Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 26 septembre 2018, 17-18.303, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Donne acte à M. X... et aux quatre-vingt-quatre autres demandeurs du désistement de leur pourvoi, sauf en ce qu'il est dirigé contre M. MMM... ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., cent-huit autres personnes physiques et sept personnes morales (les propriétaires bailleurs) ont acquis entre octobre 2005 et avril 2008, à titre d'investissement, des appartements destinés à la location pour des durées déterminées en meublés avec prestations para-hôtelières et ont consenti concomitamment des baux commerciaux pour une durée de neuf ans à la société Elithéa, preneur unique de l'ensemble, mandatée pour assurer la gestion des sous-locations ; qu'en novembre 2006, celle-ci a entendu céder l'ensemble des baux à la société MVM Eole Europe (société MVM) ; que M. MMM..., notaire à Nantes (le notaire), chargé de recevoir l'acte de cession, a informé les propriétaires bailleurs du projet pour les faire intervenir par mandataire à cet acte en vue de le leur rendre opposable sans signification conformément aux dispositions de l'article 1690, alinéa 2, du code civil ; qu'il a adressé à cette fin à chacun d'eux un formulaire de mandat à signer, ainsi qu'une notice de présentation élaborée par la société MVM dans laquelle celle-ci indiquait notamment souscrire un contrat d'assurance Insor/Gan garantissant, pendant trois ans, le règlement des loyers commerciaux aux propriétaires bailleurs quel que soit le taux d'occupation de la résidence ; que, le 29 juin 2007, le notaire a reçu la convention de cession des baux commerciaux ; qu'au cours de l'année 2009, les loyers ont cessé d'être réglés, d'abord partiellement, puis totalement à compter du troisième trimestre ; que la société MVM a été placée le 3 mars 2010 en redressement judiciaire, puis en liquidation judiciaire le 24 novembre suivant ; que lorsque les propriétaires bailleurs ont sollicité la mise en oeuvre de la garantie Insor/Gan, ils ont appris que celle-ci n'avait pas été souscrite ; qu'ils ont assigné le notaire en responsabilité et indemnisation ;

Sur le premier moyen :

Vu l'article 1382, devenu 1240 du code civil ;

Attendu que, pour rejeter l'action des propriétaires bailleurs, l'arrêt retient que rien n'établit que le notaire leur a donné à penser d'une manière ou d'une autre que la société MVM était assurée contre le risque de non-occupation des locaux loués ni que la croyance en une telle garantie a été une condition déterminante de leur consentement ;

Qu'en statuant ainsi, en subordonnant la responsabilité du notaire au fait que la croyance erronée des propriétaires bailleurs en l'existence d'une garantie locative ait constitué une condition déterminante de leur consentement, la cour d'appel a méconnu la portée de l'obligation d'information du notaire sur les risques des actes qu'il rédige et violé le texte susvisé ;

Et sur le troisième moyen :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu que, pour rejeter l'action des propriétaires bailleurs, après avoir constaté l'absence de vérification par le notaire de la souscription de l'assurance de versement des loyers par la société MVM et la mention erronée, dans le mandat confié par les propriétaires bailleurs, de l'existence d'une garantie solidaire du cédant, l'arrêt retient que ces fautes n'ont pas eu de conséquence sur l'opposabilité à ceux-ci de la cession des baux ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans répondre aux conclusions des propriétaires bailleurs qui soutenaient que la responsabilité du notaire était engagée en ce que ses manquements les avaient privés, faute d'être mieux informés, de la possibilité de se prémunir par eux-mêmes des risques pour lesquels ils pensaient être garantis, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le deuxième moyen :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il constate que M. et Mme WWW... ne forment aucune demande contre M. MMM..., l'arrêt rendu le 19 mai 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée ;

Condamne M. MMM... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à chacun des demandeurs la somme de 200 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six septembre deux mille dix-huit. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, avocat aux Conseils, pour M. X... et les quatre-vingt-quatre autres demandeurs

PREMIER MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR rejeté l'action en responsabilité de M. et Mme E..., M. et Mme I..., M. II..., M. et Mme RRRR... , M. et Mme PP..., la société Sarl Leuhrek, M. et Mme XX..., Mme CC..., M. CCC..., la société Sarl Janmic, M. et Mme HHH..., M. et Mme JJ..., Mme RR..., M. UU..., M. VV..., les ayants droits de M. XXX..., M. et Mme FFF... et M. et Mme NN... à l'encontre de Me MMM... ;

AUX MOTIFS QUE les intimés recherchent la responsabilité civile professionnelle de Me Jean-Claude MMM... en faisant valoir que les manquements commis par celui-ci à ses obligations à l'occasion de la réception, par l'acte authentique du 29 juin 2007, de la cession des baux commerciaux portant sur les appartements dont ils sont propriétaires, ont causé pour eux la perte de loyers pour un montant total déclaré à hauteur de 757 472,26 euros ; que cette responsabilité du notaire ne peut être engagée à l'égard des intimés que si ceux- ci démontrent qu'il a commis une ou des fautes leur ayant causé directement et certainement un dommage ; 1/ Les baux commerciaux en cause : (
) que dix-sept (
) des propriétaires (ci-après groupe 2), Monsieur et Madame Yannick E..., Monsieur et Madame Vincent I..., Monsieur Patrice II..., Monsieur et Madame Arthur RRRR... , Monsieur et Madame Franck PP..., la société Sarl Leuhrek, Monsieur et Madame Hervé XX..., Madame LLLL... CC..., Monsieur Jacky CCC..., la société Sarl Janmic, Monsieur Paul AA..., Monsieur et Madame Ghyslain HHH..., Monsieur et Madame Dominique JJ..., Madame Sylvie RR..., Monsieur Christian UU..., Monsieur Philippe VV..., Monsieur Patrick XXX..., avaient également consenti sur leurs lots un bail commercial dont le preneur était, au 29 juin 2007, selon les écritures des parties, déjà la société MVM Eole Europe ; que les actes ne sont cependant pas produits ; qu'enfin, trois des propriétaires n'ont acquis leurs lots que postérieurement à l'acte de cession du 29 juin 2007, et ont donc conclu un bail commercial directement avec la société MVM Eole Europe, mais là encore, les contrats de bail ne sont pas versés aux débats ; que seuls deux d'entre eux (ci-après groupe 3), Monsieur et Madame Loïc NN... et Monsieur et Madame Serge FFF..., forment des prétention contre l'appelant devant la cour, le troisième, Monsieur et Madame Christian WWW..., ayant déclaré par conclusions du 31 juillet 2014 se désister de toute demande à l'encontre de Maître Jean-Claude MMM..., ce que la cour analyse en une absence de demande de la part d'intimés qui n'ont pas formé appel incident ; 2/ La responsabilité du notaire : que, pour retenir la responsabilité civile professionnelle de Maître Jean-Claude MMM..., à l'occasion de l'acte de cession des baux commerciaux du 29 juin 2007, le tribunal a considéré : - que celui-ci avait été négligent en ne vérifiant pas l'existence de la garantie de loyers alléguée par la société MVM Eole Europe dont il avait, dans la perspective de la cession, vanté la fiabilité aux propriétaires bailleurs auxquels il avait transmis lui-même la documentation qui en faisait état, alors qu'il savait nécessairement que cette garantie était pour ceux-ci, qui avaient investi dans un programme important, un élément déterminant ; - que Maître Jean-Claude MMM... n'avait pas respecté le mandat qui avait été confié à son assistant par les propriétaires bailleurs, qu'il avait lui-même rédigé, de n'approuver la cession de bail que sous réserve de la garantie solidaire du cédant avec le cessionnaire du paiement des loyers, alors qu'une telle solidarité n'était pas stipulée à l'acte de cession ; que ce sont ces mêmes griefs que les intimés opposent à l'appel formé par Maître Jean-Claude MMM... ; qu'il y a lieu cependant de distinguer les groupes de propriétaires bailleurs selon qu'ils ont été concernés ou non par l'acte de cession reçu par Maître Jean-Claude MMM... le 29 juin 2007, qui portait sur les soixante et un baux commerciaux du groupe 1, mais non sur ceux des groupes 2 et 3, dont il a été dit qu'ils avaient été conclus directement avec la société MVM Eole Europe ; A/ Responsabilité à l'égard des propriétaires des groupes 2 et 3 : s'agissant des baux des groupes 2 et 3, il n'est pas soutenu que Maître Jean-Claude MMM... est intervenu dans leur conclusion ; qu'il n'était dès lors tenu d'aucune obligation à l'égard des parties à ces conventions passées en dehors de son ministère et aucune mise en cause de sa responsabilité de ce chef ne peut prospérer ; et que même s'il n'est pas contesté que c'est lui qui a reçu les actes de vente des lots concernés, rien n'établit qu'il a, à cette occasion, donné à penser d'une manière ou d'une autre aux acquéreurs que la société MVM Eole Europe était assurée contre le risque de non-occupation des locaux loués et que la croyance en une telle garantie a été une condition déterminante de leur consentement au principe et aux conditions du bail commercial qu'ils ont conclu avec cette société ; que les intimés des groupes 2 et 3 ne rapportent ainsi pas la preuve, dont la charge leur incombe, d'un quelconque manquement de Maître Jean-Claude MMM... à ses obligations envers eux ;

ALORS QUE le notaire a l'obligation d'éclairer les parties et d'appeler leur attention de manière complète et circonstanciée sur la portée, les effets et les risques attachés aux actes auxquels il est requis de donner la forme authentique ; qu'en subordonnant l'obligation de Me MMM..., rédacteur des actes de vente des copropriétaires, d'alerter les copropriétaires sur le risque pris à acquérir un lot dans une résidence service sans garantie efficace du non-paiement des loyers à la condition que l'existence de cette garantie ait été une condition déterminante de leur consentement, la cour d'appel, qui a vidé de sa portée l'obligation d'information du notaire sur les risques de l'acte qu'il rédige, a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR rejeté l'action en responsabilité de M. Raymond X..., Mme Eliane Christiane MMMM... Y... épouse X..., M. Didier X..., Mme Valérie Sandrine Z... épouse X..., M. François A..., Mme Nicole B..., M. Michel C..., Mme Yvonne WWWW... VVVV... D... épouse C..., Mme MichèleAAAAA... , M. Jean-WWWW... G..., M. Emmanuel H..., M. Guénolé QQQQ... , Mme Michèle Agnès WWWW... J... épouse QQQQ... , M. Daniel K..., M. Jérôme L..., Mme Séverine Solange O... XXXXX... M... épouse L..., M. Michel N..., Mme Véronique OdileDDDDD... épouse N..., Mme Evelyne P..., M. Q... R..., Mme Thérèse Danielle YYYYY... S... épouse R..., M. Jean-Luc T..., Mme Sylvie BBBBB... WWWW... épouse T..., M. Patrick V..., Mme Maud W..., M. Frédéric ZZ..., Mme Corinne Nadège AA... épouse ZZ..., Mme Myriam BB..., Mme Roselyne DD..., Mme Myriam EE..., M. Stéphane FF..., Mme Christine FF..., M. Pascal GG..., Mme HH... Omette JacquelineCCCCC... épouse GG..., M. Yan LL..., M. Christophe BBBBBB..., M. Pierre MM..., M. Bruno PPPP..., M. Sébastien OO..., M. Denis TTTT... , Mme Muriel Catherine EEEEE... épouse TTTT... , M. Arnaud SS..., Mme Aurélie TT..., M. Gérard RR..., M. Eric YYY..., M. Cyril ZZZ..., Mme Sophie AAA... épouse ZZZ..., Mme Sophie BBB..., M. DDD... EEE..., Mme Sophie III..., M. Jean-Claude JJJ..., Mme Martine Paulette BBBBB... KKK... épouse JJJ..., Asca SARL, Atid SARL, Société Immobilière Torris EURL, Eurasud Ventures EURL, Lajero EURL, Mme Céline G..., prise en sa qualité d'héritière de Mme Geneviève LLL... épouse G..., décédée, à l'encontre de Me MMM... ;

AUX MOTIFS QUE les intimés recherchent la responsabilité civile professionnelle de Me Jean-Claude MMM... en faisant valoir que les manquements commis par celui-ci à ses obligations à l'occasion de la réception, par l'acte authentique du 29 juin 2007, de la cession des baux commerciaux portant sur les appartements dont ils sont propriétaires, ont causé pour eux la perte de loyers pour un montant total déclaré à hauteur de 757 472,26 euros ; que cette responsabilité du notaire ne peut être engagée à l'égard des intimés que si ceux-ci démontrent qu'il a commis une ou des fautes leur ayant causé directement et certainement un dommage ; 1/ Les baux commerciaux en cause : qu'on sait par l'acte de cession des droits au bail commercial du 29 juin 2007 versé aux débats, qu'à cette date, la société Elithéa était le preneur des baux portant sur les biens de soixante et un des propriétaires de lots de la résidence services Eole Europe (ci-après groupe I), à savoir Monsieur et Madame Raymond X..., Monsieur et Madame Didier X..., Monsieur et Madame Jérôme L..., Monsieur François A..., Monsieur et Madame Olivier RRR..., Monsieur et Madame Christophe SSS..., Monsieur Daniel K..., la société immobilière Torris, Monsieur et Madame Michel N..., Madame Michèle NNNN... veuveAAAAA... , Madame Eveline F... veuve P..., Monsieur et Madame Guénolé QQQQ... , Monsieur Farid QQQ..., Monsieur et Madame Thierry TTT..., la société Eurasud Ventures, la société Sarl Atid, Monsieur et Madame Emmanuel H..., Madame Nicole OOOO... épouse B..., Monsieur et Madame Jean G..., Monsieur Hugues NNN..., Monsieur et Madame Thierry PPP..., Monsieur Nicolas OOO..., Monsieur et Madame Alain UUU..., la société Lajero, Monsieur et Madame Michel C..., la société Sarl Asca, Madame Sophie III..., Monsieur et Madame Denis TTTT... , Monsieur Bruno PPPP... et Mademoiselle LLLL... WWWW... SSSS... , Monsieur Lionel HHHH..., Monsieur et Madame Stéphane FF..., Monsieur et Madame Gérard RR..., Monsieur Sébastien OO..., Madame Maud W..., Monsieur Christophe BBBBBB..., Monsieur et Madame Benoit XXXX..., Monsieur et Madame Q... R..., Mademoiselle Sophie BBB..., Monsieur et Madame Eric YYYY..., Monsieur Alexandre O..., Mademoiselle Aurélie TT..., Monsieur Yan LL..., Monsieur Patrick V..., Monsieur et Madame Jean-Claude JJJ..., Madame Isabelle JJJJ..., Madame FFFFF... , Monsieur et Madame Cyril ZZZ..., Monsieur Myriam Didier EE..., Monsieur et Madame Frédéric ZZ..., Madame Patricia Y..., Monsieur Erie YYY..., Monsieur Pierre MM..., Madame Myriam BB..., Monsieur Jean-Luc ZZZZ..., Monsieur UUUU... IIII..., Monsieur Arnaud SS..., Monsieur Matthieu EEE..., Madame Roselyne DD... épouse MM..., Monsieur Jean-Luc T..., Monsieur et Madame Pascal GG..., Monsieur et Madame Claude HHHH..., qui tous étaient représentés à l'acte par Mademoiselle Marion MMM..., notaire assistant ; 2/ la responsabilité du notaire ; que, pour retenir la responsabilité civile professionnelle de Maître Jean-Claude MMM..., à l'occasion de l'acte de cession des baux commerciaux du 29 juin 2007, le tribunal a considéré : - que celui-ci avait été négligent en ne vérifiant pas l'existence de la garantie de loyers alléguée par la société MVM Eole Europe dont il avait, dans la perspective de la cession, vanté la fiabilité aux propriétaires bailleurs auxquels il avait transmis lui-même la documentation qui en faisait état, alors qu'il savait nécessairement que cette garantie était pour ceux-ci, qui avaient investi dans un programme important, un élément déterminant, - que Maître Jean-Claude MMM... n'avait pas respecté le mandat qui avait été confié à son assistant par les propriétaires bailleurs, qu'il avait lui-même rédigé, de n'approuver la cession de bail que sous réserve de la garantie solidaire du cédant avec le cessionnaire du paiement des loyers, alors qu'une telle solidarité n'était pas stipulée à l'acte de cession ; que ce sont ces mêmes griefs que les intimés opposent à l'appel formé par Maître Jean-Claude MMM... ; qu'il y a lieu cependant de distinguer les groupes de propriétaires bailleurs selon qu'ils ont été concernés ou non par l'acte de cession reçu par Maître Jean-Claude MMM... le 29 juin 2007, qui portait sur les soixante et un baux commerciaux du groupe 1, mais non sur ceux des groupes 2 et 3, dont il a été dit qu'ils avaient été conclus directement avec la société MVM Eole Europe ; (
) B/ Responsabilité à l'égard des propriétaires du groupe 1 : a) Les fautes : que s'agissant des baux ayant fait l'objet de la cession par la société Elithéa à la société MVM Eole Europe devant Maître Jean-Claude MMM..., il est constant que ce dernier avait, dans cette perspective, adressé le 21 novembre 2006 à chacun des propriétaires du groupe 1 un courrier l'informant du projet de cession, en indiquant que la société MVM présentait "tous les gages de sérieux et de fiabilité comme vous le découvrirez dans la notice" jointe ; qu'il invitait les propriétaires à intervenir à l'acte authentique qu'il devrait recevoir pour formaliser la cession, "pour en prendre connaissance, à défaut (de quoi) il conviendrait de
la signifier par acte extra-judiciaire" ; qu'il annexait au courrier une procuration aux fins de représentation, ainsi que la notice éditée par la société MVM Eole Europe qui y mentionnait qu'elle s'engageait, pour toute résidence gérée par elle, à verser aux bailleurs un loyer annuel garanti quel que soit le taux d'occupation, et qu'elle bénéficiait pour cela, pendant trois ans, d'une assurance Insor/Gan ; que Maître Jean-Claude MMM... s'obligeait, s'il donnait ainsi en sa qualité de notaire et alors qu'il n'était pas tenu de le faire, avec les commentaires rassurants qui s'y rapportaient, une telle information à chaque propriétaire qui dès lors pouvait légitimement s'attendre à ce qu'elle soit vraie, à en vérifier la fiabilité, ce qu'il n'a pas fait ; qu'or il s'est avéré par la suite qu'aucune assurance n'avait été souscrite par la société MVM Eole Europe qui, confrontée à un environnement concurrentiel défavorable, n'a plus pu, à partir de juin 2009, honorer les loyers des baux commerciaux tels que fixés contractuellement ; que la négligence fautive relevée par le tribunal est ainsi constituée ; que, par ailleurs, le mandat soumis par Maître Jean-Claude MMM... aux propriétaires du groupe 1 pour se faire représenter à l'acte de cession par un notaire assistant était rédigé ainsi : "Approuver au nom du mandant la cession de bail qui y est contenue et se la tenir pour signifiée, sous réserve, toutefois que le cédant reste répondant solidaire du cessionnaire pour le paiement des loyers et l'exécution des conditions du bail cédé. Dispenser, par suite, le notaire chargé de recevoir l'acte d'en faire signification au mandant" ; que Maître Jean-Claude MMM... reconnaît dans ses écritures que c'est à tort qu'il a mentionné dans l'énoncé du mandat une garantie de paiement des loyers par le cédant alors que celle-ci n'était pas prévue à la convention de cession conclue entre la société Elithéa et la société MVM Eole Europe ; que la faute est également constituée sur ce point mais seulement en ce que les mandants n'ont pas été correctement informés des conditions de l'approbation ; que la cour ne suit en effet pas le tribunal lorsque celui-ci considère qu'en insérant au mandat la condition de solidarité du cédant au paiement des loyers, Maître Jean-Claude MMM... a nécessairement ajouté cette condition à la validité même de la cession de sorte que celle-ci ne serait dès lors, faute de stipulation en ce sens dans l'acte, pas valablement intervenue au profit de la société MVM Eole Europe, et que le notaire devrait en conséquence être tenu responsable du préjudice subi par les propriétaires bailleurs à la suite de la défaillance de cette société, et lui-même garant du paiement des loyers que celle-ci n'a pas réglés ; qu'il faut ici préciser les modalités et effets de l'application à laquelle il a été procédé en l'espèce, des règles d'opposabilité du transport des créances et autres droits incorporels prévues par l'article 1690 du code civil ; que les parties à la convention du 29 juin 2007 étaient les preneurs, à savoir la société Elithéa, cédant, et la société MVM Eole Europe, cessionnaire ; que les propriétaires bailleurs, débiteurs cédés des obligations mises à leur charge par les contrats de baux commerciaux en cours avec la société Elithéa, étaient tiers à cette convention, laquelle ne créait aucune obligation nouvelle pour eux de sorte que leur consentement n'était pas requis pour assurer la validité de la cession, sauf stipulation contraire aux baux ; qu'or ceux que la société Elithéa a cédés le 29 juin 2007 à la société MVM Eole Europe ne prévoyaient pas de clause d'agrément du cessionnaire par le bailleur ; qu'il y était en effet stipulé en leur article 5 que "Le preneur pourra céder ou apporter librement son droit au présent bail à toute personne physique ou morale à la condition expresse que, si cela se produit au cours de la première période de neuf années, le cessionnaire poursuive l'exploitation en gestion para-hôtelière selon les mêmes droits et obligations telles qu'elles sont stipulées aux présentes" ; que la cession du droit au bail était donc libre par application de l'article 1717 du code civil, sous la seule condition, non pas de la cession concomitante du fonds de commerce, mais de la poursuite de l'exploitation par le cessionnaire, y compris dans le cadre d'un autre fonds, pourvu qu'il exerce la même activité dans les mêmes conditions, ce qu'a fait la société MVM Eole Europe jusqu'en tous cas 2009 ; que, de la sorte et contrairement à ce que soutiennent les intimés, peu importait en l'espèce que l'acte de cession ait fait apparaître que la société Elithéa cessait quant à elle son activité, et qu'il y ait été mentionné, aux fins de dispense des formalités de publicité prévues par le code de commerce, que la cession de bail ne constituait pas une cession du fonds de commerce ; qu'il fallait en revanche, pour que la société MVM Eole Europe puisse se prévaloir de sa créance de preneur, bénéficiaire du statut des baux commerciaux, à l'égard des propriétaires bailleurs, que le transport de celle-ci à son profit leur soit rendu opposable dans les conditions prévues par la loi ; que c'est afin d'éviter au cédant ou au cessionnaire d'avoir, conformément au premier alinéa de l'article 1690, à faire notifier la convention de cession par acte d'huissier à chacun des soixante et un propriétaires bailleurs alors liés à la société Elithéa et concernés par l'acte qu'il devait recevoir, que Maître Jean-Claude MMM... a procédé comme le permettait le deuxième alinéa de ce texte, en provoquant leur représentation à l'acte par le courrier du 21 novembre 2006 contenant le projet de mandat contesté ; mais que cette intervention, par ce mandat, n'avait d'autre effet de droit que de rendre la cession opposable aux propriétaires bailleurs à défaut de signification, l'approbation visée au mandat n'étant pas l'acceptation par ceux-ci de la cession elle-même ni l'agrément du cessionnaire, ainsi qu'il a été dit, mais l'admission de ce que l'information leur en avait été faite sans avoir à signifier ; que les mandats donnés, dans leur rédaction litigieuse, ne l'étaient donc que pour approuver la notification de la cession des baux aux propriétaires bailleurs par voie d'intervention de ceux-ci à l'acte, la réserve mentionnée à tort ne pouvant, si elle avait été mise en oeuvre, que rendre la notification faite sous cette forme inopérante à l'égard des mandants ; que Maître Jean-Claude MMM... n'avait quant à lui aucun pouvoir d'ajouter de lui-même aux obligations convenues entre les parties à l'acte qu'il recevait, la société Elithéa, cédante, et la société MVM Eole Europe, cessionnaire, et notamment d'imposer à la première de garantir la seconde des loyers commerciaux dus par celle- ci à la suite de la cession ;

ALORS QUE le juge a interdiction de dénaturer les éléments de la cause ; que chaque bail consentis à la société Elithéa stipulait à l'article 5 que « le preneur pourra céder ou apporter librement son droit au présent bail à toute personne physique à la condition expresse que, si cela se produit au cours de la première période de 9 ans, le cessionnaire poursuive l'exploitation en gestion para-hôtelière selon les mêmes droits et obligations telles qu'elles sont stipulées aux présentes » ; que l'acte de cession de droit au bail stipulait (p. 53) que « la cession du bail objet du présent acte n'a pas pour objet de permettre au cessionnaire de continuer l'activité du cédant. L'activité qui était exercée par le cédant est en effet abandonnée » ; qu'il en résultait que la condition subordonnant la liberté de la cession des baux à la poursuite de l'exploitation de la société Elithéa n'était pas remplie ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a dénaturé les stipulations claires et précises des baux litigieux et violé le principe susvisé.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR rejeté l'action en responsabilité de M. Raymond X..., Mme Eliane Christiane MMMM... Y... épouse X..., M. Didier X..., Mme Valérie Sandrine Z... épouse X..., M. François A..., Mme Nicole B..., M. Michel C..., Mme Yvonne WWWW... VVVV... D... épouse C..., Mme MichèleAAAAA... , M. Jean-WWWW... G..., M. Emmanuel H..., M. Guénolé QQQQ... , Mme Michèle Agnès WWWW... J... épouse QQQQ... , M. Daniel K..., M. Jérôme L..., Mme Séverine Solange O... XXXXX... M... épouse L..., M. Michel N..., Mme Véronique OdileDDDDD... épouse N..., Mme Evelyne P..., M. Q... R..., Mme Thérèse Danielle YYYYY... S... épouse R..., M. Jean-Luc T..., Mme Sylvie BBBBB... WWWW... épouse T..., M. Patrick V..., Mme Maud W..., M. Frédéric ZZ..., Mme Corinne Nadège AA... épouse ZZ..., Mme Myriam BB..., Mme Roselyne DD..., Mme Myriam EE..., M. Stéphane FF..., Mme Christine FF..., M. Pascal GG..., Mme HH... Omette JacquelineCCCCC... épouse GG..., M. Yan LL..., M. Christophe BBBBBB..., M. Pierre MM..., M. Bruno PPPP..., M. Sébastien OO..., M. Denis TTTT... , Mme Muriel CatherineEEEEE... épouse TTTT... , M. Arnaud SS..., Mme Aurélie TT..., M. Gérard RR..., M. Eric YYY..., M. Cyril ZZZ..., Mme Sophie AAA... épouse ZZZ..., Mme Sophie BBB..., M. DDD... EEE..., Mme Sophie III..., M. Jean-Claude JJJ..., Mme Martine Paulette BBBBB... KKK... épouse JJJ..., Asca SARL, Atid SARL, Société Immobilière Torris EURL, Eurasud Ventures EURL, Lajero EURL, Mme Céline G..., prise en sa qualité d'héritière de Mme Geneviève LLL... épouse G..., décédée, M. et Mme E..., M. et Mme I..., M. II..., M. et Mme Arthur RRRR... , M. et Mme PP..., la société Sarl Leuhrek, M. et Mme XX..., Mme CC..., M. CCC..., la société Sarl Janmic, M. et Mme HHH..., M. et Mme JJ..., Mme RR..., M. UU..., M. VV..., les ayants droits de M. XXX..., M. et Mme FFF... et M. et Mme NN... à l'encontre de Me MMM... ;

AUX MOTIFS QUE s'agissant des baux ayant fait l'objet de la cession par la société Elithéa à la société MYM Eole Europe devant Maître Jean-Claude MMM..., il est constant que ce dernier avait, dans cette perspective, adressé le 21 novembre 2006 à chacun des propriétaires du groupe 1 un courrier l'informant du projet de cession, en indiquant que la société MVM présentait « tous les gages de sérieux et de fiabilité comme vous le découvrirez dans la notice » jointe ; qu'il invitait les propriétaires à intervenir à l'acte authentique qu'il devrait recevoir pour formaliser la cession, « pour en prendre connaissance ; à défaut (de quoi) il conviendrait de
la signifier par acte extra-judiciaire » ; qu'il annexait au courrier une procuration aux fins de représentation, ainsi que la notice éditée par la société MYM Eole Europe qui y mentionnait qu'elle s'engageait, pour toute résidence gérée par elle, à verser aux bailleurs un loyer annuel garanti quel que soit le taux d'occupation, et qu'elle bénéficiait pour cela, pendant trois ans, d'une assurance Insor/Gan ; que Maître Jean-Claude MMM... s'obligeait, s'il donnait ainsi en sa qualité de notaire et alors qu'il n'était pas tenu de le faire, avec les commentaires rassurants qui s'y rapportaient, une telle information à chaque propriétaire qui dès lors pouvait légitimement s'attendre à ce qu'elle soit vraie, à en vérifier la fiabilité, ce qu'il n'a pas fait ; qu'or il s'est avéré par la suite qu'aucune assurance n'avait été souscrite par la société MVM Eole Europe qui, confrontée à un environnement concurrentiel défavorable, n'a plus pu, à partir de juin 2009, honorer les loyers des baux commerciaux tels que fixés contractuellement ; que la négligence fautive relevée par le tribunal est ainsi constituée ; que par ailleurs, le mandat soumis par Maître Jean-Claude MMM... aux propriétaires du groupe 1 pour se faire représenter à l'acte de cession par un notaire assistant était rédigé ainsi : « Approuver au nom du mandant la cession de bail qui y est contenue et se la tenir pour signifiée, sous réserve, toutefois que le cédant reste répondant solidaire du cessionnaire pour le paiement des loyers et l'exécution des conditions du bail cédé. Dispenser, par suite, le notaire chargé de recevoir l'acte d'en faire signification au mandant » ; que Maître Jean-Claude MMM... reconnaît dans ses écritures que c'est à tort qu'il a mentionné dans l'énoncé du mandat une garantie de paiement des loyers par le cédant alors que celle-ci n'était pas prévue à la convention de cession conclue entre la société Elithéa et la société MVM Eole Europe ; que la faute est également constituée sur ce point mais seulement en ce que les mandants n'ont pas été correctement informés des conditions de l'approbation ; (
) b) Le lien de causalité et le préjudice : que les fautes ci-dessus caractérisées n'apparaissent cependant pas être la cause du préjudice invoqué par les intimés, consistant dans le défaut de garantie de la perte de loyers ; qu'en effet, ainsi qu'il résulte de ce qui précède, la cession était sans incidence sur les engagements qui obligeaient antérieurement les propriétaires bailleurs envers la société Elithéa et qui ont été transportés tels quels au profit de la société MVM Eole Europe ; que dès lors, chacun de ces propriétaires demeurait en toute hypothèse tenu des termes et conditions du bail, qu'il ait ou non pu penser à la suite du courrier de Maître Jean-Claude MMM... que la société MVM Eole Europe devait être garantie des pertes ou insuffisances de loyers par une assurance Insor/Gan, ou encore que la société Elithéa demeurerait solidairement tenue de leur paiement, et à supposer que, mieux informé, l'un ou l'autre d'entre eux n'ait pas donné son approbation dans les termes du mandat, il suffisait à la société Elithéa ou la société MVM Eole Europe de leur notifier la cession par acte d'huissier pour la leur rendre opposable ; qu'au surplus, il n'est pas contesté que la société MVM Eole Europe a réglé les loyers commerciaux depuis la cession intervenue en juin 2007 jusqu'en juin 2009, et que les propriétaires bailleurs ont perçu ces loyers sans contestation, ceux-ci indiquant dans l'assignation en liquidation judiciaire de la société MVM Eole Europe en date du 19 octobre 2009, que « jusqu'en 2009, l'exécution des baux n'a pas posé de difficultés », reconnaissant par là l'acceptation, non équivoque, visée à l'article 1690 du code civil ; qu'à défaut d'établir un lien de causalité entre les fautes reprochées à Maître Jean-Claude MMM... et le préjudice qu'ils déclarent avoir subi, les intimés ne fondent pas leur prétention à voir condamner le notaire à les en indemniser, prétention dont ils doivent être déboutés ;

ALORS QUE le notaire doit éclairer les parties et appeler leur attention de manière complète et circonstanciée sur la portée, les effets et les risques attachés aux actes auxquels il est requis de donner la forme authentique et réparer tous les préjudices nés de l'absence de l'information délivrée ; que, pour rejeter toute responsabilité de Me MMM... en raison des manquements qu'elle constatait tenant à l'absence de vérification de la souscription de l'assurance de versement des loyers par la société MVM Eole Europe et à la mention erronée dans le mandat confié par les bailleurs de l'existence d'une garantie solidaire du cédant, la cour d'appel s'est bornée à retenir que ces fautes n'avaient pas eu de conséquence sur l'opposabilité aux bailleurs de la cession des baux, sans répondre aux conclusions des exposants qui soutenaient que la responsabilité du notaire était engagée en ce que ses manquements les avaient privés, faute d'être mieux informés, de la possibilité de se prémunir par eux-mêmes des risques pour lesquels ils pensaient être garantis ; qu'elle a ainsi privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240 du code civil.ECLI:FR:CCASS:2018:C100901
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