Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 19 septembre 2018, 17-23.695, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2018-187 du 20 mars 2018 ;

Attendu que, selon le II de ce texte, en cas d'impossibilité d'exécution d'office de la mesure d'éloignement résultant de l'obstruction volontaire de l'étranger assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours renouvelable une fois, l'autorité administrative peut demander au juge des libertés et de la détention de l'autoriser à requérir les services de police ou les unités de gendarmerie pour qu'ils visitent le domicile de l'étranger ;

Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel, et les pièces de la procédure, que, le 25 mai 2016, le préfet a pris à l'égard de M. X..., de nationalité congolaise, en situation irrégulière en France, une décision portant obligation de quitter le territoire national et, le 18 octobre, une décision d'assignation à résidence, pour une durée de quarante-cinq jours, avec obligation de se présenter à un service de police tous les cinq jours ouvrables ; que, le 30 janvier 2017, il a demandé au juge des libertés et de la détention de l'autoriser à requérir les services de police ou de gendarmerie pour qu'ils visitent le domicile de M. X..., en application des dispositions de l'article L. 561-2, II, du CESEDA, au motif que celui-ci n'avait pas respecté les prescriptions liées à son assignation à résidence ;

Attendu que, pour accueillir la demande, l'ordonnance retient que M. X... a opposé une obstruction volontaire à son éloignement, dans la mesure où il n'a entrepris aucune démarche utile pour sa mise en oeuvre, de sorte que les conditions légales de l'autorisation étaient réunies à la date de la requête du préfet et de l'ordonnance du juge ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il ressortait de ses constatations qu'à la date de la demande du préfet, M. X... n'était plus assigné à résidence, le premier président a violé le texte susvisé ;

Vu les articles L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire et 1015 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'elle confirme l'autorisation de visite domiciliaire, l'ordonnance rendue le 2 février 2017, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Bordeaux ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance partiellement cassée ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf septembre deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. X....

Le moyen fait grief à l'ordonnance attaquée d'AVOIR confirmé l'ordonnance rendue le 30 janvier 2017 par le juge de la détention et des libertés du tribunal de grande instance de Bordeaux et d'AVOIR débouté Monsieur X... de ses demandes tendant à voir annuler l'autorisation de la visite domiciliaire et l'ensemble de la procédure subséquente et ordonner la main-levée de la mesure de rétention et, en conséquence, sa remise en liberté immédiate ;

AUX MOTIFS QU'il résulte des dispositions de l'article L. 561-2 I. du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, notamment lorsque cet étranger fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé, cette assignation à résidence ne pouvant excéder une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois ; que selon le § II. de ce même article, "en cas d'impossibilité d'exécution d'office de la mesure d'éloignement résultant de l'obstruction volontaire de l'étranger assigné à résidence en application du présent article, l'autorité administrative peut demander au juge des libertés et de la détention de l'autoriser à requérir les services de police ou les unités de gendarmerie pour qu'ils visitent le domicile de l'étranger afin de s'assurer de sa présence et de le reconduire à la frontière ou, si le départ n'est pas possible immédiatement, de lui notifier une décision de placement en rétention" ; qu'en l'espèce, il ressort d'un procès-verbal établi le 27 décembre 2016 par un fonctionnaire de la police aux frontières que M. X... n'a jamais pris contact auprès de son consulat en vue de l'établissement d'un laisser-passer et n'a jamais présenté de document de voyage valide pour son éloignement vers son pays d'origine ; qu'ainsi, M. X... a bien opposé une obstruction volontaire, au sens de l'article L. 561 II à l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre, dans la mesure où il n'a entrepris aucune démarche utile pour la mise en oeuvre de son éloignement, lequel ne se heurtait à aucun obstacle juridique, puisque la demande d'asile de M. X... a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés apatrides et que sa demande de titre de séjour ne suspend pas le caractère exécutoire de l'obligation de quitter le territoire français ; qu'ainsi, les conditions légales de la visite domiciliaire étaient réunies à la date de la requête du préfet et de l'ordonnance du juge de la détention et des libertés, et il convient, par ces motifs substitués à ceux erronés du juge de la détention et des libertés, de confirmer cette décision ;

1° ALORS QU'en vertu des dispositions du paragraphe II de l'article L 561-2 du Ceseda, régissant la procédure de visite domiciliaire, « en cas d'impossibilité d'exécution d'office de la mesure d'éloignement résultant de l'obstruction volontaire de l'étranger assigné à résidence en application du I du présent article, l'autorité administrative peut demander au juge des libertés et de la détention de l'autoriser à requérir les services de police ou les unités de gendarmerie pour qu'ils visitent le domicile de l'étranger » ; que le législateur a ainsi expressément réservé la mise en oeuvre de cette procédure aux étrangers assignés à résidence en application du I du même article ; que le paragraphe I de la disposition susvisée limite expressément la durée de l'assignation à résidence à 45 jours, renouvelable une fois ; que le premier président de la cour d'appel ayant constaté que le préfet de la Gironde avait, par une ordonnance du 18 octobre 2016, « décidé l'assignation à résidence de Monsieur X... dans le département de la Gironde pour une durée de 45 jours », il s'en évinçait nécessairement qu'à la date à laquelle ce même préfet présentait requête aux fins d'être autorisé à visiter le domicile de Monsieur X..., soit le 30 janvier 2017, celui-ci n'était plus – et n'était donc pas - assigné à résidence ; qu'en décidant néanmoins que les conditions légales de la visite domiciliaire étaient réunies à la date de la requête du préfet et de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention, le premier président de la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article L 561-2 du Ceseda ;

2° ALORS à tout le moins QU'en statuant comme il l'a fait sans vérifier que, comme le soutenait M. X... (v. sa requête en appel p. 4 § 2), l'assignation à résidence avait cessé à la date à laquelle le préfet a sollicité l'autorisation de visiter son domicile, le premier président de la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 561-2 du Ceseda ;

3° ALORS QU'en vertu des dispositions du paragraphe II de l'article L 561-2 du Ceseda, régissant la procédure de visite domiciliaire, « en cas d'impossibilité d'exécution d'office de la mesure d'éloignement résultant de l'obstruction volontaire de l'étranger assigné à résidence en application du I du présent article, l'autorité administrative peut demander au juge des libertés et de la détention de l'autoriser à requérir les services de police ou les unités de gendarmerie pour qu'ils visitent le domicile de l'étranger » ; qu'en vertu encore du deuxième alinéa du paragraphe II du même article, « le juge s'assure (...) de l'obstruction volontaire de l'étranger à ladite exécution, dûment constatée par l'autorité administrative, résultant notamment de l'absence de réponse de l'étranger à sa demande de présentation pour les nécessités de son exécution » ; qu'il en résulte que, hormis l'hypothèse, expressément prévue par le législateur, dans laquelle l'obstruction volontaire à l'exécution de la mesure d'éloignement serait caractérisée par « l'absence de réponse de l'étranger à sa demande de présentation pour les nécessités de son exécution », cette obstruction ne saurait résulter d'une simple abstention ; qu'en décidant néanmoins que « M. X... a bien opposé une obstruction volontaire, au sens de l'article L. 561 II à l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre, dans la mesure où il n'a entrepris aucune démarche utile pour la mise en oeuvre de son éloignement », le premier président de la cour d'appel a encore violé, par fausse application, l'article L 561-2 du Ceseda ;

4° ALORS à tout le moins QU'en statuant comme il l'a fait, sans rechercher, comme l'article L 561-2 du Ceseda lui en faisait l'obligation, si Monsieur X... avait bien opposé l'obstruction volontaire que l'administration prétendait constater en se référant à ses propres affirmations, le premier président de la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article L 561-2 du Ceseda ;

5° ALORS QU'en vertu des dispositions du paragraphe II de l'article L 561-2 du Ceseda, régissant la procédure de visite domiciliaire, « en cas d'impossibilité d'exécution d'office de la mesure d'éloignement résultant de l'obstruction volontaire de l'étranger assigné à résidence en application du I du présent article, l'autorité administrative peut demander au juge des libertés et de la détention de l'autoriser à requérir les services de police ou les unités de gendarmerie pour qu'ils visitent le domicile de l'étranger » ; qu'en vertu encore du deuxième alinéa du paragraphe II du même article, « le juge s'assure (...) de l'obstruction volontaire de l'étranger à ladite exécution, dûment constatée par l'autorité administrative, résultant notamment de l'absence de réponse de l'étranger à sa demande de présentation pour les nécessités de son exécution » ; que le législateur a ainsi expressément conditionné la mise en oeuvre de cette procédure à l'existence d'une obstruction volontaire opposée par l'étranger à l'exécution de la mesure d'éloignement, laquelle doit être tenue pour caractérisée lorsque l'étranger a refusé ou négligé de répondre à une convocation ; que la requête du préfet de la Gironde aux fins d'être autorisé à visiter le domicile de Monsieur X... précisait qu'« une demande de laissez-passer consulaire ayant été initiée dès le 20 octobre 2016 auprès de son consulat par les services de la police aux frontières de Bordeaux, ceux-ci ont accepté de lui délivrer un laissez-passer valable du 16 janvier 2017 au 31 janvier 2017 » ; qu'en décidant que les conditions légales de la visite domiciliaire étaient réunies, sans vérifier, comme les dispositions de l'article L 561-2 du Ceseda lui imposaient de le faire, si Monsieur X... avait refusé ou négligé de répondre à une demande de présentation, le premier président de la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article L 561-2 du Ceseda. ECLI:FR:CCASS:2018:C100836
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