Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 3 octobre 2018, 17-21.231, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article 1524, alinéa 1er, du code civil, ensemble l'article 2284 du même code ;

Attendu que l'obligation, pour l'époux attributaire de la totalité de la communauté, d'en acquitter toutes les dettes, n'a pas pour effet de soustraire le patrimoine propre de l'époux prédécédé qui s'est personnellement engagé à l'égard du créancier, du droit de gage général que l'article 2284 du code civil reconnaît à ce dernier ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par acte authentique du 5 mai 2006, la société Caisse régionale normande de financement (la société Norfi) a consenti à Régis X... et à Mme A..., mariés sous le régime de la communauté de biens réduite aux acquêts avec clause d'attribution intégrale de ladite communauté au conjoint survivant, un prêt destiné à financer l'acquisition d'un bien immobilier ; que Régis X... est décédé le [...] , laissant pour lui succéder son épouse et leurs deux enfants, Myriam et Maxime X... ; que des échéances du prêt étant demeurées impayées, la société Norfi a prononcé la déchéance du terme et inscrit des hypothèques judiciaires provisoires sur des biens et droits immobiliers appartenant à M. X..., dont il a demandé la mainlevée ;

Attendu que, pour accueillir sa demande, l'arrêt retient qu'au décès de Régis X..., Mme A... a bénéficié de l'attribution intégrale de l'actif et du passif de la communauté qui n'a pas été liquidée et que M. X... a accepté la succession de son père, dont l'actif se compose uniquement de biens propres, sans recueillir aucun élément de la communauté, de sorte que Mme A... étant seule débitrice du solde du prêt litigieux, qui est une dette de la communauté, la société Norfi ne justifie pas d'un principe de créance à l'encontre de celui-ci ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'en souscrivant le contrat de prêt, chacun des époux avait engagé, à l'égard du créancier, tant les biens communs que ses biens propres, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 mars 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois octobre deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la Caisse régionale normande de financement

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR ordonné la mainlevée des hypothèques judiciaires provisoires inscrites à la requête de la société NORFI pour garantie de la somme de 120.939,10 euros, le 12 janvier 2016, auprès du service de la publicité foncière de TOULON, 2ème bureau, sur les parts et portions de la nue-propriété, détenus par M. X... sur le bien immobilier situé sur la commune de SOLLIES-TOUCAS (83), les BAUMES, cadastré section [...] , et le 14 janvier 2016, auprès du service de la publicité foncière de TOULON, 1er bureau, sur le bien immobilier appartenant à M. Maxime X... et situé commune de LA SEYNE SUR MER (83) cadastré [...] lot n° 29, ainsi que sur les parts et portions détenus par ce dernier sur les biens immobiliers situés commune de LA SEYNE SUR MER (83), cadastrés [...] lots 8, 15 et 36,

AUX MOTIFS QUE « en vertu de l'article L 512-1 du code des procédures civiles d'exécution, même lorsqu'une mesure conservatoire a été pratiquée en application de l'article L 511-2 sans autorisation préalable du juge de l'exécution, ce dernier peut donner mainlevée de la mesure s'il apparaît que ne sont pas réunies les conditions prescrites par l'article L 511-1, lequel prévoit que toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter l'autorisation du juge de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, si elle justifie de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement, étant rappelé que la charge de la preuve de ces conditions cumulatives incombe au créancier ; qu'en l'espèce, la société NORFI a fait inscrire les hypothèques judiciaires provisoires litigieuses en se prévalant, en application de l'article 877 du Code Civil, de l'acte authentique de prêt reçu le 5 mai 2016 (sic), entre la société NORFI, d'une part, et M. Régis X... et Mme A... son épouse, d'autre part, lequel titre a été notifié le 17 décembre 2015 à M. Maxime X... en sa qualité d'héritier de Régis X... ; que si cet acte constitue un titre exécutoire encore faut-il qu'il contienne une créance à l'encontre de M. X... pour lui être opposé ; qu'il résulte des pièces produites aux débats que selon acte notarié reçu le 20 octobre 1988, et homologué par jugement rendu au mois d'avril 1989 par le Tribunal de Grande Instance de TOULON, M. Régis X... et son épouse, mariés depuis le 10 août 1974 sans contrat de mariage, ont adopté le régime de la communauté de biens réduite aux acquêts avec clause d'attribution intégrale de ladite communauté au conjoint survivant, faisant ainsi application de l'article 1524 du Code Civil qui précise, en son alinéa 1, que l'attribution de la communauté entière ne peut être convenue que pour le cas de survie, soit au profit d'un époux désigné, soit au profit de celui qui survivra quel qu'il soit, l'époux qui retient ainsi la totalité de la communauté étant obligé d'en acquitter toutes les dettes ; qu'il en résulte qu'au décès de Régis X... survenu le [...] , la communauté ayant existé entre les époux n'a pas été liquidée, Mme Georgette X... se voyant attribuer l'intégralité de l'actif et du passif de celle-ci, ainsi que rappelé à la déclaration de succession établie le 22 janvier 2007 ; que si M. X... est héritier de son père et a été appelé à la succession de celui-ci, laquelle était constituée de biens propres et des dettes de la succession s'élevant à la somme de 3.503 euros ainsi qu'il ressort de la déclaration de succession, il n'a pu recueillir, en application de la clause d'attribution intégrale de la communauté, aucun élément de la communauté, qu'il soit actif ou passif ; qu'il n'est pas discuté que le solde du prêt litigieux consenti pour acquérir un bien commun est une dette de la communauté ; or, qu'à ce jour, seule Mme veuve X... est débitrice des dettes de la communauté, à l'exclusion de ses deux enfants ; que les donations qu'elle a pu consentir à ces derniers, en 2009, de la nue-propriété de biens ayant composé la communauté et se trouvant dans son seul patrimoine à la suite du décès de son époux, n'ont pas eu pour effet de leur transmettre les dettes de la communauté ; qu'ainsi, la société NORFI ne justifie pas, à ce jour, en vertu de l'acte notarié reçu par Maître B... le 5 mai 2006, d'un principe de créance à l'encontre de M. X..., étant observé que la banque n'ignorait pas l'existence de la clause d'attribution intégrale de la communauté qui était rappelée en page deux de l'acte notarié ; que le jugement querellé doit par conséquent être infirmé et il sera ordonné mainlevée des hypothèques judiciaires provisoires inscrites sur les droits immobiliers détenus par M. X..., sans qu'il y ait lieu de statuer sur la recevabilité de la demande formée par ce dernier, à titre subsidiaire, sur le fondement de l'article 786 du Code Civil »,

ALORS QU'en s'engageant l'un et l'autre envers la société NORFI aux termes de l'acte authentique de prêt reçu le 5 mai 2006, Monsieur Régis X... et Madame A... son épouse, ont engagé envers leur créancier tant le patrimoine de la communauté, que chacun de leurs patrimoines propres ; que la circonstance que l'emprunt dont s'agit ait été souscrit en vue de financer l'acquisition d'un bien commun, et qu'en conséquence, cette dette incombe à la communauté, n'a pu avoir pour effet de soustraire le patrimoine propre de Monsieur X..., signataire de l'acte, au gage de la société NORFI son créancier, peu important que les époux aient adopté le régime de la communauté de biens réduite aux acquêts avec clause d'attribution intégrale de ladite communauté au conjoint survivant ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 1524 alinéa 1 du Code Civil ;

ET ALORS QU'il ressort de l'article 1122 ancien du Code Civil qu'on est censé avoir stipulé pour soi et pour ses héritiers et qu'il en résulte que ces derniers sont tenus des obligations de leur auteur ; qu'aux termes de l'article 1491 du Code civil, les héritiers des époux exercent, en cas de dissolution de la communauté, les mêmes droits que celui des époux qu'ils représentent et sont soumis aux mêmes obligations ; qu'enfin, l'article 1482 du Code Civil prévoit que chacun des époux peut être poursuivi pour la totalité des dettes existantes, au jour de la dissolution, qui étaient entrées en communauté de son chef ; qu'en retenant dès lors, alors même qu'il n'était pas contesté que Monsieur X... était lui-même signataire de l'acte de prêt reçu le 5 mai 2006, que l'attribution intégrale de la communauté à Madame A... son épouse et l'obligation lui incombant d'en acquitter toutes les dettes, aurait eu pour effet de décharger les héritiers de Monsieur X..., vis-à-vis de la société NORFI, de la dette que celui-ci avait personnellement souscrite envers celle-là, la Cour d'appel a violé, par refus d'application, les textes susvisés.ECLI:FR:CCASS:2018:C100917
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