionnée du bord de l'assiette par rapport au contenant, relèvent du fonds commun des arts de la table, aucun des documents produits n'est cependant de nature à rendre totalement banale la combinaison de décor et de forme revendiquée pour les assiettes, soucoupe et tasse de la gamme 'Hémisphère' ; que, notamment, les fines nervures ornant l'extérieur des articles de vaisselle de la collection Trend ou Loft de la société allemande Thomas Rosenthal n'entrent pas en combinaison avec l'aspect mat de leur support pour faire contraste avec l'intérieur émaillé de l'objet ; que cette combinaison ne se retrouve pas non plus dans les articles en verre de l'entreprise Viart ; que les assiettes Geneviève A... de 1999, outre qu'elles n'apparaissent pas comporter de contraste entre des parties brillantes et des parties mates, sont de forme banale et classique et le décor strié de leur rebord n'entre pas en combinaison avec une largeur anormalement large de celui-ci ; que le large rebord des assiettes de la collection Amici Sunny Day du designer C... B... n'est pas associé à un contraste entre l'aspect mat de ce grand rebord et l'aspect brillant du contenant lisse ; qu'au surplus ces assiettes creuses ne rendent aucun effet de cassure au niveau de l'aile ; que comme le pot de la collection Bantu figurant en pièce 25 de la société Soler Hispania, le bol en porcelaine dessiné par la créatrice allemande Stefanie Z... pour la collection Diaphane 1998 de la société D..., tel qu'il est reproduit sur les documents versés aux débats, ne comporte, par définition, aucun rebord ; que le large rebord de la petite coupe de la collection Diaphane sus-visée ne présente aucun effet de cassure au niveau de l'aile ; que les autres articles de table de cette créatrice ne présentent pas de fines stries concentriques mais d'épaisses nervures espacées les unes des autres ; qu'au surplus il n'apparaît pas que ces articles jouent, comme les modèles de la gamme 'Hémisphère', sur le contraste entre l'aspect mat du biscuit et l'aspect brillant de la porcelaine émaillée ; que contrairement à ce qu'affirment les intimées, la société Établissements Coquet ne revendique pas la protection d'un genre qui serait constitué d'articles de vaisselle à large bord orné de stries ; que la société Établissements Coquet invoque des droits d'auteur sur des modèles originaux du fait de la réunion en combinaison d'éléments qu'elle détaille et qui ne réduisent pas aux stries sur les larges rebord de ses assiettes ou soucoupes ; que le grand nombre d'éléments de comparaison versés aux débats révèle que si chacun des éléments de la combinaison revendiquée par la société Établissements Coquet est connu de longue date en lui-même, la combinaison particulière de ces éléments isolément banals, confère au tout un aspect d'ensemble traduisant un effort créatif, propre à conférer aux modèles en cause une originalité les rendant dignes de la protection au titre des droits d'auteur ; qu'il importe peu que postérieurement à la création de ces modèles originaux, de nombreux fabricants et distributeurs aient entendu offrir à la clientèle des articles de vaisselle identiques ou similaires ; que par ailleurs, la société Soler Hispania n'est pas fondée à dénier l'originalité de ces modèles en faisant valoir que la partie émaillée du contenant répond à une nécessité fonctionnelle ; qu'en effet, s'agissant d'articles d'art appliqué, les modèles en cause répondent nécessairement à leur fonction à laquelle, du fait du parti pris esthétique adopté, ils ne se réduisent pas ; que la titularité des droits de la société Établissements Coquet sur les modèles originaux en cause n'étant pas contestée, cette société est recevable à agir en contrefaçon ;
Sur la contrefaçon : que la société Établissements Coquet a fait saisir le 19 mai 2011 au siège de la société CLS des assiettes creuses et plates ainsi que des soucoupes et tasses à café achetées par celle-ci, courant 2007 et 2008, à la société Viejo Valle aux droits de laquelle vient la société Soler Hispania ; (
) qu'en revanche, (
) les assiettes plates et creuses ainsi que les soucoupes de la collection Nilo apparaissent comme la reproduction quasi servile des assiettes et soucoupes de la gamme 'Hémisphère' reprenant en combinaison : - pour le décor : une aile mate en biscuit gravée de fines stries concentriques, avec un espacement minimal entre elles et un relief marqué ; un bassin lisse et émaillé ; un effet de contraste entre un pourtour mat et strié et une partie 'contenante' brillante et lisse, - pour la forme : la proportion inhabituelle entre un bassin de taille réduite et des ailes larges, les assiettes creuses, présentant en outre un effet de cassure entre le bassin et l'aile placé à l'horizontale ; que les opérations de saisie-contrefaçon ont permis d'établir la vente et l'achat par les intimées des modèles contrefaisants, les propres pièces de la société CLS, dont l'activité n'est pas la vente de vaisselle mais la location, permettant d'établir que celle-ci a continué à les proposer à sa clientèle après l'ouverture de son redressement judiciaire puis l'arrêt de son plan ; qu'en important et commercialisant les dits articles, la société Soler Hispania et la société CLS ont commis les actes de contrefaçon qui leur sont reprochés » ;
1°) ALORS QU'une oeuvre de l'esprit n'est protégeable au titre de la propriété littéraire et artistique que pour autant qu'elle constitue une oeuvre originale, c'est-à-dire qu'elle porte l'empreinte de la personnalité de son auteur ; que l'originalité d'une oeuvre de l'esprit ne se déduit pas de l'absence d'antériorité, laquelle est inopérante en matière de droit d'auteur ; qu'en retenant, pour juger que les modèles d'assiette, de soucoupe et de tasse à café de la gamme Hémisphère étaient originaux, que le grand nombre d'éléments de comparaison versés aux débats révèle que la combinaison particulière de ces éléments isolément banals, confère au tout un aspect d'ensemble traduisant un effort créatif, la cour d'appel, qui a ainsi déduit le caractère nouveau des modèles litigieux de l'absence de modèles antérieurs préexistants, a violé l'article L. 112-1 du code de la propriété intellectuelle ;
2°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QU'une oeuvre de l'esprit n'est protégeable au titre de la propriété littéraire et artistique que pour autant qu'elle constitue une oeuvre originale, c'est-à-dire qu'elle porte l'empreinte de la personnalité de son auteur ; qu'en se bornant, pour juger que les modèles d'assiette, de soucoupe et de tasse à café de la gamme Hémisphère étaient originaux, à retenir que la combinaison particulière d'éléments isolément banals – à savoir pour le décor : une aile mate en biscuit gravée de fines stries concentriques, avec un espacement minimal entre elles et un relief marqué ; un bassin lisse et émaillé ; un effet de contraste entre un pourtour mat et strié et une partie « contenante » brillante et lisse ; et pour la forme : une proportion inhabituelle entre un bassin de taille réduite et des ailes larges – conférait au tout un aspect d'ensemble traduisant un effort créatif, sans faire ressortir en quoi ladite combinaison exprimait l'empreinte de la personnalité de son auteur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 112-1 du code de la propriété intellectuelle ;
3°) ALORS QU'une oeuvre de l'esprit n'est protégeable au titre de la propriété littéraire et artistique que pour autant qu'elle constitue une oeuvre originale, c'est-à-dire qu'elle porte l'empreinte de la personnalité de son auteur ; que si l'originalité d'une oeuvre ne peut se déduire d'une absence d'antériorité, en revanche une oeuvre est nécessairement dépourvue de tout caractère original en présence d'un modèle antérieur reproduisant, dans une combinaison identique, l'ensemble de ses caractéristiques ; que pour retenir l'originalité des assiettes plates et soucoupes de la gamme Hémisphère des établissements Coquet, la cour d'appel a jugé que leur combinaison particulière d'éléments isolément banals – à savoir pour le décor : une aile mate en biscuit gravée de fines stries concentriques, avec un espacement minimal entre elles et un relief marqué ; un bassin lisse et émaillé ; un effet de contraste entre un pourtour mat et strié et une partie « contenante » brillante et lisse ; et pour la forme : une proportion inhabituelle entre un bassin de taille réduite et des ailes larges – conférait au tout un aspect d'ensemble traduisant un effort créatif ; qu'en se bornant, pour statuer ainsi, à relever que le modèle antérieur de petite coupe de la collection Diaphane 1998 réalisé par la créatrice allemande Stefanie Z... pour la société D..., ne présentait aucun effet de cassure au niveau de l'aile, élément correspondant selon elle à une caractéristique originale propre à l'assiette creuse de la collection Hémisphère, sans rechercher, comme il lui était demandé, si ce modèle de petite coupe ne reproduisait pas, dans la même combinaison, l'ensemble des caractéristiques originales précitées des assiettes et soucoupes de la collection Hémisphère, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 112-1 du code de la propriété intellectuelle ;
4°) ALORS QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les éléments de la cause ; que selon le descriptif donné par le catalogue de la société D... de 1998, seul le fond étroit de la petite coupe réalisée par Stefanie Z... est émaillé ; qu'à supposer que la cour d'appel ait considéré que ce modèle, à la différence de ceux de la gamme Hémisphère des établissements Coquet, ne joue pas sur le contraste entre l'aspect mat du biscuit et l'aspect brillant de la porcelaine émaillée, elle aurait alors dénaturé ledit catalogue en violation de l'article 1134 du code civil.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la société CLS et la société Soler Hispania ont en outre commis au préjudice de la société les établissements Coquet des actes de concurrence déloyale, et d'avoir, en conséquence, ayant condamné la société Soler Hispania à payer à la société les établissements Coquet la somme de 50 000 euros à ce titre, condamné la société CLS pour moitié, in solidum avec la société Soler Hispania, au paiement de ces dommages-intérêts, d'avoir débouté la société CLS de ses demandes de dommages-intérêts et de garantie, d'avoir interdit à la société CLS et à la société Soler Hispania de poursuivre leurs agissements sous astreinte de 500 euros par infraction constatée passé le délai de quinze jours à compter de la signification du présent arrêt, d'avoir ordonné la confiscation, aux fins de destruction sous contrôle d'huissier de justice aux frais in solidum de la société CLS et de la société Soler Hispania, de l'intégralité des stocks de produits, conditionnements, étiquettes, supports de vente ou de publicité de la gamme Diva/Nilo dont les dites sociétés se trouveraient en possession passé le délai de quinze jours à compter de la signification du présent arrêt, d'avoir autorisé la société les établissements Coquet à publier le dispositif du présent arrêt, en entier ou par extraits, dans trois journaux ou revues de son choix aux frais in solidum de la société CLS et de la société Soler Hispania sans que le coût global de ces publications n'excède la somme de 21 000 euros HT et d'avoir condamné « solidairement » la société CLS et la société Soler Hispania à payer à la société les établissements Coquet la somme de 15 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'instance et d'appel ;
AUX MOTIFS QUE « sur la concurrence déloyale : que la société Etablissements Coquet établit que les sociétés Soler Hispania et CLS ont commercialisé les articles contrefaisants dans les mêmes formats que ceux proposés par la société Établissements Coquet pour sa gamme « Hémisphère » en créant un effet de gamme ; qu'une telle déclinaison des articles contrefaisants susceptible d'accroître la confusion dans l'esprit de la clientèle, caractérise des actes distincts de la contrefaçon constitutifs de concurrence déloyale ; (
) que le préjudice subi au titre de la concurrence déloyale tient au trouble commercial certain causé par l'effet de gamme créé par la société Soler Hispania et la société CLS qui ont offert à bas coût une gamme de substitution à la gamme Hémisphère de la société Etablissements Coquet ; que la cour évalue la réparation de ce préjudice à la somme de 50 000 euros » ; (arrêt p.10 et 12)
1°) ALORS QU'une faute de concurrence déloyale suppose une volonté de nuire de la part de celui à laquelle elle est imputée ; qu'en retenant que la société CLS avait commis des actes de concurrence déloyale au préjudice des établissements Coquet, sans relever que la première aurait cherché à nuire à la seconde, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil désormais codifié à l'article 1240 du même code ;
2°) ALORS QUE le fait de commercialiser une gamme de produits se rapprochant par leur composition d'une gamme de produits concurrents ne suffit pas à caractériser un acte de concurrence déloyale ; qu'en se fondant, pour retenir l'existence d'actes de concurrence déloyale, sur la seule circonstance que les sociétés CLS et Soler Hispania avaient commercialisé les articles contrefaisants dans les mêmes formats que ceux de la gamme Hémisphère, à savoir trois formats d'assiette plate et trois formats d'assiette creuse, ce qui accroît la confusion dans l'esprit de la clientèle en créant un effet de gamme, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil, désormais codifié à l'article 1240 du même code ;
3°) ALORS QUE la vente d'un produit contrefait à bas coût ne caractérise aucune faute distincte de la contrefaçon ; qu'à supposer que la cour d'appel se soit fondée, pour retenir l'existence d'actes de concurrence déloyale, sur la circonstance que les produits de la gamme Diva/Nilo auraient été commercialisés à bas coût, la cour d'appel a statué par un motif impropre en violation de l'article 1382 du code civil, désormais codifié à l'article 1240 du même code.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE)
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société CLS de sa demande de garantie dirigée contre la société Soler Hispania ;
AUX MOTIFS QUE « sur (la) demande(
) de garantie de la société CLS : que la société CLS qui ne saurait se faire garantir de ses propres fautes, n'est pas fondée à se voir garantir par son fournisseur des condamnations prononcées à son encontre au titre d'une commercialisation qu'elle a poursuivie en toute connaissance des produits contrefaits notamment après la saisie-contrefaçon pratiquée à son encontre ; qu'elle sera déboutée de sa demande tendant à se voir garantir par la société Soler Hispania » ; (arrêt p.13)
1°) ALORS QUE le juge ne peut fonder sa décision sur des moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en jugeant, pour débouter la société CLS de sa demande de garantie dirigée à l'encontre de la société Soler Hispania, que la faute de la première, consistant à avoir poursuivi la location des produits contrefaisants en toute connaissance de cause, notamment après la saisie contrefaçon réalisée par les établissements Coquet le 19 mai 2011, lui interdisait de solliciter la garantie de la seconde auprès de laquelle elle a acquis les produits contrefaisants en 2007 et 2008, la cour d'appel, qui n'a pas invité les parties à présenter leurs observations sur ce moyen de droit tiré d'une faute qui aurait été propre à la société CLS, a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
2°) ALORS A TITRE SUBSIDIAIRE, QUE tout jugement doit être motivé ; qu'en se bornant à affirmer, pour débouter intégralement la société CLS de sa demande de garantie, que celle-ci aurait poursuivi la location des produits contrefaisants en toute connaissance de cause, notamment après la saisie-contrefaçon pratiquée par les établissements Coquet le 19 mai 2011, sans indiquer les éléments de preuve lui permettant de tenir pour établi de tels faits, non spécialement invoqués par les parties et expressément contestés par la société CLS, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QU'en déboutant la société CLS de sa demande de garantie au motif qu'elle aurait poursuivi la location des produits contrefaisants en toute connaissance de cause, sans préciser, pour la période antérieure à la saisie contrefaçon réalisée par les établissements Coquet le 19 mai 2011, la date à laquelle cette société avait effectivement eu connaissance du fait que cette commercialisation était susceptible de porter atteinte aux droits de propriété intellectuelle des établissements Coquet, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil.ECLI:FR:CCASS:2018:C100990
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'alléguant que la société Cergy location services (la société CLS) commercialisait une gamme d'articles reproduisant les caractéristiques originales d'un service de table dénommé "Hémisphère", dont elle déclarait être titulaire des droits d'auteur, la société Etablissements Coquet a assigné en contrefaçon et en concurrence déloyale la société CLS, qui a appelé en garantie la société Soler Hispania, venant aux droits de la société Viejo Valle, auprès de laquelle elle s'était fournie ;
Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu que la société CLS fait grief à l'arrêt de retenir qu'en important et en commercialisant sous les dénominations Nilo ou Diva des assiettes et soucoupes reprenant la combinaison des caractéristiques originales des modèles d'assiettes et soucoupes de la gamme "Hémisphère", elle a, avec la société Soler Hispania, commis des actes de contrefaçon ;
Attendu qu'après avoir énoncé, à bon droit, que la notion de nouveauté est indifférente à la caractérisation de l'originalité d'une oeuvre, l'arrêt constate, au vu des pièces produites aux débats et, notamment, du modèle de petite coupe réalisé par Mme Z..., que, si chacun des éléments de la combinaison revendiquée par la société Etablissements Coquet était connu de longue date, en revanche, la combinaison de ceux-ci ne l'était pas et conférait aux modèles d'assiettes et de soucoupes de la gamme "Hémisphère", un aspect d'ensemble traduisant un effort créatif porteur de leur originalité ; que la cour d'appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision de ce chef ;
Mais sur le deuxième moyen, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 1382, devenu 1240 du code civil ;
Attendu que, pour dire que la société CLS a commis des actes de concurrence déloyale, l'arrêt retient qu'elle a commercialisé les articles contrefaisants dans les mêmes formats que ceux de la société Etablissements Coquet en créant un effet de gamme et qu'une telle déclinaison des articles contrefaisants susceptible d'accroître la confusion dans l'esprit de la clientèle caractérise des actes distincts de concurrence déloyale ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la commercialisation d'une même gamme de produits est insuffisante à caractériser la commission d'actes de concurrence déloyale distincts de ceux sanctionnés au titre de la contrefaçon, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le troisième moyen, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 16 du code de procédure civile ;
Attendu que, pour rejeter la demande de garantie formée par la société CLS à l'encontre de la société Soler Hispania, l'arrêt retient qu'elle a poursuivi, en toute connaissance de cause, la commercialisation des produits contrefaisants, notamment après la saisie-contrefaçon pratiquée à son encontre ;
Qu'en statuant ainsi, sans avoir invité les parties à présenter leurs observations sur le moyen de droit tiré d'une faute propre à la société CLS, non invoqué par la société Soler Hispania, la cour d'appel a méconnu les exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que la société Cergy location services et la société Soler Hispania ont commis des actes de concurrence déloyale et qu'il condamne la société Cergy location services, pour moitié in solidum avec la société Soler Hispania, à payer la somme de 50 000 euros à la société Etablissements Coquet en réparation d'actes de concurrence déloyale, et en ce qu'il rejette la demande de garantie de la société Cergy location services dirigée contre la société Soler Hispania, l'arrêt rendu le 30 juin 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne la société Etablissements Coquet aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre octobre deux mille dix-huit.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat aux Conseils, pour la société Cergy location services
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir dit qu'en important et commercialisant, sous les dénominations Nilo ou Diva, des assiettes ou soucoupes reprenant la combinaison de caractéristiques originales des modèles d'assiettes et de soucoupes de la gamme Hémisphère, les sociétés CLS et Soler Hispania ont commis des actes de contrefaçon, et d'avoir, en conséquence, ayant condamné la société Soler Hispania à payer à la société les établissements Coquet la somme de 300 000 euros à ce titre, condamné la société CLS pour moitié, in solidum avec la société Soler Hispania, au paiement de ces dommages-intérêts, d'avoir débouté la société CLS de ses demandes de dommages-intérêts et de garantie, d'avoir interdit à la société CLS et à la société Soler Hispania de poursuivre leurs agissements sous astreinte de 500 euros par infraction constatée passé le délai de quinze jours à compter de la signification du présent arrêt, d'avoir ordonné la confiscation, aux fins de destruction sous contrôle d'huissier de justice aux frais in solidum de la société CLS et de la société Soler Hispania, de l'intégralité des stocks de produits, conditionnements, étiquettes, supports de vente ou de publicité de la gamme Diva/Nilo dont les dites sociétés se trouveraient en possession passé le délai de quinze jours à compter de la signification du présent arrêt, d'avoir autorisé la société les établissements Coquet à publier le dispositif du présent arrêt, en entier ou par extraits, dans trois journaux ou revues de son choix aux frais in solidum de la société CLS et de la société Soler Hispania sans que le coût global de ces publications n'excède la somme de 21 000 euros HT et d'avoir condamné « solidairement » la société CLS et la société Soler Hispania à payer à la société les établissements Coquet la somme de 15 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'instance et d'appel ;
AUX MOTIFS QUE « sur les droits d'auteur : la société Établissements Coquet revendique des droits d'auteur sur les assiettes plates, les assiettes creuses à grande aile et les tasses et soucoupe à café de sa gamme d'articles de table 'Hémisphère' ; que devant la cour, la société Établissements Coquet justifie de la divulgation et de la commercialisation sous son nom des articles revendiqués, à partir d'octobre 1999, pour l'assiette plate déclinée par la suite en assiette de présentation ou de mise en bouche et en assiette à pain, à partir de la fin de l'année 2000, pour la tasse et soucoupe à café et depuis 2002, pour l'assiette creuse à grande aile, ainsi que le prouvent les articles de presse et publicitaires figurant sous sa pièce 6 et les factures qu'elle produit en pièce 16 ; que contrairement à ce que soutiennent les intimées, la société Établissements Coquet individualise les modèles qu'elle revendique et en caractérise l'originalité alléguée comme résultant du choix de la combinaison de différents éléments à savoir : - pour le décor : une aile mate en biscuit gravée de fines stries concentriques, avec un espacement minimal entre elles et un relief marqué ; un bassin lisse et brillant ou émaillé ; un effet de contraste entre un pourtour mat et strié et une partie 'contenante' brillante et lisse, - pour la forme : la proportion inhabituelle entre un bassin de taille réduite et des ailes larges, les assiettes creuses, en ce compris les assiettes de mise en bouche, présentant en outre un bassin reproduisant la forme du bol intérieur, créant ainsi un effet de cassure au niveau de l'aile placé à l'horizontale ; que les premiers juges ont, à bon droit, dit que la notion de nouveauté est indifférente à celle d'originalité d'une oeuvre de l'esprit laquelle doit révéler la personnalité de l'auteur et indiqué que cette originalité doit s'apprécier au regard de la combinaison des éléments de l'oeuvre considérée dans son ensemble ; qu'ils se sont toutefois attachés au détail de l'un ou l'autre des éléments connus de la combinaison revendiquée pour estimer, à tort, que cette combinaison n'était pas originale ; qu'en effet, si le rapport daté du 27 octobre 2010 de l'Instituto de tecnologia versé aux débats par la société Soler Hispania montre que les fines nervures à l'extérieur d'une pièce en porcelaine qu'elles soient ou non combinées avec un 'intérieur' lisse et la largeur disproportionnée du bord de l'assiette par rapport au contenant, relèvent du fonds commun des arts de la table, aucun des documents produits n'est cependant de nature à rendre totalement banale la combinaison de décor et de forme revendiquée pour les assiettes, soucoupe et tasse de la gamme 'Hémisphère' ; que, notamment, les fines nervures ornant l'extérieur des articles de vaisselle de la collection Trend ou Loft de la société allemande Thomas Rosenthal n'entrent pas en combinaison avec l'aspect mat de leur support pour faire contraste avec l'intérieur émaillé de l'objet ; que cette combinaison ne se retrouve pas non plus dans les articles en verre de l'entreprise Viart ; que les assiettes Geneviève A... de 1999, outre qu'elles n'apparaissent pas comporter de contraste entre des parties brillantes et des parties mates, sont de forme banale et classique et le décor strié de leur rebord n'entre pas en combinaison avec une largeur anormalement large de celui-ci ; que le large rebord des assiettes de la collection Amici Sunny Day du designer C... B... n'est pas associé à un contraste entre l'aspect mat de ce grand rebord et l'aspect brillant du contenant lisse ; qu'au surplus ces assiettes creuses ne rendent aucun effet de cassure au niveau de l'aile ; que comme le pot de la collection Bantu figurant en pièce 25 de la société Soler Hispania, le bol en porcelaine dessiné par la créatrice allemande Stefanie Z... pour la collection Diaphane 1998 de la société D..., tel qu'il est reproduit sur les documents versés aux débats, ne comporte, par définition, aucun rebord ; que le large rebord de la petite coupe de la collection Diaphane sus-visée ne présente aucun effet de cassure au niveau de l'aile ; que les autres articles de table de cette créatrice ne présentent pas de fines stries concentriques mais d'épaisses nervures espacées les unes des autres ; qu'au surplus il n'apparaît pas que ces articles jouent, comme les modèles de la gamme 'Hémisphère', sur le contraste entre l'aspect mat du biscuit et l'aspect brillant de la porcelaine émaillée ; que contrairement à ce qu'affirment les intimées, la société Établissements Coquet ne revendique pas la protection d'un genre qui serait constitué d'articles de vaisselle à large bord orné de stries ; que la société Établissements Coquet invoque des droits d'auteur sur des modèles originaux du fait de la réunion en combinaison d'éléments qu'elle détaille et qui ne réduisent pas aux stries sur les larges rebord de ses assiettes ou soucoupes ; que le grand nombre d'éléments de comparaison versés aux débats révèle que si chacun des éléments de la combinaison revendiquée par la société Établissements Coquet est connu de longue date en lui-même, la combinaison particulière de ces éléments isolément banals, confère au tout un aspect d'ensemble traduisant un effort créatif, propre à conférer aux modèles en cause une originalité les rendant dignes de la protection au titre des droits d'auteur ; qu'il importe peu que postérieurement à la création de ces modèles originaux, de nombreux fabricants et distributeurs aient entendu offrir à la clientèle des articles de vaisselle identiques ou similaires ; que par ailleurs, la société Soler Hispania n'est pas fondée à dénier l'originalité de ces modèles en faisant valoir que la partie émaillée du contenant répond à une nécessité fonctionnelle ; qu'en effet, s'agissant d'articles d'art appliqué, les modèles en cause répondent nécessairement à leur fonction à laquelle, du fait du parti pris esthétique adopté, ils ne se réduisent pas ; que la titularité des droits de la société Établissements Coquet sur les modèles originaux en cause n'étant pas contestée, cette société est recevable à agir en contrefaçon ;
Sur la contrefaçon : que la société Établissements Coquet a fait saisir le 19 mai 2011 au siège de la société CLS des assiettes creuses et plates ainsi que des soucoupes et tasses à café achetées par celle-ci, courant 2007 et 2008, à la société Viejo Valle aux droits de laquelle vient la société Soler Hispania ; (
) qu'en revanche, (
) les assiettes plates et creuses ainsi que les soucoupes de la collection Nilo apparaissent comme la reproduction quasi servile des assiettes et soucoupes de la gamme 'Hémisphère' reprenant en combinaison : - pour le décor : une aile mate en biscuit gravée de fines stries concentriques, avec un espacement minimal entre elles et un relief marqué ; un bassin lisse et émaillé ; un effet de contraste entre un pourtour mat et strié et une partie 'contenante' brillante et lisse, - pour la forme : la proportion inhabituelle entre un bassin de taille réduite et des ailes larges, les assiettes creuses, présentant en outre un effet de cassure entre le bassin et l'aile placé à l'horizontale ; que les opérations de saisie-contrefaçon ont permis d'établir la vente et l'achat par les intimées des modèles contrefaisants, les propres pièces de la société CLS, dont l'activité n'est pas la vente de vaisselle mais la location, permettant d'établir que celle-ci a continué à les proposer à sa clientèle après l'ouverture de son redressement judiciaire puis l'arrêt de son plan ; qu'en important et commercialisant les dits articles, la société Soler Hispania et la société CLS ont commis les actes de contrefaçon qui leur sont reprochés » ;
1°) ALORS QU'une oeuvre de l'esprit n'est protégeable au titre de la propriété littéraire et artistique que pour autant qu'elle constitue une oeuvre originale, c'est-à-dire qu'elle porte l'empreinte de la personnalité de son auteur ; que l'originalité d'une oeuvre de l'esprit ne se déduit pas de l'absence d'antériorité, laquelle est inopérante en matière de droit d'auteur ; qu'en retenant, pour juger que les modèles d'assiette, de soucoupe et de tasse à café de la gamme Hémisphère étaient originaux, que le grand nombre d'éléments de comparaison versés aux débats révèle que la combinaison particulière de ces éléments isolément banals, confère au tout un aspect d'ensemble traduisant un effort créatif, la cour d'appel, qui a ainsi déduit le caractère nouveau des modèles litigieux de l'absence de modèles antérieurs préexistants, a violé l'article L. 112-1 du code de la propriété intellectuelle ;
2°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QU'une oeuvre de l'esprit n'est protégeable au titre de la propriété littéraire et artistique que pour autant qu'elle constitue une oeuvre originale, c'est-à-dire qu'elle porte l'empreinte de la personnalité de son auteur ; qu'en se bornant, pour juger que les modèles d'assiette, de soucoupe et de tasse à café de la gamme Hémisphère étaient originaux, à retenir que la combinaison particulière d'éléments isolément banals – à savoir pour le décor : une aile mate en biscuit gravée de fines stries concentriques, avec un espacement minimal entre elles et un relief marqué ; un bassin lisse et émaillé ; un effet de contraste entre un pourtour mat et strié et une partie « contenante » brillante et lisse ; et pour la forme : une proportion inhabituelle entre un bassin de taille réduite et des ailes larges – conférait au tout un aspect d'ensemble traduisant un effort créatif, sans faire ressortir en quoi ladite combinaison exprimait l'empreinte de la personnalité de son auteur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 112-1 du code de la propriété intellectuelle ;
3°) ALORS QU'une oeuvre de l'esprit n'est protégeable au titre de la propriété littéraire et artistique que pour autant qu'elle constitue une oeuvre originale, c'est-à-dire qu'elle porte l'empreinte de la personnalité de son auteur ; que si l'originalité d'une oeuvre ne peut se déduire d'une absence d'antériorité, en revanche une oeuvre est nécessairement dépourvue de tout caractère original en présence d'un modèle antérieur reproduisant, dans une combinaison identique, l'ensemble de ses caractéristiques ; que pour retenir l'originalité des assiettes plates et soucoupes de la gamme Hémisphère des établissements Coquet, la cour d'appel a jugé que leur combinaison particulière d'éléments isolément banals – à savoir pour le décor : une aile mate en biscuit gravée de fines stries concentriques, avec un espacement minimal entre elles et un relief marqué ; un bassin lisse et émaillé ; un effet de contraste entre un pourtour mat et strié et une partie « contenante » brillante et lisse ; et pour la forme : une proportion inhabituelle entre un bassin de taille réduite et des ailes larges – conférait au tout un aspect d'ensemble traduisant un effort créatif ; qu'en se bornant, pour statuer ainsi, à relever que le modèle antérieur de petite coupe de la collection Diaphane 1998 réalisé par la créatrice allemande Stefanie Z... pour la société D..., ne présentait aucun effet de cassure au niveau de l'aile, élément correspondant selon elle à une caractéristique originale propre à l'assiette creuse de la collection Hémisphère, sans rechercher, comme il lui était demandé, si ce modèle de petite coupe ne reproduisait pas, dans la même combinaison, l'ensemble des caractéristiques originales précitées des assiettes et soucoupes de la collection Hémisphère, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 112-1 du code de la propriété intellectuelle ;
4°) ALORS QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les éléments de la cause ; que selon le descriptif donné par le catalogue de la société D... de 1998, seul le fond étroit de la petite coupe réalisée par Stefanie Z... est émaillé ; qu'à supposer que la cour d'appel ait considéré que ce modèle, à la différence de ceux de la gamme Hémisphère des établissements Coquet, ne joue pas sur le contraste entre l'aspect mat du biscuit et l'aspect brillant de la porcelaine émaillée, elle aurait alors dénaturé ledit catalogue en violation de l'article 1134 du code civil.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la société CLS et la société Soler Hispania ont en outre commis au préjudice de la société les établissements Coquet des actes de concurrence déloyale, et d'avoir, en conséquence, ayant condamné la société Soler Hispania à payer à la société les établissements Coquet la somme de 50 000 euros à ce titre, condamné la société CLS pour moitié, in solidum avec la société Soler Hispania, au paiement de ces dommages-intérêts, d'avoir débouté la société CLS de ses demandes de dommages-intérêts et de garantie, d'avoir interdit à la société CLS et à la société Soler Hispania de poursuivre leurs agissements sous astreinte de 500 euros par infraction constatée passé le délai de quinze jours à compter de la signification du présent arrêt, d'avoir ordonné la confiscation, aux fins de destruction sous contrôle d'huissier de justice aux frais in solidum de la société CLS et de la société Soler Hispania, de l'intégralité des stocks de produits, conditionnements, étiquettes, supports de vente ou de publicité de la gamme Diva/Nilo dont les dites sociétés se trouveraient en possession passé le délai de quinze jours à compter de la signification du présent arrêt, d'avoir autorisé la société les établissements Coquet à publier le dispositif du présent arrêt, en entier ou par extraits, dans trois journaux ou revues de son choix aux frais in solidum de la société CLS et de la société Soler Hispania sans que le coût global de ces publications n'excède la somme de 21 000 euros HT et d'avoir condamné « solidairement » la société CLS et la société Soler Hispania à payer à la société les établissements Coquet la somme de 15 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'instance et d'appel ;
AUX MOTIFS QUE « sur la concurrence déloyale : que la société Etablissements Coquet établit que les sociétés Soler Hispania et CLS ont commercialisé les articles contrefaisants dans les mêmes formats que ceux proposés par la société Établissements Coquet pour sa gamme « Hémisphère » en créant un effet de gamme ; qu'une telle déclinaison des articles contrefaisants susceptible d'accroître la confusion dans l'esprit de la clientèle, caractérise des actes distincts de la contrefaçon constitutifs de concurrence déloyale ; (
) que le préjudice subi au titre de la concurrence déloyale tient au trouble commercial certain causé par l'effet de gamme créé par la société Soler Hispania et la société CLS qui ont offert à bas coût une gamme de substitution à la gamme Hémisphère de la société Etablissements Coquet ; que la cour évalue la réparation de ce préjudice à la somme de 50 000 euros » ; (arrêt p.10 et 12)
1°) ALORS QU'une faute de concurrence déloyale suppose une volonté de nuire de la part de celui à laquelle elle est imputée ; qu'en retenant que la société CLS avait commis des actes de concurrence déloyale au préjudice des établissements Coquet, sans relever que la première aurait cherché à nuire à la seconde, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil désormais codifié à l'article 1240 du même code ;
2°) ALORS QUE le fait de commercialiser une gamme de produits se rapprochant par leur composition d'une gamme de produits concurrents ne suffit pas à caractériser un acte de concurrence déloyale ; qu'en se fondant, pour retenir l'existence d'actes de concurrence déloyale, sur la seule circonstance que les sociétés CLS et Soler Hispania avaient commercialisé les articles contrefaisants dans les mêmes formats que ceux de la gamme Hémisphère, à savoir trois formats d'assiette plate et trois formats d'assiette creuse, ce qui accroît la confusion dans l'esprit de la clientèle en créant un effet de gamme, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil, désormais codifié à l'article 1240 du même code ;
3°) ALORS QUE la vente d'un produit contrefait à bas coût ne caractérise aucune faute distincte de la contrefaçon ; qu'à supposer que la cour d'appel se soit fondée, pour retenir l'existence d'actes de concurrence déloyale, sur la circonstance que les produits de la gamme Diva/Nilo auraient été commercialisés à bas coût, la cour d'appel a statué par un motif impropre en violation de l'article 1382 du code civil, désormais codifié à l'article 1240 du même code.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE)
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société CLS de sa demande de garantie dirigée contre la société Soler Hispania ;
AUX MOTIFS QUE « sur (la) demande(
) de garantie de la société CLS : que la société CLS qui ne saurait se faire garantir de ses propres fautes, n'est pas fondée à se voir garantir par son fournisseur des condamnations prononcées à son encontre au titre d'une commercialisation qu'elle a poursuivie en toute connaissance des produits contrefaits notamment après la saisie-contrefaçon pratiquée à son encontre ; qu'elle sera déboutée de sa demande tendant à se voir garantir par la société Soler Hispania » ; (arrêt p.13)
1°) ALORS QUE le juge ne peut fonder sa décision sur des moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en jugeant, pour débouter la société CLS de sa demande de garantie dirigée à l'encontre de la société Soler Hispania, que la faute de la première, consistant à avoir poursuivi la location des produits contrefaisants en toute connaissance de cause, notamment après la saisie contrefaçon réalisée par les établissements Coquet le 19 mai 2011, lui interdisait de solliciter la garantie de la seconde auprès de laquelle elle a acquis les produits contrefaisants en 2007 et 2008, la cour d'appel, qui n'a pas invité les parties à présenter leurs observations sur ce moyen de droit tiré d'une faute qui aurait été propre à la société CLS, a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
2°) ALORS A TITRE SUBSIDIAIRE, QUE tout jugement doit être motivé ; qu'en se bornant à affirmer, pour débouter intégralement la société CLS de sa demande de garantie, que celle-ci aurait poursuivi la location des produits contrefaisants en toute connaissance de cause, notamment après la saisie-contrefaçon pratiquée par les établissements Coquet le 19 mai 2011, sans indiquer les éléments de preuve lui permettant de tenir pour établi de tels faits, non spécialement invoqués par les parties et expressément contestés par la société CLS, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QU'en déboutant la société CLS de sa demande de garantie au motif qu'elle aurait poursuivi la location des produits contrefaisants en toute connaissance de cause, sans préciser, pour la période antérieure à la saisie contrefaçon réalisée par les établissements Coquet le 19 mai 2011, la date à laquelle cette société avait effectivement eu connaissance du fait que cette commercialisation était susceptible de porter atteinte aux droits de propriété intellectuelle des établissements Coquet, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil.