Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 28 juin 2018, 16-20.370, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 12 mai 2016), que la société Mitsui Sumitomo Insurance Company Europe Limited (la société Mitsui Sumitomo) a versé à la société Packard Bell BV une indemnisation correspondant à la valeur d'une marchandise facturée par la société Packard Bell Italia ayant disparu lors d'un transport organisé par la société Kuehne et Nagel ; que la société Mitsui Sumitomo, la société Packard Bell BV, la société Packard Bell Italia et la société Packard Bell Angers, aux droits de laquelle vient la société Acer Computer France (les sociétés Packard Bell), estimant la société Kuehne et Nagel responsable du préjudice résultant de la perte de la marchandise, l'ont assignée devant le tribunal de commerce pour la voir condamner à rembourser à la société Mitsui Sumitomo le montant de l'indemnisation versée par elle et à payer le montant de la franchise à la société Packard Bell BV, voire subsidiairement à l'une des deux autres sociétés Packard Bell ; que la société Kuehne et Nagel a interjeté appel du jugement ayant accueilli ces demandes ; que la société MSIG Insurance Europe (la société MSIG Insurance ), déclarant venir aux droits de la société Mitsui Sumitomo, est intervenue volontairement devant la cour d'appel ;


Sur le premier moyen :

Attendu que la société Mitsui Sumitomo, les sociétés Pakard Bell et la société MSIG Insurance font grief à l'arrêt de juger que la société MSIG Insurance est irrecevable en son intervention volontaire, alors, selon le moyen, que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut fonder sa décision sur les moyens de fait ou de droit qu'il a relevés d'office sans avoir, au préalable, invité les parties à présenter leurs observations ; que, dans ses conclusions récapitulatives d'appel, la société Kuehne et Nagel n'avait nullement opposé à la demande de la société MSIG Insurance le moyen pris de l'absence de preuve de sa venue aux droits de la société Mitsui Sumitomo ; qu'en jugeant dès lors que la lettre produite par la société MSIG Insurance ne suffisait pas à justifier qu'elle venait aux droits de la société Mitsui Sumitomo, sans inviter les parties à présenter préalablement leurs observations sur ce moyen qu'elle relevait d'office, la cour d'appel a méconnu le principe de la contradiction et violé l'article 16 du code de procédure civile ;

Mais attendu que l'arrêt ne tranche pas dans son dispositif la recevabilité de l'intervention volontaire ;

D'où il suit que le moyen est irrecevable ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que la société Mitsui Sumitomo, les sociétés Pakard Bell et la société MSIG Insurance font grief à l'arrêt de déclarer la société Packard Bell BV irrecevable en son appel incident tendant à la condamnation de la société Kuehne et Nagel au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de la franchise laissée à sa charge, alors, selon le moyen :

1°/ qu'en cause d'appel, les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositif et que la cour d'appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif ; qu'en jugeant la société Packard Bell BV irrecevable en son appel incident, tandis que le dispositif des écritures de la société Kuehne et Nagel n'énonçait pas une telle prétention, la cour d'appel a violé les articles 4 et 954 du code de procédure civile ;

2°/ que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut fonder sa décision sur les moyens de fait ou de droit qu'il a relevés d'office sans avoir, au préalable, invité les parties à présenter leurs observations ; que, dans ses conclusions récapitulatives d'appel, la société Kuehne et Nagel n'a pas soutenu que l'appel incident de la société Packard Bell BV fût irrecevable ; qu'en relevant d'office cette fin de non-recevoir, sans inviter les parties à présenter préalablement leurs observations, la cour d'appel a méconnu le principe de la contradiction et violé l'article 16 du code de procédure civile ;

3°/ que l'appel peut être incidemment relevé par l'intimé contre l'appelant ; que la société Packard Bell BV, intimée, était dès lors recevable à former appel incident contre la société Kuehne et Nagel, appelante ; qu'en jugeant son appel incident irrecevable, la cour d'appel a violé l'article 548 du code de procédure civile ;

4°/ qu'en toute hypothèse, l'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action et que l'existence du préjudice invoqué par le demandeur n'est pas une condition de recevabilité de son action mais de son succès ; qu'en retenant, pour déclarer la société Packard Bell BV « irrecevable faute d'intérêt à agir à demander l'indemnisation du sinistre à l'occasion de l'opération de transport litigieuse », que cette société ne justifiait pas avoir subi un préjudice du fait de la perte des ordinateurs, la cour d'appel a violé l'article 31 du code de procédure civile ;

5°/ qu'en toute hypothèse, le dommage est un fait juridique, qui se prouve par tous moyens ; qu'en jugeant que la société Packard Bell BV ne pouvait justifier d'un préjudice personnel sur le fondement d'une facture émanant de la société Packard Bell Italia, société tiers, la cour d'appel a violé l'article 1353 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause ;

Mais attendu, d'une part, que si le dispositif de l'arrêt déclare la société Packard Bell BV irrecevable en son appel incident, il s'agit d'une impropriété de termes, les motifs de la décision, qui se réfèrent aux raisons ayant commandé l'irrecevabilité de la demande de la société Mitsui Sumitomo, démontrant qu'a été tranchée l'irrecevabilité de la demande en paiement de la somme de 3 000 euros, objet d'un appel incident dont la régularité n'était pas examinée par la cour d'appel ;

Et attendu, d'autre part, que la cour d'appel, qui a estimé que la société Packard Bell BV ne démontrait pas être propriétaire de la marchandise volée, s'est déterminée au regard de l'intérêt à agir de la société demanderesse et non du bien-fondé de son action ;

D'où il suit qu'abstraction faite du motif erroné mais surabondant critiqué par la cinquième branche, le moyen, inopérant en ses première, deuxième et troisième branches, n'est pas fondé pour le surplus ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le deuxième moyen annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;


PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne les sociétés Mitsui Sumitomo Insurance Company Europe Limited Packard Bell Italia SRL, Acer Computer France, Packard Bell BV et MSIG Insurance Europe AG aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande des sociétés Mitsui Sumitomo Insurance Company Europe Limited , Packard Bell Italia SRL, Acer Computer France, Packard Bell BV et MSIG Insurance Europe AG ; les condamne in solidum à payer à la société Kuehne et Nagel la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit juin deux mille dix-huit. MOYENS ANNEXES au présent arrêt.

Moyens produits par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour les sociétés Mitsui Sumitomo Insurance Company Europe Limited , Packard Bell Italia SRL, Acer Computer France, Packard Bell BV et MSIG Insurance Europe AG.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir jugé que la société MSIG Europe AG était irrecevable en son intervention volontaire ;

AUX MOTIFS QUE la copie de lettre adressée sous forme de circulaire par la société Mitsui Sumitomo Insurance Company (Europe), abstraction du fait qu'elle ne soit pas traduite, que ne vient étayer aucun autre document, ne suffit pas à justifier que la société MSIG Insurance Europe A.G. vient aux droits de la société Mitsui Sumitomo Insurance Company (Europe) ;

ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut fonder sa décision sur les moyens de fait ou de droit qu'il a relevés d'office sans avoir, au préalable, invité les parties à présenter leurs observations ; que, dans ses conclusions récapitulatives d'appel, la société Kuehne et Nagel n'avait nullement opposé à la demande de la société MSIG Europe AG le moyen pris de l'absence de preuve de sa venue aux droits de la société Mitsui Sumitomo Insurance Company Europe ; qu'en jugeant dès lors que la lettre produite par la société MSIG Europe AG ne suffisait pas à justifier qu'elle venait aux droits de la société Mitsui Sumitomo Insurance Company (Europe), sans inviter les parties à présenter préalablement leurs observations sur ce moyen qu'elle relevait d'office, la cour d'appel a méconnu le principe de la contradiction et violé l'article 16 du code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé le jugement du 26 novembre 2013 en ce qu'il avait dit les sociétés Packard Bell BV., Packard Bell Italia SRL, Packard Bell Angers, Gruppo Pam Spa, et Mitsui Sumitomo Insurance Company (Europe) Limited recevables et bien fondées en leur demande principale et condamné la société Kuehne et Nagel à verser la société Mitsui Sumitomo Insurance Company (Europe) Limited les sommes de 86.655 € et 3.427,20 € ;

AUX MOTIFS QUE le mécanisme de la subrogation dont se prévaut la société Mitsui Sumitomo Insurance Company (Europe) suppose préalablement d'examiner les droits et actions du subrogeant, la société Mitsui Sumitomo Insurance Company (Europe) ne pouvant avoir plus de droits que celui-ci. Il n'est pas contesté que la police d'assurance a été souscrite par la société Packard Bell B.V. auprès de la société Mitsui Sumitomo Insurance Company (Europe). La société Mitsui Sumitomo Insurance Company (Europe) a ainsi versé le montant de l'indemnisation à la société Packard Bell B.V. comme il résulte de la déclaration d'indemnisation en date du 12 avril 2007 établie par le courtier d'assurance qui mentionne cette société comme étant l'assuré. La société Packard Bell B.V., par ailleurs aux termes de ses écritures revendique à plusieurs reprises sa qualité d'assuré (particulièrement page 21). Il est donc conclu que seule la société Packard Bell B.V. a la qualité d'assuré. Or pour justifier de son préjudice, la société Packard Bell B.V. produit une facture émanant de la société Packard Bell Italia. Le fait que cette société fasse partie du même groupe ne fait pas obstacle au principe de la personnalité morale et du principe qui en découle de son autonomie. En effet, comme il ne pourrait être admis sauf cession de créance que la société Packard Bell B.V. forme une demande en paiement à titre personnel sur le fondement d'une facture émanant d'une société tiers, elle ne peut pas d'avantage justifier d'un préjudice personnel sur le fondement d'une facture émanant de la société Packard Bell Italia, société tiers. La société Packard Bell B.V. qui ne démontre pas que les ordinateurs dérobés sont entrés dans son patrimoine ne justifie pas avoir subi un préjudice du fait de leur perte et la circonstance que la société Mitsui Sumitomo Insurance Company (Europe) se soit satisfaite de la facture émanant de la société Packard Bell Italia pour verser des fonds à son assuré ne crée aucun droit à la société Packard Bell B.V. quant à la marchandise dérobée. Dès lors, la société Packard Bell B.V. étant irrecevable faute d'intérêt à agir, à demander l'indemnisation du sinistre à l'occasion de l'opération de transport litigieuse, la société Mitsui Sumitomo Insurance Company (Europe) en qualité de subrogataire n'a pas d'avantage de droits que son subrogeant ;

1°) ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut fonder sa décision sur les moyens de fait ou de droit qu'il a relevés d'office sans avoir, au préalable, invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en relevant d'office le moyen tiré de ce « qu'il ne pourrait être admis, sauf cession de créance, que la société Packard Bell BV forme une demande en paiement à titre personnel sur le fondement d'une facture émanant d'une société tiers », sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations sur ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut fonder sa décision sur les moyens de fait ou de droit qu'il a relevés d'office sans avoir, au préalable, invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en relevant d'office le moyen tiré de ce que « la société Packard Bell BV, qui ne démontre pas que les ordinateurs dérobés sont entrés dans son patrimoine ne justifie pas avoir subi un préjudice du fait de leur perte », pour juger que cette société n'avait pas de droit à réparation contre la société Kuehne et Nagel, et qu'elle n'avait donc pu transmettre ce droit à son assureur Mitsui Sumitomo, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations sur ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

3°) ALORS QUE l'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action et que l'existence du préjudice invoqué par le demandeur n'est pas une condition de recevabilité de son action mais de son succès ; qu'en retenant, pour déclarer la société Packard Bell BV « irrecevable faute d'intérêt à agir à demander l'indemnisation du sinistre à l'occasion de l'opération de transport litigieuse », que cette société ne justifiait pas avoir subi un préjudice du fait de la perte des ordinateurs, la cour d'appel a violé l'article 31 du code de procédure civile ;

4°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE le dommage est un fait juridique, qui se prouve par tous moyens ; qu'en jugeant que la société Packard Bell BV ne pouvait justifier d'un préjudice personnel sur le fondement d'une facture émanant de la société Packard Bell Italia, société tiers, la cour d'appel a violé l'article 1353 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré la société Packard Bell BV irrecevable en son appel incident tendant à la condamnation de la société Kuehne et Nagel au paiement de 3.000 € au titre de la franchise laissée à sa charge ;

AUX MOTIFS QUE La société Packard Bell B.V., par ailleurs aux termes de ses écritures revendique à plusieurs reprises sa qualité d'assuré (particulièrement page 21). Il est donc conclu que seule la société Packard Bell B.V. a la qualité d'assuré. Or pour justifier de son préjudice, la société Packard Bell B.V. produit une facture émanant de la société Packard Bell Italia. Le fait que cette société fasse partie du même groupe ne fait pas obstacle au principe de la personnalité morale et du principe qui en découle de son autonomie. En effet, comme il ne pourrait être admis sauf cession de créance que la société Packard Bell B.V. forme une demande en paiement à titre personnel sur le fondement d'une facture émanant d'une société tiers, elle ne peut pas d'avantage justifier d'un préjudice personnel sur le fondement d'une facture émanant de la société Packard Bell Italia, société tiers. La société Packard Bell B.V. qui ne démontre pas que les ordinateurs dérobés sont entrés dans son patrimoine ne justifie pas avoir subi un préjudice du fait de leur perte et la circonstance que la société Mitsui Sumitomo Insurance Company (Europe) se soit satisfaite de la facture émanant de la société Packard Bell Italia pour verser des fonds à son assuré ne crée aucun droit à la société Packard Bell B.V. quant à la marchandise dérobée ;

1°) ALORS QU'en cause d'appel, les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositif et que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif ; qu'en jugeant la société Packard Bell BV irrecevable en son appel incident, tandis que le dispositif des écritures de la société Kuehne et Nagel n'énonçait pas une telle prétention, la cour d'appel a violé les articles 4 et 954 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut fonder sa décision sur les moyens de fait ou de droit qu'il a relevés d'office sans avoir, au préalable, invité les parties à présenter leurs observations ; que, dans ses conclusions récapitulatives d'appel, la société Kuehne et Nagel n'a pas soutenu que l'appel incident de la société Packard Bell BV fût irrecevable ; qu'en relevant d'office cette fin de non-recevoir, sans inviter les parties à présenter préalablement leurs observations, la cour d'appel a méconnu le principe de la contradiction et violé l'article 16 du code de procédure civile ;

3°) ALORS QUE l'appel peut être incidemment relevé par l'intimé contre l'appelant ; que la société Packard Bell BV, intimée, était dès lors recevable à former appel incident contre la société Kuehne et Nagel, appelante ; qu'en jugeant son appel incident irrecevable, la cour d'appel a violé l'article 548 du code de procédure civile ;

4°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE l'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action et que l'existence du préjudice invoqué par le demandeur n'est pas une condition de recevabilité de son action mais de son succès ; qu'en retenant, pour déclarer la société Packard Bell BV « irrecevable faute d'intérêt à agir à demander l'indemnisation du sinistre à l'occasion de l'opération de transport litigieuse », que cette société ne justifiait pas avoir subi un préjudice du fait de la perte des ordinateurs, la cour d'appel a violé l'article 31 du code de procédure civile ;

5°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE le dommage est un fait juridique, qui se prouve par tous moyens ; qu'en jugeant que la société Packard Bell BV ne pouvait justifier d'un préjudice personnel sur le fondement d'une facture émanant de la société Packard Bell Italia, société tiers, la cour d'appel a violé l'article 1353 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause.ECLI:FR:CCASS:2018:C200898
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