Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 12 juillet 2018, 17-20.627, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Donne acte à la société Maisons Pierre du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. et Mme Y... et M. et Mme A... ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 24 mars 2017), qu'en 1987, M. et Mme A... ont confié à la société Maisons Pierre la construction d'une maison individuelle ; que la livraison est intervenue sans réserve le 24 novembre 1987 ; que, le 11 mars 1991, M. et Mme A... ont vendu leur maison à M. et Mme Y..., qui, le 4 avril 2005, l'ont revendue à M. X... et à Mme X... (les consorts X...) ; que, des désordres affectant le réseau électrique et la charpente étant constatés, les consorts X... ont, après expertise, assigné M. et Mme A..., M. et Mme Y... et la société Maisons Pierre en indemnisation de leurs préjudices ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Maisons Pierre fait grief à l'arrêt de déclarer recevable l'action contractuelle pour faute dolosive engagée par les consorts X..., alors, selon le moyen, que l'action en responsabilité contractuelle du maître de l'ouvrage à l'encontre du constructeur sur le fondement de la faute dolosive de ce dernier au cours du contrat de construction, qui ne tient pas à la qualité de l'immeuble mais suppose un dol commis par le constructeur à l'égard du maître de l'ouvrage, ne se transmet pas au sous-acquéreur ; que l'action exercée par le sous-acquéreur de l'immeuble à l'encontre du constructeur ne peut donc être que de nature délictuelle ; qu'en retenant en l'espèce que l'action contractuelle du maître de l'ouvrage fondée sur la faute dolosive du constructeur était attachée à l'immeuble et était transmissible au sous-acquéreur, la cour d'appel a violé les articles 1147, 1165 et 1382 du code civil, en leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Mais attendu qu'ayant retenu, à bon droit, que l'action engagée par les consorts X..., sur le fondement de la faute dolosive du constructeur, s'analysait en une action contractuelle et que, attachée à l'immeuble, elle était transmissible aux acquéreurs successifs, la cour d'appel en a exactement déduit que cette action était recevable ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen, ci-après annexé :

Attendu que la société Maisons Pierre fait grief à l'arrêt de la condamner à payer diverses sommes aux consorts X... ;

Mais attendu qu'ayant retenu que la société Maisons Pierre avait présidé à la livraison et à la remise des clefs, que l'examen des lieux lors de la réception ne pouvait manquer de révéler la modification de la structure réalisée sur la charpente par le sciage des contreventements des fermettes et les insuffisances du plancher, qui n'était pas destiné à supporter des combles habitables, et que la société Maisons Pierre ne pouvait ignorer le projet d'aménagement des combles puisque M. et Mme A... avaient déposé une demande de permis de construire modificatif à cette fin, la cour d'appel a pu en déduire que, cette société ayant remis les clefs de la maison en demeurant taisante, une violation délibérée et consciente de ses obligations contractuelles était caractérisée ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Maisons Pierre aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Maisons Pierre et la condamne à payer aux consorts X... la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze juillet deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la société Maisons Pierre

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré recevable l'action contractuelle pour faute dolosive engagée par M. Denis X... et Mme Joëlle X... contre la société Maisons Pierre, et d'AVOIR, en conséquence, condamné la société Maisons Pierre à payer aux consorts X... les sommes de 104 570,38 euros TTC en principal au titre des travaux de reprise rendus nécessaires pour les désordres de la charpente, 5 000 euros au titre de leur préjudice moral, et 38 350 euros en réparation du trouble de jouissance subi,

AUX MOTIFS QUE sur la fin de non-recevoir soulevée par la société Maisons Pierre contre l'action engagée par Madame Joëlle X... et Denis X... : la société Maisons Pierre soutient que l'action engagée par les consorts X... à son encontre, sur le fondement d'une faute dolosive doit être déclarée irrecevable, parce que l'action fondée sur le dol suppose que les deux parties soient liées par un même contrat. Or, elle n'a pas de lien contractuel avec les consorts X... et, dans tous les cas, l'action en nullité de la convention pour dol n'est pas liée à la chose, ce qui signifie qu'il ne peut y avoir de transmission de l'action avec la chose. Ainsi qu'il a été relevé par les premiers juges, l'action engagée par les consorts X... à l'encontre de la société Maisons Pierre s'analyse en une action contractuelle, puisque le dol invoqué serait survenu à l'époque de réalisation du contrat de construction de la maison individuelle commandée, au cours de l'année 1987, par Monsieur et Madame A.... La faute dolosive ayant une incidence directe sur l'immeuble, l'action ayant pour cause cette faute est attachée à l'immeuble et transmissible aux sous-acquéreurs, lesquels sont donc recevables à s'en prévaloir pour rechercher la responsabilité du constructeur, après l'expiration de la garantie légale. Il doit, d'autre part, être souligné que l'action en responsabilité doit être distinguée de la seule action en nullité pour dol, les incidences en étant nécessairement différentes compte tenu de son objet ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action exercée par les consorts X... à l'égard de la société Maisons Pierre : il résulte de l'article 1792-4-1 du code civil que toute personne dont la responsabilité peut être engagée en vertu de la garantie décennale est déchargée de celle-ci après 10 ans à compter de la réception des travaux. Il résulte de l'ancien article 2262 du code civil, applicable pour partie au présent litige, que toutes les actions, tant réelles que personnelles, sont prescrites par trente ans. Il résulte de l'article 2224 nouveau du code civil que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu, ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. Tout en exerçant leur action sur le fondement de la faute dolosive de la société Maisons Pierre (et non sur le fondement de la responsabilité de droit commun comme soutenu à tort par le constructeur), les consorts X... évoquent également les dispositions de la garantie décennale, la société Maisons Pierre soulevant la prescription de cette action qu'elle soit exercée sur l'un ou l'autre des fondements. S'agissant de la prescription de l'action en ce qu'elle serait fondée sur la garantie décennale, la réception des travaux étant intervenue le 24 novembre 1987, et la première demande ayant été formulée par acte du 8 juillet 2008 à l'égard de la société Maisons Pierre, l'action est irrecevable comme étant prescrite. S'agissant de l'exercice de l'action sur le fondement de la faute dolosive, le délai de prescription des actions personnelles était de 30 ans à l'époque des faits (et non pas de 10 ans comme soutenu à tort par la société Maisons Pierre). Il ressort toutefois de l'article 26 de la loi du 17 juin 2008 réduisant ce délai de prescription à 5 années que les dispositions de cette loi « s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ». La prescription trentenaire était applicable jusqu'en juin 2008. A compter du 17 juin 2008 (soit 21 ans après la réception de l'ouvrage, et donc moins de 30 années), la prescription quinquennale devient applicable de sorte que l'action devait être exercée au plus tard le 17 juin 2013. L'action ayant été introduite en juillet 2008, elle sera déclarée recevable ;

ALORS QUE l'action en responsabilité contractuelle du maître de l'ouvrage à l'encontre du constructeur sur le fondement de la faute dolosive de ce dernier au cours du contrat de construction, qui ne tient pas à la qualité de l'immeuble mais suppose un dol commis par le constructeur à l'égard du maître de l'ouvrage, ne se transmet pas au sous-acquéreur ; que l'action exercée par le sous-acquéreur de l'immeuble à l'encontre du constructeur ne peut donc être que de nature délictuelle ; qu'en retenant en l'espèce que l'action contractuelle du maître de l'ouvrage fondée sur la faute dolosive du constructeur était attachée à l'immeuble et était transmissible au sous-acquéreur, la cour d'appel a violé les articles 1147, 1165 et 1382 du code civil, en leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.

SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société Maisons Pierre à payer aux consorts X... les sommes de 104 570,38 euros TTC en principal au titre des travaux de reprise rendus nécessaires pour les désordres de la charpente, 5 000 euros au titre de leur préjudice moral, et 38 350 euros en réparation du trouble de jouissance subi,

AUX MOTIFS QU' il résulte des constatations de l'expert que la maison des consorts X... est affectée de désordres de charpente avérés, qui se manifestent par la souplesse exagérée du plancher de l'étage, par le ventre du plafond du séjour et par la flexion exagérée de la toiture. Monsieur F..., expert, explique que ces désordres ont pour origine le fait que la charpente industrielle posée lors de la construction de la maison a été "mutilée" : les contreventements en diagonal des fermettes ont été découpés. Il précise que les contreventements assurent la résistance au vent et mobilisent toute la hauteur des combles pour former une très haute poutre au droit de chaque fermette, ce qui permet de supporter le poids de la toiture. Leur suppression entraîne affaiblissement Immédiat de la toiture. Le plancher mise en place sous une telle toiture ne peut être aménagé faute de place. S'il est aménagé, il ne peut que s'affaisser sut Les têtes de cloisons, qui ne sont pas conçues pour reprendre la charge. L'état structurel de la charpente a encore été affaibli par la pose de deux fenêtres sur le versant arrière de la toiture avec découpage d'un arbalétrier formant chevron de fermette industrielle, puis par les lucarnes installées sur le versant avant (rapport pages 34 et 35). Il est ainsi établi qu'une charpente à fermettes industrielles a été installée dans la maison qui a été l'objet du contrat de construction de maison individuelle, conclu le 1er novembre 1986 entre A... et la société Maisons Pierre (pièce 1 époux A...). Ce type de charpente est incompatible avec des combles aménageables, parce que les contreventements mobilisent tout le volume des combles. C'est donc pour libérer les combles et les rendre aménageables que les contreventements ont été supprimés. Selon les énonciations du rapport d'expertise, seule une charpente traditionnelle à fermes avec entraits et arbalétriers aurait permis de dégager un volume vide pouvant être affecté à des combles aménageables. Pour déterminer à quelle époque les contreventements ont été supprimés, il importe de définir les caractéristiques du bien immobilier, qui a fait l'objet du contrat de construction de maison individuelle du 1er novembre 1986 (pièce 1 A...). Aux termes de ce contrat, qui n'a été communiqué qu'après la clôture des opérations d'expertise, Monsieur et Madame A... ont commandé la construction d'une maison de type ARIA 811 pour le prix de 278 000 F TTC, intégrant des combles aménageables pour 22 000 F. Dans l'avenant à la notice descriptive produit aux débats, en annexe au contrat de construction (en l'absence de la notice elle-même), il est prévu que l'évacuation mécanique de l'air vicié est intégrée dans le prix et sera assurée grâce à un système de mécanique contrôlée, en particulier pour le cabinet de toilettes installé dans les combles aménagés. Les plans au 1/100ème produits aux débats par Monsieur et Madame A... (pièce 2 A...) correspondant à une maison ARIA 811, revêtus du cachet de la société Maisons Pierre (anciennement Pierre SA), font apparaître des combles aménageables destinés à être affectés à l'installation de deux chambres (n° 4 et n° 5) avec un cabinet de toilette. La demande de permis de construire, signée le 10 décembre 1986 par Monsieur et Madame A... (pièce 3 Y...) fait état d'une surface hors oeuvre nette totale de 128,70 m² correspondant à 88 m2 en rez de chaussée et 40,70m2 au premier étage (cette dernière surface étant le résultat de la soustraction de 47,30m2 de superficie non aménageable au premier étage). Les plans au 1/100ème sont en tous points conformes à ces données. Ces éléments parfaitement concordants démontrent que la maison commandée par les époux A... devait comporter des combles aménageables. Ils tendent encore à être confortés par l'existence d'une liste de 8 entreprises qui seraient intervenues sur le chantier (pièce 6 Y... - liste non signée ni datée), l'une d'entre elles ayant été chargée du plancher des combles, l'expert soulignant qu'un tel lot ne pouvait exister que dans le cas d'une charpente traditionnelle (rapport page 35). Si des doutes ont, par ailleurs, été émis sur la portée d'un courrier administratif en date du 19 novembre 1987 (pièce 7 Y...) répondant à une demande de Monsieur A... de reconsidérer la superficie prise en compte pour la taxe locale d'équipement (128,70 m²), ce courrier ne fait, en réalité, que conforter l'existence de combles aménageables, puisqu'il reprend strictement les surfaces prévues dans la demande de permis de construire. La superficie de 128,70 m2 figure encore sur la déclaration d'achèvement des travaux du 1er décembre 1987 (pièce 9 Y...), ce qui montre que le permis de construire n'a pas été modifié à cet égard. La demande de permis de construire modificatif du 25 février 1987 (pièce [...] ) n'a eu pour objet que l'ajout de 2 vélux en façade arrière sur la toiture, et de 2 lucarnes sur toiture en façade avant, ce qui s'intègre manifestement dans un projet d'aménagement des combles. Le certificat de conformité a été délivré le 12 juin 1990. Le procès-verbal de réception produit aux débats en copie (pièce 4 Y...) n'a fait l'objet d'aucune contestation ni réserve, tant pendant l'expertise, qu'au cours de la procédure engagée après l'expertise, bien qu'il soit établi sur papier libre (sans en-tête de l'entreprise) et qu'il ne supporte pas la signature du représentant de la société Maisons Pierre, contrairement aux dispositions de l'article 14 du contrat de construction, qui prévoit la remise des clefs après signature du procès-verbal de réception par les maîtres d'ouvrage ET le constructeur. Il est évoqué dans l'acte authentique de vente des époux A... aux époux Y... en date du 11 mars 1991 (page 6). Il a été signé par les époux A..., sans aucune réserve, le 24 novembre 1987, ce qui signifie que ceux-ci ont considéré que le bien immobilier livré était conforme à la maison prévue au contrat avec des combles aménageables. Une telle situation implique que le plancher était déjà libre au premier étage et que les contreventements liés à la charpente industrielle avaient déjà été sciés, soit sur l'initiative de l'entreprise chargée du lot charpente, soit sur l'initiative du constructeur de maisons individuelles. Ainsi qu'il a été énoncé par les premiers juges, l'hypothèse d'une mutilation de la charpente Monsieur et Madame A... ne peut être raisonnablement admise en l'absence de réserves à la réception et parce qu'une telle attitude (mettant en cause les droits des acquéreurs, la pérennité de l'ouvrage et la sécurité des occupants) est incohérente avec la prise de possession d'un bien immobilier neuf censé présenter toutes garanties. Aucun élément ne permet d'identifier exactement la personne physique ou morale ayant pris l'initiative de modifier la charpente par amputation (suppression des contreventements), cette modification ayant eu pour seul objectif de dissimuler qu'une charpente industrielle avait été fournie et posée au lieu d'une charpente traditionnelle. Il ne peut donc pas être reproché à la société Maisons Pierre d'avoir délibérément ordonné ou réalisé la modification de la charpente, puisque la connaissance de l'époque de cette modification (avant la prise de possession par les époux A...) ne signifie pas la connaissance de ses circonstances exactes. Dans son rapport (page 42), l'expert indique que "la modification sauvage" a pu être effectuée à l'insu de la société Maisons Pierre et des maîtres d'ouvrage, ce qui signifie que l'initiative n'en revient pas nécessairement à cette société. Il est donc reproché à la société Maisons Pierre d'avoir, postérieurement à la "modification sauvage" effectuée, en sa qualité de professionnelle de la construction, sciemment livré un immobilier neuf affecté d'une non-conformité (charpente industrielle modifiée), en cause les caractéristiques de l'immeuble ainsi que sa pérennité et sa sécurité. S'il peut être retenu que la société Maisons Pierre a eu recours à des entreprises par corps de méfier pour réaliser la maison ARIA 811 et, notamment, à une entreprise chargée du lot charpente, elle ne peut prétendre qu'elle serait restée dans l'ignorance de la modification effectuée parce qu'elle a, d'une part, assuré le suivi du chantier et la coordination des différents corps de métiers et, d'autre part, présidé à la livraison de la maison et la remise des clefs. La pose d'une charpente industrielle et non traditionnelle ne pouvait passer inaperçue en cours de chantier, puisqu'elle était visible du fait que sa structure remplissait les combles, en parfaite contradiction avec les plans et la description de la maison vendue. L'examen des lieux préalablement à la réception et lors de la réception, dans le prolongement du suivi de chantier, ne pouvait manquer de révéler la modification de la structure réalisée sur la charpente par le sciage des contreventements des fermettes et les insuffisances du plancher, qui n'était pas destiné à supporter des combles habitables. C'est la stabilité de l'ensemble de la structure qui était directement mise en cause, étant souligné que le constructeur ne pouvait ignorer le projet d'aménagement des combles de Monsieur et Madame A... puisque ceux-ci avaient déposé une demande de permis de construire modificatif à cette fin (vélux et lucarnes). La société Maisons Pierre a donc remis les clefs de la maison à Monsieur et Madame A..., sans rien dire, ce qui caractérise une violation délibérée et consciente de ses obligations contractuelles, dont les acquéreurs ne pouvaient se rendre compte puisque la maison en apparence, conforme pour des profanes. Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a retenu l'existence d'une faute dolosive imputable à la société Maisons Pierre ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE sur la responsabilité de la société Maisons Pierre, sur le fondement de la faute dolosive : le constructeur qui, de propos délibéré, même sans intention de nuire, viole ses obligations contractuelles, par dissimulation ou par fraude, engage sa responsabilité sur le fondement de la faute dolosive. En l'espèce, les consorts X... soutiennent que la société Maisons Pierre a commis une faute dolosive, en construisant des combles non aménageables, ce qu'elle a ensuite sciemment dissimulé en découpant les contreventements et arbalétriers de la charpente afin de les rendre aménageables, cette opération fragilisant l'ouvrage et aboutissant à une mise en danger des occupants de l'immeuble. La société Maisons Pierre invoque en premier lieu l'impossibilité de se fonder sur la responsabilité de droit commun, en ce qu'elle est subsidiaire à la garantie décennale, seule applicable. Les consorts X... se fondant uniquement sur la faute dolosive et non sur la responsabilité de droit commun, cette argumentation est inopérante. La société Maisons Pierre soutient ensuite que l'action exercée sur le fondement du dol n'appartient qu'à ses co-contractants, à savoir les époux A..., sans qu'elle puisse être transmise aux consorts X.... Toutefois, cette action contractuelle, fondée sur la faute dolosive du constructeur est attachée à l'immeuble et donc transmissible au sous-acquéreur après l'expiration de la garantie légale. La société Maisons Pierre soutient enfin que les consorts X... ne rapportent pas la preuve des manoeuvres dolosives qu'ils invoquent, faisant notamment valoir que l'expert n'est pas parvenu à établir quel était l'auteur des modifications « sauvages » de la charpente, laissant toutefois entendre qu'il s'agirait en fait des époux A.... L'expert relève de manière claire et non contestée, d'une part que le contrat de construction prévoyait des combles aménageables, d'autre part que les combles du pavillon ont été construits à l'origine de façon non aménageable, constatant que les contreventements (supprimés ultérieurement) mobilisaient tout le volume des combles. II constate également : « les contreventements en diagonal des fermettes ont de fait été découpés pour libérer le volume et aménager un étage
leur suppression entraîne un affaissement immédiat de la toiture... un arbalétrier formant chevron de fermette a été découpé au droit de chacune des deux fenêtres de toiture (type Vélux) posées par M. A.... Ce procédé affaiblit la charpente en interrompant la continuité de la nappe des arbalétriers des fermettes ». L'expert ajoute : « les documents diffusés par les parties, les témoignages concordant de MM. A... et Y... laissent à penser qu'une charpente de conception inadaptée a été posée par erreur, et que, aux alentours de la fin du chantier, celle-ci a été fautivement sciée pour maquiller cette méprise et livrer un étage avec un volume libre aménageable tel que celui réceptionné par M. A... le 24 novembre 1987. Parmi les pièces diffusées par les parties figure un tableau des lots et des intervenants..... sur ce tableau figure un lot « plancher des combles ». Un tel lot ne peut exister que dans le cas d'une charpente traditionnelle à fermes avec entraits et arbalétriers permettant de dégager un volume vide, Il est totalement exclu dans le cas d'une charpente industrialisée dont les contreventements verticaux empêchent bien évidemment toute pose de plancher en rendant les combles non aménageables....les éléments recueillis pointent vers une faute de l'entreprise de charpente en charge du chantier ou vers une erreur de coordination entre celle-ci et le constructeur... les éléments recueillis ne permettent cependant pas de savoir si la modification elle-même a été réalisée sur la demande de la société Maisons Pierre ou au contraire faite à son insu par l'entreprise elle-même, ou au pire par les premiers occupants si la sincérité de leurs déclarations venait à être remise en question. » Les éléments ainsi retranscrits du rapport d'expertise font apparaître de manière claire et non discutée que la charpente initialement posée n'était pas conforme aux dispositions contractuelles en ce qu'elle ne permettait pas l'aménagement des combles. Il n'est pas non plus contesté que cette charpente a été « fautivement sciée pour maquiller cette méprise et livrer un étage avec un volume libre aménageable », ce que l'expert qualifie également de « modification sauvage » rendant les lieux dangereux, avec risque d'effondrement tant de la toiture, que du plancher de l'étage. La thèse de la société Maisons Pierre selon laquelle les époux A... seraient les auteurs de la modification de la charpente ne repose sur aucun élément concret, et paraît particulièrement audacieuse tant on peine à imaginer un propriétaire sciant la charpente de la maison qu'il vient de faire construire
et pour laquelle il dispose de toutes les actions en garantie nécessaires si les dispositions contractuelles n'ont pas été respectées. Cette thèse est en tout état de cause contredite par les constatations de l'expert qui fait clairement observer, sans être contredit, que le lot « plancher des combles » prévu au contrat de construction était totalement exclu dans le cas d'une charpente industrialisée dont les contreventements verticaux empêchent bien évidemment toute pose de plancher en rendant les combles non aménageables Il n'est pas contesté que les travaux ont été réceptionnés sans réserve et que le plancher des combes a bien été installé, ce qui implique que l'opération sauvage de sciage des contreventements est intervenue avant la pose du plancher et avant la réception des travaux, cette opération ne pouvant dès lors être le fait que de la société chargée du lot charpente ou de la société Maisons Pierre elle-même. S'il n'est pas possible de déterminer précisément si l'auteur du sciage des contreventements est la société Maisons Pierre ou son sous-traitant, il est en outre indéniable qu'en sa qualité de professionnel de la construction, chargé de la surveillance et de la coordination du chantier entre les différents sous-traitants engagés, la société Maisons Pierre ne pouvait ignorer l'erreur grossière de choix de la charpente, et la modification « sauvage » réalisée selon l'expert pour « maquiller cette méprise et livrer un étage aménageable ». Ayant ainsi conscience du désordre majeur affectant la charpente, la société Maisons Pierre n'en est pas moins restée silencieuse, ce qui caractérise la faute dolosive alléguée par les consorts X..., sa responsabilité contractuelle étant dès lors pleinement engagée ;

1) ALORS QUE la faute dolosive du constructeur suppose une violation délibérée de ses obligations contractuelles par dissimulation ou fraude ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé expressément qu'il ne pouvait être reproché à la société Maisons Pierre d'avoir délibérément ordonné ou réalisé la modification de la charpente de la maison individuelle qu'elle était chargée de construire ; qu'en affirmant néanmoins, pour retenir à son encontre une faute dolosive, que la modification de la charpente était visible et que la société Maisons Pierre avait donc remis les clés à M. et Mme A... sans rien dire, tout en constatant elle-même que le procès-verbal de livraison avait été établi sur papier libre, sans en-tête du constructeur, et qu'il ne comportait pas la signature du représentant de la société Maisons Pierre, ce dont il résultait que la société cette dernière n'avait pas personnellement effectué la livraison et pouvait ne pas avoir conscience de la modification de la charpente, la cour d'appel n'a pas caractérisé la faute dolosive commise par la société Maisons Pierre et a violé l'article 1147 du code civil, en sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

2) ALORS QUE la faute dolosive du constructeur suppose une violation délibérée de ses obligations contractuelles par dissimulation ou fraude ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé expressément qu'il ne pouvait être reproché à la société Maisons Pierre d'avoir délibérément ordonné ou réalisé la modification de la charpente de la maison individuelle qu'elle était chargée de construire ; qu'en affirmant néanmoins, pour retenir à son encontre une faute dolosive, que la société Maisons Pierre avait une obligation de suivi de chantier et de coordination des entreprises et que la pose d'une charpente industrielle et non traditionnelle ne pouvait passer inaperçue au cours du chantier, quand la société Maisons Pierre avait pu méconnaître son obligation de suivi de chantier et ainsi ne pas se rendre compte de la modification de la charpente, ce qui caractérisait une faute professionnelle mais non une dissimulation intentionnelle, la cour d'appel qui n'a pas caractérisé la faute dolosive commise par la société Maisons Pierre, a violé l'article 1147 du code civil, en sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. ECLI:FR:CCASS:2018:C300765
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