Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 24 octobre 2018, 17-25.672, Publié au bulletin
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 24 octobre 2018, 17-25.672, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre commerciale
- N° de pourvoi : 17-25.672
- ECLI:FR:CCASS:2018:CO00853
- Publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
Audience publique du mercredi 24 octobre 2018
Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, du 22 juin 2017- Président
- Mme Riffault-Silk (conseiller doyen faisant fonction de président)
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que souhaitant participer au congrès annuel de l'Association dentaire française (l'ADF) qui devait se tenir du 24 au 27 novembre 2010, la société Editions CRG (la société CRG) lui a adressé, le 14 janvier 2010, une "demande d'admission" assortie d'un acompte ; que, bien qu'ayant payé l'acompte exigé, elle s'est vu notifier, le 9 juillet 2010, un refus d'admission au congrès ; que reprochant à l'ADF d'avoir manqué à son engagement contractuel en refusant de lui fournir un stand, lors du congrès de novembre 2010, et invoquant, en outre, la rupture brutale de la relation commerciale établie qu'elle entretenait avec cette association depuis 1997, la société CRG l'a assignée en indemnisation de ses préjudices ;
Sur le second moyen :
Attendu que la société CRG fait grief à l'arrêt d'écarter sa demande d'indemnisation pour discrimination alors, selon le moyen :
1°/ que le principe de non-discrimination s'applique aux rapports de droit privé ; qu'en considérant que les nouveaux règlements d'exposition conféraient un droit discrétionnaire d'admission au profit de l'organisateur, quand ce règlement ne pouvait justifier que l'organisateur prenne des décisions discriminatoires à l'égard de quiconque, la cour d'appel a violé l'article 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
2°/ que le principe de non-discrimination interdit les discriminations à raison de l'exercice des libertés d'opinion et d'expression ; que la société CRG soutenait que la raison de son exclusion des congrès organisés par l'ADF tenait à ses divergences de points de vue sur la transparence de la provenance des prothèses dentaires ; qu'en considérant que ce n'était pas ce discours tenu par la société CRG qui justifiait son éviction mais, selon l'organisateur, la manière dont elle exprimait cette opinion, sur un mode vindicatif et agressif, sans vérifier toutefois la réalité de cette allégation et, conséquemment, si ce n'était pas les opinions soutenues par la société CRG qui avait été le motif réel de son exclusion, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu qu'après avoir relevé que le motif d'exclusion de la société CRG n'était pas fondé sur ses opinions, au demeurant non politiques, mais sur leur mode d'expression, considéré par l'ADF comme agressif et vindicatif, l'arrêt retient qu'aucune discrimination n'est établie ; que par ces seuls motifs, la cour d'appel, qui a effectué la recherche prétendument omise, a légalement justifié sa décision ; que le moyen, qui attaque des motifs surabondants en sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
Mais sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, et l'article L. 442-6, I, 5°, du code de commerce ;
Attendu que pour rejeter la demande indemnitaire présentée au titre de la rupture brutale d'une relation commerciale établie, l'arrêt retient que l'article L. 442-6, I, 5°, du code de commerce institue une responsabilité de nature délictuelle et en déduit qu'en raison du principe de non-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle, la société CRG, qui a agi sur le terrain de la responsabilité contractuelle, et dont les demandes ont été partiellement accueillies, ne peut former une demande indemnitaire fondée sur la responsabilité délictuelle à raison des mêmes faits, à savoir le refus d'attribution d'un stand en 2010 ;
Qu'en statuant ainsi, alors que ce principe interdit seulement au créancier d'une obligation contractuelle de se prévaloir, contre le débiteur de cette obligation, des règles de la responsabilité délictuelle et n'interdit pas la présentation d'une demande distincte, fondée sur l'article L. 442-6, I, 5°, du code de commerce, qui tend à la réparation d'un préjudice résultant non pas d'un manquement contractuel mais de la rupture brutale d'une relation commerciale établie, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande indemnitaire de la société Editions CRG formée contre l'Association dentaire française au titre de la rupture brutale d'une relation commerciale établie, l'arrêt rendu le 22 juin 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne l'Association dentaire française aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société Editions CRG la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre octobre deux mille dix-huit.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, avocat aux Conseils, pour la société Editions CRG
PREMIER MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué d'écarter la demande d'indemnisation du préjudice subi par la société Editions CRG au titre de la rupture brutales de relations commerciales établies avec l'ADF ;
AUX MOTIFS QUE le mécanisme spécifique de responsabilité instauré par l'article L442-6-I-5° du code de commerce, même s'il peut concerner une relation commerciale nouée entre des parties par un ou plusieurs contrat(s), transcende la notion de contrat, en ce qu'il vise le courant d'affaires les liant au sens économique du terme, dont il sanctionne la rupture brutale, et la responsabilité qui en découle est donc bien de nature délictuelle et non contractuelle ; que par suite, en raison du principe de non cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle, CRG ayant agi sur le terrain de la responsabilité contractuelle et voyant d'ailleurs son action accueillie pour partie, ne pourra qu'être déboutée de sa demande indemnitaire fondée sur la responsabilité délictuelle à raison des mêmes faits, à savoir le refus d'attribution d'un stand en 2010, comme l'ont exactement apprécié les premiers juges ; qu'en effet, c'est vainement que CRG soutient que le fait générateur de la responsabilité contractuelle (la non-exécution du contrat 2010) serait distinct de celui de la responsabilité fondée sur l'article L. 442-6-
I-5° du code de commerce (la rupture brutale d'une relation commerciale vieille de 14 années), dès lors que c'est le refus d'attribution du stand en 2010 en violation du contrat qui est constitutif de la rupture alléguée, après 13 années de présence au congrès ; que concernant les refus d'attribution de stand pour les années 2011 à 2016, pour lesquels aucun contrat ne s'est formé, le fait générateur de responsabilité serait le refus de 2011, or, à cette date, CRG ne justifie pas d'une relation commerciale établie au sens du texte susvisé avec ADF, auquel ce texte est bien applicable en ce qu'elle fait des actes de commerce, peu important qu'elle soit une association, à tout le moins dans la mesure où à cette date la relation des parties était interrompue depuis deux ans (arrêt attaqué, p. 8) ;
1°) ALORS QUE le principe de non cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle ne peut faire échec à la responsabilité légale d'ordre public imposant la réparation de la rupture brutale de relations commerciales établies ; qu'en considérant qu'en raison de ce principe, la société CRG ne pourra qu'être déboutée de sa demande indemnitaire fondée sur la responsabilité délictuelle à raison des mêmes faits dès lors qu'elle avait agi sur le terrain de la responsabilité contractuelle, la cour d'appel a violé l'article L. 442-6-I-5° du code de commerce ;
2°) ALORS en tout état de cause QUE le principe de non cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle interdit seulement au créancier d'une obligation contractuelle de se prévaloir, contre le débiteur de cette obligation, des règles de la responsabilité délictuelle ; qu'un tel moyen de défense ne fait pas obstacle à ce qu'une partie contractante sollicite l'indemnisation du dommage causé par la rupture brutale de relations commerciales établies, lequel dommage résulte de la privation illicite de la durée d'un préavis nécessaire, lorsqu'une telle demande repose sur des faits distincts de celle procédant de la rupture de la relation contractuelle ; que selon l'arrêt attaqué, le manquement contractuel de l'ADF, qui a fait l'objet d'une l'indemnisation, résultait de la violation du contrat qui s'est formé le 21 janvier 2010 par lequel elle s'engageait à attribuer à la société Editions CRG un stand pour le congrès de novembre 2010 tandis que cette dernière sollicitait par ailleurs la réparation de la privation du délai de préavis auquel elle avait droit compte tenu de l'ancienneté des relations commerciales établies d'une durée de 13 ans ; qu'en estimant que le principe de non cumul des responsabilités s'opposait à l'examen de la demande au titre de la rupture de relations commerciales établies au motif que c'est le refus d'attribution du stand en 2010 en violation du contrat qui est constitutif de la rupture alléguée, après treize années de présence aux congrès organisés par l'ADF, alors que les deux demandes d'indemnisation étaient distinctes, la cour d'appel a violé le principe précité, ensemble l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause, et l'article L. 442-6-I-5° du code de commerce ;
3°) ALORS QUE l'existence d'une relation commerciale établie s'apprécie au jour de sa rupture brutale alléguée ; que la société Editions CRG soutenait qu'elle nouait avec l'ADF une relation commerciale établie par sa participation ininterrompue depuis 14 ans aux congrès qu'elle organisait annuellement lorsque le 9 juillet 2010, celle-ci avait mis fin à leur rapport sans préavis ; qu'en se plaçant en 2011 pour conclure qu'il n'existait plus de relation commerciale établie entre les parties à cette date, au lieu du 9 juillet 2010, date à laquelle elle devait s'interroger sur le délai de préavis que l'ADF aurait dû respecter avant de refuser toute participation de la société Editions CRG aux congrès qu'elle organisait, la cour d'appel a violé l'article L. 442-6-I-5° du code de commerce.
SECOND MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué d'écarter la demande d'indemnisation pour discrimination ;
AUX MOTIFS QUE CRG ne pourra davantage voir aboutir ses demandes indemnitaires à raison d'une discrimination en raison de se prétendues opinions politiques, compte tenu de ce que pour le refus de 2010, cette demande tombe sous la coupe de l'interdiction de cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle, et pour les années de 2011 à 2016 d'une part, l'ADF jouissait d'un pouvoir discrétionnaire pour choisir les participants au congrès, conformément aux règlements d'exposition modifiés en ce sens, et d'autre part en toutes hypothèses, aucune discrimination prohibée au sens des textes invoqués n'est établie, le motif d'exclusion de CRG n'étant ses opinions au demeurant non politiques, mais leur mode d'expression, considéré par ADF comme agressif et vindicatif, outre l'existence du présent contentieux judiciaire opposant les parties depuis 2010 (arrêt attaqué, p. 10) ;
1°) ALORS QUE le principe de non-discrimination s'applique aux rapports de droit privé ; qu'en considérant que les nouveaux règlements d'exposition conféraient un droit discrétionnaire d'admission au profit de l'organisateur, quand ce règlement ne pouvait justifier que l'organisateur prenne des décisions discriminatoires à l'égard de quiconque, la cour d'appel a violé l'article 14 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
2°) ALORS QUE le principe de non-discrimination interdit les discrimination à raison de l'exercice des libertés d'opinion et d'expression ; que la société Editions CRG soutenait que la raison de son exclusion des congrès organisés par l'ADF tenait à ses divergences de points de vue sur la transparence de la provenance des prothèses dentaires ; qu'en considérant que ce n'était pas ce discours tenu par la société Editions CRG qui justifiait son éviction mais, selon l'organisateur, la manière dont elle exprimait cette opinion, sur un mode vindicatif et agressif, sans vérifier toutefois la réalité de cette allégation et, conséquemment, si ce n'était pas les opinions soutenues par la société Editions CRG qui avait été le motif réel de son exclusion, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 14 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.ECLI:FR:CCASS:2018:CO00853
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que souhaitant participer au congrès annuel de l'Association dentaire française (l'ADF) qui devait se tenir du 24 au 27 novembre 2010, la société Editions CRG (la société CRG) lui a adressé, le 14 janvier 2010, une "demande d'admission" assortie d'un acompte ; que, bien qu'ayant payé l'acompte exigé, elle s'est vu notifier, le 9 juillet 2010, un refus d'admission au congrès ; que reprochant à l'ADF d'avoir manqué à son engagement contractuel en refusant de lui fournir un stand, lors du congrès de novembre 2010, et invoquant, en outre, la rupture brutale de la relation commerciale établie qu'elle entretenait avec cette association depuis 1997, la société CRG l'a assignée en indemnisation de ses préjudices ;
Sur le second moyen :
Attendu que la société CRG fait grief à l'arrêt d'écarter sa demande d'indemnisation pour discrimination alors, selon le moyen :
1°/ que le principe de non-discrimination s'applique aux rapports de droit privé ; qu'en considérant que les nouveaux règlements d'exposition conféraient un droit discrétionnaire d'admission au profit de l'organisateur, quand ce règlement ne pouvait justifier que l'organisateur prenne des décisions discriminatoires à l'égard de quiconque, la cour d'appel a violé l'article 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
2°/ que le principe de non-discrimination interdit les discriminations à raison de l'exercice des libertés d'opinion et d'expression ; que la société CRG soutenait que la raison de son exclusion des congrès organisés par l'ADF tenait à ses divergences de points de vue sur la transparence de la provenance des prothèses dentaires ; qu'en considérant que ce n'était pas ce discours tenu par la société CRG qui justifiait son éviction mais, selon l'organisateur, la manière dont elle exprimait cette opinion, sur un mode vindicatif et agressif, sans vérifier toutefois la réalité de cette allégation et, conséquemment, si ce n'était pas les opinions soutenues par la société CRG qui avait été le motif réel de son exclusion, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu qu'après avoir relevé que le motif d'exclusion de la société CRG n'était pas fondé sur ses opinions, au demeurant non politiques, mais sur leur mode d'expression, considéré par l'ADF comme agressif et vindicatif, l'arrêt retient qu'aucune discrimination n'est établie ; que par ces seuls motifs, la cour d'appel, qui a effectué la recherche prétendument omise, a légalement justifié sa décision ; que le moyen, qui attaque des motifs surabondants en sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
Mais sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, et l'article L. 442-6, I, 5°, du code de commerce ;
Attendu que pour rejeter la demande indemnitaire présentée au titre de la rupture brutale d'une relation commerciale établie, l'arrêt retient que l'article L. 442-6, I, 5°, du code de commerce institue une responsabilité de nature délictuelle et en déduit qu'en raison du principe de non-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle, la société CRG, qui a agi sur le terrain de la responsabilité contractuelle, et dont les demandes ont été partiellement accueillies, ne peut former une demande indemnitaire fondée sur la responsabilité délictuelle à raison des mêmes faits, à savoir le refus d'attribution d'un stand en 2010 ;
Qu'en statuant ainsi, alors que ce principe interdit seulement au créancier d'une obligation contractuelle de se prévaloir, contre le débiteur de cette obligation, des règles de la responsabilité délictuelle et n'interdit pas la présentation d'une demande distincte, fondée sur l'article L. 442-6, I, 5°, du code de commerce, qui tend à la réparation d'un préjudice résultant non pas d'un manquement contractuel mais de la rupture brutale d'une relation commerciale établie, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande indemnitaire de la société Editions CRG formée contre l'Association dentaire française au titre de la rupture brutale d'une relation commerciale établie, l'arrêt rendu le 22 juin 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne l'Association dentaire française aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société Editions CRG la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre octobre deux mille dix-huit.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, avocat aux Conseils, pour la société Editions CRG
PREMIER MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué d'écarter la demande d'indemnisation du préjudice subi par la société Editions CRG au titre de la rupture brutales de relations commerciales établies avec l'ADF ;
AUX MOTIFS QUE le mécanisme spécifique de responsabilité instauré par l'article L442-6-I-5° du code de commerce, même s'il peut concerner une relation commerciale nouée entre des parties par un ou plusieurs contrat(s), transcende la notion de contrat, en ce qu'il vise le courant d'affaires les liant au sens économique du terme, dont il sanctionne la rupture brutale, et la responsabilité qui en découle est donc bien de nature délictuelle et non contractuelle ; que par suite, en raison du principe de non cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle, CRG ayant agi sur le terrain de la responsabilité contractuelle et voyant d'ailleurs son action accueillie pour partie, ne pourra qu'être déboutée de sa demande indemnitaire fondée sur la responsabilité délictuelle à raison des mêmes faits, à savoir le refus d'attribution d'un stand en 2010, comme l'ont exactement apprécié les premiers juges ; qu'en effet, c'est vainement que CRG soutient que le fait générateur de la responsabilité contractuelle (la non-exécution du contrat 2010) serait distinct de celui de la responsabilité fondée sur l'article L. 442-6-
I-5° du code de commerce (la rupture brutale d'une relation commerciale vieille de 14 années), dès lors que c'est le refus d'attribution du stand en 2010 en violation du contrat qui est constitutif de la rupture alléguée, après 13 années de présence au congrès ; que concernant les refus d'attribution de stand pour les années 2011 à 2016, pour lesquels aucun contrat ne s'est formé, le fait générateur de responsabilité serait le refus de 2011, or, à cette date, CRG ne justifie pas d'une relation commerciale établie au sens du texte susvisé avec ADF, auquel ce texte est bien applicable en ce qu'elle fait des actes de commerce, peu important qu'elle soit une association, à tout le moins dans la mesure où à cette date la relation des parties était interrompue depuis deux ans (arrêt attaqué, p. 8) ;
1°) ALORS QUE le principe de non cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle ne peut faire échec à la responsabilité légale d'ordre public imposant la réparation de la rupture brutale de relations commerciales établies ; qu'en considérant qu'en raison de ce principe, la société CRG ne pourra qu'être déboutée de sa demande indemnitaire fondée sur la responsabilité délictuelle à raison des mêmes faits dès lors qu'elle avait agi sur le terrain de la responsabilité contractuelle, la cour d'appel a violé l'article L. 442-6-I-5° du code de commerce ;
2°) ALORS en tout état de cause QUE le principe de non cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle interdit seulement au créancier d'une obligation contractuelle de se prévaloir, contre le débiteur de cette obligation, des règles de la responsabilité délictuelle ; qu'un tel moyen de défense ne fait pas obstacle à ce qu'une partie contractante sollicite l'indemnisation du dommage causé par la rupture brutale de relations commerciales établies, lequel dommage résulte de la privation illicite de la durée d'un préavis nécessaire, lorsqu'une telle demande repose sur des faits distincts de celle procédant de la rupture de la relation contractuelle ; que selon l'arrêt attaqué, le manquement contractuel de l'ADF, qui a fait l'objet d'une l'indemnisation, résultait de la violation du contrat qui s'est formé le 21 janvier 2010 par lequel elle s'engageait à attribuer à la société Editions CRG un stand pour le congrès de novembre 2010 tandis que cette dernière sollicitait par ailleurs la réparation de la privation du délai de préavis auquel elle avait droit compte tenu de l'ancienneté des relations commerciales établies d'une durée de 13 ans ; qu'en estimant que le principe de non cumul des responsabilités s'opposait à l'examen de la demande au titre de la rupture de relations commerciales établies au motif que c'est le refus d'attribution du stand en 2010 en violation du contrat qui est constitutif de la rupture alléguée, après treize années de présence aux congrès organisés par l'ADF, alors que les deux demandes d'indemnisation étaient distinctes, la cour d'appel a violé le principe précité, ensemble l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause, et l'article L. 442-6-I-5° du code de commerce ;
3°) ALORS QUE l'existence d'une relation commerciale établie s'apprécie au jour de sa rupture brutale alléguée ; que la société Editions CRG soutenait qu'elle nouait avec l'ADF une relation commerciale établie par sa participation ininterrompue depuis 14 ans aux congrès qu'elle organisait annuellement lorsque le 9 juillet 2010, celle-ci avait mis fin à leur rapport sans préavis ; qu'en se plaçant en 2011 pour conclure qu'il n'existait plus de relation commerciale établie entre les parties à cette date, au lieu du 9 juillet 2010, date à laquelle elle devait s'interroger sur le délai de préavis que l'ADF aurait dû respecter avant de refuser toute participation de la société Editions CRG aux congrès qu'elle organisait, la cour d'appel a violé l'article L. 442-6-I-5° du code de commerce.
SECOND MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué d'écarter la demande d'indemnisation pour discrimination ;
AUX MOTIFS QUE CRG ne pourra davantage voir aboutir ses demandes indemnitaires à raison d'une discrimination en raison de se prétendues opinions politiques, compte tenu de ce que pour le refus de 2010, cette demande tombe sous la coupe de l'interdiction de cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle, et pour les années de 2011 à 2016 d'une part, l'ADF jouissait d'un pouvoir discrétionnaire pour choisir les participants au congrès, conformément aux règlements d'exposition modifiés en ce sens, et d'autre part en toutes hypothèses, aucune discrimination prohibée au sens des textes invoqués n'est établie, le motif d'exclusion de CRG n'étant ses opinions au demeurant non politiques, mais leur mode d'expression, considéré par ADF comme agressif et vindicatif, outre l'existence du présent contentieux judiciaire opposant les parties depuis 2010 (arrêt attaqué, p. 10) ;
1°) ALORS QUE le principe de non-discrimination s'applique aux rapports de droit privé ; qu'en considérant que les nouveaux règlements d'exposition conféraient un droit discrétionnaire d'admission au profit de l'organisateur, quand ce règlement ne pouvait justifier que l'organisateur prenne des décisions discriminatoires à l'égard de quiconque, la cour d'appel a violé l'article 14 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
2°) ALORS QUE le principe de non-discrimination interdit les discrimination à raison de l'exercice des libertés d'opinion et d'expression ; que la société Editions CRG soutenait que la raison de son exclusion des congrès organisés par l'ADF tenait à ses divergences de points de vue sur la transparence de la provenance des prothèses dentaires ; qu'en considérant que ce n'était pas ce discours tenu par la société Editions CRG qui justifiait son éviction mais, selon l'organisateur, la manière dont elle exprimait cette opinion, sur un mode vindicatif et agressif, sans vérifier toutefois la réalité de cette allégation et, conséquemment, si ce n'était pas les opinions soutenues par la société Editions CRG qui avait été le motif réel de son exclusion, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 14 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.