Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 4 juillet 2018, 17-15.347, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article R. 663-39 du code de commerce et l'article 716 du code de procédure civile ;

Attendu qu'il résulte de ces textes que le premier président, statuant sur une contestation d'émoluments de mandataires de justice, doit faire convoquer les parties par le greffier quinze jours au moins à l'avance et les entendre contradictoirement ;

Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel, sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 12 juillet 2016, pourvoi n° 15-50.008) que la Société industrielle de reliure et de cartonnage (la société) a été mise en redressement judiciaire le 27 octobre 2009, la société Y... Z... étant nommée administrateur judiciaire (l'administrateur) ; qu'après que la procédure eut été convertie en liquidation judiciaire, le 26 avril 2011, et l'administrateur maintenu dans ses fonctions, le tribunal a arrêté le plan de cession, pour le prix de 50 000 euros, des actifs de la société au profit de Mme C..., celle-ci s'engageant, en outre, à prendre en charge une créance nantie de 50 000 euros ainsi que le montant des congés payés et du treizième mois des salariés repris représentant la somme de 360 000 euros ; qu'à l'issue des opérations de cession, l'administrateur a déposé une requête afin de voir fixer ses honoraires à un montant de 230 000 euros ;

Qu'en rejetant la requête de l'administrateur, alors qu'il ne résulte pas de son ordonnance ou du dossier de la procédure que les parties aient été convoquées au moins quinze jours à l'avance ni qu'il les ait entendues contradictoirement, le premier président a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs ;

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 26 janvier 2017, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Nancy ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ladite ordonnance et, pour être fait droit, les renvoie devant le premier président de la cour d'appel de Besançon ;

Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatre juillet deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour la société Ph. Y... - B. Z...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir infirmé l'ordonnance du 18 décembre 2014 arrêtant à 230.000 euros le montant de la rémunération due à la société Y... & Z... au titre de sa mission d'administrateur judiciaire de la procédure de redressement de la société SIRC et rejeté la requête de la société Y... & Z... ;

1°) ALORS QUE nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée ; que les débats sont publics sauf les cas où la loi exige qu'ils aient lieu en chambre du conseil ; que le premier président de la cour d'appel saisi d'un recours contre l'ordonnance du magistrat délégué ayant fixé la rémunération d'un administrateur judiciaire statue en matière contentieuse ; qu'il ne résulte d'aucune des mentions de l'ordonnance que l'affaire ait été débattue lors d'une audience publique à laquelle les parties auraient été régulièrement convoquées, présentes et/ou représentées, de sorte que l'ordonnance a été rendue en violation des articles 6§1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 14, 16 et 433 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE sous réserve des dispositions particulières à certaines matières, les décisions contentieuses sont prononcées en audience publique ; que le premier président de la cour d'appel saisi d'un recours contre l'ordonnance du magistrat délégué ayant fixé la rémunération d'un administrateur judiciaire statue en matière contentieuse ; qu'il ne résulte d'aucune des mentions de l'ordonnance qu'elle ait été prononcée en audience publique ou mise à disposition au greffe, de sorte que l'ordonnance a été rendue en violation des articles 6§1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 451 du code de procédure civile.

DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir infirmé l'ordonnance du 18 décembre 2014 arrêtant à 230.000 euros le montant de la rémunération due à la société Y... & Z... au titre de sa mission d'administrateur judiciaire de la procédure de redressement de la société SIRC et rejeté la requête de la société Y... & Z... ;

AUX MOTIFS QUE Nous Dominque Lehn, Président de Chambre ; vu l'article R.663-13 du code de commerce ; Vu l'ordonnance de M. le Premier Président du 13 septembre 2016 nous donnant délégation pour arrêter la rémunération des administrateurs judiciaires, la selarl Y... Z..., administrateurs judiciaires, [...] et l'un des établissements secondaires [...] , agissant en qualité d'administrateurs judiciaires au redressement judiciaire de la Société Industrielle de Reliure et de Cartonnage SIRC nommée à cette fonction par jugement du tribunal de commerce de Troyes du 27 octobre 2009 ;

ALORS QUE la rémunération de l'administrateur, lorsqu'elle excède 100.000 euros est arrêtée par un magistrat délégué par le premier président d'une cour d'appel et, sur recours, par le premier président ; qu'en cas de cassation suivie d'un renvoi, l'affaire est jugée par la juridiction, de même nature et de même degré que celle dont la décision a été cassée, désignée par la Cour de cassation ; qu'il résulte des mentions portées sur l'ordonnance attaquée que celle-ci a été rendue par un magistrat délégué par le premier président de la cour d'appel de Nancy, lequel avait été désigné juge de renvoi par l'arrêt de cassation du 12 juillet 2016, de sorte que cette ordonnance a été rendue en violation des articles 626 du code de procédure civile, L.431-4 du code de l'organisation judiciaire et R.663-13 du code de commerce.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir infirmé l'ordonnance du 18 décembre 2014 arrêtant à 230.000 euros le montant de la rémunération due à la société Y... & Z... au titre de sa mission d'administrateur judiciaire de la procédure de redressement de la société SIRC et rejeté la requête de la société Y... & Z... ;

AUX MOTIFS QUE la rémunération de l'administrateur judiciaire est déterminée par application des barèmes prévus aux articles R 663-3 et suivants du code de commerce, des règles particulières étant prévues lorsque calculée en application des barèmes, la rémunération totale de l'administrateur dépasse 100.000 € hors taxes, auquel cas en application de l'article R. 663-13 du code de commerce, le magistrat délégué par le premier président de la cour d'appel arrête « la rémunération en considération des frais engagés et des diligences accomplies par lui et sans qu'il puisse être fait référence au tarif ». En l'espèce, la contestation porte sur le seul droit sur la cession, les diligences tarifées au titre du diagnostic de la procédure, du bilan économique, social et environnemental, des droits sur la poursuite d'activité en période d'observation, et les frais et débours, n'étant pas contestés. En l'espèce, la Selarl Y... Z..., administrateur judiciaire de la Société Industrielle de Reliure et Cartonnage, maintenue dans ses fonctions après la conversion du redressement judiciaire en liquidation judiciaire, avec poursuite d'activité en vue de la recherche d'un repreneur, soutient que le droit sur la cession intervenu par jugement du 14 juin 2011, s'établit à 9.144,40 €, le prix de cession de 50.000 € payé par le repreneur étant augmenté par la prise en charge d'une créance nantie de 50.000 € ainsi que le montant des congés payés et treizième mois des salariés repris pour un montant de 360.000 €, soit un total de 474.440 €, et ce au motif principal que les dispositions de l'article R.663-11 du code de commerce prévoient que la rémunération de l'administrateur judiciaire est calculée sur le montant total du prix de l'ensemble des actifs, qu'il s'ensuit que tous les engagements supplémentaires au prix de cession auquel peut être tenu le cessionnaire sont bien des éléments à prendre en compte. Il ne peut toutefois être valablement soutenu que les charges supplémentaires supportées par le repreneur - créance nantie de 50.000 € et montants des congés payés et 13ème mois des salariés repris pour 360.000 € - constituent des actifs sur la base duquel devait être calculé le droit proportionnel, comme l'a jugé la Cour de cassation, au regard des dispositions claires et précises de l'article R.633-11, selon lesquelles « Il est alloué à l'administrateur judiciaire, en cas d'arrêté d'un plan de cession au cours d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, un droit proportionnel, calculé sur le montant total hors taxe du prix de cession de l'ensemble des actifs compris dans le plan, fixé selon le barème suivant : 1° De 0 à 15.000 euros : 5 % ; 2° De 15.001 à 50.000 euros : 4 % ; 3° De 50.001 à 150.000 euros : 3 % , 4° De 150.001 à 300.000 euros : 1,5 % ; 5° Au-delà de 300.000 euros : 1 % ». Dès lors, le droit sur la cession des actifs de 50.000 € étant de 2.150 €, le montant total des droits de l'administrateur s'établissent à 94.605 €, soit en dessous du plafond de 100.000 €, de sorte qu'il y a lieu d'infirmer l'ordonnance sur requête du 18 décembre 2014, et statuant à nouveau de rejeter la requête de la Selarl Ph. Y... – B. Z... ;

1°) ALORS QU'en se bornant à considérer que les charges supplémentaires supportées par le repreneur ne peuvent constituer des actifs, sans répondre au moyen péremptoire tiré de ce que le montant total du prix de la cession de la société SIRC correspond non seulement au prix de cession, mais également à l'ensemble des charges que le repreneur s'est engagé à assumer, le délégué du premier président de la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE le montant total du prix de la cession de l'ensemble des actifs correspond non seulement au prix de cession, mais également à l'ensemble des charges que le repreneur s'est engagé à assumer ; qu'en considérant que le droit sur la cession des actifs de 50.000 € étant de 2.150 €, le montant total des droits de l'administrateur s'établiraient à 94.605 €, soit en dessous du plafond de 100.000 € quand il était acquis au débat que le montant total du prix de la cession de la société SIRC de 50.000 euros, augmentée d'une créance de 50.000 euros et de congés payés et treizième mois des salariés repris d'un montant total de 360.000 euros correspondait à une somme de 474.440 euros, de sorte que le montant de la rémunération de l'administrateur, calculée selon les tarifs prévus par l'article R.663-11 du code de commerce, dans sa version applicable, excède 100.000 euros, le délégué du premier président de la cour d'appel a violé ce texte, dans sa rédaction applicable. ECLI:FR:CCASS:2018:CO00600
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