Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 27 juin 2018, 16-18.687, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société anonyme Centre d'Informatique Appliquée (la société CIA), associée de la SCI Les Pins (la SCI), a été mise en redressement judiciaire le 16 juin 1993, puis en liquidation judiciaire, la société Y... X... Z..., devenue la société Y..., X... & Z..., prise en la personne de M. X..., en étant désignée mandataire puis liquidateur (le liquidateur) ; que les statuts de la SCI prévoyaient qu'elle ne serait pas dissoute par la déconfiture, la liquidation des biens, le règlement judiciaire ou la faillite personnelle de l'un ou plusieurs de ses associés et que dans ces cas, elle continuerait entre les autres associés, à charge pour eux de rembourser à l'associé exclu, soit par voie de rachat, soit par voie de réduction du capital, au choix des associés demeurés dans la société, le montant des parts d'intérêt qu'il pourrait alors posséder d'après leur valeur au jour de l'ouverture du droit de rachat ; qu'à la demande du liquidateur, ès qualités, une ordonnance de référé du 2 mars 2010 a désigné un mandataire ad hoc en vue de convoquer l'assemblée générale de la SCI en fixant à l'ordre du jour la détermination des modalités de cession des parts sociales détenues par la société CIA ; que le 8 juillet 2011, l'assemblée générale de la SCI a retenu comme date de fixation de la valeur des parts la date du redressement judiciaire de la société CIA et a eu recours à un expert comptable aux fins d'apprécier la valeur des parts ; que ce dernier a estimé que la valeur de la SCI au 31 décembre 1993 était négative et en a conclu que la valeur des parts à cette même date était nulle ; que le 9 mai 2012, l'assemblée générale extraordinaire de la SCI a décidé que la société CIA avait définitivement perdu la qualité d'associé le 5 mars 2012, date de réception par son mandataire du rapport d'expertise, et qu'il n'y avait lieu à aucun remboursement en sa faveur ; que le liquidateur, ès qualités, a assigné la SCI en remboursement des droits sociaux détenus par la société CIA, calculés suivant évaluation actualisée au jour du prononcé de la décision à intervenir, en désignation d'un expert aux fins d'évaluation de la valeur des parts sociales dans le capital de la SCI au jour de cette décision et en fixation de la date à laquelle la société CIA perdrait sa qualité d'associé au jour du paiement de la valeur de ses parts ;

Sur le premier moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le deuxième moyen, pris en ses troisième et cinquième branches :

Vu l'article 1860 du code civil et l'article 189 bis, devenu L. 110-4, du code de commerce ;

Attendu que pour déclarer irrecevable comme prescrite la demande du liquidateur de la société CIA de remboursement de la valeur de ses parts sociales et de fixation de la date de la perte de la qualité d'associé à celle du remboursement de ses droits sociaux, l'arrêt retient que c'est la société CIA qui était titulaire de l'action et que le délai de prescription de dix ans a commencé à courir le 16 juin 1993, date à laquelle elle a eu connaissance du redressement judiciaire lui ouvrant droit au remboursement de ses droits sociaux dans la SCI et lui permettant d'exercer l'action à cette fin, pour expirer le 16 juin 2003, et qu'aucune action n'a été engagée dans ce délai ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la perte de la qualité d'associé ne peut être antérieure au remboursement de la valeur des droits sociaux et qu'il revenait à la SCI de procéder à ce remboursement afin de faire perdre à la société CIA la qualité d'associé et donc de lui adresser une proposition à cette fin, laquelle aurait fait courir le délai de prescription, la cour d'appel, qui n'a pas constaté l'existence d'une telle offre, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 31 mars 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Colmar ;

Condamne la SCI Les Pins aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer la somme de 3 000 euros à la société Y..., X... & Z..., prise en la personne de M. X..., en qualité de liquidateur de la société Centre d'informatique appliquée ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept juin deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt.

Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la société Y... X... Z..., ès qualités.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

L'arrêt attaqué encourt la censure

EN CE QU'il a débouté la SCP Y..., X... & Z... ès qualité de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la société CIA de sa demande relative au maintien de la qualité d'associé jusqu'à remboursement de ses droits sociaux ;

ALORS QUE les jugements doivent être motivés ; qu'en déboutant la SCP Y...X...Z... de sa demande relative à la qualité d'associé de la société CIA sans fournir de motif, les juges du fond ont violé l'article 455 du code de procédure civile.

DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

L'arrêt attaqué encourt la censure

EN CE QU'il a débouté maître X... ès qualité de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la société CIA de sa demande relative au maintien de la qualité d'associé jusqu'à remboursement de ses droits sociaux ;

AUX MOTIFS QUE « sur la prescription, selon l'article 189 bis de l'ancien code de commerce, créé par la loi du 3 janvier 1977, devenu l'article L 110-4 i du code de commerce à compter du 21 septembre 2000, les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par dix ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes, ce délai n'ayant été réduit à cinq ans que par la loi du 17 juin 2008 ; que la prescription commerciale s'applique aux actes mixtes, sans qu'il y ait lieu de distinguer selon que la partie commerçante est créancière ou débitrice dès lors que le rapport de droit est né à l'occasion du commerce d'une des parties ; qu'en l'espèce, la SA centre d'informatique appliquée est une société commerciale par la forme et il n'est pas contesté que l'obligation qui est en cause est née à l'occasion de son commerce ; que l'article 1860 du code civil portant sur la société civile dispose qu'en cas de déconfiture, faillite personnelle, liquidation de biens ou règlement judiciaire [redressement ou liquidation judiciaires] atteignant l'un des associés, à moins que les autres unanimes ne décident de dissoudre la société par anticipation ou que cette dissolution ne soit prévue par les statuts, il est procédé, dans les conditions énoncées à l'article 1843-4, au remboursement des droits sociaux de l'intéressé, lequel perdra alors la qualité d'associé ; qu'en l'espèce, les statuts de la SCI les pins ne prévoient pas de dissolution en cas de procédure collective affectant l'un des associés mais un remboursement de ses parts à l'associé concerné ; qu'en outre, il est constant qu'à la suite de l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la SA centre d'informatique appliquée, les autres associés n'ont pas décidé de dissoudre la SCI ; que s'il est vrai qu'en vertu d'une interprétation littérale de l'article 1860 précité, la perte de qualité d'associé ne saurait être préalable au remboursement des droits sociaux, ce droit au remboursement naît cependant, en application de cette même disposition et à défaut de dissolution prévue par les statuts ou décidée par les autres associés, de l'ouverture de la procédure collective ; que la seule circonstance que ledit remboursement conditionne la perte de qualité d'associé ne saurait avoir pour effet de rendre imprescriptible ce droit, aucune disposition ne faisant échapper le droit litigieux aux règles de la prescription extinctives ; qu'en l'occurrence, le redressement judiciaire de la SA centre d'informatique appliquée a été prononcé par jugement contradictoire du 16 juin 1993 ; qu'ainsi à cette date, la SA centre d'informatique appliquée a eu connaissance du redressement judiciaire lui ouvrant droit au remboursement de ses droits sociaux dans la SCI les pins et lui permettant d'exercer l'action à cette fin, étant souligné que l'absence de proposition de remboursement par la SCI les pins ne saurait avoir empêché la prescription de courir dès lors que la SA centre d'informatique appliquée a connu ou aurait dû connaitre son droit et était en mesure d'agir en remboursement dès le prononcé du redressement judiciaire, indépendamment de l'attitude de la SCI les pins ; que le moyen selon lequel la créance en terme de droits sociaux serait successive est également inopérant ; qu'en effet, la créance de remboursement des droits sociaux naît d'un seul fait, à savoir de l'ouverture de la procédure collective ; que la circonstance que la valeur des droits sociaux de l'associé doive être déterminée à la date la plus proche de celle du remboursement de ses droits en l'absence de disposition statutaires, ce qui n'est au demeurant pas le cas en l'espèce puisque les statuts prévoient précisément un remboursement d'après la valeur des parts au jour de l'ouverture du droit au rachat, n'a pas pour effet de rendre la créance successive ; que l'invocation du principe nemo auditur turpitudinem allegans n'apparaît pas non plus pertinente ; qu'en vertu de ce principe, l'auteur d'une faute ne peut invoquer sa propre faute pour en tirer un avantage ; qu'en l'espèce, la faute alléguée est celle de Guy A... qui aurait mis obstacle à l'action aux fins de remboursement des droits sociaux, ce qui le priverait, en sa qualité de gérant de la SCI, de la possibilité d'arguer de la prescription ; qu'outre que l'appelante ne démontre, ni même ne précise en quoi Guy A... aurait fait obstacle au remboursement des droits sociaux durant les années ayant immédiatement suivi l'ouverture du redressement judiciaire de la SA centre d'informatique appliquée, force est de constater que la personne qui invoque la prescription n'est pas Guy A... mais la SCI les pins, personne morale distincte de Guy A.. même s'il en est le gérant ; qu'enfin, le moyen tenant au fait que la SCP Y...X...Z... prise en la personne de maître Gérard X... n'aurait pu agir à l'époque du redressement judiciaire, ce en raison de l'absence de dessaisissement du dirigeant de la SA centre d'informatique appliquée, doit aussi être écarté ; qu'en effet, le titulaire de l'action était la SA centre d'informatique appliquée ; que dès lors, ainsi que le fait valoir l'intimée, la prescription a couru non à l'encontre de la SCP Y...X...Z... mais à l'encontre de la SA centre d'informatique appliquée tant qu'elle était en redressement judiciaire puis envers la SCP Y...X...Z... ès qualités à compter de la mise en liquidation judiciaire de la SA, étant souligné que l'impossibilité d'agir ne s'applique pas lorsque le titulaire de l'action disposait encore, au moment où l'empêchement a pris fin, du temps nécessaire pour agir avant l'expiration du délai de prescription ; qu'il convient de constater en l'espèce qu'alors que la SCP Y...X...Z... ès qualités reconnaît elle-même qu'elle a pu agir à tout le moins à compter du 22 octobre 2002, date de l'arrêt ayant confirmé la liquidation judiciaire et sa désignation en qualité de mandataire judiciaire à la liquidation, il restait alors un temps utile pour agir avant l'expiration du délai de prescription, le 16 juin 2003 ; qu'il s'évince de l'ensemble de ces éléments que le droit au remboursement des droits sociaux détenus par la SA centre d'informatique appliquée dans la SCI les pins était soumis au délai de prescription de dix ans prévu à l'article 189 bis du code de commerce devenu l'article L 110-4 I du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008, que ce délai de prescription a commencé à courir le 16 juin 1993 pour expirer le 16 juin 2003 et qu'aucune action n'ayant été engagée dans ce délai, la prescription est acquise ; que le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a retenu que les demandes de la SCP Y...X...Z... prise en la personne de maître Gérard X... ès qualités relatives au remboursement des droits sociaux de la SA centre d'informatique appliquée dans la SCI les pins sont prescrites ; que la prescription est une fin de non-recevoir selon l'article 122 du code de procédure civile ; qu'en conséquence, il convient d'infirmer le jugement en ce qu'il a débouté la SCP Y...X...Z... ès qualités de ces demandes et de déclarer lesdites demandes irrecevables » (arrêt, pp. 7 à 9) ;

AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS QUE « l'article 1860 du code civil énonce que "s'il y a déconfiture, faillite personnelle, liquidation de biens ou règlement judiciaire atteignant l'un des associés, à moins que les autres unanimes ne décident de dissoudre la société par anticipation ou que cette dissolution ne soit pas prévue par les statuts, il est procédé, dans les conditions énoncées à l'article 1843-4, au remboursement des droits sociaux de l'intéressé, lequel perdra alors la qualité d'associé" ; que selon la jurisprudence de la Cour de cassation (Cass. Com., 10 juillet 2007, n° 06-11680) : "le redressement judiciaire de l'associé d'une société civile entraîne le remboursement de ses droits sociaux et la perte de sa qualité d'associé" ; qu'en l'espèce, le plan de redressement de la société date du 2 février 1994 ; que l'article 12 alinéa 3 des statuts de la SCI énonce que : "Dans les autres cas mentionnés à l'alinéa 1, la société continuera entre les autres associés, à charge pour eux de rembourser l'associé exclu, soit par voie de rachat dans les conditions de l'article 11-II, soit par voie de réduction de capital, au choix des associés demeurés dans la société, le montant des parts d'intérêt qu'il pourrait alors posséder d'après leur valeur au jour d'ouverture du droit de rachat déterminée dans les conditions prévues à l'article 11-IV des statuts. Le montant du remboursement sera payable dans les douze mois du rapport de l'expert chargé de le déterminer, et productif d'intérêts au taux d'escompte de la banque de France, à compter de l'événement ayant donné lieu au rachat" ; que l'homologation du plan de continuation, dans le cadre du redressement judiciaire, a été arrêté suivant jugement de la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Metz, le 9 février 1994 ; que ce n'est qu'en 2007 que le mandataire judiciaire a sollicité, par lettre recommandée avec accusé de réception, adressée à la SCI le 7 juin de cette même année, la communication du bilan établi au titre de l'exercice 2006 et la tenue d'une prochaine assemblée générale des associés aux fins de débattre du devenir de la SCI et de l'éventuelle cession des parts détenues par la société ; que l'article L 110-4 alinéa 1 du code de commerce, ancienne version, disposait en 2004 que : "I.- Les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par dix ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes" ; que dès lors le défendeur est fondé à soutenir que l'action du demandeur au principal est, en l'état, prescrite car n'ayant pas été exercée dans les dix ans qui ont suivi l'homologation du redressement judiciaire ; que les demandes de la SCP sont ainsi irrecevables car formulées après la prescription extinctive ; que dès lors, la SCP sera déboutée de l'intégralité de ses demandes » (jugement, p. 5) ;

ALORS QUE, premièrement, le juge qui décide que la demande dont il est saisi est irrecevable comme prescrite excède ses pouvoirs en statuant au fond ; que les juges du fond qui ont débouté maître X... au fond après avoir déclaré l'action prescrite ont excédé leurs pouvoirs au regard de l'article 122 du code de procédure civile ;

ALORS QUE, deuxièmement, le droit de propriété est imprescriptible ; qu'en opposant une fin de non-recevoir tirée de la prescription à une demande tendant à ce que sa qualité d'associé et donc sa qualité de propriétaire des parts sociales soit reconnue, les juges du fond ont violé l'article 2227 du code civil ;

ALORS QUE, troisièmement, la perte de la qualité d'associé ne peut être antérieure au remboursement de la valeur des droits sociaux ; qu'en rejetant la demande tendant à ce que la qualité d'associé de la société CIA soit reconnue, alors qu'aucun remboursement n'était intervenu, les juges du fond ont violé l'article 1860 du code civil ;

ALORS QUE, quatrièmement, seules les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants et non-commerçants s'éteignent par l'effet de la prescription commerciale ; qu'en décidant que la prescription commerciale était applicable sans s'expliquer sur la condition relative à l'activité commerciale de la société CIA, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 189 bis du code de commerce devenu article L 110-4 du même code dans sa rédaction applicable ;

ALORS QUE, cinquièmement, s'agissant du remboursement des parts sociales, le délai de prescription commerciale – à le supposer applicable à l'action en remboursement des parts sociales – ne peut courir qu'à compter de la perte de la qualité d'associé, qu'elle soit constatée par accord entre la société et l'associé ou bien qu'elle résulte d'un fait illicite ; qu'en fixant le point de départ du délai de prescription à la date du jugement d'ouverture de la procédure collective et non à la date de la perte de la qualité d'associé, les juges du fond ont violé l'article 189 bis devenu article L 110-4 du code de commerce dans sa rédaction applicable.

TROISIÈME MOYEN DE CASSATION

L'arrêt attaqué encourt la censure

EN CE QU'il a déclaré la SCP Y..., X... & Z... ès qualités irrecevable en sa demande de remboursement des parts sociales détenues par la société CIA dans la SCI les pins ;

AUX MOTIFS QUE « sur la prescription, selon l'article 189 bis de l'ancien code de commerce, créé par la loi du 3 janvier 1977, devenu l'article L 110-4 i du code de commerce à compter du 21 septembre 2000, les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par dix ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes, ce délai n'ayant été réduit à cinq ans que par la loi du 17 juin 2008 ; que la prescription commerciale s'applique aux actes mixtes, sans qu'il y ait lieu de distinguer selon que la partie commerçante est créancière ou débitrice dès lors que le rapport de droit est né à l'occasion du commerce d'une des parties ; qu'en l'espèce, la SA centre d'informatique appliquée est une société commerciale par la forme et il n'est pas contesté que l'obligation qui est en cause est née à l'occasion de son commerce ; que l'article 1860 du code civil portant sur la société civile dispose qu'en cas de déconfiture, faillite personnelle, liquidation de biens ou règlement judiciaire [redressement ou liquidation judiciaires] atteignant l'un des associés, à moins que les autres unanimes ne décident de dissoudre la société par anticipation ou que cette dissolution ne soit prévue par les statuts, il est procédé, dans les conditions énoncées à l'article 1843-4, au remboursement des droits sociaux de l'intéressé, lequel perdra alors la qualité d'associé ; qu'en l'espèce, les statuts de la SCI les pins ne prévoient pas de dissolution en cas de procédure collective affectant l'un des associés mais un remboursement de ses parts à l'associé concerné ; qu'en outre, il est constant qu'à la suite de l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la SA centre d'informatique appliquée, les autres associés n'ont pas décidé de dissoudre la SCI ; que s'il est vrai qu'en vertu d'une interprétation littérale de l'article 1860 précité, la perte de qualité d'associé ne saurait être préalable au remboursement des droits sociaux, ce droit au remboursement naît cependant, en application de cette même disposition et à défaut de dissolution prévue par les statuts ou décidée par les autres associés, de l'ouverture de la procédure collective ; que la seule circonstance que ledit remboursement conditionne la perte de qualité d'associé ne saurait avoir pour effet de rendre imprescriptible ce droit, aucune disposition ne faisant échapper le droit litigieux aux règles de la prescription extinctives ; qu'en l'occurrence, le redressement judiciaire de la SA centre d'informatique appliquée a été prononcé par jugement contradictoire du 16 juin 1993 ; qu'ainsi à cette date, la SA centre d'informatique appliquée a eu connaissance du redressement judiciaire lui ouvrant droit au remboursement de ses droits sociaux dans la SCI les pins et lui permettant d'exercer l'action à cette fin, étant souligné que l'absence de proposition de remboursement par la SCI les pins ne saurait avoir empêché la prescription de courir dès lors que la SA centre d'informatique appliquée a connu ou aurait dû connaitre son droit et était en mesure d'agir en remboursement dès le prononcé du redressement judiciaire, indépendamment de l'attitude de la SCI les pins ; que le moyen selon lequel la créance en terme de droits sociaux serait successive est également inopérant ; qu'en effet, la créance de remboursement des droits sociaux naît d'un seul fait, à savoir de l'ouverture de la procédure collective ; que la circonstance que la valeur des droits sociaux de l'associé doive être déterminée à la date la plus proche de celle du remboursement de ses droits en l'absence de disposition statutaires, ce qui n'est au demeurant pas le cas en l'espèce puisque les statuts prévoient précisément un remboursement d'après la valeur des parts au jour de l'ouverture du droit au rachat, n'a pas pour effet de rendre la créance successive ; que l'invocation du principe nemo auditur turpitudinem allegans n'apparaît pas non plus pertinente ; qu'en vertu de ce principe, l'auteur d'une faute ne peut invoquer sa propre faute pour en tirer un avantage ; qu'en l'espèce, la faute alléguée est celle de Guy A... qui aurait mis obstacle à l'action aux fins de remboursement des droits sociaux, ce qui le priverait, en sa qualité de gérant de la SCI, de la possibilité d'arguer de la prescription ; qu'outre que l'appelante ne démontre, ni même ne précise en quoi Guy A... aurait fait obstacle au remboursement des droits sociaux durant les années ayant immédiatement suivi l'ouverture du redressement judiciaire de la SA centre d'informatique appliquée, force est de constater que la personne qui invoque la prescription n'est pas Guy A... mais la SCI les pins, personne morale distincte de Guy A... même s'il en est le gérant ; qu'enfin, le moyen tenant au fait que la SCP Y...X...Z... prise en la personne de maître Gérard X... n'aurait pu agir à l'époque du redressement judiciaire, ce en raison de l'absence de dessaisissement du dirigeant de la SA centre d'informatique appliquée, doit aussi être écarté ; qu'en effet, le titulaire de l'action était la SA centre d'informatique appliquée ; que dès lors, ainsi que le fait valoir l'intimée, la prescription a couru non à l'encontre de la SCP Y...X...Z... mais à l'encontre de la SA centre d'informatique appliquée tant qu'elle était en redressement judiciaire puis envers la SCP Y...X...Z... ès qualités à compter de la mise en liquidation judiciaire de la SA, étant souligné que l'impossibilité d'agir ne s'applique pas lorsque le titulaire de l'action disposait encore, au moment où l'empêchement a pris fin, du temps nécessaire pour agir avant l'expiration du délai de prescription ; qu'il convient de constater en l'espèce qu'alors que la SCP Y...X...Z... ès qualités reconnaît elle-même qu'elle a pu agir à tout le moins à compter du 22 octobre 2002, date de l'arrêt ayant confirmé la liquidation judiciaire et sa désignation en qualité de mandataire judiciaire à la liquidation, il restait alors un temps utile pour agir avant l'expiration du délai de prescription, le 16 juin 2003 ; qu'il s'évince de l'ensemble de ces éléments que le droit au remboursement des droits sociaux détenus par la SA centre d'informatique appliquée dans la SCI les pins était soumis au délai de prescription de dix ans prévu à l'article 189 bis du code de commerce devenu l'article L 110-4 I du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008, que ce délai de prescription a commencé à courir le 16 juin 1993 pour expirer le 16 juin 2003 et qu'aucune action n'ayant été engagée dans ce délai, la prescription est acquise ; que le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a retenu que les demandes de la SCP Y...X...Z... prise en la personne de maître Gérard X... ès qualités relatives au remboursement des droits sociaux de la SA centre d'informatique appliquée dans la SCI les pins sont prescrites ; que la prescription est une fin de non-recevoir selon l'article 122 du code de procédure civile ; qu'en conséquence, il convient d'infirmer le jugement en ce qu'il a débouté la SCP Y...X...Z... ès qualités de ces demandes et de déclarer lesdites demandes irrecevables » (arrêt, pp. 7 à 9) ;

AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS QUE « l'article 1860 du code civil énonce que "s'il y a déconfiture, faillite personnelle, liquidation de biens ou règlement judiciaire atteignant l'un des associés, à moins que les autres unanimes ne décident de dissoudre la société par anticipation ou que cette dissolution ne soit pas prévue par les statuts, il est procédé, dans les conditions énoncées à l'article 1843-4, au remboursement des droits sociaux de l'intéressé, lequel perdra alors la qualité d'associé" ; que selon la jurisprudence de la Cour de cassation (Cass. Com., 10 juillet 2007, n° 06-11680) : "le redressement judiciaire de l'associé d'une société civile entraîne le remboursement de ses droits sociaux et la perte de sa qualité d'associé" ; qu'en l'espèce, le plan de redressement de la société date du 2 février 1994 ; que l'article 12 alinéa 3 des statuts de la SCI énonce que : "Dans les autres cas mentionnés à l'alinéa 1, la société continuera entre les autres associés, à charge pour eux de rembourser l'associé exclu, soit par voie de rachat dans les conditions de l'article 11-II, soit par voie de réduction de capital, au choix des associés demeurés dans la société, le montant des parts d'intérêt qu'il pourrait alors posséder d'après leur valeur au jour d'ouverture du droit de rachat déterminée dans les conditions prévues à l'article 11-IV des statuts. Le montant du remboursement sera payable dans les douze mois du rapport de l'expert chargé de le déterminer, et productif d'intérêts au taux d'escompte de la banque de France, à compter de l'événement ayant donné lieu au rachat" ; que l'homologation du plan de continuation, dans le cadre du redressement judiciaire, a été arrêté suivant jugement de la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Metz, le 9 février 1994 ; que ce n'est qu'en 2007 que le mandataire judiciaire a sollicité, par lettre recommandée avec accusé de réception, adressée à la SCI le 7 juin de cette même année, la communication du bilan établi au titre de l'exercice 2006 et la tenue d'une prochaine assemblée générale des associés aux fins de débattre du devenir de la SCI et de l'éventuelle cession des parts détenues par la société ; que l'article L 110-4 alinéa 1 du code de commerce, ancienne version, disposait en 2004 que : "I.- Les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par dix ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes" ; que dès lors le défendeur est fondé à soutenir que l'action du demandeur au principal est, en l'état, prescrite car n'ayant pas été exercée dans les dix ans qui ont suivi l'homologation du redressement judiciaire ; que les demandes de la SCP sont ainsi irrecevables car formulées après la prescription extinctive ; que dès lors, la SCP sera déboutée de l'intégralité de ses demandes » (jugement, p. 5) ;

ALORS QUE, premièrement, la cassation à intervenir sur le premier ou sur le second moyen entraînera l'annulation par voie de conséquence du chef de l'arrêt déclarant la SCP Y..., X... & Z... ès qualités irrecevable en sa demande de remboursement des parts sociales de la société CIA, en application de l'article 624 du code de procédure civile ;

ALORS QUE, deuxièmement, seules les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants et non-commerçants s'éteignent par l'effet de la prescription commerciale ; qu'en décidant que la prescription commerciale était applicable sans s'expliquer sur la condition relative à l'activité commerciale de la société CIA, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 189 bis du code de commerce devenu article L 110-4 du même code dans sa rédaction applicable ;

ALORS QUE, troisièmement, le délai de prescription commerciale – à le supposer applicable à l'action en remboursement des parts sociales – ne peut courir qu'à compter de la perte de la qualité d'associé, qu'elle soit constatée par accord entre la société et l'associé ou bien qu'elle résulte d'un fait illicite ; qu'en fixant le point de départ du délai de prescription à la date du jugement d'ouverture de la procédure collective et non à la date de la perte de la qualité d'associé, les juges du fond ont violé l'article 189 bis devenu article L 110-4 du code de commerce dans sa rédaction applicable. ECLI:FR:CCASS:2018:CO00655
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