Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 5 juillet 2018, 16-21.563 16-21.564, Inédit
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 5 juillet 2018, 16-21.563 16-21.564, Inédit
Cour de cassation - Chambre sociale
- N° de pourvoi : 16-21.563, 16-21.564
- ECLI:FR:CCASS:2018:SO01107
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
Audience publique du jeudi 05 juillet 2018
Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, du 01 juin 2016- Président
- M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu la connexité, joint les pourvois n°U16-21.563 et n°V16-21.564 ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article L. 2511-1 du code du travail ;
Attendu, selon les arrêts attaqués, que MM. Y... et Z... ont été engagés par la société NC Numéricable en qualité de conseillers commerciaux ; qu'à l'issue d'un mouvement de grève qui s'est déroulé du 5 novembre au 4 décembre 2008, ils ont été licenciés par lettre du 1er juillet 2009 ; que contestant leur licenciement, ils ont saisi la juridiction prud'homale ;
Attendu que pour rejeter la demande en nullité des licenciements et leurs demandes subséquentes, les arrêts retiennent qu'il ressort des circonstances propres au cas des salariés, que ces derniers n'ont pas participé aux grèves intervenues de novembre à décembre 2008, ni à celle du 5 janvier au 20 mars 2009, que les salariés admettent simplement n'avoir pas caché à leur employeur qu'ils partageaient et soutenaient les collègues en grève en région parisienne, que même si l'employeur évoque dans la lettre de licenciement le fait que les salariés déstabilisaient leurs collègues en leur demandant de se mettre en grève, force est de relever qu'ils n'ont pas participé à l'une des grèves déclenchées par des collègues et que par suite, les dispositions légales susvisées n'ont pas vocation à recevoir application ;
Attendu, cependant, que la nullité du licenciement d'un salarié n'est pas limitée au cas où le licenciement est prononcé pour avoir participé à une grève mais s'étend à tout licenciement prononcé à raison d'un fait commis au cours de la grève et qui ne peut être qualifié de faute lourde ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'il résultait de ses constatations que la lettre de licenciement reprochait aux salariés de déstabiliser leurs collègues en leur demandant de se mettre en grève et en leur tenant des propos déplacés vis-à-vis de la hiérarchie, ce dont il résultait que les faits étaient commis à l'occasion de l'exercice d'un droit de grève, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et attendu que la cassation à intervenir sur le premier moyen des pourvois entraîne la cassation par voie de conséquence des chefs de dispositif visés par les deuxième et troisième moyens dans le pourvoi n° U 16-21-563 et par le second moyen du pourvoi n° V 16-21-564, ainsi que des chefs de dispositif condamnant l'employeur au remboursement à Pôle emploi des indemnités de chômage versées aux salariés dans la limite de deux mois ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'ils rejettent les demandes en nullité de leur licenciement et condamnent la société NC Numericable à verser à M. Y... la somme de 28 760,40 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et à M. Z... la somme de 35 600,16 euros au même titre, et en ce qu'ils ordonnent le remboursement à Pôle emploi des indemnités de chômage versées aux salariés dans la limite de deux mois, les arrêts rendus le 1er juin 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdits arrêts et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société NC Numéricable aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer la somme globale de 3 000 euros à MM. Y... et Z... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts partiellement cassés ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq juillet deux mille dix-huit. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits au pourvoi n° U 16-21-563 par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. Y...
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté Monsieur Y... de sa demande tendant à voir prononcer la nullité de son licenciement et de ses demandes subséquentes de réintégration et en paiement de ses salaires depuis son licenciement jusqu'à la date de sa réintégration effective ;
Aux motifs que : «Selon l'article L.2511-1 du code du travail, l'exercice du droit de grève ne peut justifier la rupture du contrat de travail, sauf faute lourde imputable au salarié. Pour toute la durée de la grève, le contrat de travail se trouve donc suspendu. son exercice ne peut donner lieu à aucune mesure discriminatoire [..] tout licenciement prononcé en l'absence de faute lourde est nul de plein droit » ; qu'il ressort des circonstances propres à l'espèce que Monsieur Y... n'a pas participé aux grèves de novembre à décembre 2008, ni à celle du 5 janvier au 20 mars 2009 ; qu'il admet simplement n'avoir pas caché à son employeur qu'il partageait et soutenait les collègues en grève en région parisienne ; que, même si l'employeur évoque, dans la lettre de licenciement, le fait que le salarié « déstabilisait ses collègues en leur demandant de se mettre en grève », force est de relever que celui-ci n'a pas participé à une des grèves déclenchées par des collègues et, par suite, les dispositions légales susvisées n'ont pas vocation à recevoir application ; Sur le moyen tiré de la nullité du licenciement pour absence de plan de sauvegarde de l'emploi, le salarié invoque les dispositions de l'article L.1233-3 du code du travail selon lesquelles « constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression d'emploi ou d'une modification refusée par lui d'un élément essentiel de son contrat de travail » ainsi que celles posées par l'article L.1233-61 du code du travail qui prévoient que les entreprises de 50 salariés envisageant de licencier pour motif économique au moins 10 salariés dans une période de 30 jours doivent établir et mettre en oeuvre un plan de sauvegarde de l'emploi ; que les sociétés NUMERICABLE et NC NUMERICABLE forment une unité économique et sociale dotée d'un comité central d'entreprise, niveau auquel devait s'apprécier l'obligation de mise en place d'un tel plan ; qu'il soutient que ces dispositions avaient vocation à s'appliquer dès lors que tous les salariés s'étaient vus proposer une modification de leur contrat de travail, qu'ils avaient refusée, que tous les postes, y compris le sien, ont été supprimés, qu'il n'a jamais été remplacé ; qu'il rappelle que l'article L.1235-10 du code du travail dispose que la procédure de licenciement est nulle tant que le plan de reclassement des salariés prévu et s'intégrant dans le plan de sauvegarde de l'emploi n'est pas présenté par l'employeur aux représentants du personnel qui doivent être réunis, informés et consultés ; qu'il en déduit que la nullité de la procédure de licenciement emporte la nullité du licenciement lui-même ; que, toutefois, l'article L.1233-3 du code du travail précise que, pour que le licenciement repose sur un motif économique, il faut que la suppression de l'emploi et/ou la modification refusée par le salarié d'un élément essentiel du contrat de travail soient consécutives à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ; qu'or, dans le cas d'espèce, les mesures prises par l'employeur n'étaient pas en lien avec des difficultés économiques ou avec des mutations technologiques ; qu'en effet, l'employeur n'est pas utilement combattu quand il soutient avoir voulu revoir sa stratégie de vente à domicile passant par la proposition d'avenants remettant en cause les modalités de commissionnement des vendeurs afin de rétablir un certain nombre de bonnes pratiques et d'éradiquer de « fausses ventes » exposant l'entreprise à des contentieux commerciaux, même s'il ne fait spécialement grief au salarié d'avoir eu recours à de telles pratiques déloyales ; que le moyen n'est pas pertinent ; »
Alors, en premier lieu, que la nullité du licenciement d'un salarié n'est pas limitée au cas où le licenciement est prononcé pour avoir participé à une grève mais s'étend à tout licenciement prononcé à raison d'un fait commis au cours de la grève et qui ne peut être qualifié de faute lourde ; qu'en déboutant le salarié de sa demande de nullité du licenciement, après avoir relevé qu'il avait été licencié notamment pour avoir « déstabilis[é] ses collègues en leur demandant de se mettre en grève », ce dont il résulte que le licenciement avait été prononcé à raison d'un fait en lien avec l'exercice du droit de grève qui ne pouvait être qualifié de faute lourde et était donc entaché de nullité, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a, dès lors, violé l'article L.2511-1 du code du travail ;
Alors, en deuxième lieu et en tout état de cause, que l'application de l'article L.1233-61 du code du travail relatif à l'établissement par l'employeur d'un plan de sauvegarde de l'emploi suppose que le projet de licenciement ait une nature économique, mais nullement que son motif économique soit réel et sérieux ; que la cour d'appel, qui a retenu que les suppressions d'emplois ou/et modifications des contrats de travail refusées par les salariés « n'étaient pas en lien avec des difficultés économiques ou avec des mutations technologiques », a exigé la preuve d'une cause économique réelle et sérieuse de licenciement pour voir appliquer l'article L.1233-61 du code du travail ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas, a violé les articles L.1233-61, L.1235-10, L.1233-1, L.1233-2 et L.1233-3 du code du travail ;
Alors, en troisième lieu et à tout le moins, que l'application de l'article L.1233-61 du code du travail relatif à l'établissement par l'employeur d'un plan de sauvegarde de l'emploi suppose que le projet de licenciement ait une nature économique ; qu'a une nature économique le projet de licenciement dont le motif est étranger à la personne du salarié ; qu'en refusant d'appliquer en l'espèce l'article L.1233-61 du code du travail, après avoir relevé que l'employeur n'était pas utilement combattu quand il expliquait les suppressions de postes et modifications des contrats de travail à l'origine des licenciements par une volonté de « revoir sa stratégie de vente à domicile passant par la proposition d'avenants remettant en cause les modalités de commissionnements des vendeurs afin de rétablir un certain nombre de bonnes pratiques et d'éradiquer de « fausses ventes » exposant l'entreprise à des contentieux commerciaux », ce dont il résulte que les licenciements étaient étrangers à la personne des salariés et avaient donc une nature économique, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a, en conséquence, violé les articles L.1233-61, L.1235-10, L.1233-1, L.1233-2 et L.1233-3 du code du travail ;
Alors, enfin et en tout état de cause, qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher, ainsi qu'elle y était cependant invitée, si les licenciements qui résultaient de suppressions d'emploi et/ou de modifications de contrats de travail refusées par les salariés n'étaient pas étrangers à leur personne et n'avaient pas la nature juridique de licenciements économiques, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1233-61, L.1235-10, L.1233-1, L.1233-2 et L.1233-3 du code du travail.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire par rapport au premier moyen de cassation)
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir limité à la somme de 28.760,40 euros le montant des dommages et intérêts alloué à Monsieur Y... au titre de l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement ;
Aux motifs que : « Sur les demandes de rappel de salaire pour la mise à pied, d'indemnités de rupture et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'outre l'indemnité compensatrice de préavis, les congés payés afférents et l'indemnité de licenciement dont les montants ne sont pas utilement contestés par l'employeur, Monsieur Y... peut obtenir une indemnisation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que, compte tenu de son ancienneté de l'ordre de trois années et sept mois, de la perte de l'emploi avec les conséquences s'y rattachant, la cour allouera à la partie appelante la somme de 28.760,40 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi en application de l'article L.1235-3 du code du travail ; Sur les demandes de dommages et intérêts pour préjudice financier ; que le préjudice financier lié à la perte d'emploi a été pris en compte dans l'évaluation précédemment retenue ; que cette demande ne peut pas prospérer ;
Alors, d'une part, que, dans ses conclusions d'appel (p.18), le salarié soutenait qu'il n'avait rien perçu de la part de Pôle emploi pendant une période de 82 jours suivant son licenciement alors que, s'il avait été licencié pour motif économique, il aurait été indemnisé par l'organisme d'assurance chômage dès le jour de la rupture de son contrat de travail ; qu'en conséquence, il sollicitait que la société NC NUMERICABLE prenne en charge cette perte d'indemnisation ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans répondre à ce chef des conclusions d'appel du salarié, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Alors, d'autre part, que, dans ses conclusions d'appel (p.18), Monsieur Y... soutenait que les salariés licenciés pour motif économique percevaient, durant les douze premiers mois de chômage, une indemnité égale à 80 % du salaire journalier de référence, alors que les salariés licenciés pour un motif autre qu'économique percevaient une indemnité égale à 57,4 % du salaire de référence ; qu'en conséquence, il demandait la condamnation de l'employeur à réparer le préjudice subi au titre de ce différentiel ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans répondre à ce chef des conclusions d'appel du salarié, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire par rapport au premier moyen de cassation)
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur Y... de sa demande en paiement d'une indemnité au titre de l'abattement de 30 % sur son salaire pratiqué par l'employeur au titre des frais professionnels ;
Aux motifs que : « Sur les demandes de rappel de salaire pour la mise à pied, d'indemnités de rupture et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'outre l'indemnité compensatrice de préavis, les congés payés afférents et l'indemnité de licenciement dont les montants ne sont pas utilement contestés par l'employeur, Monsieur Y... peut obtenir une indemnisation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que, compte tenu de son ancienneté de l'ordre de trois années et sept mois, de la perte de l'emploi avec les conséquences s'y rattachant, la cour allouera à la partie appelante la somme de 28.760,40 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi en application de l'article L.1235-3 du code du travail ; Sur les demandes de dommages et intérêts pour préjudice financier ; que le préjudice financier lié à la perte d'emploi a été pris en compte dans l'évaluation précédemment retenue ; que cette demande ne peut pas prospérer ;
Alors qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher, ainsi qu'elle y était cependant invitée, si l'employeur était fondé à pratiquer, comme il l'avait fait, un abattement de 30%, au titre des frais professionnels, sur le salaire de Monsieur Y... servant d'assiette de calcul aux cotisations sociales, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.242-1 alinéa 3 du code de la sécurité sociale et de l'article 9 de l'arrêté du 20 décembre 2002 relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale.
Moyens produits au pourvoi n° V 16-21-564 par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. Z...
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté Monsieur Z... de sa demande tendant à voir prononcer la nullité de son licenciement et de ses demandes subséquentes de réintégration et en paiement de ses salaires depuis son licenciement jusqu'à la date de sa réintégration effective ;
Aux motifs que : «Selon l'article L.2511-1 du code du travail, l'exercice du droit de grève ne peut justifier la rupture du contrat de travail, sauf faute lourde imputable au salarié. Pour toute la durée de la grève, le contrat de travail se trouve donc suspendu. son exercice ne peut donner lieu à aucune mesure discriminatoire [..] tout licenciement prononcé en l'absence de faute lourde est nul de plein droit » ; qu'il ressort des circonstances propres à l'espèce que Monsieur Z... n'a pas participé aux grèves de novembre à décembre 2008, ni à celle du 5 janvier au 20 mars 2009 ; qu'il admet simplement n'avoir pas caché à son employeur qu'il partageait et soutenait les collègues en grève en région parisienne ; que, même si l'employeur évoque, dans la lettre de licenciement, le fait que le salarié « déstabilisait ses collègues en leur demandant de se mettre en grève », force est de relever que celui-ci n'a pas participé à une des grèves déclenchées par des collègues et, par suite, les dispositions légales susvisées n'ont pas vocation à recevoir application ; Sur le moyen tiré de la nullité du licenciement pour absence de plan de sauvegarde de l'emploi, le salarié invoque les dispositions de l'article L.1233-3 du code du travail selon lesquelles « constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression d'emploi ou d'une modification refusée par lui d'un élément essentiel de son contrat de travail » ainsi que celles posées par l'article L.1233-61 du code du travail qui prévoient que les entreprises de 50 salariés envisageant de licencier pour motif économique au moins 10 salariés dans une période de 30 jours doivent établir et mettre en oeuvre un plan de sauvegarde de l'emploi ; que les sociétés NUMERICABLE et NC NUMERICABLE forment une unité économique et sociale dotée d'un comité central d'entreprise, niveau auquel devait s'apprécier l'obligation de mise en place d'un tel plan ; qu'il soutient que ces dispositions avaient vocation à s'appliquer dès lors que tous les salariés s'étaient vus proposer une modification de leur contrat de travail, qu'ils avaient refusée, que tous les postes, y compris le sien, ont été supprimés, qu'il n'a jamais été remplacé ; qu'il rappelle que l'article L.1235-10 du code du travail dispose que la procédure de licenciement est nulle tant que le plan de reclassement des salariés prévu et s'intégrant dans le plan de sauvegarde de l'emploi n'est pas présenté par l'employeur aux représentants du personnel qui doivent être réunis, informés et consultés ; qu'il en déduit que la nullité de la procédure de licenciement emporte la nullité du licenciement lui-même ; que, toutefois, l'article L.1233-3 du code du travail précise que, pour que le licenciement repose sur un motif économique, il faut que la suppression de l'emploi et/ou la modification refusée par le salarié d'un élément essentiel du contrat de travail soient consécutives à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ; qu'or, dans le cas d'espèce, les mesures prises par l'employeur n'étaient pas en lien avec des difficultés économiques ou avec des mutations technologiques ; qu'en effet, l'employeur n'est pas utilement combattu quand il soutient avoir voulu revoir sa stratégie de vente à domicile passant par la proposition d'avenants remettant en cause les modalités de commissionnement des vendeurs afin de rétablir un certain nombre de bonnes pratiques et d'éradiquer de « fausses ventes » exposant l'entreprise à des contentieux commerciaux, même s'il ne fait spécialement grief au salarié d'avoir eu recours à de telles pratiques déloyales ; que le moyen tiré de l'absence de plan de sauvegarde de l'emploi n'est pas pertinent ; »
Alors, en premier lieu, que la nullité du licenciement d'un salarié n'est pas limitée au cas où le licenciement est prononcé pour avoir participé à une grève mais s'étend à tout licenciement prononcé à raison d'un fait commis au cours de la grève et qui ne peut être qualifié de faute lourde ; qu'en déboutant le salarié de sa demande de nullité du licenciement, après avoir relevé qu'il avait été licencié notamment pour avoir « déstabilis[é] ses collègues en leur demandant de se mettre en grève », ce dont il résulte que le licenciement avait été prononcé à raison d'un fait en lien avec l'exercice du droit de grève qui ne pouvait être qualifié de faute lourde et était donc entaché de nullité, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a, dès lors, violé l'article L.2511-1 du code du travail ;
Alors, en deuxième lieu et en tout état de cause, que l'application de l'article L.1233-61 du code du travail relatif à l'établissement par l'employeur d'un plan de sauvegarde de l'emploi suppose que le projet de licenciement ait une nature économique, mais nullement que son motif économique soit réel et sérieux ; que la cour d'appel, qui a retenu que les suppressions d'emplois ou/et modifications des contrats de travail refusées par les salariés « n'étaient pas en lien avec des difficultés économiques ou avec des mutations technologiques », a exigé la preuve d'une cause économique réelle et sérieuse de licenciement pour voir appliquer l'article L.1233-61 du code du travail ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas, a violé les articles L.1233-61, L.1235-10, L.1233-1, L.1233-2 et L.1233-3 du code du travail ;
Alors, en troisième lieu et à tout le moins, que l'application de l'article L.1233-61 du code du travail relatif à l'établissement par l'employeur d'un plan de sauvegarde de l'emploi suppose que le projet de licenciement ait une nature économique ; qu'a une nature économique le projet de licenciement dont le motif est étranger à la personne du salarié ; qu'en refusant d'appliquer l'article L.1233-61 du code du travail, après avoir relevé que l'employeur n'était pas utilement combattu quand il expliquait les suppressions de postes et modifications des contrats de travail à l'origine des licenciements par une volonté de « revoir sa stratégie de vente à domicile passant par la proposition d'avenants remettant en cause les modalités de commissionnements des vendeurs afin de rétablir un certain nombre de bonnes pratiques et d'éradiquer de « fausses ventes » exposant l'entreprise à des contentieux commerciaux », ce dont il résulte que les licenciements étaient étrangers à la personne des salariés et avaient donc une nature économique, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a, en conséquence, violé les articles L.1233-61, L.1235-10, L.1233-1, L.1233-2 et L.1233-3 du code du travail ;
Alors, enfin et en tout état de cause, qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher, ainsi qu'elle y était cependant invitée, si les licenciements qui résultaient de suppressions d'emploi et/ou de modifications de contrats de travail refusées par les salariés n'étaient pas étrangers à leur personne et n'avaient pas la nature juridique de licenciements économiques, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1233-61, L.1235-10, L.1233-1, L.1233-2 et L.1233-3 du code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire par rapport au premier moyen de cassation)
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir limité à la somme de 35.600,16 euros le montant des dommages et intérêts alloué à Monsieur Z... au titre de l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement ;
Aux motifs que : « Sur les demandes de rappel de salaire pour la mise à pied, d'indemnités de rupture et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'outre l'indemnité compensatrice de préavis, les congés payés afférents et l'indemnité de licenciement dont les montants ne sont pas utilement contestés par l'employeur, Monsieur Z... est fondé à obtenir une indemnisation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que, compte tenu de son ancienneté de l'ordre de trois années et neuf mois, de la perte de l'emploi avec les conséquences s'y rattachant, la cour allouera à la partie appelante la somme de 35.600,16 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi en application de l'article L.1235-3 du code du travail ; Sur les demandes de dommages et intérêts pour préjudice financier ; que le préjudice financier lié à la perte d'emploi a été pris en compte dans l'évaluation précédemment retenue ; que cette demande ne peut pas prospérer ;
Alors, d'une part, que, dans ses conclusions d'appel (p.18), le salarié soutenait qu'il n'avait rien perçu de la part de Pôle emploi pendant une période de 82 jours suivant son licenciement alors que, s'il avait été licencié pour motif économique, il aurait été indemnisé par l'organisme d'assurance chômage dès le jour de la rupture de son contrat de travail ; qu'en conséquence, il sollicitait que la société NC NUMERICABLE prenne en charge cette perte d'indemnisation ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans répondre à ce chef des conclusions d'appel du salarié, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Alors, d'autre part, que, dans ses conclusions d'appel (p.19), Monsieur Z... soutenait que les salariés licenciés pour motif économique percevaient, durant les douze premiers mois de chômage, une indemnité égale à 80 % du salaire journalier de référence, alors que les salariés licenciés pour un motif autre qu'économique percevaient une indemnité égale à 57,4 % du salaire de référence ; qu'en conséquence, il demandait la condamnation de l'employeur à réparer le préjudice subi au titre de ce différentiel ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans répondre à ce chef des conclusions d'appel du salarié, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2018:SO01107
Vu la connexité, joint les pourvois n°U16-21.563 et n°V16-21.564 ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article L. 2511-1 du code du travail ;
Attendu, selon les arrêts attaqués, que MM. Y... et Z... ont été engagés par la société NC Numéricable en qualité de conseillers commerciaux ; qu'à l'issue d'un mouvement de grève qui s'est déroulé du 5 novembre au 4 décembre 2008, ils ont été licenciés par lettre du 1er juillet 2009 ; que contestant leur licenciement, ils ont saisi la juridiction prud'homale ;
Attendu que pour rejeter la demande en nullité des licenciements et leurs demandes subséquentes, les arrêts retiennent qu'il ressort des circonstances propres au cas des salariés, que ces derniers n'ont pas participé aux grèves intervenues de novembre à décembre 2008, ni à celle du 5 janvier au 20 mars 2009, que les salariés admettent simplement n'avoir pas caché à leur employeur qu'ils partageaient et soutenaient les collègues en grève en région parisienne, que même si l'employeur évoque dans la lettre de licenciement le fait que les salariés déstabilisaient leurs collègues en leur demandant de se mettre en grève, force est de relever qu'ils n'ont pas participé à l'une des grèves déclenchées par des collègues et que par suite, les dispositions légales susvisées n'ont pas vocation à recevoir application ;
Attendu, cependant, que la nullité du licenciement d'un salarié n'est pas limitée au cas où le licenciement est prononcé pour avoir participé à une grève mais s'étend à tout licenciement prononcé à raison d'un fait commis au cours de la grève et qui ne peut être qualifié de faute lourde ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'il résultait de ses constatations que la lettre de licenciement reprochait aux salariés de déstabiliser leurs collègues en leur demandant de se mettre en grève et en leur tenant des propos déplacés vis-à-vis de la hiérarchie, ce dont il résultait que les faits étaient commis à l'occasion de l'exercice d'un droit de grève, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et attendu que la cassation à intervenir sur le premier moyen des pourvois entraîne la cassation par voie de conséquence des chefs de dispositif visés par les deuxième et troisième moyens dans le pourvoi n° U 16-21-563 et par le second moyen du pourvoi n° V 16-21-564, ainsi que des chefs de dispositif condamnant l'employeur au remboursement à Pôle emploi des indemnités de chômage versées aux salariés dans la limite de deux mois ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'ils rejettent les demandes en nullité de leur licenciement et condamnent la société NC Numericable à verser à M. Y... la somme de 28 760,40 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et à M. Z... la somme de 35 600,16 euros au même titre, et en ce qu'ils ordonnent le remboursement à Pôle emploi des indemnités de chômage versées aux salariés dans la limite de deux mois, les arrêts rendus le 1er juin 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdits arrêts et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société NC Numéricable aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer la somme globale de 3 000 euros à MM. Y... et Z... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts partiellement cassés ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq juillet deux mille dix-huit. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits au pourvoi n° U 16-21-563 par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. Y...
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté Monsieur Y... de sa demande tendant à voir prononcer la nullité de son licenciement et de ses demandes subséquentes de réintégration et en paiement de ses salaires depuis son licenciement jusqu'à la date de sa réintégration effective ;
Aux motifs que : «Selon l'article L.2511-1 du code du travail, l'exercice du droit de grève ne peut justifier la rupture du contrat de travail, sauf faute lourde imputable au salarié. Pour toute la durée de la grève, le contrat de travail se trouve donc suspendu. son exercice ne peut donner lieu à aucune mesure discriminatoire [..] tout licenciement prononcé en l'absence de faute lourde est nul de plein droit » ; qu'il ressort des circonstances propres à l'espèce que Monsieur Y... n'a pas participé aux grèves de novembre à décembre 2008, ni à celle du 5 janvier au 20 mars 2009 ; qu'il admet simplement n'avoir pas caché à son employeur qu'il partageait et soutenait les collègues en grève en région parisienne ; que, même si l'employeur évoque, dans la lettre de licenciement, le fait que le salarié « déstabilisait ses collègues en leur demandant de se mettre en grève », force est de relever que celui-ci n'a pas participé à une des grèves déclenchées par des collègues et, par suite, les dispositions légales susvisées n'ont pas vocation à recevoir application ; Sur le moyen tiré de la nullité du licenciement pour absence de plan de sauvegarde de l'emploi, le salarié invoque les dispositions de l'article L.1233-3 du code du travail selon lesquelles « constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression d'emploi ou d'une modification refusée par lui d'un élément essentiel de son contrat de travail » ainsi que celles posées par l'article L.1233-61 du code du travail qui prévoient que les entreprises de 50 salariés envisageant de licencier pour motif économique au moins 10 salariés dans une période de 30 jours doivent établir et mettre en oeuvre un plan de sauvegarde de l'emploi ; que les sociétés NUMERICABLE et NC NUMERICABLE forment une unité économique et sociale dotée d'un comité central d'entreprise, niveau auquel devait s'apprécier l'obligation de mise en place d'un tel plan ; qu'il soutient que ces dispositions avaient vocation à s'appliquer dès lors que tous les salariés s'étaient vus proposer une modification de leur contrat de travail, qu'ils avaient refusée, que tous les postes, y compris le sien, ont été supprimés, qu'il n'a jamais été remplacé ; qu'il rappelle que l'article L.1235-10 du code du travail dispose que la procédure de licenciement est nulle tant que le plan de reclassement des salariés prévu et s'intégrant dans le plan de sauvegarde de l'emploi n'est pas présenté par l'employeur aux représentants du personnel qui doivent être réunis, informés et consultés ; qu'il en déduit que la nullité de la procédure de licenciement emporte la nullité du licenciement lui-même ; que, toutefois, l'article L.1233-3 du code du travail précise que, pour que le licenciement repose sur un motif économique, il faut que la suppression de l'emploi et/ou la modification refusée par le salarié d'un élément essentiel du contrat de travail soient consécutives à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ; qu'or, dans le cas d'espèce, les mesures prises par l'employeur n'étaient pas en lien avec des difficultés économiques ou avec des mutations technologiques ; qu'en effet, l'employeur n'est pas utilement combattu quand il soutient avoir voulu revoir sa stratégie de vente à domicile passant par la proposition d'avenants remettant en cause les modalités de commissionnement des vendeurs afin de rétablir un certain nombre de bonnes pratiques et d'éradiquer de « fausses ventes » exposant l'entreprise à des contentieux commerciaux, même s'il ne fait spécialement grief au salarié d'avoir eu recours à de telles pratiques déloyales ; que le moyen n'est pas pertinent ; »
Alors, en premier lieu, que la nullité du licenciement d'un salarié n'est pas limitée au cas où le licenciement est prononcé pour avoir participé à une grève mais s'étend à tout licenciement prononcé à raison d'un fait commis au cours de la grève et qui ne peut être qualifié de faute lourde ; qu'en déboutant le salarié de sa demande de nullité du licenciement, après avoir relevé qu'il avait été licencié notamment pour avoir « déstabilis[é] ses collègues en leur demandant de se mettre en grève », ce dont il résulte que le licenciement avait été prononcé à raison d'un fait en lien avec l'exercice du droit de grève qui ne pouvait être qualifié de faute lourde et était donc entaché de nullité, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a, dès lors, violé l'article L.2511-1 du code du travail ;
Alors, en deuxième lieu et en tout état de cause, que l'application de l'article L.1233-61 du code du travail relatif à l'établissement par l'employeur d'un plan de sauvegarde de l'emploi suppose que le projet de licenciement ait une nature économique, mais nullement que son motif économique soit réel et sérieux ; que la cour d'appel, qui a retenu que les suppressions d'emplois ou/et modifications des contrats de travail refusées par les salariés « n'étaient pas en lien avec des difficultés économiques ou avec des mutations technologiques », a exigé la preuve d'une cause économique réelle et sérieuse de licenciement pour voir appliquer l'article L.1233-61 du code du travail ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas, a violé les articles L.1233-61, L.1235-10, L.1233-1, L.1233-2 et L.1233-3 du code du travail ;
Alors, en troisième lieu et à tout le moins, que l'application de l'article L.1233-61 du code du travail relatif à l'établissement par l'employeur d'un plan de sauvegarde de l'emploi suppose que le projet de licenciement ait une nature économique ; qu'a une nature économique le projet de licenciement dont le motif est étranger à la personne du salarié ; qu'en refusant d'appliquer en l'espèce l'article L.1233-61 du code du travail, après avoir relevé que l'employeur n'était pas utilement combattu quand il expliquait les suppressions de postes et modifications des contrats de travail à l'origine des licenciements par une volonté de « revoir sa stratégie de vente à domicile passant par la proposition d'avenants remettant en cause les modalités de commissionnements des vendeurs afin de rétablir un certain nombre de bonnes pratiques et d'éradiquer de « fausses ventes » exposant l'entreprise à des contentieux commerciaux », ce dont il résulte que les licenciements étaient étrangers à la personne des salariés et avaient donc une nature économique, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a, en conséquence, violé les articles L.1233-61, L.1235-10, L.1233-1, L.1233-2 et L.1233-3 du code du travail ;
Alors, enfin et en tout état de cause, qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher, ainsi qu'elle y était cependant invitée, si les licenciements qui résultaient de suppressions d'emploi et/ou de modifications de contrats de travail refusées par les salariés n'étaient pas étrangers à leur personne et n'avaient pas la nature juridique de licenciements économiques, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1233-61, L.1235-10, L.1233-1, L.1233-2 et L.1233-3 du code du travail.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire par rapport au premier moyen de cassation)
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir limité à la somme de 28.760,40 euros le montant des dommages et intérêts alloué à Monsieur Y... au titre de l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement ;
Aux motifs que : « Sur les demandes de rappel de salaire pour la mise à pied, d'indemnités de rupture et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'outre l'indemnité compensatrice de préavis, les congés payés afférents et l'indemnité de licenciement dont les montants ne sont pas utilement contestés par l'employeur, Monsieur Y... peut obtenir une indemnisation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que, compte tenu de son ancienneté de l'ordre de trois années et sept mois, de la perte de l'emploi avec les conséquences s'y rattachant, la cour allouera à la partie appelante la somme de 28.760,40 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi en application de l'article L.1235-3 du code du travail ; Sur les demandes de dommages et intérêts pour préjudice financier ; que le préjudice financier lié à la perte d'emploi a été pris en compte dans l'évaluation précédemment retenue ; que cette demande ne peut pas prospérer ;
Alors, d'une part, que, dans ses conclusions d'appel (p.18), le salarié soutenait qu'il n'avait rien perçu de la part de Pôle emploi pendant une période de 82 jours suivant son licenciement alors que, s'il avait été licencié pour motif économique, il aurait été indemnisé par l'organisme d'assurance chômage dès le jour de la rupture de son contrat de travail ; qu'en conséquence, il sollicitait que la société NC NUMERICABLE prenne en charge cette perte d'indemnisation ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans répondre à ce chef des conclusions d'appel du salarié, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Alors, d'autre part, que, dans ses conclusions d'appel (p.18), Monsieur Y... soutenait que les salariés licenciés pour motif économique percevaient, durant les douze premiers mois de chômage, une indemnité égale à 80 % du salaire journalier de référence, alors que les salariés licenciés pour un motif autre qu'économique percevaient une indemnité égale à 57,4 % du salaire de référence ; qu'en conséquence, il demandait la condamnation de l'employeur à réparer le préjudice subi au titre de ce différentiel ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans répondre à ce chef des conclusions d'appel du salarié, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire par rapport au premier moyen de cassation)
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur Y... de sa demande en paiement d'une indemnité au titre de l'abattement de 30 % sur son salaire pratiqué par l'employeur au titre des frais professionnels ;
Aux motifs que : « Sur les demandes de rappel de salaire pour la mise à pied, d'indemnités de rupture et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'outre l'indemnité compensatrice de préavis, les congés payés afférents et l'indemnité de licenciement dont les montants ne sont pas utilement contestés par l'employeur, Monsieur Y... peut obtenir une indemnisation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que, compte tenu de son ancienneté de l'ordre de trois années et sept mois, de la perte de l'emploi avec les conséquences s'y rattachant, la cour allouera à la partie appelante la somme de 28.760,40 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi en application de l'article L.1235-3 du code du travail ; Sur les demandes de dommages et intérêts pour préjudice financier ; que le préjudice financier lié à la perte d'emploi a été pris en compte dans l'évaluation précédemment retenue ; que cette demande ne peut pas prospérer ;
Alors qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher, ainsi qu'elle y était cependant invitée, si l'employeur était fondé à pratiquer, comme il l'avait fait, un abattement de 30%, au titre des frais professionnels, sur le salaire de Monsieur Y... servant d'assiette de calcul aux cotisations sociales, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.242-1 alinéa 3 du code de la sécurité sociale et de l'article 9 de l'arrêté du 20 décembre 2002 relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale.
Moyens produits au pourvoi n° V 16-21-564 par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. Z...
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté Monsieur Z... de sa demande tendant à voir prononcer la nullité de son licenciement et de ses demandes subséquentes de réintégration et en paiement de ses salaires depuis son licenciement jusqu'à la date de sa réintégration effective ;
Aux motifs que : «Selon l'article L.2511-1 du code du travail, l'exercice du droit de grève ne peut justifier la rupture du contrat de travail, sauf faute lourde imputable au salarié. Pour toute la durée de la grève, le contrat de travail se trouve donc suspendu. son exercice ne peut donner lieu à aucune mesure discriminatoire [..] tout licenciement prononcé en l'absence de faute lourde est nul de plein droit » ; qu'il ressort des circonstances propres à l'espèce que Monsieur Z... n'a pas participé aux grèves de novembre à décembre 2008, ni à celle du 5 janvier au 20 mars 2009 ; qu'il admet simplement n'avoir pas caché à son employeur qu'il partageait et soutenait les collègues en grève en région parisienne ; que, même si l'employeur évoque, dans la lettre de licenciement, le fait que le salarié « déstabilisait ses collègues en leur demandant de se mettre en grève », force est de relever que celui-ci n'a pas participé à une des grèves déclenchées par des collègues et, par suite, les dispositions légales susvisées n'ont pas vocation à recevoir application ; Sur le moyen tiré de la nullité du licenciement pour absence de plan de sauvegarde de l'emploi, le salarié invoque les dispositions de l'article L.1233-3 du code du travail selon lesquelles « constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression d'emploi ou d'une modification refusée par lui d'un élément essentiel de son contrat de travail » ainsi que celles posées par l'article L.1233-61 du code du travail qui prévoient que les entreprises de 50 salariés envisageant de licencier pour motif économique au moins 10 salariés dans une période de 30 jours doivent établir et mettre en oeuvre un plan de sauvegarde de l'emploi ; que les sociétés NUMERICABLE et NC NUMERICABLE forment une unité économique et sociale dotée d'un comité central d'entreprise, niveau auquel devait s'apprécier l'obligation de mise en place d'un tel plan ; qu'il soutient que ces dispositions avaient vocation à s'appliquer dès lors que tous les salariés s'étaient vus proposer une modification de leur contrat de travail, qu'ils avaient refusée, que tous les postes, y compris le sien, ont été supprimés, qu'il n'a jamais été remplacé ; qu'il rappelle que l'article L.1235-10 du code du travail dispose que la procédure de licenciement est nulle tant que le plan de reclassement des salariés prévu et s'intégrant dans le plan de sauvegarde de l'emploi n'est pas présenté par l'employeur aux représentants du personnel qui doivent être réunis, informés et consultés ; qu'il en déduit que la nullité de la procédure de licenciement emporte la nullité du licenciement lui-même ; que, toutefois, l'article L.1233-3 du code du travail précise que, pour que le licenciement repose sur un motif économique, il faut que la suppression de l'emploi et/ou la modification refusée par le salarié d'un élément essentiel du contrat de travail soient consécutives à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ; qu'or, dans le cas d'espèce, les mesures prises par l'employeur n'étaient pas en lien avec des difficultés économiques ou avec des mutations technologiques ; qu'en effet, l'employeur n'est pas utilement combattu quand il soutient avoir voulu revoir sa stratégie de vente à domicile passant par la proposition d'avenants remettant en cause les modalités de commissionnement des vendeurs afin de rétablir un certain nombre de bonnes pratiques et d'éradiquer de « fausses ventes » exposant l'entreprise à des contentieux commerciaux, même s'il ne fait spécialement grief au salarié d'avoir eu recours à de telles pratiques déloyales ; que le moyen tiré de l'absence de plan de sauvegarde de l'emploi n'est pas pertinent ; »
Alors, en premier lieu, que la nullité du licenciement d'un salarié n'est pas limitée au cas où le licenciement est prononcé pour avoir participé à une grève mais s'étend à tout licenciement prononcé à raison d'un fait commis au cours de la grève et qui ne peut être qualifié de faute lourde ; qu'en déboutant le salarié de sa demande de nullité du licenciement, après avoir relevé qu'il avait été licencié notamment pour avoir « déstabilis[é] ses collègues en leur demandant de se mettre en grève », ce dont il résulte que le licenciement avait été prononcé à raison d'un fait en lien avec l'exercice du droit de grève qui ne pouvait être qualifié de faute lourde et était donc entaché de nullité, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a, dès lors, violé l'article L.2511-1 du code du travail ;
Alors, en deuxième lieu et en tout état de cause, que l'application de l'article L.1233-61 du code du travail relatif à l'établissement par l'employeur d'un plan de sauvegarde de l'emploi suppose que le projet de licenciement ait une nature économique, mais nullement que son motif économique soit réel et sérieux ; que la cour d'appel, qui a retenu que les suppressions d'emplois ou/et modifications des contrats de travail refusées par les salariés « n'étaient pas en lien avec des difficultés économiques ou avec des mutations technologiques », a exigé la preuve d'une cause économique réelle et sérieuse de licenciement pour voir appliquer l'article L.1233-61 du code du travail ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas, a violé les articles L.1233-61, L.1235-10, L.1233-1, L.1233-2 et L.1233-3 du code du travail ;
Alors, en troisième lieu et à tout le moins, que l'application de l'article L.1233-61 du code du travail relatif à l'établissement par l'employeur d'un plan de sauvegarde de l'emploi suppose que le projet de licenciement ait une nature économique ; qu'a une nature économique le projet de licenciement dont le motif est étranger à la personne du salarié ; qu'en refusant d'appliquer l'article L.1233-61 du code du travail, après avoir relevé que l'employeur n'était pas utilement combattu quand il expliquait les suppressions de postes et modifications des contrats de travail à l'origine des licenciements par une volonté de « revoir sa stratégie de vente à domicile passant par la proposition d'avenants remettant en cause les modalités de commissionnements des vendeurs afin de rétablir un certain nombre de bonnes pratiques et d'éradiquer de « fausses ventes » exposant l'entreprise à des contentieux commerciaux », ce dont il résulte que les licenciements étaient étrangers à la personne des salariés et avaient donc une nature économique, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a, en conséquence, violé les articles L.1233-61, L.1235-10, L.1233-1, L.1233-2 et L.1233-3 du code du travail ;
Alors, enfin et en tout état de cause, qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher, ainsi qu'elle y était cependant invitée, si les licenciements qui résultaient de suppressions d'emploi et/ou de modifications de contrats de travail refusées par les salariés n'étaient pas étrangers à leur personne et n'avaient pas la nature juridique de licenciements économiques, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1233-61, L.1235-10, L.1233-1, L.1233-2 et L.1233-3 du code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire par rapport au premier moyen de cassation)
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir limité à la somme de 35.600,16 euros le montant des dommages et intérêts alloué à Monsieur Z... au titre de l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement ;
Aux motifs que : « Sur les demandes de rappel de salaire pour la mise à pied, d'indemnités de rupture et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'outre l'indemnité compensatrice de préavis, les congés payés afférents et l'indemnité de licenciement dont les montants ne sont pas utilement contestés par l'employeur, Monsieur Z... est fondé à obtenir une indemnisation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que, compte tenu de son ancienneté de l'ordre de trois années et neuf mois, de la perte de l'emploi avec les conséquences s'y rattachant, la cour allouera à la partie appelante la somme de 35.600,16 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi en application de l'article L.1235-3 du code du travail ; Sur les demandes de dommages et intérêts pour préjudice financier ; que le préjudice financier lié à la perte d'emploi a été pris en compte dans l'évaluation précédemment retenue ; que cette demande ne peut pas prospérer ;
Alors, d'une part, que, dans ses conclusions d'appel (p.18), le salarié soutenait qu'il n'avait rien perçu de la part de Pôle emploi pendant une période de 82 jours suivant son licenciement alors que, s'il avait été licencié pour motif économique, il aurait été indemnisé par l'organisme d'assurance chômage dès le jour de la rupture de son contrat de travail ; qu'en conséquence, il sollicitait que la société NC NUMERICABLE prenne en charge cette perte d'indemnisation ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans répondre à ce chef des conclusions d'appel du salarié, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Alors, d'autre part, que, dans ses conclusions d'appel (p.19), Monsieur Z... soutenait que les salariés licenciés pour motif économique percevaient, durant les douze premiers mois de chômage, une indemnité égale à 80 % du salaire journalier de référence, alors que les salariés licenciés pour un motif autre qu'économique percevaient une indemnité égale à 57,4 % du salaire de référence ; qu'en conséquence, il demandait la condamnation de l'employeur à réparer le préjudice subi au titre de ce différentiel ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans répondre à ce chef des conclusions d'appel du salarié, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.