Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 27 juin 2018, 17-20.285, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le premier moyen :

Vu l'article R. 3211-30 du code de la santé publique ;

Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel, et les pièces de la procédure, que, le 6 septembre 2016, Mme X... a été admise en soins psychiatriques sans consentement sur décision du représentant de l'Etat dans le département en application de l'article L. 3213-1 du code de la santé publique ; que, par ordonnance du 16 septembre 2016, le juge des libertés et de la détention, saisi par le préfet, a ordonné le maintien de cette mesure d'hospitalisation complète ; que, par lettre reçue au greffe le 20 octobre, l'intéressée a sollicité la mainlevée de cette mesure ;

Attendu que, pour rejeter la demande, l'ordonnance retient que, bien que la décision ait été rendue le 4 novembre 2016, le délai de douze jours à compter de l'enregistrement de la requête a été respecté, dès lors que, par décision du 28 octobre, le juge des libertés et de la détention a accepté le report de l'audience pour permettre à Mme X... de bénéficier de l'assistance de son avocat, indisponible ce jour-là ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la décision de renvoi ne dispensait pas le juge des libertés et de la détention de statuer sur la demande de mainlevée dans le délai de douze jours qui lui était imparti, le premier président a violé le texte susvisé ;

Et vu les articles L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire et 1015 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 17 novembre 2016, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept juin deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour Mme X....

PREMIER MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'ordonnance attaquée d'avoir confirmé l'ordonnance déférée et jugé que le délai de douze jours imparti au juge des libertés et de la détention pour statuer sur la demande de mainlevée de la mesure d'hospitalisation sans consentement prise à l'encontre de Mme X... a été respecté ;

AUX MOTIFS QUE « Mme Joëlle X... soutient que le juge des libertés et de la détention du tribunal de Grande instance de Créteil n'a pas statué dans le délai de 12 jours prescrit par le code de la santé publique et que le non-respect de ce délai entraîne nécessairement la main levée de la mesure ; qu'il résulte de la procédure que le juge des libertés de la détention a été saisi d'une requête de Mme Joëlle X... portant la date 14 octobre 2016, mais qui n'a été reçue que le 20 octobre 2016 ; qu'une audience s'est tenue le 28 octobre 2016 soit moins de 12 jours après la réception de la requête, date à laquelle Mme X... a sollicité le report de cette audience ; que le juge des libertés et la détention a statué dans le délai de 12 jours à compter de l'enregistrement de la requête, puisque par ordonnance du 28 octobre 2016, il a fait droit à la demande de report de l'audience sollicitée pat Mme Joëlle X... au motif qu'elle souhaitait que son avocat Me Tanguy A... puisse l'assister dans cette procédure ; il s'ensuit que le délai de 12 jours prévu à l'article L. 3211-12-1 a été respecté et qu'il n'y a donc pas lieu de faire droit à la demande de mainlevée de la procédure pour non-respect du délai » ;

1°/ ALORS QUE l'ordonnance du juge des libertés et de la détention, statuant sur une demande de mainlevée d'une mesure d'hospitalisation sans consentement est rendue dans un délai de douze jours à compter de l'enregistrement de la requête au greffe si aucune expertise n'est ordonnée ; que le délai légal dont dispose le juge des libertés et de la détention pour rendre sa décision est prévu à peine de mainlevée de la mesure d'hospitalisation ; que les articles L. 3211-12, L. 3211-12-1 et R. 3211-30 du code de la santé publique, qui concernent les demandes de mainlevée d'une mesure d'hospitalisation sans consentement, ne prévoient aucune faculté de prolonger le délai de douze jours qu'ils fixent et dans lequel le juge doit se prononcer sur cette demande ; que notamment, le délai de douze jours imparti au juge des libertés et de la détention pour statuer sur la demande de mainlevée de la mesure, n'est pas prolongé lorsque ce juge ordonne le renvoi de l'examen du dossier à une audience ultérieure ; qu'en se bornant à affirmer que le délai de douze jours n'avait pas été méconnu, alors que le juge des libertés et de la détention aurait dû statuer le 31 octobre 2016 au plus tard et ne pouvait différer sa décision au 4 novembre, et en n'ordonnant pas la mainlevée immédiate de la mesure d'hospitalisation prise à l'encontre de Mme X..., le magistrat délégataire du premier président de la cour d'appel a méconnu les articles L. 3211-12, L. 3211-12-1 et R. 3211-30 du code de la santé publique et 5§4 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

2°/ ALORS QU'en matière de privation de liberté, le droit à un recours juridictionnel effectif impose que le juge judiciaire soit tenu de statuer dans les plus brefs délais ; qu'il appartient aux autorités judiciaires, sous le contrôle de la Cour de cassation, de veiller au respect de cette exigence ; que l'article R.3211-30 du Code de la santé publique impose que l'ordonnance du juge des libertés et de la détention, statuant sur une demande de mainlevée d'une mesure d'hospitalisation sans consentement soit rendue dans un délai de douze jours à compter de l'enregistrement de la requête au greffe ; que le dépassement de ce délai est sanctionné par la mainlevée de la mesure ; qu'il ressort des constatations de l'ordonnance attaquée que la demande de mise en liberté a été enregistrée au greffe du tribunal de grande instance de Créteil le 20 octobre 2016 ; que par un avis du 28 octobre 2016, le juge des libertés et de la détention s'est contenté d'ordonner le renvoi de l'examen du dossier à l'audience du 4 novembre, sans statuer, fût-ce provisoirement, sur la demande dont il était saisi ; que le juge des libertés n'a statué sur la demande de Mme X... que le 4 novembre, après expiration du délai qui lui était imparti ; qu'en déclarant néanmoins que le délai de douze jours avait été respecté et en ne faisant pas droit à la demande de mainlevée de la mesure pour non-respect du délai, le magistrat délégataire du premier président de la cour d'appel a violé les articles L. 3211-12, L. 3211-12-1 et R. 3211-30 du code de la santé publique et 5§4 de la Convention européenne des droits de l'homme.

SECOND MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'ordonnance confirmative attaquée d'avoir rejeté la demande de Mme Joëlle X... tendant à voir ordonner la mainlevée de la mesure d'hospitalisation sans consentement prise à son encontre ;

AUX MOTIFS QU' « il résulte des pièces médicales figurant au dossier, que Mme Joëlle X... souffre d'un syndrome délirant de persécution, qu'à son admission il existait un risque important de suicide avec un déni des troubles et un refus de soins, que si des améliorations ont été notées les troubles persistent ; que le certificat médical de situation du 10 novembre 2016 rappelle qu'il s'agit d'une patiente qui souffre toujours de troubles avec une absence de critique des idées délirantes et des troubles du comportement ; qu'il est conclu à la nécessité de la poursuite de la mesure d'hospitalisation complète car à défaut une rupture thérapeutique prématurée serait à craindre ; qu'eu égard à l'ensemble des éléments médicaux figurant à la procédure il apparaît que Mme Joëlle X... présente des troubles importants du comportement, ces éléments justifiant la poursuite de cette mesure d'hospitalisation complète sous contrainte, il convient de confirmer l'ordonnance querellée » ;

ALORS QU'une mesure d'hospitalisation sans consentement ne peut être maintenue que si, au jour où le juge statue, les troubles mentaux de la personne qui en fait l'objet nécessitent des soins psychiatriques et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte de façon grave à l'ordre public ; qu'en l'espèce, Mme X... sollicitait la mainlevée de la mesure d'hospitalisation d'office prise à son encontre en faisant valoir que le maintien de celle-ci ne se justifiait plus au regard des derniers certificats médicaux versés aux débats qui ne faisaient plus état d'une quelconque dangerosité ; que l'ordonnance attaquée se borne cependant, pour rejeter cette demande, à énoncer qu'il y a lieu de maintenir la mesure « car à défaut une rupture thérapeutique prématurée serait à craindre » ; qu'en se déterminant ainsi sans caractériser précisément, comme il y était invité, le danger que pourrait représenter Mme X..., le magistrat délégué par le premier président de la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3211-12 du code de la santé publique. ECLI:FR:CCASS:2018:C100663
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